La
guerre a commencé. Une guerre qui nous concerne directement. Pour plusieurs
raisons, nous ne pouvons et ne devons être loin de ce qui se passe dans le Nord
malien. Cela nous concerne. Plus, cela fait partie des déterminants de notre
avenir.
La
Mauritanie est le premier pays à souffrir de la présence des groupes
terroristes dans le Septentrional malien. Plusieurs attaques ont été perpétrées
contre notre pays qui a dû faire face, pratiquement seul, à la menace. Il a
fallu payer le prix politique de la réorganisation des forces armées, puis
celui de la mise en œuvre d’une stratégie à même de faire reculer la menace. On
se souvient des accusations et des attaques politiques subies par les autorités
soupçonnées de «mener une guerre par procuration», comme si les morts de Lemghayti,
de Tourine, de Ghallawiya et d’ailleurs n’étaient pas des soldats mauritaniens
tués dans leur pays alors qu’ils essayaient de remplir leur mission de défense
dans les pires des conditions. Et ce sont justement ces conditions qui ont
changé ces trois dernières années. La Mauritanie cueille aujourd’hui les fruits
de cet effort qui permet de souffler et d’éviter la contamination.
Mais
ce n’est pas parce que la France est notre premier allié, ce n’est pas non plus
parce que ces groupes ont continué de menacer le pays après l’avoir attaqué
plusieurs fois, qu’on peut, sous prétexte d’un consensus international et d’un
mandat de l’ONU autour d'une requête malienne, participer directement aux opérations tant qu’une solution
globale n’est pas trouvée.
Cela
passe par la reconnaissance solennelle des droits des populations du Nord
malien (Touaregs, Arabes, Songhaïs, Peulhs…), en même temps que se déroulent
les opérations. On doit déjà exiger que soit mise en œuvre une approche qui
pourrait satisfaire les doléances légitimes de ces populations qui font partie
intégrante de l’ensemble malien. A plusieurs reprises, durant le siècle
dernier, on a fait semblant de trouver une solution. Il ne s’agit plus de
«faire semblant» mais d’imposer la mise en œuvre de la solution qui aura été
l’objet d’un accord entre le Nord et le Sud sous l’égide de la communauté
internationale. Enterrer définitivement les causes qui menaient fatalement à
cette rébellion cyclique. Mais
seul un gouvernement malien légitime peut négocier cette solution, un
gouvernement issu d’un consensus de la classe politique (de ce qui en reste) et
des acteurs sociaux. Pas celui qui a été imposé au nom d’une légalité mille
fois violée.
En face, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA),
dans une moindre mesure le Front des Arabes, ceux de Ansar Eddine qui
accepteront de renoncer aux rapports avec Al Qaeda et filiales et donc à la violence et à la sédition, les milices
ethniques (Peules, Songhaïs…), devraient être associés à l’accord à trouver. Il
s’agit pour le Mali de faire la paix et pour la région d’éviter la partition du
Mali et de mettre fin aux activités criminelles des groupes et milices qui sont
là depuis trop longtemps.
Le
cliquetis des armes et l’ivresse des premières victoires contre des groupes
somme toute obligés à abandonner leurs positions sous les coups répétés de
l’aviation, ne peuvent faire oublier les problèmes réels qui ont conduit
plusieurs fois à la sédition dans ces régions. Ils ne doivent pas non plus
occulter un fait : c’est bien sur ce genre de situation où l’intervention
occidentale est évidente que se nourrit Al Qaeda. Elle vient donc de réussir la
première étape de sa stratégie qui est celle d’amener des forces étrangères sur
le théâtre des opérations. Comment éviter la propagande favorable à
l’organisation autour de la question ? C’est une question qui devra être
rapidement traitée par les parties prenantes, à défaut de quoi elle se
retournera contre eux. L’arme de la communication est terrible. Et un appel
d’un président par intérim ne suffit pas à lui seul pour légitimer une guerre et
une occupation. Surtout que parmi les chefs de guerre ayant occupé Konna figurent bien des fils de la ville. Comment faire pour que cette guerre qui
vise effectivement à «sauver» le Mali de la déferlante terroriste venue du
Nord, ne se transforme pas en guerre de libération contre un occupant
«impérialiste» ?
Notre
pays, tout en s’abstenant de participer directement, se contentera de protéger
ses frontières pour éviter les débordements inévitables en pareilles
circonstances. Tout en apportant son soutien politique et moral à l’effort de
la communauté internationale dont le fer de lance est la France, un allié sûr
de la Mauritanie, notre pays doit être le plus ferme à rappeler «le principe de
l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation» tout en poussant
vers la satisfaction des exigences des populations du Nord pour en finir
définitivement. C’est, depuis le début, la position de la Mauritanie, celle
plusieurs fois exprimée par ses premiers responsables. Il s’agit à présent de
travailler pour une rupture avec la gestion et les méthodes du passé. C’est le
prix à payer pour une paix réelle au Mali et une sécurisation du Sahel.
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