dimanche 12 octobre 2014

Accord de pêche Mauritanie-UE :


Les 9 et 10 octobre derniers, négociateurs mauritaniens et européens avaient rendez-vous à Bruxelles pour le quatrième tour des pourparlers en vue de la signature d’un nouveau protocole de l’Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Mauritanie et l’Union Européenne. On se souvient encore des dures heures passées le 29 juillet dernier à Nouakchott pour savoir quand prenait fin le précédent protocole. Les deux parties étaient arrivées in extrémis à un accord prenant en compte le début des activités de chaque flotte : l’essentiel étant de pêcher pendant 24 mois. Ceux qui avaient commencé à pêcher au lendemain du paraphe du protocole le 31 juillet 2012 s’arrêtaient immédiatement, alors que ceux qui avaient attendu son approbation par les instances européennes attendraient le 8 décembre 2014. En attendant d’engager des négociations en vue du renouvellement du protocole. C’est justement pour cela que Mauritaniens et Européens se sont retrouvés à Bruxelles cette fois-ci.
A l’ouverture de la réunion, la délégation européenne dirigée par l’italien Roberto Cesari en sa qualité de chef  d’unité des accords bilatéraux a surtout exprimé le souci de la partie européenne de revoir la contrepartie financière sur la base de la proposition faite lors du round tenu à Nouakchott les 24-27 mai 2014 et qui rabaissait la compensation au niveau de 45 millions euros. Tout en insistant quand même sur «les principes sur lesquels {la partie européenne} souhaite fonder le futur partenariat : la durabilité, la transparence, la non-discrimination, une optimisation des ressources financières au regard des possibilités de pêche et des retombées socio-économiques tangibles pour les deux parties». Et pour combler la baisse de la compensation, la partie européenne met en avant la possibilité d’augmenter substantiellement l’enveloppe de l’appui sectoriel.
Cette question de «l’appui sectoriel» a toujours été perçue comme un leurre par la partie mauritanienne. On a vu l’enveloppe de cet appui sectoriel aller croissant de 11 millions euros la première année du protocole 2008-2012 à 20 millions la dernière année. Sans pour autant que cela se traduise par des investissements ou des profits significatifs pour la partie mauritanienne. Essentiellement à cause des conditions d’octroi et de décaissement dont chaque étape constitue un goulot d’étranglement à elle seule.
La partie mauritanienne, dirigée par Cheikh Ould Baya, Conseiller technique du ministre des pêches et négociateur principal de ces accords, a rappelé le souci pour elle de faire profiter le pays de toutes les possibilités ouvertes par l’exploitation d’une telle ressource. Tout en préservant la durabilité de cette ressource par une exploitation transparente, soutenable et à même de la préserver. Rappelant que les possibilités offertes ont été déterminées sur la base de conclusions scientifiques faites en collaboration avec des experts de l’Union Européenne et selon les principes édictés par le souci écologique de tempérer les excès humains et par celui d’instaurer un commerce équitable entre Nations du monde, du Nord et du Sud.
La partie mauritanienne a estimé que l’offre de 45 millions euros est largement en-deçà de ses attentes. Tout comme elle a refusé de considérer l’augmentation de l’enveloppe de l’appui sectoriel comme «une amélioration» au détriment «du droit d’accès», pour les raisons évoquées ci-haut. Parce qu’aucune des deux parties n’a cherché à bénéficier de «la clause de dénonciation», une possibilité ouverte à chacun des partenaires au cas où l’un ou l’autre se sent lésé par la mise en œuvre du protocole, on comprend que le protocole en cours a satisfait les deux parties.
Le négociateur mauritanien a expliqué que les 67 millions payés actuellement correspondent à une compensation plus ou moins équitable au vu du quota de pêche alloué qui atteint les 300.000 tonnes pêchées à proximité des marchés européens et dans une zone riche et favorable à toutes les activités en matière de pêche.
Il a rappelé les concessions techniques et financières consenties par la Mauritanie pour permettre de lever les dernières réserves de certains pays européens qui ont pris l’habitude de profiter largement de la ressource mauritanienne. Et, «comme preuve de bonne volonté», la Mauritanie serait prête à «accepter le statu quo». C’est-à-dire le retour aux conditions du protocole en cours.
En juillet 2012, les négociateurs mauritaniens arrivaient à signer un protocole jugé «historique» pour ce qu’il offre à la partie mauritanienne en matière de profits. Après quelques sept rounds de négociations, les Européens acceptaient de relever la compensation de 76,5 millions euros à 113 millions dont 67 millions sous forme de compensation financière et le reste comme redevances. On passait automatiquement à une situation où ce n’est plus le type de bateau qui détermine la redevance mais la quantité de produits effectivement pêchés. Deuxième mesure nouvelle : l’obligation de débarquement pour toute la production ouvrant de nouvelles possibilités d’emplois. D’ailleurs la main d’œuvre mauritanienne va passer à 60% sur les bateaux de la flotte européenne. Au moment où le poulpe devenait un monopole des artisans mauritaniens. De nouvelles zones de pêches furent déterminées par le protocole en vue de préserver les zones sensibles (de reproduction) et 2% des quantités pélagiques pêchées revenaient à la société de distribution de poisson qui a vocation de disponibiliser cette denrée sur l’ensemble du territoire national.
Les négociateurs européens de l’époque n’avaient pas manqué de saluer «un accord équitable qui s’inscrit dans la durée» parce qu’il respecte «les bases scientifiques de la préservation des ressources». C’était à l’époque où un Belge désintéressé, Stefaan Depypere, dirigeait la délégation et où l’Allemand feu Hans-Georg Gerstenlauer, véritable ami de la Mauritanie décédé il y a peu, officiait comme Représentant-Résident Ambassadeur de l’Union Européenne à Nouakchott. Pour leur part, les autorités mauritaniennes en avaient fait un axe principal des acquis du nouveau pouvoir qui signifiait aussi la fin d’un laisser-aller marqué par une mauvaise gouvernance avérée du secteur.
Comme pour faire écho, le communiqué du Conseil des ministres de décembre 2013, insiste : «Le Conseil a adopté une décision relative à la signature, au nom de l’UE, et à l’application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l’accord de partenariat de pêche (APP) en vigueur entre l’UE et la République Islamique de Mauritanie.
L’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’UE et la Mauritanie a été conclu en 2006. L’objectif principal du protocole joint à cet accord est de définir les possibilités de pêche offertes aux navires de l’UE ainsi que la contrepartie financière due, de manière distincte, au titre des droits d’accès et de l’appui sectoriel. A l’issue des négociations, un nouveau protocole a été paraphé le 26 juillet 2012, le protocole précédent devant expirer le 31 juillet 2012. Le nouveau protocole couvre une période de deux à compter de la date de sa signature. Afin que les navires de l’UE puissent poursuivre leurs activités de pêche, le nouveau protocole devrait être appliqué à titre provisoire à partir de la date de sa signature, dans l’attente de l’achèvement des procédures nécessaires à sa conclusion».

