La Tribune N°410 du 28
juillet 2008 :
«L’un des échecs de la transition aura été
l’incapacité à normaliser le jeu politique, à le rendre plus lisible et plus
cohérent. Nous en sommes sortis encore plus émiettés, plus inquiets et plus sectaires.
Le rêve de changement qui aurait dû être le ciment de l’unité, a été perturbé
par la volonté de statu quo. Le retour des déportés et le règlement des passifs
humanitaires (récent et ancien), ont été noyés dans l’approche politicienne. La
normalisation des rapports entre le pouvoir et l’opposition a échoué (…).
Plus le temps avance, plus l’espace
de manœuvre se rétrécit devant le Président de la République. Plus la marge de
manœuvre diminue, plus les solutions deviennent plus douloureuses et plus chères.
Avant son discours de fin juin, toutes les portes étaient ouvertes :
laisser la bataille se dérouler entre les députés et le chef de leur parti
devenu Premier ministre ; faire plier les députés par une action en
profondeur ; appeler tous les acteurs politiques à prendre leurs
responsabilités ; se placer dans la position de la légitimité menacée…
Avec le discours, le Président est devenu la première menace pour les
institutions démocratiques. Après le discours, des actes forts étaient attendus
parce qu’on avait compris qu’il avait choisi la confrontation. Recul le
lendemain. Démission du gouvernement. Même à ce stade beaucoup de choses
étaient possibles : nommer l’une des grosses pointures du gouvernement au
Cabinet, balayer l’entourage et faire appel à un Premier ministre de consensus.
Non ! le Président choisira la rebelote : c’est à Yahya Ould Ahmed Waghf qui n’a pas su
préserver l’unité du parti, ni défendre ses choix, ni jouer l’interface avec
les différents pans du pouvoir, c’est à lui que revient la mission de composer
un gouvernement.
En voulant préserver un minimum, le
Président a mis en danger son mandat. Il a montré une absence totale de
détermination tout en se livrant à un exercice tactique de ‘courte échelle’.
Plus grave pour lui, il a dû monter au créneau en l’absence d’avocats de la
défense. Il est désormais dans l’arène. Il joue à se faire mal en nommant ici
les ennemis des frondeurs, là ses amis les plus décriés. Il provoque sans en
évaluer les conséquences.
Jusque-là
il a joué son pouvoir et son autorité. Tout indique qu’il les a perdus, sinon
qu’il est en train de les perdre. Il ne faut pas qu’on en arrive au point où le
Président n’aura plus à jouer que l’existence du pays. C’est quand on n’a pas
compris que la Mauritanie a besoin de paix et d’écoute qu’on perd le pouvoir.
(…)»
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