vendredi 31 mai 2013

Méchanceté gratuite

J’avoue n’avoir jamais su l’origine étymologique du mot «méchanceté». J’apprends qu’il vient de «m’échoir» qui veut dire «tomber par terre»… et vraiment je trouve que c’est exactement le niveau zéro de l’humanité… voyons voir cet exemple.
Depuis une semaine, une famille de Arafat cherche en vain à retrouver  son enfant unique de 9 ans. Il était allé le matin faire ses récitations coraniques habituelles auprès de la femme qui lui dispense cet enseignement. Il aurait été vu pour la dernière fois quand il jouait avec ses copains après avoir terminé ses récitations. Les recherches se poursuivent depuis une semaine donc. Vous imaginez la douleur qui mortifie la famille angoissée. Comme cela ne suffisait pas, des malins ont trouvé juste d’appeler les parents pour les importuner en leur donnant de fausses informations sur leur enfant. L’un d’eux a poussé la méchanceté jusqu’à leur dire qu’il a tué l’enfant et qu’il a balancé son corps dans la mer.
Le traçage du téléphone a permis d’arrêter le méchant monsieur qui sera heureusement traduit devant la justice.
Si j’en parle, c’est bien pour attirer l’attention de ceux qui me lisent sur cette propension à la méchanceté gratuite qui nous prend depuis quelques temps. Pas de pitié, rien que l’aigreur qui se transforme rapidement en haine de tous nos semblables. Quand vous faites attention à ceux qui vous parle d’un drame et à leur manière de le raconter, vous allez immanquablement déceler un plaisir à parler des malheurs des autres. Comme si on souhaite voir tous nos proches sombrer dans le malheur. Le cannibalisme n’est pas loin de cet état d’esprit…

A toutes fins utiles, le gosse perdu s’appelle El Hadrami Ould Mohamed Mahmoud et, pour toutes informations (sérieuses), vous pouvez appeler au : 22039035 et 37192618. Merci.

jeudi 30 mai 2013

Emiettement

Le 3 août 2005, quand le régime de Ould Taya s’écroule, il laisse derrière lui une société émiettée, divisée et profondément meurtrie par les déchirements qu’on lui a imposés. Des tribus à mille têtes, des logiques régionalistes rigides dans leur confrontation et dangereuses dans leur développement. Mais, parce que c’était l’aspecte le plus grave de cet émiettement, c’est la «rupture ethnique» qui a le plus accaparé l’attention et les efforts.
La course au pouvoir – j’aurai pu dire «la soif du pouvoir» sans me sentir excessif – a aveuglé la classe politique qui n’a pas compris que le départ de Ould Taya ne pouvait pas signifier la fin d’un système dans l’édification duquel ont collaboré les plus brillants et les militants de nos hommes politiques. Des hommes qui se retrouvaient, encore une fois, aux postes de commande. A l’image de celui qui dirigea les services de police 20 ans durant et qui se retrouvait à la tête de l’Etat. Qu’est-ce qu’il fallait pour nous convaincre que le changement était encore à conquérir ? qu’est-ce qu’il fallait pour amener nos hommes politiques à avoir un peu de retenue et à chercher à imposer leur rythme (s’ils en ont) ?
Il était écrit que nous traverserons la période de transition sans comprendre ce qui nous arrivait. Vint le gouvernement civil issu d’une élection dont on pouvait tout dire, même qu’elle était irrégulière, mais dont on dira qu’elle était parfaitement honnête. Et parce que tout ça a été construit sur du faux, parce que les hommes qui ont eu la possibilité de changer les donnes ont voulu réinventer le système qui a conduit le pays là où il se trouvait, parce que les hommes politiques ont une fois encore refusé de voir loin et d’agir vite, parce qu’ils ont renoncé à compter sur leur capacité de concevoir un projet et d’y faire adhérer les Mauritaniens…, nous nous sommes retrouvés en pleine crise d’existence.
Les Chinois ont un mot pour désigner «crise» et qui désigne aussi «opportunité». Ce n’est pas le cas des Mauritaniens qui tournent sur eux-mêmes en refusant de lever les yeux, d’apprécier la situation à sa juste valeur, d’imaginer une route à prendre pour en sortir. L’échec de notre encadrement national ne s’arrêtera pas là.
Voilà qu’il est incapable de palier à l’émiettement de la société, de dénoncer les réunions tribales, les bagarres tribales, les visions sectaires… Qui de la majorité ou des oppositions – nous avons désormais trois pôles – a opposé la moindre protestation ? Au contraire, nous avons vu élus et militants de tous côtés assister à ces orgies tribales, participer à ces manifestations sectaires… L’espace «particulariste» est d’ailleurs devenu le seul espace de rencontre des protagonistes de la scène politique mauritanienne.
La presse a joué son «petit» rôle de vecteur de divisions, de promoteur de discours racistes et fascisants. Il suffit de voir qui sont les invités de tous les plateaux, à qui on donne (le plus) la parole pour savoir que cela relève d’une conspiration nationale contre l’Etat, contre ce qui nous unit, contre le rêve de Modernité qui a été – qui est encore – la seule raison d’exister pour un pays né de l’arbitraire colonial…
Au moment de l’indépendance, de nombreux cadres et notabilités ont refusé la perspective d’indépendance en disant que cet ensemble n’était pas viable. Certains ont appuyé les revendications de pays voisins, d’autres ont voulu refuser l’autorité de l’Etat à l’intérieur.
Une poignée seulement a cru au projet Mauritanie. Un pays dont les fondements moraux devront être la mesure et l’équité, selon les préceptes dictés par un Islam fait de tolérance et d’abnégation. Dont la vocation est d’être une terre de rencontre entre ses deux versants, l’Arabe et l’Africain. Dont l’ambition est d’unir une peuplade jusque-là éclatée en groupes ethniques, en émirats, en tribus, en castes… de l’unir autour d’un idéal de liberté, d’égalité et de justice.
Qui s’en préoccupe aujourd’hui ?

mercredi 29 mai 2013

Poisson pour tous

Ce n’est pas la première fois que je vous en parle, ce ne sera pas la dernière fois, Inchaa Allah. Parce que je crois qu’il s’agit là d’un projet qui mérite attention et accompagnement. De quoi s’agit-il ?
De mettre à la disposition des populations les moins pourvues en moyens, le poisson pêché dans les eaux mauritaniennes. L’opération a commencé par les saisies faites sur les bateaux contrevenants par la Surveillance maritime et qui sont ensuite gracieusement distribuées aux populations pauvres des grands centres urbains. C’était du temps où le colonel Cheikh Ould Baya dirigeait la Surveillance.
Puis on a pensé à greffer là-dessus un projet qui aura pour ambition d’introduire le poisson dans les habitudes alimentaires de la Mauritanie profonde. Une manière de faire profiter les populations du terroir (et celles des villes qui n’en avaient pas les moyens) de ce grand apport en protéines et autres composantes nutritives. En même temps contribuer à diminuer l’effort fait sur le cheptel. Et, immédiatement, permettre à des milliers de gens de manger enfin du poisson. Ce qui n’est pas peu dans un pays qui a longtemps tourné le dos à la mer.
Depuis la dernière fois où je vous ai entretenu des quantités envoyées en 2012 dans les différents points de vente (2.476.870 tonnes au total), il faut dire que le projet avance, même si sa composante «coopération espagnole» n’est pas encore totalement déployée.
On compte aujourd’hui 30 centres de stockage et 25 points de vente sur l’ensemble du territoire national. Ces centres sont pourvus de containers de capacité variant entre 50 et 60 tonnes. Certains, comme c’est le cas de Kiffa, ont une capacité de 100.000 tonnes. Les centres sont régulièrement approvisionnés malgré les difficultés liées au déficit en électricité dans certaines villes. L’approvisionnement des Hodh a été suspendu momentanément en attendant la réalisation du tronçon Kiffa-Tintane. Le Tagant et le Guidimakha ne sont pas encore servis.
Le projet possède juste deux camions frigorifiques qui font la navette. Bientôt, il sera équipé de camions et de containers grâce à la coopération espagnole qui a accepté d’y mettre 5 millions d’euros. Il est même envisagé de trouver une solution à la satisfaction des besoins en électricité par l’achat de groupes par exemple.
En attendant, le projet emploie 176 personnes environ dont 84 femmes. Ils sont tous payés sur le produit de la vente du produit. Est-il besoin de rappeler que le poisson est vendu 50 UM/kg pour permettre aux populations les moins pourvues d’y accéder.
La consommation quotidienne des Wilayas varie entre 1 tonne environ et 3. C’est le cas de Nouakchott où les 15 poissonneries écoulent 3 tonnes au bas mot par jour. Ce qui donne une indication sur le spectre de populations touchées.
Depuis le mois de mars (2013), plus de 800 tonnes ont été acheminées sur les différents marchés. L’on note qu’à Nouakchott 204 tonnes ont été écoulées, 143 à Atar, 136 à Kaédi, 105 à Zouératt… c’est révélateur quand on découvre que 10 tonnes ont été acheminées pour la même période à Wadane et 7 à Bir Mogreyn, là où le poisson était peu apprécié.
Selon les responsables du projet, l’apport né de l’accord avec l’Union Européenne et par lequel 2% du pélagique pêché doivent être dédiés au projet, cet apport a considérablement augmenté les possibilités existantes. Il y a aujourd’hui un surplus qui est stocké à Nouadhibou en attendant d’être acheminé vers les points de vente.
Par ailleurs, et grâce à une ONG de la place, des sessions de formations ont été organisées au profit des populations du Nord pour leur apprendre les différentes variétés de plats à base de poisson. Une manière de leur apprendre comment en profiter au maximum.

