A Rosso, la Mauritanie a tenté de clore un dossier qui lui pend au cou depuis avril 1989. Au moins l’aspect concernant les milliers de citoyens expulsés en ces années sombres de notre histoire. Il faut bien sûr différencier cet aspect du dossier de ceux relatifs aux exactions commises au sein de l’Armée et qu’on tente de refermer aussi à travers des règlements acceptés par les victimes survivantes, les ayant-droits, orphelins et veuves des disparus.
En 1989, les pouvoirs mauritanien et sénégalais, en proie à de profondes crises, avaient choisi de laisser leurs peuples s’affronter. Des milliers de Mauritaniens ont été expulsés du Sénégal. Des milliers de Mauritaniens ont été expulsés de Mauritanie sous prétexte qu’ils étaient sénégalais. C’est pour ça que nous disons que c’est d’abord et surtout la Mauritanie qui avait souffert de ces événements.
Dans les régions de la Vallée, les administrateurs locaux – préfets, gouverneurs, pas tous heureusement – ont procédé à l’expropriation et à l’expulsion de milliers de citoyens vers le Sénégal. Jusqu’au début de 1991, les procédures d’expulsions étaient courantes. En fait, les administrateurs fautifs étaient attirés par les biens des communautés. Vaches, chèvres, terres… les expulsés furent dépossédés. Biens dont disposaient les administrateurs en question à leur guise.
Quand j’ai fait ma première enquête, suite aux multiples dénonciations du Mouvement national démocratique (MND) l’un des rares mouvements (avec les FLAM) à dénoncer les faits, quand j’ai fait cette enquête j’avais découvert l’ampleur des exactions. Nous essayerons, à Mauritanie-Demain, de mettre à nu les comportements officiels. C’est seulement en juillet 1991, que nous réussissions à confectionner un dossier sur les événements.
«Arabes-Négro-africains : la fin d’un mariage de raison ?» C’était le titre choisi d’une édition qui sera saisie par le ministère de l’intérieur et qui, malgré cela, sera le journal le plus lu de l’histoire du pays. Les jeunes du Mouvement des démocrates indépendants (MDI), ceux du MND et quelques indépendants ont pris sur eux le devoir de multiplier et de faire lire partout dans le pays cette édition-là. C’est ici qu’on a donné la parole pour la première aux victimes militaires. C’est aussi la première enquête menée sur les événements. A chaud.
En mars 1992, je partais, en compagnie de Bah Ould Saleck, directeur de Mauritanie-Nouvelles, mener une enquête sur l’aspect endurance des populations de la Vallée, lesquelles populations vivaient encore le joug de l’arbitraire institué en méthode d’administration.
«Sorymalé : la terre accuse», ce fut le titre de l’édition d’Al Bayane consacrée à l’enquête, l’occasion aussi d’ouvrir un dossier, celui des exactions commises à la faveur des événements de 1989 et qui ont continué au-delà.
En mai 1992, profitant de l’ouverture des frontières avec le Sénégal, j’entrais en contact avec les associations de réfugiés pour aller sur place. Je dus me contenter de relancer le dossier à partir des renseignements donnés par ces associations. Il faudra attendre pour pouvoir aller dans les camps. C’était à la faveur d’un séminaire organisé par PANOS et auquel je participais avec ma consœur Hindou Mint Aïnina. Grâce à l’association mauritanienne des réfugiés au Sénégal (AMRS) animée par des cadres du MND, notamment Ba Moussa Sidi et Sarr Mamadou, nous pûmes nous rendre dans les camps. Quelques 48 heures passées au milieu d’une population forcée à l’exil, souffrant encore ses malheurs comme une fatalité. Ne demandant que de rentrer sur leurs terres et recouvrer leurs droits.
«Réfugiés : une objection de conscience aux Mauritaniens», c’était le titre du grand reportage consacré aux camps. La question était devenue un enjeu politique. Il faudra attendre 2008 pour voir un président mauritanien reconnaitre les fautes et demander pardon.
Hier à Rosso se concluait le processus de rapatriement des réfugiés mauritaniens. Sous la supervision du HCR dont le chef a salué les efforts de la Mauritanie, et avec la collaboration du Sénégal. Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a raison d’être fier d’être celui qui dirige cette cérémonie de clôture de cet du dossier.
Je retiendrai que beaucoup de voix s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer le processus qui doit aboutir un jour à la clôture définitive de tout le dossier, dans tous ses aspects. Je retiendrai que nombre de ceux qui crient le plus fort aujourd’hui doivent d’abord s’excuser et reconnaitre le mal qu’ils ont fait au peuple mauritanien. Parce que nous devons considérer que celui qui fait du mal à un Mauritanien l’aura fait à tous les Mauritaniens.
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