samedi 28 juillet 2012

Fabius ne viendra pas à Nouakchott


Contrairement à ce qui a été annoncé, le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius ne fera pas l’étape de Nouakchott. Il se contentera de Niamey, Ouagadougou, Dakar et Ndjamena.
«Pour raison de calendrier», dit-on du côté français. Prévu initialement dimanche à Nouakchott, il aurait été «bousculé» par un timing dicté par la situation en Syrie. Il demande alors à venir à Nouakchott dans la nuit de samedi à dimanche : arriver en début de soirée, être reçu immédiatement par le Président de la République, accomplir quelques gestes protocolaires avant de s’envoler pour le Tchad.
La partie mauritanienne aurait poliment décliné la proposition qui fait fi des obligations du mois du Ramadan. Le ftour, les prières (l’obligatoire et Tarawih), les occupations religieuses… Et c’est ainsi que le ministre français n’est pas venu à Nouakchott.
Peut-on en déduire que la France accorde peu ou pas de place à la Mauritanie dans son plan pour le Mali ? Ou s’agit-il simplement d’une contrainte de temps qui oblige à repousser l’étape à plus tard ?
Dans un cas comme dans l’autre, la France se sera trompée. En effet, si l’on prend en considération les déclarations faites par Laurent Fabius au Sénégal où il est venu prêcher la participation à l’effort de guerre, celles des chefs d’Etats africains de la CEDEAO, on entrevoit les premiers actes d’hostilité dans les jours qui viennent. Cela se passera suivant deux étapes.
La première prétend stabiliser le Mali du sud. Notamment en réorganisant les forces à Bamako et en sécurisant les autorités de la transition. Pour ce faire quelques trois à quatre mille hommes de la force d’attente seraient déployés. Comment alors éviter de ne pas percevoir cette présence comme une force d’occupation ? comment éviter qu’elle ne soit le prétexte pour les milices du Nord d’étendre leur champ d’action vers le Sud jusque-là épargné par la terreur salafiste ? comment éviter aussi – et c’est le plus urgent – l’exacerbation des aspects ethniques du conflit ?
D’autant plus qu’une présence qui dure dans le Sud sans action vers le Nord, équivaudrait à une acceptation du fait accompli, c’est-à-dire de la partition.
La France continue de mettre en avant l’intervention d’une force africaine tout en s’engageant à offrir une aide logistique qui va des renseignements aux équipements, et probablement à des interventions aériennes fortement espérées par les Sénégalais. Mais toutes les parties – France et CEDEAO – exigent l’aval du Conseil de Sécurité des Nations-Unies. On a vu toutes les réticences manifestées par cette Institutions lors des discussions sur le cas malien il y a quelques semaines. Il a fallu que la France mette tout son poids pour que la démarche de la CEDEAO et de l’UA soit avalisée par le Conseil qui a mis des conditions à toute intervention. Notamment des précisions claires sur les objectifs et sur la mission, mais aussi la durée et les outils… assez pour compliquer l’entreprise.
Peut-on croire que la France croit désormais pouvoir régler militairement la question sans l’Algérie et la Mauritanie ? Oui, si la promptitude affichée est réelle, promptitude à faire la guerre, cela s’entend. Ignorer l’étape de Nouakchott, c’est un peu ouvrir la voie à toutes les conjectures. Dont celle-là.