mardi 28 mai 2013

Une révolte et non une révolution

Tôt ce matin, des centaines voire des milliers de travailleurs appelés ici «Journaliers» manifestent dans les rues de Zouératt, la capitale minière du Nord. Ils suivent en cela l’exemple de leurs collègues de Nouadhibou qui ont fait grève et engagé des pourparlers aboutissant à un accord avec le patronat.
Deux différences cependant avec l’exemple de Nouadhibou : la première est que la grève de Nouadhibou a été déclenchée dans les règles de l’art avec l’encadrement des centrales syndicales alors que celle de Zouératt a été dénoncée par ces mêmes centrales ; la deuxième différence qui en découle nécessairement, c’est qu’à Nouadhibou aucun acte de violence n’a été enregistré alors qu’à Zouératt nous allons assister à une casse pure et simple.
C’est ainsi que les travailleurs excités vont s’attaquer aux bureaux du Wali et à ceux de la radio régionale, saccageant et brûlant même tout sur leur passage. Avec une violence inédite dans le pays.
Même s’il est à noter que le même instinct de violence a conduit quelques transporteurs d’Aïoun à manifester violemment aussi dimanche dernier. Ils ont brûlé des pneus devant la Wilaya, attaqué la devanture de la BMCI, cassé des portes d’entrée. A noter aussi l’agression barbare dont a été victime le Préfet (Hakem) de Ryad il y a près d’une semaine. Tous ces actes de vandalisme sont l’expression d’un manque de conscience chez leurs auteurs qui ne semblent plus avoir de respect pour l’administration et pour l’autorité en général.
Pour revenir à Zouératt, il est utile de signaler que le principal animateur de ce mouvement de protestation n’est pas un «journalier» mais un contremaître de la SNIM. Que d’après les informations données par les connaisseurs, il s’agit d’un activiste politique qui a appartenu à l’UPR avant de le quitter pour El Wiam de Boydiel Ould Hoummoid. Et quand cette appartenance aux deux partis a tardé «à donner un résultat», il a réussi à avoir trois récépissés pour trois syndicats locaux (manutention, gardiennage et infrastructures). Dans l’esprit de l’administration, il s’agissait de déstabiliser les centrales syndicales les mieux implantées dans le Nord (CGTM et CLTM). Dans l’esprit de l’activiste en question, il s’agissait plutôt d’avoir des leviers à utiliser quand il faudra faire pression. Avec lui, semble naître «l’intermédiation syndicale».
Sous prétexte de revendiquer une gratification accordée aux employés de la SNIM, les Journaliers se mettent en grève pour une journée. Pas tous cependant parce que tous ceux parmi eux qui sont restés loyaux vis-à-vis des syndicats ne sont pas allés en grève.
Mauvaise réaction des patrons quand les grévistes ont voulu regagner leurs postes de travail : pas question pour eux de laisser les grévistes reprendre comme si de rien n’était. La goutte qui a fait déborder le vase.
Mardi, très tôt, ils se mettent en branle. La veille, il y avait eu une réunion autour de la validation du programme de développement de la région. La rencontre était animée par deux ministres, celui de l’intérieur et celui du développement économique (Mohamed Ould Boilil et Sidi Ould Taha). Les ministres et le Wali avaient quitté en fin de nuit la ville pour se rendre à Atar où ils devaient assister aux travaux de validation du cadre stratégique de la lutte contre la pauvreté. En laissant derrière eux une ville en ébullition et une situation explosive qu’ils n’avaient pas vu venir. Pourtant les déplacements de ministres à l’intérieur sont supposés servir (seulement) à prendre le pouls des situations locales. Il faut en déduire que les ministres n’ont pas pris cette peine-là.
Quand les violences éclatent, aucun des responsables restés sur place n’a la capacité de donner les ordres qu’il faut. Quand le chef est absent, rien ne peut être fait. C’est ce qui explique aussi les violences à Aïoun où le Wali titulaire était absent.
A croire aussi que le dispositif de sécurité présent à Zouératt est insuffisant. Il a fallu l’intervention de l’Armée pour rétablir l’ordre. Un accord a été finalement trouvé dans la journée. Après le retour en catastrophe du Wali et du ministre de l’intérieur qui est revenu par hélicoptère.
Toutes ces dérives violentes sont une mise en garde pour tout le monde. Pour les autorités qui doivent comprendre que la marmite bout. Pour les acteurs qui doivent savoir qu’il y a des limites à tout. Pour les militants et défenseurs des libertés publiques qui ont à sensibiliser autour de l’exercice des libertés.
Quelqu’un me racontait que feu Mohamed Abdallahi Ould Hacen – un (très) grand quelqu’un de par-là – avait fait face à un mouvement de colère des étudiants alors qu’il était ambassadeur à Dakar. Dans leur colère, les étudiants avaient brisé les vitres de l’ambassade et cassé une ou deux portes. Quand il a fallu discuter avec eux pour les ramener à la raison et trouver un accord, il conclut devant eux «…Le problème maintenant, c’est que tout ce qu’on va mobiliser de moyens doit d’abord servir à remplacer ce qui a été détruit et à réparer ce qui a été abîmé». Ce que détruisent des manifestants excités, c’est finalement la communauté qui va en supporter la réhabilitation. Ce n’est pas bien. Surtout que dans le cas d’espèce, personne ne semble payer pour les dérives. Aucune poursuite n’a été décidée…

