La visite de l’Emir du Qatar dans notre pays, même si elle n’a duré que quelques heures, est un évènement diplomatique majeur.
Pour la Mauritanie qui y voit la consécration d’une démarche visant un redéploiement de notre diplomatie sur les scènes «actives» du monde, particulièrement des mondes arabe et islamique pour lesquels le Qatar est aujourd’hui «la mère de toutes les inspirations».
Pour cette Mauritanie qui revient depuis deux ans dans son enracinement africain, ce redéploiement et cette relation privilégiée avec le Qatar, sont l’occasion de se replacer dans la position de l’interface entre ses deux versants : arabe et africain. De revenir peu à peu à sa vocation première de terre de convergence, de point de rencontre et finalement de trait-d’union entre africains et arabes. Nous l’avons dit et redit, la fin de Kadhafi et la partition du Soudan ouvrent la voie à notre pays pour jouer ce rôle de jonction et d’interface.
Pour le Qatar dont le rôle est déterminant dans les grands changements politiques et sociaux dans les mondes arabe et musulman, le déploiement diplomatique au sud du Sahara passe nécessairement par la Mauritanie.
Si le Qatar cherche une solution pour la situation désastreuse causée par l’intervention de l’OTAN et l’héritage de Kadhafi en Libye, il lui faut penser que seule une solution «africaine» peut permettre le retour à la table des négociations et l’ouverture d’un débat national entre toutes les forces libyennes en présence pour décider de l’avenir de ce pays. Il faudra pour cela revenir au cadre proposé initialement par l’Union Africaine et qui entendait créer un cadre de négociations inclusives pour éviter au pays les affres d’une guerre civile.
L’une des hautes figures de la diplomatie qatariote qui avait géré le dossier du Darfour, était récemment en Afrique du Sud, au Nigéria, en Libye… Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz qui a dirigé le panel sur la Libye va en Afrique du Sud pour participer aux festivités marquant le centenaire de l’ANC - le parti qui a combattu l’Apartheid en Afrique du Sud et qui a bénéficié, soit-dit en passant, d’un très fort soutien de la part de la Mauritanie qui est partie jusqu’à couper ses relations avec le Royaume Uni pour son soutien à l’Apartheid et son comportement en Rhodésie (actuel Mozambique), et qui a octroyé des passeports à de nombreuses grandes personnalités de la lutte anti-apartheid de l’époque. Ce déplacement pourrait être l’occasion de reparler du dossier libyen à la lumière de ce que l’Emir et le Président mauritanien auraient discuté.
Sur le plan local, l’Emir du Qatar s’est engagé personnellement à concrétiser tout ce qui a été décidé : tous les projets doivent démarrer immédiatement et tout ce qui manque de financements sera apporté sur les fonds propres de l’Emir qui a proposé un grand soutien dans la lutte contre le chômage des jeunes.
Cette visite aura certainement quelques incidences politiques locales. En effet, elle intervient à un moment où la mouvance islamiste incarnée par le parti Tawaçoul, élève la voix pour dénoncer le pouvoir en place et appeler à sa déstabilisation (pour ne pas dire son renversement, ce qui serait inexact). Au moment où cette mouvance réussit à faire porter …le sacerdoce (politique ?) au Cheikh Mohamd el Hacen Ould Dedew qui a fait son entrée franche sur le terrain politique ces dernières semaines. On a vu comment Mohamd el Mokhtar Echinguitty, éminent chercheur et militant islamiste basé au Qatar, a salué les relations entre les deux pays sous la houlette des deux chefs d’Etats… la suite et les qualificatifs habituels dans les discours officiels.
La visite de l’Emir Cheikh Hamed Ben Khalifa Al Thâni n’était donc pas un passage inutile. Au contraire.
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