dimanche 30 septembre 2012

L’école, quelle école ?


Demain les classes rouvriront leurs portes. Sans qu’il y ait eu l’ombre d’une réforme. Nous savons cependant que des Etats généraux ont eu lieu au niveau des régions. Quels résultats, quelles perspectives ? On n’en sait strictement rien.
Tout le monde est d’accord pour dire que les problèmes de la Mauritanie sont d’abord ceux du système éducatif. Qui n’a pas pu être le moule formateur, unificateur, normatif de la société.
En 1979, une réforme improvisée est adoptée par les militaires de l’époque. Elle fait suite aux événements provoqués par l’application «incongrue» d’une circulaire – dite 02 – et par laquelle le ministère a décidé, en pleine année scolaire, de revoir à la hausse le coefficient de certaines matières, l’IMCR notamment et de les introduire au baccalauréat de la même année. La Mauritanie qui vivait un reflux des idéologies progressistes unitaires, connaissait alors une résurgence des nationalismes sectaires et chauvins. La circulaire 02 alimentera la contestation des scolaires négro-africains et permettra de cristalliser encore plus l’opposition entre les deux versants du nationalisme mauritanien (arabe et négro-africain).
Aveu d’impuissance, le Comité militaire nomme une commission composée principalement des deux courants. Résultat : la réforme qui va consacrer la division du pays avec une école dite «bilingue» où l’on retrouve essentiellement les négro-africains, une dit «arabe» où l’on retrouve les arabes. De 1979 à 1999, des générations de Mauritaniens vont évoluer parallèlement, ne parlant pas la même langue, ne se frottant pas entre eux, ne se connaissant pas, subissant cependant les mêmes aléas d’un système éducatif en perdition. Baisse des niveaux, absence de programmes, déresponsabilisation des enseignants et des familles, désengagement du public et prolifération du privé… Le système éducatif consacre la faillite du système de gouvernance que les Mauritaniens se sont choisi. Il a pour conséquence immédiate la détérioration des rapports intercommunautaires en plus de son incapacité à répondre aux exigences de la Modernité.
Deux soucis majeurs vont guider les décideurs. D’abord celui de finir l’année scolaire sans heurts. L’objectif de chaque responsable – du directeur au ministre – est de passer l’année sans grève, sans mouvement. Ce qui explique la longévité d’un Hasni Ould Didi (près de onze ans) et l’instabilité qui a suivi (en moyenne un ministre tous les ans).
Le deuxième souci fut celui de la quantité. Il fallait afficher un taux de scolarisation porteur pour permettre aux financements de continuer. Et c’est là où la Banque Mondiale est arrivée avec son «Projet éducation» qui a été une catastrophe pour le pays. Rien que parce qu’il va privilégier la quantité sur la qualité. Cela procède d’une approche qui voudrait que les populations comme les nôtres n’ont pas vraiment besoin  de connaissances académiques de haut niveau, l’essentiel étant de savoir lire et écrire, peut-être de former aux métiers. La recherche de la quantité va donner la pléthore qui se traduit aujourd’hui en termes de chômage, d’incompétence des sortants de notre système…
La sécurité et la recherche de la quantité ne peuvent inspirer la mise en place d’un système éducatif efficient. En 1999, et sur un coup de tête, le Président Ould Taya, alors qu’il était dans une tournée à l’intérieur, décide de rétablir le bilinguisme : une seule école pour les Mauritaniens, des matières scientifiques enseignées en Français, les autres en Arabe.
Sans préparation, on se lance sur cette voie. Les élèves de ce système ont fait le baccalauréat l’année passée. Sans jamais avoir eu les enseignants qu’il faut, ni les livres qu’il faut parce que jamais les programmes n’ont été élaborés pour cette nouvelle réforme qui n’est pas cependant contestée dans son fond. Ne serait-ce que parce qu’elle remet les enfants mauritaniens dans les mêmes classes.
Est donc lancée l’idée des Etats généraux de l’éducation. On ne sait pas ce qu’elle va donner. Cela fait trois ans qu’elle est en marche. Et plus ça dure et plus ce sera difficile de sauver ce qui peut l’être.

samedi 29 septembre 2012

Des Français dans le tas


C’est le journal Le Monde qui le révèle : on a découvert qu’il y a des Français parmi les Jihadistes qui occupent le Nord du Mali. Selon le journal, c’est l’analyse d’un cliché pris récemment qui démontre «la présence de nationaux français au sein des katibas (brigades combattantes) d’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI)». Le cliché aurait été récupéré fin août par les services de renseignements français. Il s’agirait de deux hommes d’une trentaine d’années peu connus des services, même si le journal affirme que l’un d’eux aurait fait un passage aux côtés des rebelles libyens. Comme quoi les dommages collatéraux de cette guerre ne sont pas encore totalement répertoriés.
Il est cependant révélé par le journal que ni la DCRI ni la DGSE qui sont les deux centrales de renseignements français, n’ont jamais eu connaissance de présence de Français au sein de la branche maghrébine d’Al Qaeda. Et de citer un spécialiste qui pense que les groupes Jihadistes de la zone sahélienne sont «des mouvements endogènes ayant une pensée régionale, incapables, pour l’instant, de se projeter à l’extérieur de cette zone, notamment sur le sol français». En fait, «ces katibas sont plus occupées, aujourd'hui, à consolider leurs bases au Nord du Mali et à s'occuper de leurs otages, qu'à monter des opérations visant la France dont la mention dans les communiqués relève davantage du réflexe anticolonial que d'une menace immédiate».
N’empêche que la présence de Français parmi les Jihadistes est attestée s’il faut en croire les anciens otages pour lesquels ces français auraient joué le rôle de traducteurs pendant leurs séjours forcés dans les camps. Bien sûr que c’est la première fois que nous entendons parler de ces «traducteurs». Même Pierre Camatte, l’otage français pour lequel la France a tout fait et qui semble avoir été en lien avec les services de son pays, même celui-là n’a pas signalé cette présence. Qu’est-ce qu’il n’ pas donné de détails pourtant !!!
Le journal Le Monde estime que c’est l’occasion pour la France d’exiger de l’Algérie (?!) «une plus grande transparence» dans la gestion du dossier des Jihadistes occupant le Nord du Mali.
«Même si Alger est désormais visé par des groupes dissidents d'AQMI, comme le MUJAO, explique un diplomate, les Algériens veillent avant tout à leurs intérêts en contenant la menace à l'extérieur de leur frontière et on peut se demander jusqu'à quel point ils ne privilégient pas plus une sorte de pacte de non-agression avec AQMI que son éradication».
Le problème pourrait donc peser sur les relations entre les deux pays, s’ajoutant au passif colonial et à son traitement, à la politique d’immigration, à la défiance traditionnelle… et en attendant, il cette présence française dans AQMI sonne comme une justification d’une intervention militaire future.
La guerre d’Irak a eu pour justificatif la production par le pouvoir de Saddam d’armes de destruction massive, armes qui n’ont jamais existé. On a vu pour quelles raisons, la destruction de la Libye a été entreprise, tout comme celle (en cours) de la Syrie. Il faut bien que les opinions publiques occidentales adhèrent au principe de l’intervention de leurs armées en dehors de leurs territoires. Pour cela la mission fixée doit toujours avoir un aspect «noble», «libérateur», «purificateur»…