lundi 27 mai 2013

Solidarité avec ceux de Guantanamo


Ils sont deux Mauritaniens à être retenus dans cette zone de non-droit qu’est la prison de Guantanamo : Mohamedou Ould Sellahi et Ahmed Ould Abdel Aziz. Chacun d’eux est un cas à lui seul.
Mohamedou Ould Sellahi est un brillant ingénieur informaticien. Il a effectivement fait partie de certains cercles d’Al Qaeda. Mais en arrivant en Mauritanie en 2001, il avait été déjà «traité» par les services de renseignements allemands et canadiens.
Arrivé en Mauritanie, il a fait l’objet d’une première arrestation qui a été l’occasion d’agents du FBI de l’interroger et de lui demander de collaborer avec eux pour appâter les transfuges de la nébuleuse. La Direction de la sûreté l’a mis à la disposition des agents du FBI à Nouakchott. Ceux-ci ont visiblement compris qu’il n’y avait rien à espérer de l’homme en terme de coopération et qu’aucune charge ne pouvait être retenue contre lui. Il me raconta lui-même les méthodes «musclées» utilisées pour lui faire peur, mais aussi les supplications des responsables mauritaniens qui lui promettaient monts et merveilles s’il acceptait de servir les Américains. Il sera relâché.
Il est repris quelques semaines après. Cette fois-ci les autorités mauritaniennes sont décidées à en faire une monnaie de change aux Américains auxquels il n’y a rien à offrir d’autre. La direction de la sûreté nationale le retiendra le temps de convaincre les Américains de l’utilité pour eux d’exfiltrer le citoyen mauritanien Mohamedou Ould Sellahi.
Sans précédent en Mauritanie, et peut-être dans le monde : des autorités qui livrent l’un de leurs citoyens à une puissance étrangère. Difficile à comprendre.
C’est pourquoi toutes ces interviews accordées par les parents des deux prisonniers, par les défenseurs de droits humains, toutes les analyses de spécialistes resteront incomplètes tant que le ministre de l’intérieur de l’époque, le directeur général de la sûreté de l’époque, le directeur de la sûreté d’Etat de l’époque ne nous ont pas expliqué comment et pourquoi Ould Sellahi a été remis aux Américains qui ne le demandaient pas.
Ahmed Ould Abdel Aziz a lui été arrêté au Pakistan et remis aux Américains. Il est depuis retenu prisonnier à Guantanamo où il a été immédiatement transféré. Son fils est né six mois après. Il serait atteint d’une maladie compliquée.
Aujourd’hui les parents des deux hommes demandent à voir le Président de la République pour l’entretenir du drame qu’elles vivent et le sensibiliser autour de la question. Pourquoi ne pas les rencontrer ?
En attendant il est du devoir de chacun de nous de faire ce qu’il peut pour faire bouger le dossier. Selon les parents, les autorités auraient argué qu’il est de l’intérêt des prisonniers d’être jugés – et certainement acquittés – par les juridictions américaines. Cela leur permettra d’éventuelles poursuites contre l’administration américaine. Maigre prétexte qui ne tient pas devant la douleur des parents et l’arbitraire vécu par les deux prisonniers.
Mohamedou Ould Sellahi et Ahmed Ould Abdel Aziz doivent être libérés et remis à leur pays au plus vite. Et comme le dit l’avocat qui a gagné le premier prix du concours des plaidoiries, concours organisé à l’IFM (ancien CCF), «Guantanamo : trop, c’est trop… Les cas de Ould Sellahi et Ould Abdel Aziz»…
L’absurdité du cas et la flagrance de l’arbitraire exercé sont pour beaucoup dans la qualité reconnue de la plaidoirie.

dimanche 26 mai 2013

Réintégrer l'Afrique


Au moment où l’Union africaine (UA) fête ses cinquante ans, il serait utile de rappeler nos rapports avec le continent et d’essayer d’en fixer les contours prochains.
Si le Président Moktar Ould Daddah avait été l’un des pionniers du militantisme panafricain, ses successeurs ont œuvré pour l’éloignement du «giron africain». C’est comme ça que certains idéologues, d’inspiration nationaliste, ont vu le continent dans ses rapports avec la Mauritanie. les courants nationalistes ont jugé que l’intégration africaine était porteuse d’aliénation culturelle et de risques dans le déséquilibre «ethnique».
Perçu par les fondateurs comme «trait-d’union» entre l’Afrique blanche au nord du Sahara et l’Afrique noire au sud, la Mauritanie a, en quelques décennies (deux), tourné le dos à son versant sud. Les fortes inspirations nationalistes (arabes) de Ma’awiya Ould Taya y sont pour quelque chose. Le conflit avec le Sénégal sera une étape dans ce processus qui devait aboutir à la sortie de la CEDEAO. Signe de ce dédain vis-à-vis de l’Afrique : les absences répétées aux manifestations panafricaines du Président Ould Taya qui avait fini par expliquer à ses proches que «notre place n’est pas au milieu de ces pays moins développés que nous, mais parmi ceux du Nord qui sont similaires». La folie des grandeurs mène loin.
La tendance chez le Président Ould Abdel Aziz est toute autre : il ne rate pas une occasion de se rendre dans les pays africains, aux sommets et rassemblements panafricains. Il s’est vu investis deux fois de missions de paix en Afrique (en Libye et en Côte d’Ivoire) pour avoir été le président du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’UA. Il a reçu à Nouakchott une vingtaine de chef d’Etats africains depuis qu’il a été élu en juillet 2009. Il fait preuve publiquement de sa volonté de faire réintégrer la Mauritanie à son milieu africain.
Dans quelques mois, des élections législatives seront organisées. Un nouveau Parlement en sortira. Il sera important pour le pays et pour les politiques de faire du recentrage de la politique africaine de la Mauritanie un thème de campagne. Avec comme questionnements : quel rôle pour la Mauritanie en Afrique ? faut-il ou non revenir à la CEDEAO ? comment faire évoluer l’intégration dans l’espace OMVS ?
Mais déjà, il faut ouvrir un débat sur la participation de la Mauritanie à la force de maintien de paix au Mali. Quel intérêt pour notre pays d’y participer ? quelle mission pour lui ? en quoi cela peut-il permettre de réintégrer cette aire naturelle ouest-africaine ?
Si l’on se pose ces questions à temps, on pourra imposer aux futurs candidats à la présidentielle de 2014 d’en faire un thème central de campagne.
Nous avons quitté la CEDEAO en 2000. Nous savons à présent ce que cela a coûté à nos communautés établies dans les pays de l’ensemble ouest-africain. On sait que cela a contribué à isoler un peu plus la Mauritanie, à dénaturer ses vocations premières dont celle d’être une terre de convergence et de rayonnement sur les espaces dont elle se réclame. On est tous d’accord pour gausser les raisons qui ont amené les autorités de l’époque à prendre une telle décision. On sait qu’on n’est rien au sein de Maghreb Arabe si on n’apporte pas avec nous cette possibilité (capacité) d’ouverture sur le Sud, qu’on est encore rien au sein de l’Ouest-africain si on n’est pas cette interface avec le Nord.
La Mauritanie est faite d’un mélange humain qui a donné une culture aux multiples facettes et dont le devenir a été conditionné par une géographie qui lui donne ce formidable atout d’être à la fois maghrébine et ouest-africaine. Seule une politique volontariste d’ancrage dans l’ensemble ouest-africain peut nous permettre de recouvrer notre vocation originelle de trai-d’union – cette fois-ci on va traduire le concept non pas par «hemzet el waçl» qui n’a aucun effet sur la construction du mot, mais en «ard elliqaa» (terre de rencontre).

samedi 25 mai 2013

La raison de Hassan NaçrAllah


Le chef du Hezbollah est toujours aussi déterminé qu’il l’était. Pour lui pas question de combattre aux côtés du camp soutenu par les Etats Unis d’Amérique et Israël. C’est comme cela qu’il explique l’engagement du Hezbollah avec les forces régulières syriennes. Engagement qui semble avoir fait basculer le rapport de force au profit des forces régulières et du gouvernement de Damas.
Dans son discours d’aujourd’hui, Hassan NaçrAllah explique que son parti a longtemps hésité à s’impliquer dans le conflit syrien. Indiquant qu’il ne s’agit plus d’une «révolution», encore moins d’un peuple opposé à son gouvernement, mais d’une guerre totale lancée par des groupes «takfiri» dont l’extrémisme a conduit aux massacres de milliers de Musulmans en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, en Somalie… «D’ailleurs si l’on fait le compte des victimes de ces mouvements dans ces quatre pays, on est frappé par le fait qu’ils ont tué plus d’érudits, d’intellectuels, de simples citoyens sunnites qu’ils ont tué de Chrétiens ou de Chiites». Un peu pour se défendre de se battre pour une raison autre que celle que dicte la peur de voir ces groupes avoir un sanctuaire en Syrie.
Affirmant que ces groupes extrémistes sont un danger pour l’ensemble des Musulmans, le leader du Hezbollah a expliqué que l’issue de la guerre en Syrie déterminera l’avenir de la région. C’est pourquoi les combattants de son mouvement croient qu’il est de leur devoir de participer aux côtés des forces syriennes.
«Personne ne peut nous demander d’être indifférents, ni d’être du côté de ceux qui ont toujours eu pour dessein de mettre la région à feu et à sang. Il est normal qu’on se range du côté de celui qui nous a soutenus dans la résistance aux agressions sionistes, de celui qui se dresse contre les hégémonies impérialistes dans la région», a dit en substance Hassan NaçrAllah.
Une analyse froide que fait celui qui a tenu tête à Israël en juillet 2006, qui a obligé son armée à se retirer du Sud Liban en 2000, inversant, l’espace d’une décennie, le rapport de force qui a toujours été au profit d’Israël. C’est à cause de cela que le Hezbollah est dans la ligne de mire des pays occidentaux, mais aussi des pays arabes qui le voient réussir là où ils ont tous échoué.

