Le
meeting d’hier a été décidé pour rompre la trêve décrétée par les acteurs
politiques au lendemain de l’accident dont a été victime le Président de la
République Mohamed Ould Abdel Aziz. Une trêve qui a été plutôt bien accueillie
par l’opinion publique. Les observateurs y avaient vu une attitude nouvelle qui
pouvait fonder certains revirements ouvrant de nouvelles perspectives devant
l’action politique.
La
Coordination de l’opposition démocratique (COD) a donc décidé de reprendre ses
activités avant même le retour du Président Ould Abdel Aziz. Est-ce à dire que
la COD sait désormais que les choses se normalisent avec une nette amélioration
de l’état de santé du Président ? Peut-être.
En
dehors de l’appréciation du nombre des participants à ce meeting – variant
entre trois et quatre mille, selon les observateurs -, il y avait aussi le
discours qui était très attendu. On avait beaucoup parlé du désaccord entre les
principales figures de l’opposition sur la teneur du discours et la présentation
de la problématique.
Pour
les uns, parler de la vacance et insister sur l’état de santé pourraient
constituer un piège, rien n’empêchant le Président de réapparaître publiquement
le lendemain. Ce qui ridiculisera les options retenues. Pour les autres, il
fallait reprendre le discours là où on l’avait suspendu : l’exigence du
départ du Président Aziz du pouvoir, posture qui n’a rien donné tout ce temps.
Les
tergiversations ont donné plusieurs intonations, plusieurs attitudes, donc des
discours qui se radicalisaient de l’un à l’autre mais qui évitaient cependant
de les faire paraitre comme les «méchants», ceux qui instrumentalisent un
accident qui aurait pu être mortel pour le premier Magistrat du pays. N’empêche qu’on est passé à une position qui
dénonçait l’omniprésence du chef de l’Etat, à celle qui dénonce son absence. De
celle qui exigeait sa destitution à celle qui demande le dialogue inclusif. De celle
qui voulait une révolution populaire à celle qui demande un gouvernement d’union
et une transition consensuelle.
La
classe politique, l’opposition traditionnelle en particulier, paye ici les
erreurs du passé. Quand elle a refusé, déjà en 1992, de participer à des
législatives qui lui assuraient pourtant une bonne présence sur l’échiquier. Quand,
par la suite, elle s’est installée dans une attitude de rejet qui l’a réduite à
un justificatif pour un pouvoir qu’elle était sensée combattre. Quand elle s’est
laissée tétanisée par les événements du 8 juin 2003, incapable de réaction, ni
dans un sens ni dans l’autre. Quand elle a refusé de comprendre que le
changement ne pouvait venir que de l’intérieur du système, en l’absence d’une
initiative externe. Quand elle a soutenu, sans retenue, le coup d’Etat du 3
août 2005. Quand elle a invité, d’une manière ou d’une autre, la junte à rompre
le pacte de non ingérence dans les affaires politiques du pays. Quand elle a
suivi, dans sa grande majorité, les vœux et désirs, exprimés ou non, de la
junte au pouvoir : avec les indépendants inspirés par le président de la
junte et/ou le soutien de la candidature de Sidi Ould Cheikh Abdallahi parrainé
publiquement par l’ensemble de la junte. Quand, en partie, elle a préparé et
soutenu la déchéance du pouvoir civil élu. Quand elle a légitimé le coup d’Etat
d’août 2008, d’abord en l’accompagnant pour certains, ensuite en le normalisant
à travers les accords de Dakar de juin 2009. Quand elle a été incapable d’assumer
ses erreurs et d’en tirer les conclusions. Quand elle a essayé de se cacher
derrière l’illégitimité d’une élection qu’elle a pourtant cogérée. Quand elle a
été incapable de s’accorder sur une plate-forme commune et qu’elle a perdu du
temps autour de la question de savoir qui sera l’interface face au pouvoir.
Quand elle a été engagée par une fausse lecture de la situation mauritanienne sur
la voie de la radicalisation et du rejet qui ne menait nulle part, sinon droit
au mur…
L’opposition
paye pour ses mauvaises appréciations, ses contradictions et le manque de
visibilité et de continuité dans l’action. Et comme elle, la classe politique
entière : il en va de même de cette Majorité qui fait profil bas à des
moments où le silence est tuant.
Le
grand danger pour cette opposition, c’est l’existence d’une «doublure» non
institutionnelle qui tire toujours plus vite et plus à gauche, perturbant et
déstabilisant les partis reconnus de l’opposition institutionnelle. Toutes ces
organisations non reconnues, ces sites qui se veulent ancrés dans l’opposition,
ces cercles de «réflexion» plus ou moins assimilés à des sectes, ces électrons
libres qui prétendent à l’analyse froide de «penseurs» au-dessus de la mêlée…
toute cette expression qui est la leur participe à parasiter la scène politique,
à la couvrir d’une cacophonie malheureuse qui occulte les réalités du terrain.
Rumeurs,
analyses pseudo-scientifiques, déclarations enflammées de gens bien nourris et
bien payés à l’étranger (souvent), sinon d’autres anciens collaborateurs et/ou
soutiens de toutes les dérives dictatoriales… intoxiquent la scène et empêchent
l’opposition institutionnelle de prendre les positions les justes.
Cette
«opposition parallèle» a son pendant dans le camp d’en face. Et comme tous les
esprits malveillants et conspirateurs, ceux des deux camps se rejoignent et
travaillent la main dans la main. C’est ce qui empêche les Mauritaniens de se
retrouver…
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