Albert Camus disait parlant de la révolution algérienne, «le sang, s’il fait avancer l’histoire, la fait avancer vers plus de barbarie encore». C’est ce qui arriva au lendemain du 11 septembre 2001.
L’arrogance et l’hégémonisme des plus forts fut plus pesant. La dizaine de pays, hyper-développés, hyper-armés, constituèrent une fratrie qui s’appellera «la communauté internationale». Engageant des guerres au nom du consensus mondial, décidant qui est méchant qui ne l’est pas.
Le concept de «rogue state» (Etat voyou) ouvrit la voie à la mise en quarantaine de pays entiers. Rien que parce qu’ils ont décidé de ne pas plier devant la volonté hégémonique des plus puissants. La «communauté internationale» finira par entreprendre les expéditions en vue de changer les régimes qui ne plaisent pas. Plus besoin des Bob Denard et autres mercenaires pour mener de telles entreprises. L’époque du mercenariat est révolue, place au diktat par l’intervention directe.
Les responsables occidentaux disent aujourd’hui que «le monde est plus sûr qu’avant le 11 septembre 2001», pour qui ? Pour les milliers de Palestiniens qui tombent sous les balles ou victimes de l’embargo israélien ? Pour les milliers d’Irakiens qui ont perdu leur souveraineté, leur sécurité et même leur dignité (avec les épisodes d’Abu Ghrayb) ? Pour les milliers d’Afghans, de Somaliens, de Soudanais, de Nigérians, de Pakistanais, d’Indonésiens, de Libyens… ?
Pour ceux-là – et ils sont la plus grande partie de l’Humanité – le monde était beaucoup plus sûr, beaucoup plus juste, beaucoup plus vivable qu’il y a dix ans.
Au lendemain du 11-9, les analystes avaient parlé de la nécessité de revoir l’ordre mondial, particulièrement pour la région du Moyen-Orient. Les Américains étaient les premiers à parler de la nécessité de permettre à un Etat palestinien indépendant de voir le jour. Dix ans après, on court derrière cet Etat, Israël s’entêtant dans son refus de reconnaitre les droits élémentaires du peuple palestinien.
Les analystes et même les responsables politiques occidentaux avaient parlé de la nécessité de redistribuer les ressources de la planète au profit de tous ses enfants, de partager l’usufruit de la croissance, de modérer l’opulence des uns pour atténuer le dénuement des autres. Dix ans après, on ne prête (toujours) qu’aux riches qui en ont déjà assez.
Analystes, philosophes et décideurs avaient dit la nécessité d’ouvrir les cultures les unes sur les autres, d’instituer le dialogue inter-civilisationnel, de partager les espaces, de cultiver les différences en les protégeant… Dix ans après, ce sont bien les idéologies racistes et xénophobes qui semblent avoir le vent en poupe. Si elles ne sont pas au pouvoir déjà – en Europe notamment – elles en sont proches.
Décidément, la leçon a été vite oubliée. (suite dimanche)