vendredi 24 mai 2013

L’horreur au nom de l’Islam

Ce qui s’est passé dans une rue de Londres interpelle chacun de nous. Au nom de cette Sainte religion qui prône, nous en sommes de pieux adeptes, la paix et la tolérance, au nom de notre religion, deux individus, ayant plus l’air de voyous de quartiers que de militants d’une cause, ont tué, essayé de décapiter publiquement un soldat britannique. Avec un sang-froid qui trahit les relents purement criminels et l’instinct bestial des auteurs du crime.
Moins de 24 heures après, le Niger est frappé par un double attentat : une trentaine de morts probablement (21 officiellement) et des dizaines de blessés. Pour la plupart des Musulmans comme vous et moi. Un pays très religieux dont la population respire la générosité, la bonté et l’abnégation. Pour le peu de temps que j’y passé, j’ai senti une population ouverte, vivant sa religiosité sans extravagance, sans fanatisme… Il est rarement de faire cinq minutes de marche sans voir un espace aménagé pour la prière. Les mosquées pullulent mais sans fracas. C’est ce pays qui est visé par les groupes terroristes qui n’ont d’autre projet que celui de détruire. Ceux qui se tuent pour tuer avouent ainsi ne rien à voir à proposer pour vivre. Ni projet, ni action pour alléger les souffrances des populations. Rien que la mort qu’ils sèment.
La crainte qui doit nous animer aujourd’hui est celle de voir dupliqué le meurtre de Londres. Personne n’est plus à l’abri, ni aucune capitale. Ou de voir s’étendre le champ de bataille vers tous les pays du Sahel. On dira toujours que ces pays vivaient depuis quelques années cette guerre, mais les attaques d’Arlit et de Agadez signifient une extension effective du conflit dans lequel la France s’est invitée. Sans précautions.
On a l’impression que le Président François Hollande est en train de rééditer les échecs et erreurs de son prédécesseur Nicolas Sarkozy. Si celui-ci a mené une guerre aux conséquences catastrophiques pour la Libye et les pays de la zone, François Hollande est parti en campagne au Mali dans la précipitation et sans se soucier des conséquences que pourrait avoir un tel engagement.
C’est désormais le sud libyen qui alimente les mouvements terroristes. La couverture donnée par la France à l’Armée malienne qui a commis – commet encore – des exactions à l’encontre des populations du Nord, a légitimé le combat mené par les groupes, notamment le MUJAO et «Les signataires par le sang». Ces deux groupes sont constitués pour l’essentiel de jeunes appartenant aux différents groupes ethniques du Sahara sahélien, surtout du Nord malien (Arabes, Touaregs, Peulhs et même Songhaïs). Un spécialiste me disait que l’élément maghrébin de AQMI (du terrorisme en général) a peut-être quitté le Nord du Mali, mais est resté ici l’élément sahélien, le guerrier local légitimé justement par cette appartenance. Les risques de voir cet élément agir dans d’autres pays comme le Sénégal, la Guinée, le Tchad et même le Burkina qui entretient jusque-là des relations douteuses avec ces groupes, ce risque est énorme. Ont raison ceux qui se demandent «à qui le tour, après le Niger ?».

jeudi 23 mai 2013

La mauvaise foi en puissance


Dans une relation faite ce matin par alakhbar.info d’une soirée animée par la COD autour de son appréciation du pouvoir actuel, le site rapporte des propos qu’aurait tenus Dah Ould Abdel Jelil dans sa kharja à l’occasion. Parlant de preuves qu’il aurait sur l’implication du Président Ould Abdel Aziz dans les trafics internationaux, il aurait cité, toujours selon le site, les propos de quelques «proches de Ould Abdel Aziz» dont le directeur de La Tribune, Mohamed Fall Ould Oumeir. Lequel a écrit que «Ould Abdel Aziz est arrivé au Burkina Faso sans y être invité et sans raison technique, qu’ils y ont attendu un long moment pour voir venir Coumba Bâ avec plusieurs grosses valises, ce qui a intrigué l’auteur» (traduit du site).
Les propos de l’ancien ministre de l’intérieur de Ould Taya sont inexacts. Je crois fermement qu’il le sait. Ils auraient pu passer sans commentaires de ma part. Seulement, il est la deuxième personnalité politique – si je parle des gens sérieux – à faire référence à la relation que j’ai faite en décembre 2010 du voyage présidentiel au Sénégal et au Burkina Faso.
A court visiblement d’arguments, ces politiques recourent à un amalgame – une technique bien usitée chez nos politiques – pour maintenir le doute et croire eux-mêmes aux allégations dont ils usent comme arguments contre le régime qu’ils combattent (aujourd’hui).
Il est utile de rappeler – au moins à Dah Ould Abdel Jelil et Moustapha Bedredine, les autres ne méritent pas d’être corrigés -, de leur rappeler que les allégations concernant l’«arnaque d’Accra» dateraient selon leur(s) inspirateur(s) de 2006, alors que le voyage en question s’est déroulé en décembre 2010. Sauf volonté manifeste de créer l’amalgame, il n’y a pas lieu de faire le lien entre les deux.
Et de rappeler à Dah Ould Abdel Jelil, lui qui doit savoir de quoi il parle, que le Président Ould Abdel Aziz était bien l’invité de Blaise Compaoré pour les festivités marquant le cinquantième anniversaire de l’indépendance du Burkina. Celui-ci avait visiblement décidé de maltraiter «diplomatiquement» la délégation mauritanienne. La ministre des affaires africaines, à l’époque Coumba Bâ, devait anticiper ce comportement et éviter aux siens cette déconvenue. Elle ne l’a pas fait. Elle a payé pour cela deux fois : la première, c’est quand les journalistes présents lui ont fait porter la responsabilité de l’incident en mettant en exergue ses valises qui avaient été ouvertes par la sécurité présidentielle devant nous et avant de les embarquer, la seconde quand elle a perdu son poste de ministre quelques semaines après. Il n’y a pas lieu de supposer une quelconque autre lecture. D’ailleurs j’ai toujours été convaincu que nos hommes politiques ne lisent pas mais écoutent ce qu’on leur rapporte. D’où les approximations dans leurs analyses…
A toutes fins utiles, je vous propose de lire la conclusion du reportage paru dans La Tribune du 20 décembre 2010 :
«…Vivement le pays pour oublier les bobos de Bobo. Encore fallait-il faire avec les quatre grosses valises de la ministre chargée des affaires africaines : les faire contrôler par la sécurité, les faire monter à bord, les ranger dans un espace qui ne gênerait pas le personnel à bord… Autant dire qu’il nous en restait du temps pour enfin nous sentir arrivés

mercredi 22 mai 2013

Du Collège sahélien de sécurité (2)


Deux jours de discussions autour de trois thèmes : 1. «La gestion des populations frontalières» ; 2. «La coopération judiciaire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme» ; 3. «Le financement du terrorisme». Les débats autour de ces thèmes ont permis de fructueux échanges entre les représentants des trois pays. Il en est résulté quelques propositions de modules de formations à l’intention des différents acteurs de la lutte contre le terrorisme.
Les forces armées et de sécurité pour augmenter leurs capacités à faire face et à réagir, mais aussi à prévenir. Les Magistrats pour leur donner les moyens de faire jouer à l’Appareil judiciaire le rôle qui est le sien. On a souligné les insuffisances à ce niveau quant aux poursuites engagées ici et là. Rarement une affaire de drogue par exemple a donné lieu à une enquête judiciaire digne de ce nom. D’où la nécessité de promouvoir la complémentarité entre les enquêtes de police et de justice.
La sensibilisation des populations riveraines sur les défis sécuritaires. L’objectif n’est pas d’en faire des auxiliaires des forces de sécurité, mais de leur faire prendre conscience du danger que constitue pour elles l’entretien d’un trafic ‘t/ou l’infiltration d’acteurs du crime organisé. Le religieux doit être sollicité aussi : «Ce module sera mené par des Ulémas et des spécialistes réputés prônant les idéaux de paix de l’Islam. Il traitera aussi du Jihad, de la gouvernance et de la place des non-musulmans dans nos sociétés».
Une formation pour promouvoir la citoyenneté et l’Eta de droit. Une autre à l’intention des journalistes «sur la couverture médiatique du terrorisme afin d’éviter qu’ils en soient des vecteurs, des relais ou des tribunes pour terroristes. Ce module doit être développé à l’endroit des responsables de communication des armées».
En plus, il a été préconisé la mise en œuvre d’un «module de formation sur le narcotrafic et la criminalité transnationale. Ce module destiné aux représentants des agents de l’Etat et de la société civile, a pour but de faire prendre conscience de la menace globale que constitue le narcotrafic mais aussi de son imbrication factuelle avec la criminalité transnationale organisée en Afrique».
Pour mieux ancrer les approches dans une vision régionale, il est prévu de dispenser «un module sur les instruments internationaux, régionaux et nationaux de lutte contre le terrorisme pour une meilleure connaissance du cadre juridique et des différents mécanismes à la disposition des praticiens». En plus d’un module destiné à la lutte contre le blanchiment «avec un accent particulier sur les situations locales afin d’outiller les praticiens de tous les domaines sur la menace qu’il représente sur nos économies et toutes ses dimensions criminelles».
Le conseil scientifique a recommandé l’harmonisation des textes juridiques et le renforcement des bonnes pratiques existantes dans le domaine des procédures judiciaires (extradition notamment) et celui des Droits humains. Il a souhaité la redynamisation des échanges de renseignements entre les pays concernés et la formation d’équipes d’enquêteurs spécialisés (OPJ et Magistrats). Parmi les recommandations soumises au Conseil d’administration qui se tient en juin prochain, figure l’amélioration des conditions de vie et de travail des forces de défense et de sécurité dans tous nos Etats afin de les mettre dans les conditions de faire face à la menace.
En outre le Conseil scientifique a souhaité que le conseil d’administration entreprenne les démarches nécessaires pour que l’Algérie rejoigne le CSS. Une façon d’en faire un instrument des «pays du champ» (Mali, Niger, Algérie et Mauritanie). avec l’espoir de ne pas le voir devenir ce que furent l’Etat Major conjoint de Tamanrasset ou le centre de renseignements commun d’Alger.
Enfin de compte, il a été proposé au Conseil d’administration de renouveler la présidence du Niger, le Mali ne pouvant pas présider aux destinées de l’organe naissant et la Mauritanie préférant attendre. 

