Un
grand parterre d’experts en la matière pour discuter du terrorisme et des moyens
de lutter contre ce phénomène. Experts militaires et civils, fuqaha,
journalistes, diplomates… tous étaient là pour participer à cette première
sortie du tout jeune Institut mauritanien d’études stratégiques que dirige l’ancien
capitaine de vaisseau Dahane Ould Ahmed Mahmoud. Trois jours pour présenter l’expérience
mauritanienne, faire l’état des lieux de cette expérience, en déterminer les
insuffisances et faire des propositions pour l’améliorer.
La
première journée a été marquée par les discours officiels. Celui du président
du Conseil de l’Institut, Lemrabott Sidi Mahmoud, actuellement directeur de l’ENA,
plusieurs fois ministre de l’intérieur et celui du ministre de la défense.
La
première présentation a été faite par le colonel Brahim Vall Ould Cheibany du
troisième Bureau de l’Armée nationale, suivie par celle d’experts étrangers
(européens et arabes). Elle a permis de fixer les contours de la stratégie
déployée par la Mauritanie et de présenter les propositions de coopération
soutenue par les Européens.
Notre
pays a été confronté à la menace à partir de 2004. Quand un premier groupe de
jeunes mauritaniens ont été entrainés dans les camps du Nord Mali en vue de
gagner les théâtres de guerre en Irak ou en Afghanistan. Sentant la menace, le
gouvernement de l’époque, en proie à des crises structurelles de gouvernance,
lance une répression aveugle contre la mouvance islamiste qui se traduit par
une radicalisation dans ses milieux. Le 4 juin 2005, une garnison de l’Armée
est sauvagement attaquée par un groupe dirigé par Bellawar : 15 Mauritaniens
tués. Et pour engager de représailles, l’autorité politique fait appel aux
hommes d’affaires pour financer l’équipement, la logistique et les primes des
unités envoyées sur les traces des agresseurs. C’est utile à rappeler car, à ce
moment-là, le pays est incapable d’envoyer un millier d’hommes combattre
quelques groupes éparpillés dans le Sahara malien.
La
transition de 2005 à 2007 se fixe d’autres priorités que celle d’équiper et de
restructurer l’Armée. Le gouvernement civil refuse de prendre au sérieux la
menace et va à contre-courant en favorisant la libération, parfois le jugement
avec indulgence des éléments dont la participation dans des actes de guerre
contre la Mauritanie est avérée. Les auteurs de l’assassinat de touristes
français à Aleg le 24 décembre 2007, font partie justement des éléments qui
bénéficient de cette indulgence. Le 27 décembre, trois soldats mauritaniens
sont tués dans une embuscade à Ghallawiya.
La
Mauritanie est plongée dans une crise politique qui l’empêche de se concentrer
sur l’essentiel, notamment la lutte contre le terrorisme. Malgré les actes
criminels de 2007, notamment le holdup du 26 octobre 2007 qui permet aux
casseurs d’emporter un magot d’une soixantaine de millions d’ouguiyas. Le 1er
février 2008, un groupe mène une action à Nouakchott dans les abords de l’Ambassade
d’Israël, il concentre son attaque sur une boîte de nuit décriée auparavant par
des prêches dans certaines mosquées de Nouakchott. S’en suit une chasse à l’homme
qui s’intensifie quand Sidi Ould Sidina, l’un des prisonniers dans l’affaire d’Aleg,
prend la fuite le 1er avril. On sait désormais que les éléments
envoyés par Bellawar sont en pleine action en Mauritanie. Mais grâce à la vigilance
des services de police de l’époque, les cellules dormantes et éveillées sont
démantelées. Des dizaines d’activistes sont arrêtés, du matériel et des
explosifs sont saisis. Ce qui n’empêche pas l’attaque de Tourine le 15
septembre 2008 où 12 Mauritaniens sont tués, puis décapités et leurs corps
minés par les assaillants. Le groupe Abu Zeyd sévissait pour la première fois
en Mauritanie. La troisième vague d’actions va cibler la prise d’otages :
les Espagnols le 29 novembre, les Italiens le 14 décembre 2009. Avant de voir
la Mauritanie prendre les choses en main.
Restructuration
de l’Armée, création d’unités spécialisées dans la lutte contre le terrorisme,
réhabilitation des bases militaires les plus lointaines, délimitation de zones
militaires qui ont des points d’accès connus…, en plus bien sûr de l’équipement
des forces armées qui ont désormais le contrôle de l’ensemble du territoire
national. En juillet 2010, a lieu la première attaque mauritanienne contre une
base de AQMI au Mali. Opération réussie dans la mesure où elle permet de
démanteler une unité qui avait l’intention d’attaquer notre pays. Puis commence
la bataille du Wagadu, cette forêt située en territoire malien et où AQMI
voulait installer une base dédiée aux opérations en Mauritanie. L’Armée
mauritanienne détruit les campements pour empêcher la réalisation du projet. C’est
bien au cours de cette bataille pour le contrôle de Wagadu que les faiblesses,
notamment les complicités, de l’Armée malienne apparaissent. De leurs côtés,
les terroristes essayent plusieurs actions : attentat contre l’Ambassade
de France par kamikaze, puis par voitures piégées, attaque contre Bassiknou,
kamikaze contre la région de Néma… Toutes ces entreprises échouent
heureusement. Mais l’expérience rapporte dans la mesure où c’est cette
stratégie «agressive» disent certains, «préventive» disent d’autres, qui permet
aujourd’hui à notre pays de faire face à la menace et de ne pas subir en plein
les dommages collatéraux de la guerre au Mali. S’il y a une Armée que les
terroristes craignent dans la région, c’est bien l’Armée nationale. C’est tant
mieux.
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