2014 sera marqué par les négociations autour de la date d’expiration du protocole : aux yeux des Européens, il prenait fin avec sa promulgation le 8 décembre alors que pour la partie mauritanienne, il prenait fin le 31 juillet, jour du paraphe de l’accord.
Pour rappel, de la première année du Protocole (2008-09) à la dernière année (2011-12), les prises ont varié entre 9.337.407 à 11.002.067 tonnes toutes catégories confondues, le pic ayant été atteint en 2010-11 avec 12.408.012 tonnes. La compensation financière a varié entre 75 millions euros la première année et 50 millions la dernière année. Elle a été de 60 millions pour 2009-10 et 50 pour 2010-11.
Le Protocole de 2012-2014 (encore en cours) interdit l’accès aux céphalopodes réservés désormais au seul armement national. Cette pêche céphalopodière couvrait 33% des recettes cumulées entre 2008 et 2012. C’est important à savoir quand on procède à la comparaison des profits réalisés pour la Mauritanie.
Pour la première année 2012-13, 11.820.906 tonnes pêchées en contrepartie d’une compensation financière de 67 millions et d’un appui sectoriel de 3 millions euros. Alors que pour 2013-14 (seulement le premier trimestre de l’année), la quantité pêchée est de 29.329.494 tonnes pour 67 millions de compensation et 3 millions d’appui sectoriel.
Le retard pris par une partie de la flotte européenne qui a espéré fléchir la position mauritanienne sur les céphalopodes et le pélagique, explique le chiffre de la première année. L’activité va cependant s’accélérer durant la deuxième année permettant à la Mauritanie de doubler ses recettes par rapport au Protocole précédent. A quoi l’on ajoute l’obligation de débarquement pour la flotte européenne, l’augmentation de la main-d’œuvre nationale qui est passé de 37% à 60% pour le nouveau Protocole, et les redevances en nature qui ont permis à la Mauritanie d’avoir 1.716 tonnes en 2012-13 et 3.986 tonnes pour 2013-14 (premier trimestre), poisson distribué gratuitement ou à prix symbolique sur l’ensemble du territoire national.
Le 10 octobre, les deux parties concluaient qu’«en l’absence de convergence de vues, {elles} concluent que les négociations sont suspendues pour leur permettre de procéder aux consultations internes nécessaires. Ces négociations pourront reprendre à une date ultérieure à convenir». C’est-à-dire quand les deux parties seront décidées à accepter de ne pas remettre en cause les acquis en vue de préserver la ressource et d’instaurer un commerce équitable à même d’établir de meilleurs rapports entre pays développés et pays sous-développés. Pour cela, il va falloir faire preuve de bonne volonté, même si la remise en cause des essentiels du Protocole en cours, n’est pas à l’ordre du jour.