Juste pour partager avec vous un
éditorial publié par La Tribune dans son édition de la semaine dernière :
«Encore une initiative,
des bons offices. Cette fois-ci, elle vient d’un groupe de Shuyukhs (pluriel de
Shaykh) qui voudraient amener les protagonistes politiques à s’entendre et à
éviter le pire pour le pays. Plusieurs raisons de se poser des questions sur
cette initiative, et sur toutes les autres.
Les auteurs de l’initiative, tout
comme leurs prédécesseurs, ne semblent pas avoir pris l’attache des
protagonistes. Ils n’ont même pas daigné les approcher pour savoir si leur
démarche était la bienvenue ou pas.
Comme leurs prédécesseurs dans ce
genre de démarche, ils ont décidé d’eux-mêmes de se lancer dans l’arène et de
professer la bonne entente. C’est peut-être bien, et même très bien, mais ce
n’est pas suffisant. C’est même dangereux quand on sait que c’est là la
meilleure manière de parasiter encore plus l’atmosphère politique et de
radicaliser les positions.
Est-ce que les «démarcheurs»
partagent la même analyse que ceux qu’ils sont sensés démarcher ? Non.
Pour l’Opposition radicale, le
problème est la présence au pouvoir de Ould Abdel Aziz, son départ étant la
solution, la seule qui vaille. Cette position est répétée depuis des mois. Elle
a justifié les manifestations, les graffitis, les appels au changement violent
(révolte populaire, coup d’Etat militaire). Il n’y a rien à discuter tant que
Ould Abdel Aziz est là.
Pour le pouvoir, la crise dont
parlent certains n’existe que dans leur esprit. Tout tourne normalement, les
Institutions, l’administration, les commerces, la sécurité est assurée… et
aucun mal à voir, de temps en temps, se rassembler les partisans de
l’Opposition pour dénoncer l’exercice du pouvoir. Cela fait d’ailleurs partie
des signes de bonne santé démocratique.
Le besoin d’intercession,
d’intermédiation, de facilitation n’a jamais été exprimé par les parties. Plus,
il ne semble pas être une nécessité. C’est pourquoi, toutes ces initiatives
apparaissent plus comme des tentatives de placement dans la lutte de classement
qui a toujours caractérisé la scène politique mauritanienne. Comme si on voulait
se rappeler au bon souvenir des autres. On ne sait jamais…
D’ailleurs, si vous parlez de
crise, vous confortez l’Opposition dans ses positions jusqu’au-boutistes et
vous vous aliénez le pouvoir qui vous met automatiquement dans l’autre camp.
Alors que faire ?
La seule facilitation qui vaille
procède essentiellement de la révision des positions des acteurs eux-mêmes. A
chacune des parties de faire son autocritique et de voir où mène l’entêtement à
vouloir exclure l’autre. Tout en rappelant que ce qui est nouveau en terme de
revendication politique, c’est cette exigence de départ, ce «irhal» (dégage)
qu’une partie de notre opposition a emprunté à d’autres scènes.
Aux auteurs de l’emprunt de savoir
si cela marche. Cela fait quand même un an et quelques mois que cela dure.
Est-ce que l’objectif qui est celui de faire tomber le pouvoir est
atteint ? est-ce qu’il est proche d’être atteint ? est-ce que la
mobilisation autour du thème est toujours porteuse ? est-ce qu’il y a une
année blanche à l’université de Nouakchott qui a connu les plus fortes
pressions ? est-ce qu’une administration, une seule, a cessé de fournir
ses services tout ce temps ?
La politique, comme on dit, est
l’art du possible. Ce n’est pas une administration de l’invisible non
quantifiable, qu’on ne peut évaluer. Quand on fixe ses objectifs, on doit
savoir quels sont ses moyens pour les réaliser, les définir clairement et les
poursuivre résolument.
Ceux qui tentent de se frayer un
chemin dans la politique, doivent d’abord éviter de se présenter comme des
concurrents aux acteurs qui peuplent déjà la scène. Ceux parmi nos Shuyukhs qui
se mobilisent pour cette cause d’intermédiation, doivent se ressaisir pour
s’occuper de ce pourquoi ils sont vraiment outillés : l’enseignement des
préceptes de l’Islam, de sa morale humaniste, de sa philosophie égalitaire, de
son essence tolérante… La politique, il y a assez de fourbes qui s’en occupent.
Pas besoin de mobiliser plus de gens que ceux qui n’en font déjà une source de
revenus».