mardi 21 mai 2013

Du Collège sahélien de sécurité (1)


Pour relever «les défis de la coopération régionale face aux enjeux de la sécurité au Sahel», trois pays du Sahel, le Mali, le Niger et la Mauritanie ont créé le Collège sahélien de sécurité (CSS) le 26 septembre 2012 à Niamey. Il s’agissait d’activer et de développer la coopération régionale en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.
La mission première du CSS est de définir les besoins en matière de formations, l’intégration de certaines procédures, la mise en commun des expériences et des connaissances, et de pousser vers une coopération plus efficace entre les Etats. «…à l’exclusion de toute compétence opérationnelle», il s’agissait de créer un cadre permettant : «- de mieux intégrer la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée dans les enseignements dispensés aux magistrats et aux forces de sécurité ; - d’améliorer l’interopérabilité, par la mise en commun des savoir-faire ; - d’offrir un forum de réflexion commun entre les Etats Parties».
Pour ce faire le collège encourage les échanges réguliers sur les stratégies déployées par les uns et les autres dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé en général. Il est aussi une sorte d’organe de veille qui contribue à l’amélioration des capacités de réaction de chacun des Etats et au suivi du développement de la menace. Il sert à rendre plus cohérentes les politiques régionales et à mutualiser les moyens et les approches existantes.
Chaque pays est appelé à désigner un point focal national pour le CSS, les membres d’un Conseil scientifique (10) et ceux du Conseil d’administration (5). Le pays met à la disposition du point focal des locaux appropriés et couvre son fonctionnement.
Quand le Conseil scientifique se réunit, il fait une série de propositions qui doivent être entérinées par le Conseil d’administration. Cette année, le Conseil scientifique qui se tient à Niamey les 21 et 22 mai, doit proposer une série de modules de formations visant à perfectionner les forces armées et de sécurité et à harmoniser les procédures judiciaires dans les pays concernées. Il sera aussi l’occasion de faire démarrer effectivement le CSS qui n’a pas encore d’existence sur le terrain.
Première réunion du genre, elle doit nécessairement ouvrir sur une mise en œuvre du programme par notamment la définition d’un plan d’action.

lundi 20 mai 2013

Au service des autres


C’est l’histoire que je découvre en ce jour de lundi : alors que les passagers de Mauritanie Airlines International (MAI) devant aller à Casablanca depuis le matin attendaient encore à l’aéroport de Nouakchott à 13 heures, la compagnie affrétait ses avions à Air Sénégal International. Cette dernière tient, malgré ses difficultés nées de la mauvaise gestion qu’elle a endurée, à fidéliser une clientèle, à rester présente dans un espace qui l’intéresse et qui lui rapporte. La MAI, elle, ne semble pas préoccupée par sa clientèle, ni par ce qui rapporte.
On va nous dire que l’affrètement est plus rentable que l’acquisition d’une flotte, c’est ce que tout le monde a dit au début de la création de la compagnie. On a passé outre en arguant qu’il fallait être souverain et payer des avions pour satisfaire notre ambition. Notre ambition ?
Si notre ambition n’est pas de couvrir l’espace africain, que peut-elle être ? Si l’ambition de la compagnie n’est pas de satisfaire sa clientèle en premier, que peut-elle être ? La situation est celle-là aujourd’hui. Et même avec ses affrètements, les avions restent sous-exploités nous dit-on. «A peine 40% de leur capacité…», certifie un connaisseur. Ceci dit, la présence des couleurs mauritaniennes dans ces espaces est quand même une source de fierté. S’il n’y avait pas ce magazine de la compagnie qui s’appelle «El Moussafir» (Le Voyageur).
Environ 80 pages de papier glacé difficile à manier, avec des textes souvent mal écrits, beaucoup de fautes d’orthographe et des connaissances approximatives. Sans parler de la mise en page qui est exécrable. Pour vous donner une idée, j’ai choisi de partager avec vous quelques «blagues» proposées par le magazine (en gardant fautes et ponctuation).
«C’est un Mauritanien qui est parti au Japon, le premier jour… il a dormi jusqu’à 11:30,…alors les japonais l’ont cru mort, l’ont enterré»
«-Mon papa c’est le plus rapide du monde, dit le premier. Il fait Nouakchott Rosso en deux heures.
-Et qu’est-ce qu’il fait ton papa ?
-Il est chauffeur de taxi.
-Mon papa est plus rapide que le tien, il fait Nouakchott-Paris en deux heures.
-Ah ?!
-Ouais, il est pilote à Air Mauritanie.
-Un peu court, Le mien il est encore plus rapide.
-Oh ?!
-Il est fonctionnaire à la wilaya. Il termine son boulot à 5 heures, et à 4 heures il est déjà à la maison»
«Un monsieur a rempli son fourgon pleine de poules est part pour les vendre au marché de Rosso. En arrivant de Nouakchott, il a trouvé 1 barrage de gendarme. Le gendarme dit : d’où tu viens ? et c’est quoi ces poules ? et pourquoi sont grosse comme ça ? Qu’est-ce qui tu leurs donne à manger ?
Le vendeur : parce que je leurs donne du blé et noukhala. Le gendarme : ah oui c’est comme ça ? Tiens une amende de 500 UM. 2ème barrage a Tiguent : les mêmes questions du gendarme. Et pourquoi les poules sont grosses ?
Parce que je leurs donnes de la salade et des frites et du fromage .le gendarme dit : tu te moque de moi, alors je te fais une amende de 1000um. Le vendeur est parti fâcher .en arrivant au à Rosso, un 3ème barrage .le vendeur paniquée dit : tout ce que j’ai dit c’est pas bon, et il s’arrête devant le gendarme. Le gendarme : …et pourquoi sont grosses ? le vendeur : moi je leurs donne les sous et eu font leur courses»  
Parce qu’elles ne font pas rire, parce qu’elles sont mal écrites et truffées de fautes, nous n’en retenons que trois indications pour le voyageur qui arrive en Mauritanie : la paresse du Mauritanien, la clochardisation de son administration et le rapport à l’argent de ses postes de contrôle.
A retenir enfin, ce «proverbe arabe» qui dit : «un esclave qui n’est pas à toi est un homme libre». Tout homme nait libre ! et il y avait d’autres proverbes et moralités à promouvoir qui ne soit pas celle-là.