vendredi 28 septembre 2012

Les Magistrats et le Président


La semaine dernière, l’Amicale des Magistrats, une sorte de syndicat qui sert à un corps qui ne doit pas s’organiser dans un cadre syndical, cette Amicale a été reçue par le Président de la République. Mise en place avec le concours du ministre actuel de la justice, l’Amicale est composée d’éléments bcbg, rien pour inquiéter ou pour choquer. Rien aussi pour faire la révolution dans le secteur, même pas la réforme, encore moins le reste…
Les premières questions des membres du bureau de l’Amicale se rapportaient naturellement aux traitements : le salaire qui doit être maintenu après retraite, sinon l’augmentation des traitements et soldes, augmentation des émoluments… tout ce qui touche aux avantages matériels. Ce à quoi le Président aurait répondu : «on verra».
Les autres questions ont été alors abordées. Le Président : «Je n’ai jamais appelé ni fait appeler un Magistrat pour un problème quelconque. J’ai toujours voulu et espéré que vous preniez conscience de l’utilité pour vous et pour nous d’assumer entièrement votre indépendance. Pour moi, le plus grand héritage que je puisse laisser quand je quitterai le pouvoir, c’est une justice assainie… aidez-nous en prenant au sérieux vos prérogatives et votre travail…» En substance.
Interloqués par un tel discours, les Magistrats ont regretté avoir déclaré tant de soutien en voulant inscrire leur démarche dans un cadre politique. Mais il ne s’agissait pas d’être surpris. Il fallait être dérangé, interpellé, affecté au sens de l’objection de conscience…
Les Magistrats mauritaniens peuvent assumer leur liberté de jugement parce qu’il n’y a pas d’interférence de l’Exécutif ou du moins d’interférence déclarée. Ils peuvent juger en leur âme et conscience et c’est ce qui leur est demandé. Qu’ils aient pitié de ce pays et de sa population, qu’ils craignent le jugement des hommes et celui, Immanent, de Dieu.
En 2005, nous sommes sortis d’une période dont les effets pèseront longtemps encore sur le devenir mauritanien. La subordination du judiciaire et du législatif à l’Exécutif, la détérioration du cadre de formation de l’homme mauritanien, la corruption de l’Appareil (administratif et judiciaire), la déliquescence et la clochardisation des fonctionnaires, l’exercice quotidien de l’arbitraire, la prédation instituée en méthode de gouvernance, la duplicité de la majeure partie de l’élite et de l’encadrement… 21 ans que cela durait. De quoi mouler des générations aujourd’hui perdues. Pour eux et pour nous.
Nous mettrons du temps à nous en relever.

jeudi 27 septembre 2012

En bonne voie


On fait beaucoup d’amalgames à propos de l’accord de pêche récemment conclu entre Bruxelles et Nouakchott.
On confond ici «compensation financière» et «contrepartie financière». On ne sait pas que la première est comprise dans la seconde qui devrait englober aussi tout ce que le pays reçoit a terme de l’accord, y compris la redevance portuaire qui est désormais de 2,5 dollars par tonne, en fait tout ce que le pays gagne en vertu de l’accord. Mais, dans le cas du présent accord, les 113 millions d’euros indiqués comme contrepartie financières comprennent la compensation financière de 67 millions, 3 millions d’appuis financiers et les diverses redevances versées par les merlusiers, crevettiers, thoniers et bateaux pélagiques. Ce qui est nouveau, c’est que la compensation a toujours été inscrite dans les accords mais n’a jamais été versée qu’au tiers. Elle est restée théorique parce qu’elle n’a pas pris en compte les capacités de pêche de bateaux ayant le même GB mais dont les capacités passent du simple au double de l’un à l’autre. C’est désormais à la tonne pêchée que la redevance est versée.
Par ailleurs, l’accord est passé devant le Conseil des ministres qui a jusqu’à fin octobre pour l’entériner et l’envoyer devant le Parlement. L’activisme des Espagnols qui cherchent à avoir une minorité de blocage ne semble pas porter jusqu’à présent. L’Espagne mobilise le Portugal, l’Estonie, la Lituanie et la Pologne sur l’ensemble des 27 de l’Union Européenne. La Hollande s’est retirée du front anti-accord, laissant les cinq pays s’activer à eux seuls.
D’après les premières informations, l’Espagne chercherait plutôt à s’assurer des subventions de l’UE en compensations des efforts qu’elle devra consentir. Quelques semaines encore et nous saurons si l’Espagne aura gain de cause.

mercredi 26 septembre 2012

En attendant les relectures politiques (2)


Au lendemain de cette interview (mardi 25/9), le parti Tawaçoul nous invite à une conférence de presse où l’on nous promet «du nouveau». Quand on arrive, le Président Jemil Mansour explique qu’il s’agit de présenter les conclusions de la dernière réunion du bureau politique du parti. Discours habituel conclu par la fameuse exigence du départ du Président Mohamed Ould Abdel Aziz. Rien de nouveau, cependant quelques remarques.
A un moment donné et après avoir dressé un tableau noir de la situation économique, politique et social du pays, Ould Mansour emprunte un passage du Khalife Ali Ibn Abi Taleb pour exprimer son étonnement devant l’attitude de «celui qui passe sa nuit sans manger et qui s’abstient le lendemain de dégainer son épée devant le monde». Ajoutant qu’ils ne veulent pas de l’épée mais simplement qu’il «dégaine sa langue». Et prenant exemple du peuple jordanien qui a manifesté contre la hausse des prix des hydrocarbures a obligé le Roi à revenir sur la décision, il conclut : «un peuple qui n’exprime pas ses souffrances, est sans avenir». Et si le peuple mauritanien ne souffrait pas au point que le Président de Tawaçoul décrit ? et s’il avait choisi de souffrir en silence ? et s’il refusait aux acteurs politiques parmi lesquels il reconnait les bourreaux, les fossoyeurs de son économie, les prédateurs… et s’il refusait de suivre ceux-là ? et si ceux-là n’ont pas pu lui servir le discours qu’il faut, le processus qu’il faut ? Simplement pour dire que ce n’est pas au peuple mauritanien qu’il faut s’en prendre, mais certainement à son élite qui n’a pas pu le convaincre.
«A dit vrai celui qui a affirmé qu’il s’agit là d’une guerre par procuration…» En disant ces mots, le Président de Tawaçoul a oublié – ou ignoré – nos morts à Lemghayti, Tourine, Ghallawiya, Tevraq Zeina, l’assassinat et l’enlèvement d’étrangers sur notre territoire. C’est comme si ce n’était pas le GSPC devenu depuis AQMI qui a déclaré la guerre à notre pays. C’est comme si la Mauritanie perturbait sans raison la quiétude des groupes terroristes installés dans le Nord malien. Et, last but not least, l’expression nous vient de AQMI qui l’a utilisée pour fustiger la position de la Mauritanie. Par ailleurs, peut-on penser à la situation en Mauritanie si la stratégie de l’Armée mauritanienne n’avait pas réussi à éloigner la menace et à sécuriser le territoire national ? Un fait est incontestable : AQMI se tient aujourd’hui loin des frontières mauritaniennes, ne recrute plus de Mauritaniens et n’envoie plus de soutiens financiers à ses éléments installés ici. Elle évite de menacer directement les intérêts mauritaniens, est-ce un signe de force ou de faiblesse et pour qui ?
Un paragraphe de cette «kharja» (sortie) a été réservée à la campagne anti-islamique (film américain, caricatures de Charlie Hebdo). La position du parti est bien sûr celle de la condamnation et du désaveu.  Mais quand il s’est agi de manifester ce désaveu dans la rue vendredi dernier, on a été surpris par l’absence totale de l’élément Tawaçoul. Moins de 150 personnes sont sorties ce jour-là dans la rue. On ne peut pas douter de l’engagement du parti encore moins de la disponibilité des Mauritaniens à se mobiliser pour une telle cause, mais il faut peut-être penser à une attitude générale des Frères Musulmans qui tentent de «normaliser» avec l’Occident. On les a vus en Egypte et en Tunisie appeler à s’opposer farouchement aux manifestations, sous prétexte il est vrai qu’elles sont animées par les Salafistes (les frères ennemis) qui pourraient donner une image non conforme des nouveaux pouvoirs.
Ces pouvoirs issus du «printemps arabe» et qui ne semblent pas satisfaire les espoirs «démocratiques» avec toutes les dérives qu’on voit. Car le discours conciliateur et raisonné de l’Islamisme «modéré», celui dont Tawaçoul se réclame, cache mal, très mal, tout le capital de violence et d’obscurantisme qui trouve son explication dans l’exercice continu de l’arbitraire sous nos cieux, et qui reste prêt à exploser dans les parages immédiats des formations islamistes «modérées». On a toujours deux visages de cet islamisme conquérant : un posé, civilisé, tolérant et raisonnable et, derrière, toutes l’intolérance, la bêtise, la vulgarité qui nourrissent l’obscurantisme qui guette, prêt à faire surface.
On ne saura pas de sitôt lequel des visages est le vrai visage de cet Islamisme activiste, parce que les relectures politiques ne suivent pas celles des exégètes.

