Il
ne se passe pas un jour, sans manifestation revendicative. Entre ceux qui
amplifient le phénomène en espérant qu’il soit le début d’un «printemps mauritanien» et ceux qui n’y
prêtent aucun intérêt cherchant à croire qu’il s’agit d’un effet de mode, il y
a un couloir à explorer : celui d’une prise de conscience (plus ou moins)
générale de la nécessité de se prendre en charge et de passer outre les
intermédiations qui permettaient à certains de faire de la politique une source
de revenus et aux gouvernants de s’assurer les soutiens à moindres frais.
Quand
les habitants de R’Kiz organisent plusieurs sit-in en portant des bougies
allumées pour exiger que leur département soit mieux loti en offre énergétique,
c’est une «révolution», au moins une «évolution notoire». Ils n’ont pas
attendu que les intermédiaires traditionnels – chefs religieux, vieux lascars
politiques, élus vagabonds, hommes d’affaires introduits…-, que ceux-là partent
marchander la résignation qui a toujours caractérisé la région. Ce ne sont pas
non plus ceux-là qui vont aller «couvrir»
la colère (apaisée, du reste) des populations parce qu’ils n’ont pas «de figure pour leur faire face», l’expression
hassaniya pour dire que la honte d’être empêche d’aller aux devants de
certaines situations.
R’Kiz
est un vieux département qui a toutes les raisons d’accéder à la modernité
depuis longtemps. Grâce à son potentiel, ce département aurait pu devenir le
grenier du pays. De là, on aurait imaginé un développement intégré et surtout
durable sur lequel aurait pu se greffer l’économie de tout le Trarza central. Mais
les mauvais choix publics, l’indifférence des administrations, le manque de
vision globale et de volonté publique, mais aussi la duplicité de l’élite qui a
accompagné le laisser-aller général, qui l’a encouragé, l’a soutenu… tout cela
a fait que le R’Kiz d’aujourd’hui est ce qu’il est : un patelin comme un
autre. Comme s’il n’y avait pas là des milliers d’hectares cultivables, comme s’il
n’y avait pas là l’eau nécessaire à favoriser une révolution verte, comme si
des milliards n’ont pas été investis ici pour justement développer le lac de R’Kiz,
l’agriculture de R’Kiz, l’élevage de R’Kiz… Des milliards dont il faut chercher
les traces dans les villas cossues de Tevraq Zeina et qui ont permis à une
partie de l’élite originaire du département de s’enrichir et de compter sur l’échiquier.
Malheureusement
ce n’est pas là une spécificité de R’Kiz, c’est le cas de Mederdra (non loin de
là), de Rosso, la capitale régionale, de Keur Macène… de partout en Mauritanie.
Finalement la seule trace de la richesse investie pour le développement de ces
régions intérieures apparait quand on voit les belles bâtisses des anciens hauts
fonctionnaires, des dignitaires de différents régimes. Des bâtisses qui détonnent
dans l’environnement de misère où elles sont implantées.
On
se souvient que dans les années 90 et 2000, le pouvoir avait invité les
dignitaires à «revenir chez eux», à «construire chez eux», à consommer le
produit de leurs différentes forfaitures (prébendes) dans leurs terroirs. Cela s’est
traduit par ces «greffes» qui
contribuent encore à enlaidir le paysage de misère et qui sont aujourd’hui les
vestiges d’un temps fait d’incongruités, d’intenses gaspillages et de faux
semblants.
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