dimanche 19 mai 2013

Une idée du courage


Hier soir, Laurent Ruquier recevait Ségolène Royal dans son émission «On n’est pas couché», à l’occasion de la sortie de son livre, «Cette belle idée du courage». Au cours de la discussion, elle nous apprend, entre autres choses intéressantes, que Nelson Mandela disait qu’avoir du courage ne signifie pas nécessairement ne pas avoir peur, mais pouvoir surmonter la peur.
Quand on était en terminale, on nous racontait qu’un élève de terminale avait séché sur un sujet se rapportant à la problématique du courage, avec un libellé comme : «le courage, c’est quoi ?». Et l’élève de rendre sa feuille avec une phrase : «le courage, c’est ça». C’était plutôt le suicide là où mènent la bêtise et la suffisance.
Du peu qu’on en a lu au cours de l’émission, le livre de Ségolène Royal ressassait les différentes expériences humaines du courage. Dans la lutte pour ses droits, devant la mort, quand il s’agit de prendre des décisions importantes… Bernard Pivot présent, lui reprochera de ne pas avoir parlé de Charles de Gaule et de Simone Veil. Ce à quoi elle répondit spontanément : «je ne les ai pas connus…». Les autres de rétorquer en chœur : «vous n’avez pas connu Jeanne d’Arc non plus…». La mauvaise foi des politiques…
Cette présentation m’amène à quelques réflexions que j’ai lues ou entendues et que je partage avec vous.
On n’est pas courageux parce qu’on est prêt à mourir, mais surtout parce qu’on sait se battre pour vivre. C’est un peu ce que dit Mandela. Il faut savoir surmonter ses douleurs, ses échecs pour aller au-delà. Ça, c’est le courage.
Quand on dirige, ce qui nous est demandé, c’est surtout d’insuffler du courage, d’en inspirer, non d’en faire preuve. Certains vont jusqu’à dire que dans la réussite, la part du courage est beaucoup plus importante que celle du talent.
Il en va du courage comme du sens du sacrifice. Sous nos cieux, l’acte de sacrifice est assimilé à la mort, alors qu’il est une source de vie. On n’a pas besoin de mourir, de disparaitre pour qu’on dise de nous qu’on s’est sacrifié pour telle ou telle cause. On doit juste faire assez pour la réaliser, pour la faire vaincre quels que soient par ailleurs les compromis et les manœuvres que cela nous demandera. Nos hommes politiques doivent savoir que le courage et le sacrifice permettent de se frayer un chemin vers l’accomplissement.
On fait preuve de courage et de sacrifice quand on réussit à mettre de côté son amour-propre et à vaincre ses égoïsmes les plus intimes. On a du mérite si l’on arrive à ce stade de la réflexion et de l’action.

samedi 18 mai 2013

Un moment de communion


Hier chez Diallo Daouda, une partie d’une Mauritanie plurielle qui se retrouve. Le temps d’un dîner auquel a convié son jeune frère Diallo Amadou, résident à Nice de passage pour ses vacances.
Des Bidhânes, au sens large, des Peulhs, des Bambaras… un peu de toutes les régions, de toutes les ethnies. De jeunes militants (ou anciens militants) de Conscience et Résistance, «ce qu’il en reste», pour reprendre les termes de notre hôte, des cadres de l’UPR, du RFD, des universitaires, des fonctionnaires… un peu de tout de cette Mauritanie dynamique qu’occulte les discours catastrophés de notre élite.
Si j’en parle, c’est bien parce que j’ai malheureusement perdu l’habitude de voir cette Mauritanie-là. Celle qui rassemble spontanément, sans calcul, sans haine, sans rancune, sans défiances…
Une Mauritanie que j’ai connue, qui a été la nôtre, celle de générations aujourd’hui dépassées par la vigueur d’une démographie qui fait que la majorité des Mauritaniens, la grande majorité d’entre eux, ont 30 ans et moins. Ceux-là ne peuvent soupçonner la Mauritanie heureuse qui a été les trente premières années de l’indépendance.
Il ne s’agit pas de magnifier une période qui avait ses grandes lacunes, mais simplement de regretter un temps où les disparités, les appartenances et les sensibilités étaient moins «épidermiques» qu’aujourd’hui.
Les bandes de jeunes se rassemblaient par préoccupations : ceux qui aiment le football se retrouvaient dans les espaces publics pour jouer, les amateurs de volleyball ou de basket allaient sur les terrains consacrés, à la maison des jeunes, au stade de la capitale, au Racing club pour les plus nantis, ceux qui aimaient la lecture se retrouvaient à la maison de la culture ou dans les centres culturels (français, égyptien, libyen…), ceux qui aimaient le jeu des cartes se repliaient chez eux… Mais on ne pouvait voir une bande sans pluralité. Les amitiés se tissaient suivant les affinités, la proximité géographique (habitant du même quartier) et non la parenté.
Quelle langue on parlait ? Je ne sais pas exactement mais on communiquait parfaitement. Parce qu’à l’époque la question de la langue n’avait pas encore été instrumentalisée comme elle le sera plus tard par les politiciens.
Les «grandes» maisons – ici la «grandeur» n’était pas liée à la naissance des occupants mais à leurs fonctions et à leur aisance matérielle – étaient ouvertes. On passait de chez les Diagana à Ehl Mohamed Saleh, de chez les Bâ à Ehl Hommodi, de chez les Mohamed Laghdaf aux Koïta… On était les enfants de tous et on se comportait en tant que tels.
Le Nouakchott des années 70 et même 80, n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui. Surtout sur le plan de la mixité, de l’union, des échanges, des espaces de rencontre…
Sont passées par ici les politiques de sape qui ont conduit à 1989, 1990 et 1991 et dont les plaies ont tardé à être soignées. Elles dénotaient de la volonté politique officielle de diviser ce peuple.
Sont passées par là aussi les différentes instrumentalisations de nos différences qui ont été exploitées non pas comme richesses mais comme tares exagérément décrites pour créer des antagonismes qui n’ont jamais existé.
Rien n’est venu corriger. C’est ce qui fait qu’une soirée comme celle d’hier me redonne espoir et me rend heureux.

vendredi 17 mai 2013

Jackpot pour le Mali


La générosité des «amis du Mali» s’est finalement bien exprimée lors de la réunion de Bruxelles (mercredi, 15 mai). Avec 3,5 milliards d’euros de promesses de financements, le Mali a eu plus, beaucoup plus qu’il n’espérait (il demandait 2,5).
Cette «générosité» ne se manifeste que quand nos pays ont atteint le fonds. Pour le Mali, il a fallu la partition et une guerre qui n’est pas près de finir pour apitoyer les donateurs, pour la plupart des Occidentaux. Comme si le prix à payer pour susciter la solidarité internationale est d’abord celui de la chute, de la déconfiture, de l’effondrement.
Oublions un moment comment le Mali en est arrivé là. Oublions la mauvaise gestion de ses affaires par une classe politique ayant fait de la prédation et de la corruption une méthode de gouvernement. Oublions l’incapacité du Mali, ou son refus, à combattre les groupes terroristes et le crime organisé qui faisait main basse sur son administration et sur une partie de son territoire. Oublions la solitude du Mali et de son peuple quand il fallait prévenir ce qui devait fatalement arriver. Oublions tout cela… pour ne pas croire qu’il s’agit là d’une «prime à la casse».
Revenons à l’euphorie du moment, celle des présidents François Hollande et Dioncounda Traoré. Qu’est-ce qui permet aux deux responsables de se réjouir ?
La manne ainsi miroitée est difficilement mobilisable, à cause des conditions et de la bureaucratie (au Mali et chez les donateurs). D’ailleurs lequel des gouvernements aura à concevoir les projets qui seront financés ?
Celui de la transition n’a pas vocation à lancer des projets de développement. Sa mission doit être celle de reconquérir le Nord – ce que les Français ont fait pour lui – et celle d’engager un processus politique qui devrait aboutir à unifier toutes les forces politiques et à élire un nouveau président de la République. C’est déjà trop pour un gouvernement qui souffre d’un déni de légitimité.
Le gouvernement qui sortira des urnes après les élections de juillet prochain, celui-là reste à envisager. Il relève aujourd’hui du domaine du virtuel. En effet comment envisager une élection dans un pays dont une bonne partie de la population vit dans l’exil ? dont une partie vit dans une insécurité permanente ? dont la classe politique est absente de la conception et de la mise en œuvre des solutions préconisées ?
Jusque-là, c’est de Paris que nous apprenons qu’il faut «absolument» respecter l’échéance de juillet, que la population de Menaka (et des autres villes du Nord) participera au scrutin, que l’administration malienne reviendra avant l’échéance, que des accords politiques seront trouvés… La liste est longue parce que tout ce qui se décide pour le Mali, est annoncé de Paris. Mais il n’ya pas que ça.
Admettons que l’élection se passe dans les conditions optimales de participation et de régularité, qu’est-ce qu’elle peut donner en terme de qualité et de vision eu égard à la personnalité des candidats potentiels, ceux qui peuvent gagner une élection ? Mais c’est la même classe qui a conduit le Mali là où il est. La même incurie, les mêmes réflexes de prédateurs, la même incompétence à faire face à tous les défis dont celui de refaire l’unité d’un pays morcelé par la faute de ses enfants.
Je me souviens que quand la crise du Mali a atteint son paroxysme avec le coup d’Etat et la partition du Nord, le pays battait campagne pour la présidentielle. Lequel des candidats de l’époque s’est rendu dans le Nord pour essayer d’inverser le processus ? lequel a proposé des solutions crédibles pour les problèmes du Mali dont la question du Nord ? lequel a fait un diagnostic réel de la situation ? lequel a mis en garde contre le danger qui se précisait depuis longtemps ? lequel a essayé d’influer sur les évènements pour permettre à son peuple de voir en lui «l’homme de la situation» ?
Ce n’est pas par hasard si le capitaine mutin qui a pris le pouvoir par accident, s’est comparé un moment à de Gaule, laissant entendre qu’il était «le sauveur», le rédempteur d’une Nation dont les fils les plus indiqués – politiques, artistes, intellectuels…- ont choisi de la laisser tomber.
Les candidats d’aujourd’hui, ceux parmi lesquels on devra choisir le président de demain, sont les mêmes que ceux d’hier. Que peuvent-ils apporter en terme de proposition pour un avenir plus serein, plus apaisé, plus unitaire, plus juste, plus démocratique ?
Une question parmi une multitude.