mardi 25 septembre 2012

En attendant les relectures politiques (1)


Lundi sur les ondes de Nouakchott Info, chaîne privée, Cheikh Mohamd El Hacen Ould Dedew s’exprime sur la conception de la gouvernance en terre d’Islam. Et quand il finit avec les normes en la matière, il précise que tout cela reste dans le domaine de l’utopie et que nous devons chercher à nous en approcher, non pas à avoir des situations parfaites. Le journaliste le relance chaque fois sur la situation en Mauritanie. Une première fois il interdit manifestations et sit-in organisés sans respect de la procédure administrative. Il explique très bien dans quelles situations, on peut réfuter ou se rebeller contre l’autorité en place. Il apparait qu’il est permis à celui qui est agressé par le dirigeant, dont les biens et la vie sont directement et clairement menacés par celui-ci, celui-là a le droit de contester l’autorité. La communauté a le droit de contester le despote obscurantiste, déclarant la guerre aux préceptes divins, prédateur, destructeur, exerçant l’arbitraire au quotidien et dont l’autorité dure trop longtemps dans ces conditions insupportables. Si le chef ne fait rien de tout ça et s’il tend plutôt vers le contraire, il est du devoir de chacun de l’accompagner, en tout cas de ne pas se rebeller contre son autorité.
Et le journaliste de relancer : «où en sommes-nous ?» Cheikh Ould Dedew répond : «Nous sommes dans le meilleur des cas, Inchaa Allah». Quoi de plus optimiste pour nous ?
On est loin des appels à manifester d’il y a moins d’un an. Cheikh Mohamd el Hacen Ould Dedew qui est l’une des plus grandes figures de chez nous malgré son jeune âge, a une très grande influence sur la scène nationale, particulièrement sur la scène de l’islamisme militant. On se souvient du rôle, ô combien primordial, qu’il avait joué dans le dialogue avec les Salafistes. On voit que les formations politiques se réclamant islamistes cherchent à se l’approprier. D’où la médiatisation – excessive parfois – de tous ses faits, gestes et dires. Tout le monde guette le jeune érudit qui maîtrise parfaitement toutes les sciences religieuses et tous les secrets de la langue Arabe. En cela l’interview réalisée par notre confrère Mohamed Mahmoud Eboulmaaly fut un évènement.

lundi 24 septembre 2012

Problème (un) résolu, un qui reste


L’une des problématiques posées par le nouvel accord au niveau de la filière pélagique, aura été le débarquement des marins sur le port de Nouadhibou sans aucun respect de la réglementation en matière de droits des travailleurs. Environ trois mille marins – du moins officiellement car des dizaines de ceux qui sont enregistrés comme tels ne vont jamais en mer et/ou n’existent que sur la fiche de paye des consignataires.
Pour éviter d’avoir tout ce monde sur les bras, les autorités ont dépêché une commission multisectorielle dirigée par l’un des conseillers du Premier ministre. Cette commission avait pour mission de trouver un terrain d’entente entre ces travailleurs de la mer et leurs employeurs. De telle manière à garantir les droits des premiers. Autant dire mission difficile. Pourtant elle fut aboutie. Malgré de multiples «incompréhensions»… surtout au niveau des discussions sur les droits revendiqués par les travailleurs.
Ils avaient droit à un préavis de deux mois alors qu’ils ont été débarqués brusquement. Et bien sûr les droits de licenciement et de congé. Ces droits ont d’abord été calculés sur la base des grilles de salaires existantes malgré la revendication des travailleurs qui disaient que lors des négociations précédentes avec leurs employeurs, un accord avait été trouvé. Par cet accord, une hausse des salaires leur était accordée et devait prendre effet à partir de décembre 2011/ seulement, elle n’a pas encore été appliquée.
Privilégiant le sens du compromis, la commission est finalement arrivée à faire accepter aux marins que les droits (licenciement et congé) seront calculés sur la base de cette grille de salaire, mais qu’aucun rappel de salaires ne sera fait.
Le premier à débloquer la situation fut Maurice Benza qui a considéré qu’il s’agissait là d’un engagement moral que l’employeur se devait de respecter. Sans qu’on le lui demande, il paya à ses employés et les rappels et les droits calculés sur la base de la nouvelle grille des salaires. Un acte de grandeur qui fera des émules parmi les autres employeurs. Et le problème fut réglé de la meilleure des manières.
Reste que la problématique du pélagique doit trouver une solution. Il s’agit de chercher la possibilité pour la Mauritanie de continuer à exploiter sa ressource pélagique, tout ce poisson qui ne fait que passer au large de nos côtes allant vers d’autres côtes. Notre pays n’a pas capitalisé l’expérience passée mais s’est contenté de faire profiter quelques-uns.
Du jour au lendemain, les partenaires des opérateurs mauritaniens se sont retrouvés – au terme de l’engagement concernant le traitement égal – obligé de faire la concurrence au produit pêché par les Européens et coûtant beaucoup moins cher, ne serait-ce que parce que les bateaux européens sont subventionnés. Si une tonne pêchée par un bateau européen coûte 200 dollars, elle coûtera à un Ukrainien 500 dollars. La concurrence est dès lors déloyale. Ce qu’il faut peut-être traiter par les services compétents de l’Organisation mondiale du commerce. 
En attendant, c’est à la Mauritanie de chercher une solution soit par l’intermédiaire de sociétés mixtes (opérateurs étrangers et mauritaniens), soit par des accords dont il va falloir trouver la formule. En tout cas il y a un manque à gagner pour les Mauritaniens et pour la Mauritanie.

dimanche 23 septembre 2012

La guerre du Mali n’aura pas lieu


…Du moins pas tout de suite. C’est du moins ce qui ressort des tractations qui se déroulent présentement autour du Sahel.
La CEDEAO, principal promoteur d’une intervention militaire, n’arrive pas à s’accorder sur les modalités ni sur la nationalité des troupes à envoyer. On commence ici et là à se méfier du jeu pernicieux (et intéressé) du Burkina Faso, médiateur principal dans le conflit. Lequel Burkina a déjà fait deux guerres avec le Mali indépendant. Des guerres qui n’ont pas été oubliées parce que toute intervention de ce côté-là est sentie comme une occupation étrangère. Le Nigeria et la Côte d’Ivoire ne sont plus très engagés derrière le Burkina qui semble avoir son propre agenda pour la zone.
L’Armée malienne refuse tout déploiement de forces étrangères sur son sol, tandis que le gouvernement civil accepte mais à condition que ces forces soient destinées au Nord, sans possibilité pour elles d’être présentes dans le Sud. Pendant son séjour parisien, le président burkinabé en a discuté avec le Premier ministre malien de passage lui aussi à Paris. C’est là-bas où tout se passe apparemment.
Pendant ce temps, l’OTAN prépare une base aérienne dans les Îles Canaries pour en faire un point d’appui à une éventuelle intervention militaire dans le Sahel. Ce serait à partir de là que les avions de l’Alliance vont frapper les bases des Jihadistes dans le Nord malien. Comment faire la différence entre ces Jihadistes et les populations locales parmi lesquelles ils se sont fondus ? C’est le cadet des soucis de l’Alliance : nous avons vu comment elle opère en Afghanistan, comment elle a opéré en Libye… Les bombes intelligentes ne font pas la différence entre combattants en armes et civils en prière. Tant pis.
De son côté, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies s’est déclaré prêt «à examiner une proposition réaliste et faisable de la part de la CEDEAO» et qui répond à la demande du gouvernement malien. Sous-entendu : les propositions faites jusqu’à présent ne sont ni réalistes ni faisables. Le Conseil a constaté que jusqu’à présent les deux parties (CEDEAO et gouvernement malien) ne sont pas d’accord.
La guerre qu’on annonçait pour très prochaine n’est donc pas à l’ordre du jour. Nous nous acheminons vers un statu quo qui ne profite à personne. Sauf peut-être au négociateur principal, le Burkinabé Blaise Compaoré. Celui-là même qui a déjà ses accointances avec Ançar Eddine et le MUJAO, ses passerelles avec AQMI et ses pions au sein du gouvernement d’union nationale du Mali.
Une situation idéale pour celui qui a toujours voulu parrainer – au sens mafieux – les changements en Afrique de l’Ouest. Et qui a, à cet effet, des «disciples» (sbires) sur tous les théâtres de la région. A moindres frais, il compromet une démocratie qui mettait en évidence ses trois décennies de règne sans partage, faisait payer au Mali ses velléités d’antan, créait un chao où il pouvait se présenter en Rédempteur. Qui dit mieux ?

