Je n’ai jamais été attiré par l’humour de
Dieudonné, devenu Dieudonné M’bala M’bala pour bien donner une consonance
africaine à son combat. En effet, le sarcasme et la provocation dont il use et
abuse quand il s’agit de s’attaquer à des fondamentaux de la communauté juive
en France (Shoah, notamment), est expliqué par le peu d’intérêt que les
Français (de «souche») ont pour les
crimes de la colonisation et ceux, plus abjectes, de la traite négrière. C’est
un peu s’il voulait dresser les communautés les unes face aux autres au nom de
la reconnaissance publique de leurs souffrances et de leurs misères. Une manière
d’instrumentaliser justement la douloureuse histoire des rapports entre civilisations.
Comme tout militant de l’extrême droite,
Dieudonné M’bala M’bala sait parfaitement utiliser les médias pour se présenter
en victime. Le discours aidant, il continue à narguer l’ordre public. Pas au
sens de «troubler l’ordre» ou de
chercher à le troubler, mais par ses provocations déstabilisantes pour un
pouvoir socialiste aux aguets. En France, le face à face Dieudonné M’bala M’bala/Manuel
Valls est actuellement le feuilleton (real-story) qui se déroule sous les yeux des Français. Il a
pour cadres les différents tribunaux et juridictions administratives chargées
de traiter la question de la représentation des spectacles.
Le face à face prend la forme d’un duel entre
deux grands usagers du populisme à la française. L’art de surfer sur des
problématiques réelles – la différence de traitement des misères dont ont
souffert les communautés pour Dieudonné, les dérives langagières qui peuvent
prendre la forme d’un «crime contre l’Humanité»
pour Valls -, surfer sans aller au fond des débats, rester superficiel dans les
approches et les méthodologies pour exciter et aiguiser les ressentiments. Ce qui
est recherché par l’un et par l’autre est justement de s’arrêter aux réactions
épidermiques pour éviter de parler de l’essentiel.
La France face au passé colonial : les
meurtres, les génocides, ce passif dont nous vivons encore les affres en
Afrique, en Asie et au Moyen-Orient, quelle conscience a l’intelligentsia de ce
passif ? reconnait-on tout le mal fait à l’Afrique et aux Africains ?
le pillage des ressources, la confiscation des destins, l’interventionnisme,
les guerres civiles suscitées et entretenues, la balkanisation, le racisme… ?
Est-ce que les élites ont faire leur cure d’autocritiques ? Est-ce qu’elles
ont vaincu le sentiment de culpabilité qui les empêche de voir avec
discernement les réalités des «sous-développés» ?
La confrontation entre le ministre de l’intérieur
d’un parti socialiste qui n’arrive pas à sortir le pays de la morosité et qui,
à cause de cela, revient sur ses promesses fondamentales, et l’un des ténors de
l’extrême-droite à la veille d’élections locales, cette confrontation a pour
premier résultat la décrédibilisation des institutions françaises (préfectures,
tribunaux et même Conseil d’Etat) qui sont vulgairement instrumentalisé par les
adeptes d’un populisme stérile.
Un ami attirait hier mon attention sur le fait
que pendant ce temps, l’examen de la loi sur la protection des sources des
journalistes a été reculé ; l’immunité n’a pas été levée pour le Sénateur
Serge Dassault pour permettre sa poursuite pour corruption, fraude fiscale,
abus de biens sociaux… ; les entreprises continuent de défalquer du
personnel alors qu’elles affichent de bons résultats dans les bourses (promesse
non tenue du candidat Hollande) ; le Président François Hollande finit par
plier devant le patronat ; l’Armée française s’englue peu à peu sur les
terres africaines (Mali et Centrafrique en attendant un autre pays) ; les
otages continuent de souffrir leur situation ; les revers diplomatiques au
Moyen-Orient et dans le Monde arabe se multiplient… et l’image d’un «Président normal» se dissipe pour
révéler quelques escapades amoureuses qui n’ont pas fini de faire leur effet…
…Dieudonné en ces temps de morosité générale, une
aubaine non ?