jeudi 16 mai 2013

Un ami, un frère, un modèle


Il était d’une jovialité contagieuse parce qu’il était sincère dans tous ses agissements. Il parlait quand il fallait. Il savait prendre ses responsabilités et refuser le diktat de sa hiérarchie. Il pouvait être indépendant en toute circonstance…
Mohamed Salem Ould Lek’hal fut ministre du temps de Ould Taya, Gouverneur de la BCM… Son dernier poste est celui de Président de l’Autorité de régulation. C’est d’ailleurs lui qui donnera un sens à sa mission. Un témoignage de son successeur, faisait état de la présence, au sein des cadres de l’Autorité, de toutes les composantes de la Mauritanie. Quel que soit le critère de différenciation (ethnique, régional, tribal…).
Ça c’est bien Mohamed Salem Ould Lek’hal. Celui qui refuse les dérives d’aujourd’hui: népotisme, promotion de la médiocrité, clientélisme…
Au-delà des relations personnelles qui me lient à sa famille et qui font que je perds là un frère et un ami, une vérité s’impose à tous : Mohamed Salem Ould Lek’hal a été un monument d’ouverture d’esprit et d’abnégation.
Il a été ministre du plan, des affaires étrangères, entre autres. Il n’a jamais commis d’arbitraire, de malveillance vis-à-vis de ses collaborateurs. Il avait d’autres valeurs qui en faisaient un allié, toujours engagé, aux côtés du faible. Toujours prêt à affronter les plus forts. A côté de lui, on ne pouvait pas commettre d’arrogances parce qu’il tournait en dérision tout comportement qui tend à se faire valoir.
La Mauritanie perd ici un serviteur, quelqu’un qui savait dire non quand il le fallait et qui avait le mot pour alléger nos souffrances.
Qu’Allah l’agrée en Son Saint Paradis.
Que les familles Ehl Lek’hal, que ses amis, ses compagnons, que ceux d’Atar, que ceux de Mauritanie – Mohamed Salem appartenait à tout le monde -, que tous trouvent ici l’expression de nos condoléances attristées.
Inna liLlahi wa inna ilayhi raji’oune

mercredi 15 mai 2013

Info ou intox ?


J’ai lu ce matin sur quelques sites, que quelques 400 hommes – c’est précis non ? – de l’Armée mauritanienne ont traversé la frontière avec le Mali pour reprendre les positions occupées jusque-là par les Français.
On s’abstient cependant d’indiquer les lieux où seront déployées les forces mauritaniennes. On omet – sans doute volontairement – de dire dans quel cadre, ces forces sont mobilisées. Tout en affirmant qu’elles seront au total 1800 hommes. C’est la seule indication exacte de l’information. Tout le reste est faux. Absolument faux !
N’importe qui aurait pu prendre l’information auprès de l’Armée mauritanienne ou suivre le processus de déploiement des forces onusiennes dans le Nord malien. En prenant la peine de contacter la direction de la communication et des relations publiques de l’Armée, on saurait qu’aucun soldat mauritanien n’a traversé la frontière pour le Mali.
En prenant la peine de s’informer auprès des sources diplomatiques autorisées, notamment des instances de l’ONU, on saurait que le processus de déploiement d’une force de paix au Nord malien vient juste de commencer. Les pays intéressés – dont effectivement la Mauritanie – ont à savoir quels types d’unités, d’armes, d’équipements… doivent-ils envoyer. Pour ce faire plusieurs missions et études vont être menées dans les semaines qui viennent. C’est dans ce cadre qu’une mission des officiers des Etats Majors mauritaniens doit se rendre en juin ou juillet aux Etats-Unis d’Amérique, à New York précisément siège des Nations Unies. Cette mission permettra aux officiers mauritaniens de savoir la nature de la participation et la composition des forces à envoyer. C’est seulement après que l’on doit commencer à envisager le déplacement des forces.
En parler à présent équivaut à jeter le trouble dans les esprits. On se souvient qu’au lendemain de l’attaque meurtrière de In Amenas, une campagne a été lancée par certains détracteurs du régime qui tenaient à impliquer le pays dans une guerre qu’il refusait. En prétendant que les avions envoyés bombarder les Jihadistes au Nord du Mali, traversent et décollent même de la Mauritanie. Finalement cela n’a pas marché parce qu’aucune action de représailles n’a été tentée par les Jihadistes.
Tout ça pour rappeler que ce que nous écrivons, ce que nous disons peut avoir des conséquences qui peuvent prendre une ampleur dramatique. Et c’est là où l’info s’apparente à l’intox.

mardi 14 mai 2013

Energies propres


Une chance pour la Mauritanie que de prendre conscience des opportunités ouvertes par le soleil et le vent. Pour la première fois, une politique de l’énergie semble privilégier l’éolien et le solaire. En quelques réalisations ici et là, voilà que les deux forces contribuent désormais à l’alimentation du pays en énergie. C’est encore timide, mais c’est déjà très bien.
Si l’on en croit le ministre de la communication, Mohamed Yahya Ould Horma, la Mauritanie est en passe de devenir le pionnier de l’Afrique en matière d’exploitation d’énergies renouvelables. Il commentait les travaux du conseil des ministres qui a adopté une loi relative à une nouvelle centrale éolienne. Le ministre Ould Horma a précisé que 15 MW participent déjà à la fourniture d’ »électricité à la ville de Nouakchott. Il s’agit d’une première production qui devra bientôt arriver à 45 MW. Grâce justement à la centrale éolienne qui sera lancée.
Une centrale éolienne a été lancée à Nouadhibou. Une autre, solaire cette fois-ci, à Kiffa. Il faudra peut-être déterminer une stratégie claire en la matière avec des objectifs à atteindre au plus vite. Par exemple la construction d’une centrale éolienne et/ou solaire dans chaque capitale régionale avant la fin du mandat présidentiel actuel. Et s’engager à le faire dans chaque capitale départementale à partir de 2015/2016. La construction d’une usine de fabrication de plaques solaires est un pas important dans la généralisation de l’utilisation de l’énergie solaire.
Le soleil était là, le vent aussi. Il fallait penser à exploiter ces ressources moins dangereuses, moins chères et plus pérennes.