samedi 22 septembre 2012

Lobbying nécessaire


Il y a quelques semaines, les Mauritaniens découvraient les termes du nouvel accord de pêche avec l’Union européenne. Réjouissance légitime quand on sait que c’est la première fois depuis des décennies que des négociateurs mauritaniens mènent bien leur mission. La première caractéristique de cette négociation qui a mis des mois à se conclure étant d’avoir traité d’égal à égal avec les Européens. Sans les pressions politiques habituelles : ni celles liées à un dossier de droits de l’Homme, ni interférence des autorités, encore moins la pression financière (la contrepartie n’a pas été budgétisée pour cette année, pour montrer que la Mauritanie pouvait s’en passer).
La Mauritanie y est allée dans les meilleures conditions qu’elle peut avoir. C’est pourquoi elle a eu les meilleurs avantages qu’elle pouvait espérer. Cela n’a pas plu à certains pays européens dont l’Espagne. Naturellement. Entre la situation ante où les opérateurs espagnols avaient la latitude (et la longitude) dans les eaux mauritaniennes et où ils pouvaient, eux qui sont subventionnés par les mécanismes de l’UE, concurrencer les artisanaux mauritaniens qui n’ont d’autres moyens que ceux d’un pays sous-développé. Le produit débarqué par la flotte espagnole coûtait beaucoup moins cher à ses producteurs que celui que les Mauritaniens proposaient sur le même marché, celui de Las Palmas. Nous ne parlons ici que des céphalopodes, parce que c’est visiblement «le produit qui fâche».
Les Espagnols dont les syndicats de pêcheurs sont puissants, n’acceptent pas qu’ils soient privés du céphalopode mauritanien qui est désormais une exclusivité accordée aux pêcheurs nationaux. Même si l’argument utilisé est celui-là même avancé par les études européennes qui ont interpellé le gouvernement mauritanien pour mettre fin à la surexploitation de cette espèce. Depuis quelques années (10 environ), les autorités européennes, les ONG’s régionales spécialisées et celles moins spécialisées de chez nous, tous font pression sur le gouvernement pour diminuer l’effort de pêche sur les céphalopodes. Au terme du nouvel accord un grand effort a été fait dans ce sens. Et c’est là où il faut se demander où sont passés ces voix indépendantes qui critiquaient et qui aujourd’hui font profil bas ? Alors que les Espagnols font le forcing devant les Institutions européennes pour remettre en cause un accord qui profite – même si c’est de façon minime – aux populations d’un pays qui essaye d’avoir le meilleur pris pour ses ressources.
Dans quelques jours, quelques heures plutôt, le Conseil des ministres (européen) devra se prononcer sur l’accord, pour l’envoyer devant le Parlement pour approbation. Nous avons entendu ses détracteurs : ceux qui, comme les Espagnols, ne veulent pas payer plus pour les ressources qu’ils raflent, et ceux qui ne veulent pas que la Mauritanie bénéficie plus de ses ressources. Mais où sont passés les autres ?
Toutes les organisations de la société civile, les formations politiques et syndicales, la presse, les leaders d’opinion… bref, tous ceux qui peuvent parler et défendre la position mauritanienne et qui ne l’ont pas fait ? Où sont passés les lobbies européens favorable à un marché équitable, à une meilleure exploitation des ressources par les pays tiers, où sont-ils les promoteurs du développement durable ?
Oui la Mauritanie est un pays faible, qui plus est non-européen, mais est-ce une raison pour l’abandonner face à la toute-puissance des syndicats européens ?  
Quelques heures encore pour faire entendre sa voix…

vendredi 21 septembre 2012

La seconde mort de Cheikh Mohamed Lemine


On m’apprend la mort de Bekar Ould Mohamed, un anonyme aujourd’hui, du moins pour la plupart d’entre vous. Je ne l’ai pas connu, je n’ai pas eu cet honneur-là. Malheureusement pour moi. Mais j’ai connu Cheikh Mohamed Lemine Wul Sid’Mhammed qui l’a connu, qui l’a aimé comme un frère, qui l’a taquiné comme un ami, un vrai, des qu’on ne trouve plus.
Il en parlait toujours avec le sourire nostalgique qui trahit l’attachement profond. Pour lui, ce descendant de la lignée d’Ehl Souweid’Ahmed avait toutes les qualités du guerrier, cultivait toutes ses valeurs… La grandeur, la candeur, l’humilité, la vivacité d’esprit, la tolérance, l’amour de la poésie, la spontanéité… Quand Cheikh Mohamed Lemine évoquait ses aventures communes avec Bekar ou quand il expliquait les différents qui l’ont opposé à son «frère» Hammoud Wul Ahmedou, il exprimait une émotion profonde et se laissait submerger par des sentiments mitigés. Une tristesse amusée et une joie mélancolique… le souvenir d’un temps qui fut le plus beau… le regret d’un monde qui a fini par crouler sous les coups répétés des adversités… Assez pour percer la carapace du «monstre» et révéler toute la douceur, toute la sensibilité de Cheikh Mohamed Lemine
La mort de Bekar est pour moi l’occasion de revisiter le poète, le génie de Timbedgha, l’ami et frère de Bekar. D’abord le poème le plus connu dans l’espace Bidhâne et qui n’est finalement qu’un échantillon. Il ne faut jamais croire que dans l’œuvre de Cheikh Mohamed Lemine, il existe un poème qui soit «une perle». Chaque poème est un échantillon et tous ses poèmes sont des «perles».
«Yamiss ’and il karkaar /
Jaaw ‘lina Khittaar/
Ahlu ‘aadu bEgueyl/
 Wu’lim biiha Bekaar/
Wujhad’ha biih alwayl
Ulaa hassayt blakhbar
Ilyan il ‘aad illayl/
Emmaana yalma ‘buudd/
Lukint e‘limt gbayl
‘anhum bEgayl en’uud
gayalt gbayl Egeyl»
(Hier à el karkaar/des étrangers ont annoncé que les gens de Billehbaar/étaient désormais à Egueyl/Bekar l’a appris/me l’a caché par malice/je n’ai appris la nouvelle/que tard dans la nuit/mais moi par dieu/si j’avais su plus tôt/qu’ils étaient à Egueyl/je serai plutôt/dans la journée allé à Egueyl)
Autre échantillon de cette poésie sublime qui reste à collecter et à partager par le grand public :
«hadha eddahr vshi kaan/
imn etrab lazawaan/
wutlahiig ishuban/
laahi viih eski biih/
u hadha akhiru ezzaman/
laahi ‘idt innawiih/
inra’iviih iban/
shmaadha yatra viih/
min teqlaab ivlayam/
u dhaak ilyaana tembiih/
’lannu billi gaam/
maahu lahi tem biih»
(Au tout début de ce Temps-là/étaient l’harmonie et la musique/ce temps qui commença/par l’insouciante jeunesse/à la fin, il fait faux bond :/les jours changent/pour me rappeler/que le commencement de ce Temps-là/ne restera pas comme il avait commencé)
Le souvenir de ses hommes doit rester pour servir à mouler un modèle pour les générations d’aujourd’hui, celles qui ont perdu les repères et qui se sont, pour cela, retrouvées assises entre deux chaises.
Qu’Allah allège nos souffrances, nous qui leur avons survécu et qui avons la lourde tâche d’entretenir leur souvenir.
Que la famille de l’une des dernières incarnations d’un temps lointain, âge d’or d’une culture qui a fait le Traab el Bidhâne, que la famille de Bekar, que ceux de Tembedgha et d’Ashram, du Hodh et du Tagant trouvent ici l’expression de mes condoléances attristées.

