Le
changement à la tête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI)
s’est imposé de lui-même. Son président élu il y a moins de trois mois, Didi
Ould Bounaama devait céder sa place pour cause de maladie. Il fallait parer au
plus pressé et trouver quelqu’un qui peut faire l’affaire. C’est Mohamed Val
Ould Bellal qui fut choisi pour cette mission, ô combien difficile.
L’intelligence
et l’expérience politique de l’homme doivent certainement l’aider à faire
redémarrer une CENI coupable d’avoir été composée sur la base de l’appartenance
partisane. Chacun des pôles constituant la commission de suivi des résultats du
dialogue s’est attribué un quota parmi les 11 membres du Comité des Sages (de
gestion).
Cette
répartition partisane allait être appliquée dans le recrutement du personnel.
Pour ce faire, la première décision du nouveau bureau a été de renvoyer tous
ceux qui étaient là sans tenir compte de l’expérience accumulée ces dernières
années. Ce qui a privé la nouvelle CENI d’une expertise au moment où les délais
pressaient déjà. Le personnel recruté l’a été sur une base clientéliste et
intéressée.
Comme
cela ne suffisait pas, la séquence du communiqué annonçant le report de la date
limite des dépôts de candidature et la rebuffade qui s’en est suivi, ont
compliqué la situation pour la CENI. Ajoutant au manque de crédit d’une
institution qui avait pourtant besoin de la confiance des acteurs.
L’atmosphère
des recrutements et des passations des marchés a plongé l’institution dans une
atmosphère délétère qui a accentué la pression sur elle. C’est dans cette
atmosphère que le nouveau président a pris fonction.
La
méthode Ould Bellal passe visiblement parce qu’il connait le mieux : la
négociation politique pour faire adhérer les acteurs en leur expliquant à
l’avance les faiblesses de la CENI. Il ne faut pas croire que c’est chose
facile. Aucun des acteurs ne veut réellement de la réussite des élections
futures. Pour chacun, tous les prétextes sont bons pour expliquer le résultat
attendu. Le meilleur de ces prétextes est d’invoquer la précipitation, le
manque de préparation, l’incompétence et l’illégitimité de la CENI.
Certains
ont demandé à la CENI de reporter l’échéance en prenant sur elle la responsabilité
de déclarer «impossible» sa tenue dans les délais fixés. D’autres ont invoqué
la nécessité de prendre en compte le souci d’impliquer tous les acteurs alors
que la plupart de ceux qui protestent aujourd’hui avaient refusé de participer
aux dialogues précédents. Les voilà à présent contraints de jouer le jeu dont
les règles et les outils ont été fixés en leur absence. La faute à qui ?
Le
Président de la CENI s’est empressé de faire le tour des grands acteurs. Un
déclic est ainsi provoqué par cette démarche sans précédent. Jamais en effet,
la CENI ne s’est déplacée pour parler avec les acteurs. Cela suffit-il ?
Le
plus important est d’arriver à convaincre que, malgré l’interprétation qui veut
que le mandat de l’actuel Parlement prenne en compte non pas son élection mais
sa prise effective de fonction, il va falloir se résoudre à respecter le
rendez-vous initialement pris pour éviter les risques d’un report sine die. En
se rappelant que jamais une élection n’a été reportée en Mauritanie sans causer
des problèmes plus tard. Tout report peut entrainer une remise en cause de tout
le processus, y compris de la présidentielle prévue l’année prochaine.
Autre
souci à prendre en compte, c’est l’absence d’une perspective certaine quant à
la recherche d’une recomposition consensuelle. Le mieux c’est de faire avec
l’existant en essayant de mettre le maximum de garde-fous pour éviter les
dérives.
La
confiance en la CENI peut se construire sur la base de l’assurance qu’il n’y
aura pas fraude. Le vote «un citoyen=une voix» est assurée par l’existence
d’une liste établie par la biométrie. La conformité des résultats est garantie
par l’obligation pour le bureau de fournir une copie du PV à chaque
représentant de liste. Reste à établir des mécanismes permettant aux partis en compétition
de contrôler et de suivre la confection des résultats à tous les niveaux.
Si
la CENI assure ce minimum, il lui restera de gros défis logistiques. Le premier
est celui de l’établissement de la liste électorale. Le scepticisme largement
exprimé a été balayé par le niveau des enregistrements qui a déjà dépassé 1,2
million électeurs aujourd’hui.
Le
second défi est celui de la formation de tout ce personnel nouvellement recruté
et qui a besoin d’affiner ses connaissances pour éviter les fautes pendant tout
le processus.
Le
jour du vote, il se posera certainement le problème des représentants : où
faut-il les mettre ? Rien que pour la liste nationale, il y a déjà 65
partis. Quelle salle sera assez grande pour contenir les représentants de ces
listes en plus des membres du bureau de vote ? On peut pousser vers des
coalitions entre les partis pour diminuer considérablement le nombre, mais cela
ne suffira pas.
Le
nombre de listes candidates pose aussi le problème du bulletin unique. Tous les
symboles des listes candidates doivent se trouver sur le même bulletin. Comment
le citoyen lambda va-t-il se retrouve le 1er septembre alors qu’il
doit faire cinq fois la même opération : pour la députation, pour le
conseil régional, pour la mairie, pour la liste nationale et celle des
femmes ? Entre 07 heures du matin et 19 heures le soir…
Il
est sûr que les acteurs politiques de l’intérieur demanderont simplement à
leurs électeurs de ne pas se soucier des deux scrutins pour la liste nationale
et celle des femmes et même pour la régionale qui ne constitue pas un enjeu
politique de taille, pour s’assurer de la conformité du vote pour les députés
et les mairies.
Il
faut s’attendre donc à une grande différence entre les taux de participation
pour les listes locales et celles nationales. Autre chiffre qui sera
certainement élevé, celui du vote nul. Il peut facilement finir au premier rang
sur le plan national, tellement il sera difficile pour le citoyen de
distinguer.
La
CENI est certainement mal partie. Mais elle a encore une chance de réussir le
pari d’organiser les élections du 1er septembre. Cela nécessite
cependant un engagement des onze membres du comité des Sages. Chacun d’eux est
appelé à s’émanciper de l’emprise de son parti qui l’a nommé pour n’avoir en
tête que l’intérêt du pays et de la démocratie.
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