lundi 13 mai 2013

Il s’en est allé


Il n’a pas encore 70 ans et déjà une vie bien remplie. Preux guerrier, pieux marabout, consciencieux fonctionnaire, Mahfoudh Ould Lemrabott allia une vie pleine d’heureuses expériences et de missions accomplies.
Il possédait la noblesse de cœur qui sied au Maghafri de son rang, une noblesse faite de courage et d’abnégation. Il incarnait l’humilité du Zawi qui n’ignore rien de ses obligations dont la maîtrise des savoirs religieux, tout en prenant en compte l’humaine condition de ses semblables.
Le Faqih Mahfoudh Ould Lemrabott était l’une de ces ouvertures sur le monde moderne, l’une de ces grandes intelligences qui accompagnaient les changements de ce monde tout en ancrant ses lectures et interprétations dans les textes originels.
Le Juge Mahfoudh Ould Lemrabott était l’un de ces rares Magistrats à prononcer le droit, suivant en cela son intime conviction. De son expérience dans l’Appareil judiciaire, ses compatriotes ne retiennent aucun manquement, aucune faiblesse.
Le Ministre Mahfoudh Ould Lemrabott n’a jamais versé dans les excès. Ni dans les soutiens, ni dans les oppositions. D’ailleurs, la ferveur et la passion dans l’exercice du jeu politique local n’ont pas poussé l’homme à abandonner cette attitude mesurée qui tournait tous les excès en dérision.
L’Homme Mahfoudh Ould Lemrabott était un père attentif et compréhensif, un ami loyal, un conseiller sincère dans ses attitudes, un modèle et une source d’inspiration pour des générations de Mauritaniens.
Que le Faqih original et ouvert, que le Magistrat indépendant et juste, que l’homme politique digne et sincère, que l’Homme hors du commun soit agréé pour ses nobles actes ici-bas, que ses enfants, ses proches trouvent, dans l’expression de l’hommage d’une Nation, les moyens de supporter la souffrance d’une telle perte.
Inna liLlahi wa inna ilayhi raji’oune..

samedi 11 mai 2013

Conflits transfrontaliers


A la frontière avec le Mali, la situation aurait pu autrement plus tendue qu’elle ne l’est heureusement. Mais quand même, il se passe toujours quelques heurts qui, s’ils ne sont pas contenus immédiatement, peuvent avoir des dimensions dramatiques.
Il y a quelques jours, deux commerçants mauritaniens ont été la cible de deux gendarmes maliens qui les ont poursuivis jusque à l’intérieur des frontières mauritaniennes. Les deux commerçants ont réussi à alerter leurs parents de Twil, non loin de la frontière malienne au niveau du département de Tintane (Hodh el Gharby). Lesquels sont arrivés au secours. L’un des gendarmes a réussi à rallier la frontière en emmenant avec lui l’un des commerçants. Abandonnant son collègue entre les mains des populations qui le remirent aux autorités. Après moult tractations, les autorités administratives des régions frontalières arrivèrent à un accord par lequel chacune des parties libéra son otage. Une mission malienne s’est rendue à Aïoun pour ramener le commerçant et prendre avec elle le gendarme malien. Les deux otages n’ont visiblement subi de mauvais traitements. Les deux parties ont exprimé chacune sa satisfaction quant à l’issue heureuse de cet incident.
Depuis toujours, des incidents du genre existent à cette frontière. Mais la situation particulière d’aujourd’hui dicte aux deux Etats d’être très attentifs à tout ce qui s’y passe. Les affectations de fonctionnaires à la frontière doivent prendre en compte le souci de la proximité de l’autre et celui de l’efficacité et de la mesure. Gendarmes, policiers, douaniers et administrateurs exerçant dans les régions frontalières sont à trier et à surveiller de très près.

vendredi 10 mai 2013

Au pays de Shaykh Mohamed el Yedaly


Il serait né vers 1096 et mort vers 1166 de l’Hégire (mort en 1753), équivalent à peu près à une vie de 70 ans. Une vie bien remplie pour celui qui finira par être l’idéologue de Sharr Bubba, la guerre qui opposa les Zawayas, populations autochtones, et les Bani Hassane, arabes conquérants et qui a fini par asseoir la société Hassane : avec la domination d’un dialecte dérivé de l’Arabe, le Hassaniya ; la structure sociale avec ses stratifications qui subsistent encore ; la reconnaissance aux Zawayas (Marabouts) de leur rôle de lettrés ayant en charge la conservation du patrimoine écrit et aux Arabes guerriers leur statut de détenteurs du pouvoir politique.
Pourtant Muhammad al Yadaly est né dix ans après la fin de cette guerre qui a ravagé tout le sud-ouest mauritanien actuel (Guebla, équivalent aux Trarza et Brakna). N’empêche qu’il sera l’historien de l’époque, le sociologue et l’idéologue qui essayera de retourner la loi des vainqueurs.
Ayant vécu dans un milieu encore fortement marqué par la défaite des autochtones, ce fut là son inspiration fondamentale. Il tira son énergie de sa volonté d’inverser les rôles en faisant du vaincu un vainqueur, du moins un héros. Une multitude d’ouvrages qui traduisent deux constances chez Muhammad al Yadaly :
  • La première est sa volonté de (re)manier l’Histoire pour limiter les effets de la loi du vainqueur. Ce qu’il réussit parce qu’il imposera un modèle moral du Marabout qui finira par déterminer l’échelle des valeurs sur cette terre où les conquérants tentaient d’imposer la loi du plus fort. Deux ouvrages sont des fondamentaux dans cette approche : «Shiyam Ezzawaya» (valeurs des Marabouts) qui raconte comment s’est constitué le «Pacte des Tashoumsha» et sur quelles bases. Un peu le mythe fondateur d’une coalition de tribus qui auraient été liées par un acte solennel d’alliance autour de principes qui sont là pour s’imposer à chacun et à tous. Ce qui donnera le concept de «tshomshi» qui traduira plus tard en «tgeydi» puis en «eddeymine». On parle du premier quand on veut limiter le Code de conduite (et d’étique) à une zone géographique, l’Iguidi (région géographique qui s’étend à peu près de Mederdra au sud, à Sbeykhaat au nord). Du second quand on fait référence à la tribu des Awlad Deymane qui est l’une des cinq constituantes des Tashoumsha.
Son deuxième ouvrage qui se trouve être l’un des fondements idéologique de la «conscience maraboutique» est celui où il essaie de raconter l’épopée de l’Imam Nacer Eddine, ce chef Zawaya qui dirigea la résistance aux conquérants Hassane. «Emr el Weli Nacer Eddine» entretient la mythologie autour d’un devenir humain qui est celui de Nacer Eddine.
  • La deuxième constance chez Muhammad al Yadaly, est l’expression d’un génie inégalé. Ce qui se traduit dans son ouvrage explicatif du Coran : «Edheheb il ibriiz vii tavsiiri Kitaab Llaah el ‘Aziiz», titre qui traduit la fierté de l’homme de savoir(s) qui semble, avec ce choix, atteint l’accomplissement de son être. Les Exégètes considèrent ce livre comme l’un des fondamentaux dans l’explication du texte coranique de base. Il est en tout cas le premier ouvrage écrit dans cette région du monde.
Mais son poème «çalaatu Rabbi», dédié à la gloire du Prophète Mohammad (PSL) reste sa plus grande œuvre, celle qui confirme la dimension mystique incommensurable de Muhammad al Yadaly. On raconte qu’il avait été enchanté d’entendre un griot de l’époque chanter son Emir (un Brakna) au terme d’une Theydina (poème épique) composé dans une métrique hassaniya compliquée (hath’wu ijraad). Défiant la réglementation traditionnelle de la poésie arabe classique, Muhammad al Yadaly composa un poème à la gloire du Prophète (PSL) selon la rythmique Bidhane, mais qui correspond quand même à une altération du mode «al bassiit» dans la poésie classique.
Un acte de résistance qui dit combien semble vain pour Muhammad al Yadaly toutes les chansons composées à la gloire des héros Hassane. Gloire à laquelle il oppose ici celle du Prophète Mohammad (PSL). Un coup fourré qui amuse encore dans ces contrées.
En conclusion, on peut dire que Muhammad al Yadaly reste l’un des grands historiens, l’un des fondateurs de ce que certains historiens des Temps Modernes appellent «le temps des Marabouts» et qui a marqué les 17ème et 18ème siècles de l’espace sénégalo-mauritanien. L’un de ces historiens écrit : «L’impact de Sharr Bubba se prolonge bien au-delà du XVIIème siècle, grâce, en particulier, à ses interprètes. Les écrivains, zawaya eux-mêmes, à commencer par un érudit du milieu du XVIIIème siècle nommé Muhammad al Yadaly, gardèrent vivante la tradition» (David Robinson in «Sociétés musulmanes et pouvoir colonial au Sénégal et en Mauritanie»).
Tout ça pour vous dire que le passage dans la région de Tendegsemi, en allant vers Lemnaher, peut vous fait fatalement passer par N’twfekt, là où gît cet éminent érudit.