jeudi 20 septembre 2012

Ould Najem libéré et remis aux siens


Maouloud Ould Sid’Ahmed, son nom officiel, Loula Ould Najim, le nom par lequel l’appellent ses parents et amis. Il est le seul survivant «sûr» de la tuerie de Diabali. Lundi, je faisais ici un appel à sa faveur parce que tout le monde commençait à s’inquiéter. Il a été remis ce jeudi à l’Ambassadeur de Mauritanie par les autorités maliennes après une semaine de captivité et quatre jours de cavale dans la savane.
D’après les premières déclarations du rescapé, l’unité de l’Armée malienne a décidé de les exécuter en pleine nuit en tirant droit sur eux alors qu’ils étaient rassemblés près de la voiture. Heureusement pour lui que les éléments de l’unité n’ont pas vérifié si tous les prédicateurs étaient morts. Il a vu certains se débattre dans leur sang en psalmodiant la profession de foi des Musulmans. Légèrement abrité par la voiture, il vit le chauffeur et l’apprenti (tous deux Maliens) ramper sous la voiture et aller près du mur de l’enceinte. Un mur pas long du tout. Quand il l’enjambe, les deux autres avaient disparu. Ce fut la dernière fois qu’on les a vus. On parlera d’un lynchage public opéré par les villageois au petit matin, on dira plus tard que les deux hommes sont toujours en vie et qu’ils chercheraient à joindre la Mauritanie.
Maouloud lui erra quelques longues journées avant de tomber sur des villageois parmi lesquels vivait un proche parent à lui. Il fut soigné et remis aux autorités maliennes qui le gardèrent tout ce temps. Visiblement ceux de Kati ne voulaient pas qu’il soit remis aux autorités de son pays. C’est donc une victoire du fragile gouvernement d’union nationale à laquelle nous avons assisté aujourd’hui. Tant mieux.

mercredi 19 septembre 2012

Charlie Hebdo a manqué son challenge


Sans la fatwa des Iraniens contre Salman Rushdie, ses «versets sataniques» n’auraient pas été retenus par la mémoire humaine. Sans les colères aveugles de certains de nos peuples, le film «L'Innocence des musulmans» aurait été un coup d’épée dans l’eau, un flop, le pire de l’histoire du cinéma. Une honte pour ses auteurs dont l’objectif n’était autre qu’exciter l’esprit de la foule pour provoquer les pires incendies.
Mais il faut dire aussi que sans la politique hégémonique et inique de l’Occident en général, toute cette colère ne serait pas exprimée avec tant de violences. Je reviens quant à moi à Charlie Hebdo qui a publié, une fois encore, des caricatures offensantes pour le Prophète de l’Islam et pour les Musulmans en général.Ce serait un acte d’héroïsme que de s’attaquer à l’Islam dans une société profondément islamophobe. Ce serait un usage du principe sacro-saint de la liberté d’expression dans un pays où la liberté d’expression cesse d’être un principe inviolable quand il s’agit d’une manifestation organisée par la communauté musulmane. Je veux bien croire que l’hebdomadaire qui tire sa renommée de ses excès en tout, de la satyre iconoclaste et de la volonté de choquer. 
Mais pourquoi il ne s’attaquerait pas aux Prophètes Moïse ou Jésus ? De la même manière qu’il s’en prend au Prophète des Musulmans ?
J’ai une fois entendu l’un de ses directeurs expliquer que c’est une manière pour eux de combattre l’extrémisme religieux, est-ce à dire que l’extrémisme religieux n’existe pas en terre chrétienne ou juive ?
Depuis le 11 septembre 2001, nous assistons à une déferlante anti-islamique en Occident. Elle a donné l’occupation et la destruction de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Libye, bientôt de la Syrie, du Yémen, pourquoi pas de toute l’Arabie pour sauver les ressources énergétiques des mains des Musulmans ?
Mais Charlie Hebdo ne dit pas que les affres de la colonisation, que les crimes perpétrés au Vietnam, en Corée, en Chine, en Indonésie, au Congo, au Nigéria, au Libéria, en Sierra Léone, au Chili, dans la forêt amazonienne… partout, sur tous les continents par les forces venues d’Europe et d’Amérique du Nord, que ces crimes ont été commis pour servir une cause religieuse, un messianisme chrétien, que leurs idéologues – en partant de Kipling aux néoconservateurs américains – ne pensent qu’à glorifier le Christ et à rendre son message éternel en tous espaces.
Que les massacres des Palestiniens arabes – Chrétiens et Musulmans -, que celui des Libanais, des Egyptiens, des Jordaniens, des Syriens…, l’occupation de leurs terres, l’usurpation de leurs droits… par une soldatesque sioniste trouve sa justification dans l’interprétation fallacieuse de la Thora, donc du message de Moïse.
Si Charlie Hebdo veut vraiment faire la démonstration qu’il veut relever un défi, qu’il entend narguer les faussaires extrémistes qui ont travesti les messages de paix et de fraternité entre les hommes, il n’a qu’à s’attaquer d’abord à l’espace auquel il appartient.
C’est toujours facile de s’attaquer à l’Islam et ses sacrés en terre européenne ou américaine, mais le vrai courage c’est quand ceux de Charlie Hebdo dénonceront les abus de leurs sociétés, abus qui trouvent leurs justifications dans des lectures des textes sacrés.
Ceci dit, j’invite mes compatriotes, à psalmodier, le temps qu’il faut, là où ils se trouvent et quand ils ne travaillent pas, de psalmodier la formule rituelle qui rend hommage à notre Prophète, Paix et Salut sur Lui. Comme réaction aux excès des autres, à leurs insultes, opposons : «Allahuma çalli wa sallam ‘alaa sayidina Mohammad».

mardi 18 septembre 2012

L’ouverture des tentes vers le Sud


La visite du Président Macky Sall à Nouakchott et la chaleur de l’accueil que lui ont réservé les autorités confirme la volonté de Ould Abdel Aziz de restaurer l’ancrage africain de la Mauritanie.
En avril 1989, les choix diplomatiques néfastes d’un pouvoir qui avait commencé à cultiver le sectarisme comme philosophie politique, ont causé la gestion catastrophique de l’incident de Diawara pour y trouver l’occasion de virer à bâbord. Avec lui, le pays connaitra une dérive qui le mènera au milieu de nulle part. Détesté par les Africains avec lesquels il a rompu les amarres, suspecté par les Arabes qui ont perdu confiance en ce pays dont la caractéristique première est l’extravagance dans l’inconstance. C’est du moins l’image que le pouvoir en a reflété à partir de ce moment-là.
Pour désigner la Mauritanie, l’«orphelin géopolitique» a remplacé l’expression sibylline de «Cendrillon de l’Afrique de l’Ouest» chez les politologues les plus avertis. Après avoir été «le trait-d’union» entre l’Afrique et le Monde arabe, nous avons fini par nous trouver dans la situation du «ni, ni» : ni africains, ni arabes. Conséquences : relations avec Israël et retrait de la CEDEAO.
Depuis son accession au pouvoir, Ould Abdel Aziz a renoué avec les penchants africains de la Mauritanie. Si bien qu’il ne rate aucune occasion au sud du Sahara pour y être. Ce qui lui vaut d’être le président mauritanien le plus assidu aux conférences et aux commémorations africaines depuis feu Moktar Ould Daddah. Et c’est tant mieux, même si cela dérange une certaine intelligentsia.
En attendant la décision de revenir à notre environnement naturel – et «normal» - que constitue la CEDEAO, il y a lieu de cultiver, de renforcer les relations de l’espace OMVS. Avec le Mali, le Sénégal, la Guinée, la diplomatie mauritanienne peut aller vers la Côte d’Ivoire, le Nigéria, le Tchad, le Burkina… en vue d’une intégration qui pourrait profiter – à travers des accords bilatéraux – à des milliers de nos ressortissants établis dans ces pays. Les relations avec la Gambie, la Guinée Bissau et le Cap Vert ont toujours été excellentes.
Chaque fois qu’un nouveau président est élu au Sénégal ou en Mauritanie, le lien doit être renouvelé pour que les nouvelles autorités prennent la mesure de la nécessité d’aller ensemble. Chacun des pays étant l’espace vital de l’autre.
Entre Macky Sall et Ould Abdel Aziz le courant semble bien passer : sensiblement le même âge, les mêmes réserves sur l’état ante des relations, sur la manière de gouverner, d’aborder le futur commun et la nécessité pour eux de s’entendre.
C’est du renforcement de l’ancrage dans le versant sud de notre pays que nous avons le plus besoin pour nous réconcilier notre environnement et pour réhabiliter notre vocation première qui est celle de terre de convergence, terre d’ouverture, terre d’abnégation et de tolérance et finalement «terre des hommes».

