Ils sont finalement douze Mauritaniens dont trois ont traversé la frontière
avec une carte d’identité malienne et ont les corps ne seront donc pas remis
aux autorités mauritaniennes, sous prétexte de ces pièces. Neuf Mauritaniens sur
les 16 tués par l’unité de Djabali, restent 7 qui sont maliens.
Les autorités mauritaniennes, même si elles évitent d’exercer trop de
pression sur le gouvernement malien déjà en proie à des difficultés énormes, la
réaction a plutôt été ferme. Dénonciation de l’acte qualifié d’assassinat
barbare, demande d’une enquête indépendante à laquelle la partie mauritanienne
devrait être associée, rapatriement des corps… et naturellement excuses
officielles.
Le ministre malien des affaires étrangères a été dépêché à Nouakchott pour
marquer la compassion officielle et présenter les condoléances aux familles et
au peuple mauritanien en général. Le ministre de la défense serait prêt à
impliquer la partie mauritanienne dans une enquête sérieuse et transparente. Les
corps sont rapatriés et une grande cérémonie organisée pour leur inhumation. Moment
de ferveur et d’union.
Mais personne ne fait état des 7 maliens assassinés dans les mêmes
circonstances. Aucune ONG malienne n’a élevé la voix pour condamner ou demander
justice. On a juste entendu Ançar Eddine et le MUJAO dire qu’ils considéraient
cela comme un acte de guerre et qu’ils vont y répondre. La société civile
malienne qui s’émouvait il y a peu pour une main coupée – ce qui est grave, il
est vrai – à Gao, n’a pas émis la moindre protestation devant l’exécution de
sang-froid de 7 maliens et du sort encore inconnu réservé à deux autres (le
chauffeur de la voiture et son apprenti). Pas un mot, pourquoi ? Parce que
tous sont du Nord ? Parce que les déboires de l’Armée malienne doivent
systématiquement être passés sous silence ?
Ce que l’opinion publique doit savoir, c’est que ces prédicateurs – dou’aat,
comme ils s’appellent eux-mêmes – ne constituent aucune menace et ne l’ont
jamais constitué, ni au Mali où ils ont leur plus grand bureau en Afrique de l’Ouest
(Bamako), ni en Mauritanie où ils sont présents depuis le début des années 90,
ni au Sénégal où une chasse a été engagée contre eux récemment.
On peut les assimiler aux groupes islamistes militants, surtout quand on ne
peut rien contre ces groupes militants. Ils sont effectivement pacifiques, sans
velléité de violence aucune, prêchant la bonne conduite, refusant de répondre à
la provocation, désarmés…
L’Armée malienne qui a tourné le dos aux combattants jihadistes et aux
rebelles du Nord, peut se permettre la méprise et tirer sur ces preux moines. La
réalité est têtue : le défi pour cette armée est d’aller déloger les
indépendantistes et les terroristes qui ont occupé une partie de son
territoire, pas de créer des problèmes de plus à un gouvernement qui tente de
recoller les morceaux.
En fait, l’incident peut être compris comme une vaine tentative du groupe de
Kati – l’ex-junte qui a tout perdu et qui sera obligé un jour ou l’autre à
revenir au front – de déstabiliser le nouveau gouvernement qui a pour mission
de rétablir la légitimité constitutionnelle et l’unité politique pour envisager
la reconquête du Nord. La sortie du capitaine mutin puis putschiste Sanogo à l’ORTM
au lendemain de la bavure s’explique par sa volonté de disculper sa troupe (ou
ce qui en tient lieu).C’est une anticipation sur les accusations et une façon
de couvrir les éventuelles lectures «complotistes». C’est l’aveu et l’expression
du sentiment de culpabilité profond de la junte qui tire toujours les ficelles.
Mais où est la classe politique malienne ? où est la société civile
malienne qui a su peser par le passé dans le déroulement des faits et dans l’exercice
du pouvoir, en devenant un réel contrepouvoir ? où est l’intelligentsia malienne ?
P.S : la liste des neuf preux dou’aat
mauritaniens : Nana Ahmed, Sid’Ahmed Cheikh Yahya, Mohamd Essaghir Mohamed
Val Cheikh, Maouloud Sid’Ahmed, Ahmed Baba Eli, Iatwal Eyamou zeidane Bati,
Ivikou Abdallahi Mohamed Val, Mohamed Ahmed M’haymid, Ntalla Djibril.
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