Plus on avance vers la concrétisation du dialogue entre le pouvoir et l’opposition, plus les positions se clarifient. D’une part ceux qui ne veulent pas de ce dialogue, sans pour autant proposer d’alternative autre que le rejet du régime en place. Quand on est un citoyen lambda signant avec un pseudo – souvent par lâcheté – on peut se permettre toutes les positions, même les plus incongrues. Mais quand on est un parti politique, ou un être porteur de valeurs et qui les défend au grand jour, on n’a pas le droit de dire simplement «non», on doit pouvoir proposer.
Quand un Bou’zizi s’immole ou quand un Moussa el Baçri se fait exploser dans les rues de Nouakchott, ils expriment tous les deux un geste de désespoir. Mais la différence fondamentale entre eux, c’est que le premier a cherché à faire l’effet d’une objection de conscience à ses semblables en cherchant à se faire mal seul. C’est pourquoi il a été une interpellation à toute une jeunesse qui voulait vivre enfin et qui en était empêché par un régime à la limite de la démence.
Moussa el Baçri lui, n’entend pas laisser quelqu’un vivre après lui. Il veut entraîner dans sa mort le maximum de ses semblables parce qu’à ses yeux ils ne méritent pas de vivre. Parce que surtout, il n’a pas de projet de vie pour eux. Ni pour lui d’ailleurs. Le projet qui l’inspire est fait de carnages, de morts, de destructions… et c’est pourquoi nous combattons ce projet.
Tout projet dont l’objectif n’est pas de construire un édifice stable par la culture de valeurs humaines d’égalité, de justice, d’équité, de recherche de bien-être pour tous, tout projet qui ne se construit pas sur cette inspiration devrait être combattu. Le premier indice – à mon avis – est la vision proposée. C’est quand on n’a pas de vision qu’on n’a rien à proposer. Je trouve que la Mauritanie a toujours été à la croisée des chemins. Elle a trop hésité jusqu’à présent. Il est temps de se décider. Ça vaut pour tous les acteurs.
Quand Ould Abdel Aziz a pris le pouvoir, il a dénoncé le statu quo et promis le changement. Le changement c’est d’abord la rupture avec le passé. C’est aux termes de ce contrat qui a fini par le lier au peuple mauritanien – par la force d’une élection consensuelle quoi qu’en disent ses détracteurs qui l’ont pourtant bénie -, que nous devons le pousser à faire plus et mieux. Et pour ce faire, nous devons lui reconnaitre ses mérites. Parmi ces mérites, le fait d’avoir appelé au dialogue le 28 novembre 2010.
En face, nous avons des acteurs politiques qui étaient, pour la plupart, là quand on est venu au monde et qui resteront certainement là quand nous aurons quitté ce monde. Leur longévité défie toutes les lois. Ces acteurs nous jouent le même tour. Depuis toujours. Quand le pouvoir ne sert pas leurs intérêts, il est honni, illégitime et doit disparaître et qu’importe la voie suivie. Quand, au contraire, il les sert, il fait partie de «l’in-dit» (el meskoutou ‘anhu, le non-dit en plus sacré). Les principes, le raffermissement de la démocratie, les droits, la liberté… tout doit faire l’objet de discussion. On a le temps et on doit avoir l’ouverture d’esprit nécessaire. C’est ce qui a justifié toutes les accointances avec Ould Taya. Voilà un régime avec lequel toutes les passerelles furent ouvertes, mêmes les plus honteuses malgré 1987 (négro-africains), 1988 (baaths), 1989 (expulsions massives de mauritaniens), 1990-91( exécutions sommaires de compatriotes), 1994 (islamistes), 1995, 96, 97, 98, 99, 2000, 01, 02, 03, 04, 05… toutes les années et ces complots fictifs justifiants répressions et emprisonnements, tortures et exécutions extrajudiciaires… toute cette politique faite de corruptions, de vol et de viol des consciences… Cela ne nous a pas empêchés de fournir d’énormes efforts en explications, en conférences, pour justifier la nécessité de discuter et l’obligation morale de le faire. Plus tard de recevoir parmi nous ceux qui ont servi 20 ans durant ce régime et de les traiter comme si de rien n’était. Les ministres de l’intérieur, les directeurs des services de renseignements et de police, les tortionnaires, les prédateurs… «ouvriers», «cadres», «exécutants», tout le personnel de conception et de réalisation des années noires, des années grises, des années sombres – appelez ça comme vous voulez -, tout ce personnel a été chaleureusement accueilli avant d’être blanchi par nos soins.
…Nous sommes encore à la croisée des chemins, nous avons à choisir entre fonder un ordre nouveau qui permettrait – par le dialogue – d’impliquer la plupart d’entre nous, de continuer à se laisser berner par le désespoir, à espérer que «quelque chose tombe du ciel sur la tête de ceux qui gouvernent», quelque chose qui puisse les exterminer quitte à tout voir disparaitre avec eux. «Sans moi, le déluge»…
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