lundi 17 septembre 2012

Il faut sauver le prédicateur Loula


C’est le survivant mauritanien de la tuerie perpétrée par une unité de l’Armée malienne à Diabali. Visiblement le seul da’iya, prédicateur, à avoir pu échapper, par miracle, à l’exécution qui a visé tout le groupe. On parle du chauffeur qui aurait survécu lui aussi, mais il ne s’agit pas d’un prédicateur, c’est un Malien qui loue ses services aux usagers transfrontaliers. On ne sait toujours pas où il est.
Nous savons cependant que le Mauritanien se trouve depuis une semaine entre les mains des autorités maliennes qui avaient promis de le remettre à son ambassade à Bamako. Bientôt une semaine que Loula Ould Najem, un jeune de Fassala (Bassiknou) est entre les mains des autorités militaires maliennes. Seul témoin oculaire de ce qui s’est passé ce soir-là, il n’est pas sûr là où il est.
Là-bas, l’Armée qui s’accroche au pouvoir et qui veut créer des problèmes au gouvernement d’union nationale et qui surtout fait tout pour retarder l’obligation pour elle d’aller au combat pour recouvrer l’intégrité territoriale de son pays, cette Armée-là acceptera difficilement que ce témoin soit rendu aux siens. Il est donc tout à fait normal que la partie mauritanienne s’inquiète pour lui. Ses parents, ses amis, ses frères de la da’wa, les autorités… tout le monde ici s’inquiète.
Quand on sait que les enjeux sont importants, qu’aucune des questions soulevées à l’occasion du meurtre des prédicateurs n’a été éludée, que les complicités doivent exister au plus haut de la hiérarchie militaire malienne, il y a des raisons de ne pas croire que le survivant, seul témoin de la tuerie, soit livré aussi facilement aux siens.
Ce que les Maliens doivent savoir, c’est que ce soir-là des militaires ont reçu l’ordre de leur supérieur d’exécuter le groupe de 18 personnes appréhendées dans l’après-midi après avoir fait leurs formalités d’entrée sur le territoire malien auprès du poste frontière et après avoir décliné leurs identités aux éléments de l’unité. Celle-ci les gardera quelques heures avant de décider de s’en débarrasser en les exécutant.
Nos frères maliens – partis politiques, société civile, presse, gouvernement…- doivent se mobiliser pour obliger l’Armée à remettre Loula Ould Najem à la Mauritanie. Tout faire pour sauver le prédicateur Loula.

dimanche 16 septembre 2012

Ces contrôles qui dérangent


Chaque fois que je prends la route Nouakchott-Boutilimitt, je suis écœuré par le nombre de postes de contrôle : au moins huit, c’est-à-dire un en moyenne tous les 20 kilomètres (à peu près, restons Mauritaniens, restons approximatifs). Police, gendarmerie, douane et maintenant la sécurité routière. A quoi ça sert ?
D’abord à créer des goulots d’étranglement sur une route déjà «étranglée». Ensuite à exciter des usagers déjà excités. Enfin à corrompre des corps largement entamés.
C’est quoi un poste de contrôle de chez nous ? C’est un point de collecte d’impôts plus ou moins illégaux levés par des commissariats, des brigades, des compagnies etc. Ici, les usagers, du moins les imposables parmi eux, sont obligés de s’arrêter et de «rendre service», de «graisser la barbe» pour utiliser l’expression consacrée.
Les «imposables» sont d’abord ceux qui font le transport et qui prennent du plaisir à afficher leur mépris à ces postes. Ce mépris prend différentes formes. Il y a ceux qui interpellent les agents de loin en leur disant «je fais le nécessaire au retour, meherdak». Il y a ceux qui arrivent avec une surcharge et en ayant passé outre toutes les réglementations, qui s’arrêtent convenablement, qui descendent avec un billet bien en vue et qui reviennent avec le sourire comme pour dire que la cause a été entendue. Il y a ceux qui forcent gentiment le barrage, ce sont les habitués, ceux qui sont passés au moins une fois ce jour-là. Il y a ceux qui attendent calmement derrière leurs volants, l’arrivée de l’agent et qui «lui font ce qu’ils lui font» devant tous les passagers, sans forme. Cinq minutes en observant un poste de contrôle et vous serez édifiés.
Les véhicules personnels qui inspirent le pouvoir ou la richesse ne sont pas imposables, ils passent sans problème. Verres fumés ou pas, infraction ou pas, surcharge ou pas… circulez, il n’y a rien à voir. Quelqu’un dans la voiture ne s’empêchant pas de dire : «ils vous laissent passer parce que vous pourrez constituer pour eux une perte de temps et d’occasions». Ce sont les autres qui sont les plus recherchés, parce qu’ils sont plus exposés.
Reste que les véhicules sont surchargés, qu’ils ne répondent à aucune norme, qu’ils mettent en danger les passagers et les passants. Reste que les usagers finissent par ne plus avoir de respect pour l’autorité, par être un peu plus excités qu’ils ne l’étaient avant de prendre la route, un peu moins respectueux de l’ordre et du code. Quand un accident survient dans cet environnement, il ne peut qu’être meurtrier.
En trois mois cette année, il y a eu 1.622 accidents avec un bilan désastreux : 43 morts immédiats, 531 blessés dont de graves. Selon les autorités, 49% de ces accidents sont dus au «manque de vigilance» (de qui ?), 30% à l’excès de vitesse, 13% à de mauvais réflexes sans oublier les pannes mécaniques. Ce sont les chiffres officiels d’il ya trois semaines.
On se souvient que l’année dernière, le Président a dû lui-même exhorter les autorités concernées (transport, police, gendarmerie, sécurité routière…) à prendre conscience de l’ampleur du désastre et d’agir afin de limiter les dégâts. Qu’est-ce qui a été fait depuis ?
Une campagne médiatique qui a duré le temps de faire oublier les injonctions du Président, avant de revenir à la situation normale qui est celle de voir multiplier les postes de contrôles tout en assistant à une augmentation fulgurante des accidents.
Ces postes de contrôle ne servent à rien, sinon à diluer les efforts, à donner une mauvaise image de l’autorité publique et à participer à la détérioration des conditions générales du voyage.
Si l’on vous dit que jamais, de l’histoire récente du pays, un suspect n’a été arrêté par un poste de contrôle, que rarement – très rarement – ces postes ont appréhendé des colis suspects, qu’ils émettent très, très peu d’amendes pour les infractions pourtant nombreuses et visibles…, vous n’allez pas croire qu’ils ne servent à rien. Sinon à compliquer une situation déjà compliquée. 

