A Nouadhibou, on reparle encore du fameux projet de pêche des Chinois,
celui qui a fait couler beaucoup de salive et d’encre en 2010-2011. Lancé lors
des festivités marquant le cinquantième anniversaire, ce projet était voulu par
les Mauritaniens comme un exemple de partenariat bénéfique pour les deux
parties et pouvant être une alternative aux autres accords qui s’arrêtent à l’exploitation
de la ressource sans grande contrepartie pour le pays. Au terme de la
Convention signée par les deux parties et adoptée par le Parlement mauritanien,
la partie chinoise s’engage à construire à terre un investissement équivalent à
100 millions dollars. Une usine de transformation, une de glace, des frigos, un
chantier naval pour construire des embarcations pour la pêche artisanale… Pour
attirer l’investisseur, la Mauritanie acceptait de lui offrir de nombreux
avantages dénoncés à l’époque sous prétexte qu’ils prenaient l’allure d’un
bradage.
La Convention, sur laquelle nous reviendrons dans le cadre d’un dossier qui
lui sera consacré par le journal La Tribune, cette Convention devait être mise
en œuvre à travers un protocole discuté et signé tous les cinq ans. Et c’est
parce qu’il arrive à mi-parcours, que le présent protocole qui a aujourd’hui
trois ans de mise en application, est l’objet d’une évaluation des deux
parties.
Pour la partie mauritanienne, il s’agit de remettre de l’ordre dans la mise
en œuvre de la Convention et de réhabiliter son esprit. En fait, la Mauritanie
attend de la Convention trois gros avantages : 1. Près de trois mille emplois
effectifs et permanents ; 2. Le transfert des compétences par la formation
de techniciens ; 3. Le développement d’une plus-value par la
transformation du produit sur place.
En plus de ces attentes «majeures», la partie mauritanienne espérait
développer une flotte pélagique battant pavillon mauritanien et susciter l’envie
d’en faire de même chez d’autres investisseurs. Après trois ans d’activité, les
emplois se comptent en quelques trois cents (moins selon certaines sources),
aucune formation n’a été faite et toujours pas d’usine de transformation. Les Chinois
se contentant d’exploiter la pêche de fonds en s’engouffrant par la brèche
ouverte par les termes vagues de la Convention qui dit que le projet de pêche
se développera «essentiellement» autour du pélagique, sans en déterminer
la proportion. Jusqu’à présent l’effort de pêche des Chinois s’est porté sur
les céphalopodes qui rapportent beaucoup plus et demandent moins d’efforts.
Autre point de discorde, quand la Convention était signée, le poisson
pélagique avait été vendu aux Chinois à raison de 53 dollars la tonne, il coûte
aujourd’hui 123 euros la tonne au bas mot ! Comment résorber le manque à
gagner pour les Mauritaniens et surtout comment justifier la vente à prix
élevés aux autres opérateurs dans le secteur (Européens, Russes etc.) ?
Plusieurs rounds d’âpres discussions n’auront pas permis jusqu’à présent de
faire converger les deux partenaires qui sont au bord de la rupture si elles n’arrivent
pas à se résoudre à accepter de renégocier sérieusement les termes du
protocole, en attendant de revoir la Convention dans son ensemble.
La partie mauritanienne ne peut pas payer le prix politique, social et
économique de continuer à fermer les yeux sur un projet qui la désavantage même
s’il venait à respecter ses engagements en matière d’emplois, de transfert de
savoir et de technologie. A plus forte raison…
Il faut dire que la campagne politique et médiatique ayant accompagné le lancement
du projet et le passage de la Convention devant le Parlement a déjà coûté très
cher au pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz qui a été ouvertement accusé par ses
opposants d’être le principal bénéficiaire du projet. Aujourd’hui que le
Président prend lui-même la décision de revoir les conditions du protocole en
confiant le dossier à des techniciens plutôt qu’à des politiques, il dément de
fait toutes les allégations émises par ses détracteurs.
Aux dernières nouvelles, l’activité céphalopodière du projet a été arrêtée
sur injonction du ministre des pêches. La partie chinoise accusant le ministre
des pêches de faire blocage pour raisons «personnelles» a exigé l’ouverture d’un
nouveau round de négociations avec cette fois-ci la présence du ministre des
affaires économiques et du développement (MAED) ou de son représentant… le
ministre qui avait signé la convention alors qu’elle était encore libellée en
Chinois… Souvenez-vous que quand La Tribune révélait l’affaire dans son édition
du 25/10/2010, on titrait : «Les chinoiseries du MAED, ou quand bradage
rime avec Fessad»… La réunion devrait se tenir dans les jours qui viennent pour démêler ce casse-tête chinois.
Que va-t-il en sortir ?
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