Dimanche soir, la veille d’une semaine de travail au Maroc où le repos hebdomadaire (weekend) est encore samedi et dimanche. Dès 19 heures, la circulation a considérablement baissé d’intensité. Plus de foules comme d’habitude dans les rues commerçantes de Rabat. Je suppose que c’est le cas dans toutes les grandes villes.
Dans les cafés, on vient s’installer aux côtés d’amis, parfois d’inconnus, les places manquant de plus en plus. Tout le monde semble regarder vers la même direction. Les volumes des téléviseurs allumés sont poussés au maximum de leurs puissances. Vous n’avez aucune chance de ne pas apercevoir que tout un peuple est captivé à cet instant.
Le Maroc joue contre la Tanzanie à Marrakech pour les qualifications de la CAN 2012. Avec une victoire, le Maroc va garder la tête du classement de son groupe qui comprend… l’Algérie. Laquelle Algérie joue au même moment à Alger contre la République centrafricaine. Même si l’on ne peut occulter cette présence dans le même groupe du voisin, frère et concurrent, elle ne justifie pas le fond de cette passion qui est un moment de communion.
Peuple à très forte dominante jeunesse, le Maroc a eu ses heures de gloire dans le football. Mais c’est surtout parce que la jeunesse de ce pays semble avoir trouvé des modèles en Marouane Chamakh (auteur du premier but marocain contre la Tanzanie à la 19ème minute), Abdel Taarabt (auteur du but de la 68ème), Mbarek Boussoufa (auteur de celui de la 90ème), Youssouf el Arabi qui a parfaitement joué son rôle ce jour-là, Houssine Kharja le capitaine exemplaire de l’équipe, le gardien Lamyaghri et tous les autres.
Je suis un passionné de foot, il est vrai. Mais si je parle de ce moment, c’est pour dire que le temps de la victoire marocaine et de la fête qui s’en est suivi, je me suis retrouvé en train de me demander s’il existe quelque chose – un jeu, une cause, un évènement…- pour lequel, nous Mauritaniens nous pouvons être autant engagés. Parce que je crois que l’un des grands péchés de l’exercice du pouvoir en ces trente dernières années, aura été un «essorage» de la société qui a permis de la vider de tout ce qui est émotionnel. On ne s’en rend pas compte, mais le recul de la joie – comme l’appelle un ami devenu «fou» pour avoir été trop intelligent – a dévasté le mental des Mauritaniens.
On ne s’amuse plus. On ne se passionne plus. Et donc fatalement on ne s’émeut plus. C’est à mon avis ce qui explique le silence sur l’arbitraire, la complicité «sociale» avec tout ce qui est mal-gouvernance et qui explique notre mal-être que nous trainons depuis trente ans. La culture de l’antivaleur, le renversement de l’échelle des valeurs – le vol devenant un «savoir-faire», le manque de scrupule «bravoure», le faux «habileté»…- tout ça c’est aussi parce que l’émotion n’est plus.
Pour nos jeunes, ne parlons pas de modèles. Lesquels ? Ceux de leurs aînés qui leur apprennent la fourberie en les aidant à trafiquer bulletins de notes, permis de conduire… ? Ou ceux qui ont édifié le système de contre-valeurs qu’ils souffrent depuis leurs naissances ?
Ce qui pousse à interpeller les plus de 35 ans pour les amener à se poser la question : quel modèle avons-nous cultivé ? et les moins de 35 : comment recouvrer votre droit à exprimer vos émotions, à vous passionner pour un sport, une musique, un style de vie ?
Bel article, auquel on est tente de reagir avec une longue litanie de "raisons" pour la plupart negatives du porquoi de notre manque de joie. Mais comme il s'agit de parler de joie, porquoi ne pas se rememorer les belles choses qui qui faisaient qu'on eprouvait et on exprimait de la joie.
RépondreSupprimerA commencer par le fait qu'on pouvait tous se parler dans une langue ou une autre sans que cela ne soit politique. je me souviens encore des enfants de notre equipe de football de quartier, dans lequel 7 des 11 joueurs etaient Maures, mais tout le monde s'exprimait en Hassanya et en pulaar, sans complexe. On se frequentait, on dormait les uns chez les autres, sans trop d'inquietude.
J'ai encore le souvenir de notre professeur d'Arabe au primaire qui n'hesitait jamais a venir dans nos maisons lorsque l'un d'entre nous etait malade. Nous n'etions a ses yeux pas des Maures ou des Soninkes, mais simplement "ses" eleves.
et que dire de ce ces moments de joie lorsqu'encore les camions de poubelles passaient rammasser les ordures avec une regularite de montre suisse. Ou encore des petits plaisirs du chocolat chaud offert a tous les enfants de la vieille PMI pilote.
Je n'oublierais pas bien sur le souvenir encore vivace de nos peres et de nos meres qui garaient leur voitures de fonction apres 18H et marchaient ou prennaient le taxi.....
Nous avions de boones raisons d'exprimer notre joie. Je me demande des fois, si les moins de 35 ans peuvent s'imaginer que je parle de la meme Mauritanie qu'ils vivent aujourd'hui..