samedi 15 septembre 2012

Encore un débat


On devrait s’empresser d’ajouter : «heureusement !», même si… Rien à voir avec le premier débat entre Mohamed Yahya Ould Horma (UPR) et Lô Gourmo Abdoul (UFP). Cette fois-ci le face-à-face a opposé Ahmed Ould Lafdal (RFD) et Mohamed Mahmoud Ould Jaafar (UPR). Toujours les mêmes thèmes : la situation politique avec les élections en vue, l’économie, le social, la sécurité, la diplomatie… Toujours de la même manière : le journaliste – notre confrère et ami Yedaly Fall – qui pose sa question avant de donner alternativement la parole à l’un et l’autre des intervenants.
Les deux hommes politiques étaient très polémistes. Chacun cherchant la confrontation, le clash. Le mode d’expression utilisé relevait plutôt du dialectal traduit. D’ailleurs, à différents moments, les deux hommes furent amenés chacun à terminer un bout de phrase en Hassaniya. C’est peut-être ici le lieu de se demander pourquoi ce genre de débat, du reste très intéressant, n’a pas été fait en Arabe et/ou dans les langues nationales. La portée aurait été plus grande…
Je retiens que les débatteurs étaient confrontés à l’habitude de la pratique de parler devant le public. L’un était passionnément opposé, l’autre passionnément rangé du côté du pouvoir. Si bien qu’on n’a rien senti d’autre que le rejet mutuel. Avec des pics de mise à mal qui ont viré parfois au cafouillage.
Un moment fort, c’est celui qui a vu les deux hommes avancer vers l’évocation de l’héritage de Ould Taya. A une série de questions sur les marchés de gré à gré et sur les concessions rurales, Ould Jaafar ne trouve pas mieux que de dire à son interlocuteur que ceux qui ont excellé là-dedans sont aujourd’hui dans le camp de l’opposition. «Mais vous étiez ministre avec eux, mieux vaut pour vous de ne pas en parler», lui rétorque Ould Lafdal avant de relancer sur l’isolement diplomatique de la Mauritanie qui serait selon lui aujourd’hui coupée de ses ancrages africain et arabe. Décrivant étrangement une situation que l’on vivait à la veille du 3 août 2005, avec notamment une relation encombrante avec Israël, la sortie de la CEDEAO et le froid avec les voisins.
Sur ces questions, Ould Jaafar qui est pourtant secrétaire exécutif aux affaires politiques de l’UPR, est incapable de répondre. Même pas de rappeler que pour le cabotage, la société exclue appartenait à un homme d’affaires qu’on disait proche du régime et que le prix de 14$/tonne a été appliqué à la MTM qui l’a toujours eu à 22-24$. Que les 450 hectares ayant servi à financer la construction de l’aéroport ne représentaient pas 5% des concessions rurales pour lesquelles des titres fonciers ont été donnés en toute illégalité par le passé. Que les faux chiffres ne doivent pas déranger, surtout pas ceux qui défendaient le bilan économique et financier de Ould Taya jusqu’au 2 août 2005…
Le problème chez nos élites c’est toujours le manque de sérieux dans la préparation des sorties publiques. On croit ici aux vertus de la spontanéité qui demande une sincérité dans les engagements et une parfaite connaissance des sujets qui pourraient être abordés. En l’absence de la sincérité et de la maîtrise des sujets, la confrontation tourne facilement à la vulgarité. Heureusement qu’on n’en est pas arrivé à ce stade ce soir-là.

vendredi 14 septembre 2012

Cultiver pendant qu’il est temps


Nous n’avons rien d’autre à faire que la politique. L’hivernage a été excellent, mais la politique nous a assez occupés pour nous empêcher de «cultiver notre jardin» pendant que c’est possible. Les terres cultivables s’étendent partout, attendant que les hommes et les femmes décident de les défricher, de labourer, de semer, pour pouvoir, demain, récolter. Non, sur la route de l’Espoir, peu de terres semblent avoir été cultivées.
La raison essentielle est la paresse des Mauritaniens. Ils ont perdu le goût du travail qui n’anoblit plus depuis qu’il y a les prébendes, les passe-droits, les privilèges octroyés aux intermédiaires politiques, aux thieb-thiabas de toutes sortes… C’est pourquoi la réhabilitation du travail est une nécessité dont il faut faire une cause.
Il y a aussi la non application de la loi domaniale qui décourage les vrais travailleurs de la terre. Quand on sait que la propriété tribale des terres est encore forte, alors que la loi dit que «la terre appartient à celui qui la travaille», on comprend le désintérêt des cultivateurs réels. La terre ne leur appartenant pas, ils n’ont pas accès à l’outil de production et s’ils y ont accès ce sera à un prix excessif (métayage, tribut…). Un souci que notre encadrement national – autorités, opposants, société civile…- doit prendre en charge pour le poser et faire des propositions le concernant.
Que ce soit au sud, dans la Vallée, ou ailleurs, le problème de la propriété est central dans l’évolution sociale et économique du monde rural. Il se pose de différentes manières selon les régions, mais s’exprime partout dans l’incapacité pour certains, pour raisons de statuts sociaux, d’accéder à la propriété terrienne.
Rien n’est entrepris pour mobiliser les énergies et disponibiliser les terres à cultiver aux travailleurs qui veulent les travailler…

jeudi 13 septembre 2012

Big mistake


Ce serait une grande erreur de la part de l’administration américaine que de s’arrêter à l’aspect protestations contre une insulte faite aux Musulmans à travers la production d’un film dénigrant. Les Musulmans – et pas seulement eux, les Juifs et les Chrétiens aussi – sont habitués à ces attaques inconsidérées et excessives de la part de l’industrie hollywoodienne. Certes, les nôtres (Musulmans, Arabes et Noirs) restent les victimes préférées de Hollywood, mais toutes les grandes religions ont souffert de ces traitements. Haine, racisme, stigmatisation, amalgames… messages éternels de la boîte à images américaine.
La colère exprimée ces jours-ci dans les rues arabes et musulmanes est le fruit de toute une politique étrangère qui ne semble pas souffrir des changements intervenus dans le monde, ni de ceux intervenus à la tête de l’Appareil américain.
Toujours le même engagement sans condition derrière Israël. Toujours le même soutien indéfectible à l’idéologie raciste de l’Etat sioniste. Laquelle nous renvoie toujours les mêmes images de Palestiniens dépossédés, assassinés, torturés, exilés, embastillés… en toute illégalité, en toute impunité.
L’entêtement des extrémistes au pouvoir en Israël n’a pas atténué l’engament des Américains qui viennent d’ailleurs de reconnaitre Al Qods (Jérusalem) comme capitale éternelle d’Israël. Comme pour donner une prime à la forfaiture qui consiste à refuser de reprendre les pourparlers de paix.
Il est vrai que pour un temps, les images affreuses qui pleuvaient des Territoires et de Gaza, furent occultées par celles d’un «printemps arabe» qui a finalement été plus sanguinaire, plus destructeur que toutes les guerres civiles dans les territoires concernés. Et si l’on fait la somme, il est aisé de voir que le résultat final est celui de balayer toutes velléités anti-israéliennes, de détruire toute menace qui était - ou qui aurait pu être ou qui aurait dû être pour Israël.
Bientôt deux ans que le «printemps arabe» dure et quels résultats pour les Arabes ? L’Iraq est toujours à feu et à sang à cause de la gestion américaine de l’occupation : avec notamment l’institutionnalisation du communautarisme, l’armement et l’utilisation des factions les unes contres les autres. Il ne suffit pas de se retirer pour se dédouaner d’une gestion meurtrière.
La Syrie est à genoux et ne se relèvera pas rapidement. Le Yémen, la Libye et même l’Egypte et la Tunisie mettront du temps à se normaliser. Les autres pays auront aussi leurs crises de croissance sous forme de dommages collatéraux d’un aventurisme occidental dont l’Administration américaine a été le fer de lance.
Finalement Obama=Bush (père et fils)=Reagan=Carter=Nixon=…. Rien ne change pour nous quand il s’agit de la politique extérieure de la première puissance mondiale. Toujours le même déséquilibre, le même alignement sur le bourreau, le même soutien à l’arbitraire, la même propension à l’exercice de la force brutale, les mêmes réflexes de prédation…
La colère et la haine exprimées dans la rue musulmane en général, arabe en particulier, ne sont pas le fruit de la production d’un film, mais la conséquence de quelques décennies de frustrations nées des mauvais choix de l’administration américaine.

