17 mai 2001-17 mai 2011… Le temps passe, le souvenir reste. Et avec lui tout ce qui a fait l’homme : son attention, son savoir, son intelligence, sa proximité… Jemal Ould Hassan était tout à la fois, et même plus. Voilà dix ans qu’il est parti. Laissant un vide incommensurable…
Parmi les innombrables qualités du Professeur, du Maître, je ne citerai que : une intelligence fulgurante, un amour infini du savoir et de tout ce qui y conduit, et une très grande honnêteté intellectuelle.
Très peu d’entre ses contemporains pouvaient le juger à sa juste valeur. Et c’est probablement pourquoi il nous «avait filé entre les doigts». S’exilant, loin d’une Mauritanie qui corrompait chaque jour plus.
Sur la scène intellectuelle de l’époque, il avait fait une entrée brillante – certains auraient dit «fracassante», mais chez Jemal rien de ce genre.
Son domaine de prédilection était la poésie arabe (classique) de l’espace mauritanien (12ème et 13ème siècles H). Il en avait fait une véritable spécialité.
Son courage intellectuel et sa maîtrise du sujet lui avait permis d’introduire quelques originalités dans les appréciations qu’il avait de cette poésie. Il était le premier à soutenir que malgré le foisonnement de la poésie classique, elle devait une grande partie de sa spécificité à la poésie populaire, Leghna. La classique, Shi’r, était composée en Arabe classique, tant dis que Leghna s’exprimait dans le dialecte Hassaniya. Un peu pour dire que le génie local s’est mieux exprimé dans Leghna plutôt que dans le Shi’r. Rappelant qu’il y a même eu un genre nouveau «ezzreyga» qui fut une sorte de mélange entre Hassaniya et Arabe classique.
Je me rappelle que les cours de Jemal à l’ENS de Nouakchott profitaient et intéressaient tous les étudiants, même ceux qui n’étaient pas inscrits dans les filières littéraires arabes. Ses cours continuaient fatalement dans la cour de l’école. Il était d’ailleurs l’un des rares enseignants à provoquer les attroupements quand il sortait de la classe. C’est que personne ne pouvait résister à la magie de son savoir, magie qui découlait de la maîtrise et de la fulgurance.
Autre sujet de prédilection de Jemal, les Fatwas. Il est le premier chercheur mauritanien à s’intéresser à «la fabrique du droit» comme source d’Histoire. C’était une passion chez lui.
En ce dixième anniversaire de sa mort, on est heureux d’annoncer la publication, ces jours-ci, d’un ouvrage qu’il avait commencé avec Deddoud Ould Abdallahi, l’historien universitaire. L’ouvrage en question est une révision, une présentation de «Vet’h eshekour vi tarajimi udabaa’i Tekrour», ouvrage qui rassemble une biographie, la plus complète connue, des Ulémas de l’espace mauritanien. Ce sera l’occasion de redécouvrir Jemal Ould Hassan et de revisiter sa pensée.
"Il était une fulgurance permanente de l'esprit, un jaillissement ininterrompu de l'intelligence, une apothéose de culture. Il était Jemal Ould Hassan...
Jemal est mort accidentellement aux Emirats arabes où ce professeur d'université, qui parlait le plus bel arabe rêvé depuis Sibawayh, enseignait loin d'un pays qui n'a pas su le retenir. Et c'était là un autre drame. La disparition de Jemal est une perte énorme, pour sa famille, certes, ses amis, ses proches, mais aussi et surtout pour la Mauritanie qui perd là, et je pèse mes mots, le plus brillant de ses intellectuels, le plus inspiré, le plus original dans ses approches. C’était Jemal Ould Hassan, fauché en pleine jeunesse. Qu'il repose en paix". Signé Habib Ould Mahfoud (Calame N° 316, 30 mai 2001).
Il n’y a que les génies pour savoir apprécier les génies. Deux génies qui sont partis la même année, à quelques mois d’intervalle…
Encore une fois : «Inna liLlahi wa inna ilayhi raji’oune», nous sommes à Dieu et à Lui nous revenons. Cela atténue le reste…
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