mercredi 12 septembre 2012

Le 11 septembre libyen


Cela s’est passé à Benghazi, cette ville que l’OTAN a utilisée comme prétexte pour détruire le régime de Kadhafi en donnant «un coup de main» à la rébellion. C’est bien pour sauver Benghazi des troupes «barbares» que les pays du Traité atlantique ont dit entreprendre leur entreprise guerrière en Libye. C’est ici que les célébrations du 11ème anniversaire des attentats du 11/9 ont été les plus meurtriers pour les Américains, chefs de file de l’OTAN.
Dans la matinée du mardi 11 septembre, sous prétexte – il y a toujours un prétexte à tout – de protester contre la diffusion d’un film insultant pour la foi musulmane, un groupe armé est entré dans le Consulat américain de Benghazi. Comme par hasard, l’Ambassadeur Chris Stevens se trouvait là en compagnie de nombre de ses collaborateurs. On se souvient du visage sympathique de l’Ambassadeur du temps où il faisait des spots pour expliquer sa mission aux populations. L’attaque va emporter avec lui trois autres américains dont un diplomate et deux Marines.
L’attaque intervenait quelques heures avant l’élection d’un nouveau chef de gouvernement par le nouveau Parlement libyen. Elle a joué sans doute dans l’élection du candidat islamiste, l’opinion cherchant en eux le meilleur bouclier anti-jihadiste. Parce que l’attaque est bien le fait des Jihadistes, probablement ceux du groupe Ançar Echari’a (les soutiens de la Chari’a). Elle pourrait être une réponse – tardive peut-être, mais une réponse quand même – à la liquidation du numéro deux d’Al Qaeda, Abu Yahya Alliby, chef charismatique auquel plusieurs factions libyennes vouent respect et allégeance. Si cela se confirme, cela met l’administration américaine dans un pénible dilemme.
Le Président Obama est en pleine campagne pour une présidentielle de tous les risques. Si la réponse n’est pas ferme et surtout immédiate, tous ses espoirs de réélection pourraient être compromis. Si, par contre, la réaction est prompte et si elle répond aux attentes – expédition punitive et meurtrière contre le groupe qui a organisé l’attaque -, cela pourrait servir sa campagne.
Comment faire alors que les amis libyens n’ont pas les moyens de livrer les auteurs du crime ? Comment faire surtout si l’on sait que la partie libyenne ne peut rien entreprendre contre les groupes armés concernés qui ont, eux aussi, leurs assises tribales, leurs cercles d’influence, leurs poids au sein des structures dirigeantes… ?
Toute attaque américaine compromettrait sérieusement les équilibres déjà fragiles en Libye. Et ouvrirait la voie à toutes les fractures de la Libye de l’après Kadhafi.
Pour rappel, la première guerre outre-Atlantique menée par les Etats-Unis après leur indépendance fut celle dite de «la Tripolitaine». Quand en mai 1801, ce territoire exigea des Etats-Unis d’Amérique un impôt de 83.000$, plus que la somme habituelle payée en contrepartie de la protection de la flotte américaine contre la piraterie souvent soutenue par les autorités elles-mêmes. Le refus américain décida le Pacha à déclarer la guerre aux Américains qui s’empressèrent de bloquer le port de Tripoli. Ils connurent un premier revers avec la destruction de la frégate «Philadelphia» et la prise en otage de son équipage dont le Captain William Bainbridge. Ce qui donna lieu à une guerre qui dura entre 1801 et 1805 et qui se termina par un accord revenant à la situation ante et au paiement d’une rançon de 60.000$ pour les prisonniers.
Les souvenirs de cette époque sont toujours présents dans l’esprit des faiseurs de guerres comme ceux du Pentagone. Tout comme les images des ambassades américaines de Beyrouth et de Téhéran dans les années 70… dur, dur...

mardi 11 septembre 2012

Et les victimes maliennes ?


Ils sont finalement douze Mauritaniens dont trois ont traversé la frontière avec une carte d’identité malienne et ont les corps ne seront donc pas remis aux autorités mauritaniennes, sous prétexte de ces pièces. Neuf Mauritaniens sur les 16 tués par l’unité de Djabali, restent 7 qui sont maliens.
Les autorités mauritaniennes, même si elles évitent d’exercer trop de pression sur le gouvernement malien déjà en proie à des difficultés énormes, la réaction a plutôt été ferme. Dénonciation de l’acte qualifié d’assassinat barbare, demande d’une enquête indépendante à laquelle la partie mauritanienne devrait être associée, rapatriement des corps… et naturellement excuses officielles.
Le ministre malien des affaires étrangères a été dépêché à Nouakchott pour marquer la compassion officielle et présenter les condoléances aux familles et au peuple mauritanien en général. Le ministre de la défense serait prêt à impliquer la partie mauritanienne dans une enquête sérieuse et transparente. Les corps sont rapatriés et une grande cérémonie organisée pour leur inhumation. Moment de ferveur et d’union.
Mais personne ne fait état des 7 maliens assassinés dans les mêmes circonstances. Aucune ONG malienne n’a élevé la voix pour condamner ou demander justice. On a juste entendu Ançar Eddine et le MUJAO dire qu’ils considéraient cela comme un acte de guerre et qu’ils vont y répondre. La société civile malienne qui s’émouvait il y a peu pour une main coupée – ce qui est grave, il est vrai – à Gao, n’a pas émis la moindre protestation devant l’exécution de sang-froid de 7 maliens et du sort encore inconnu réservé à deux autres (le chauffeur de la voiture et son apprenti). Pas un mot, pourquoi ? Parce que tous sont du Nord ? Parce que les déboires de l’Armée malienne doivent systématiquement être passés sous silence ?
Ce que l’opinion publique doit savoir, c’est que ces prédicateurs – dou’aat, comme ils s’appellent eux-mêmes – ne constituent aucune menace et ne l’ont jamais constitué, ni au Mali où ils ont leur plus grand bureau en Afrique de l’Ouest (Bamako), ni en Mauritanie où ils sont présents depuis le début des années 90, ni au Sénégal où une chasse a été engagée contre eux récemment.
On peut les assimiler aux groupes islamistes militants, surtout quand on ne peut rien contre ces groupes militants. Ils sont effectivement pacifiques, sans velléité de violence aucune, prêchant la bonne conduite, refusant de répondre à la provocation, désarmés…
L’Armée malienne qui a tourné le dos aux combattants jihadistes et aux rebelles du Nord, peut se permettre la méprise et tirer sur ces preux moines. La réalité est têtue : le défi pour cette armée est d’aller déloger les indépendantistes et les terroristes qui ont occupé une partie de son territoire, pas de créer des problèmes de plus à un gouvernement qui tente de recoller les morceaux.
En fait, l’incident peut être compris comme une vaine tentative du groupe de Kati – l’ex-junte qui a tout perdu et qui sera obligé un jour ou l’autre à revenir au front – de déstabiliser le nouveau gouvernement qui a pour mission de rétablir la légitimité constitutionnelle et l’unité politique pour envisager la reconquête du Nord. La sortie du capitaine mutin puis putschiste Sanogo à l’ORTM au lendemain de la bavure s’explique par sa volonté de disculper sa troupe (ou ce qui en tient lieu).C’est une anticipation sur les accusations et une façon de couvrir les éventuelles lectures «complotistes». C’est l’aveu et l’expression du sentiment de culpabilité profond de la junte qui tire toujours les ficelles.
Mais où est la classe politique malienne ? où est la société civile malienne qui a su peser par le passé dans le déroulement des faits et dans l’exercice du pouvoir, en devenant un réel contrepouvoir ?  où est l’intelligentsia malienne ?
P.S : la liste des neuf preux dou’aat mauritaniens : Nana Ahmed, Sid’Ahmed Cheikh Yahya, Mohamd Essaghir Mohamed Val Cheikh, Maouloud Sid’Ahmed, Ahmed Baba Eli, Iatwal Eyamou zeidane Bati, Ivikou Abdallahi Mohamed Val, Mohamed Ahmed M’haymid, Ntalla Djibril.