Reportage

Crise ivoirienne :
Mission impossible I

De Nouakchott à Abidjan… Le panel auquel a été confiée la difficile mission de faire une dernière démarche en vue de trouver une solution à la crise postélectorale en Côte d’Ivoire, n’est pas au bout de ses peines, comme l’a si bien dit le Président Mohamed Ould Abdel Aziz qui dirige ce panel composé des chefs d’Etats d’Afrique du Sud, Jacob Zuma, du Burkina Blaise Compaoré, du Tchad Idriss Deby Itno et de Tanzanie Jikaya Kikwete.
Après la réunion de Nouakchott qui a permis l’examen du rapport des experts du panel, les chefs d’Etats devaient se rendre sur place pour s’entretenir avec les différents belligérants. Seul le burkinabé Compaoré ne fera pas le déplacement suite aux menaces proférées par les Jeunes Patriotes du camp de Gbagbo. Ce camp qui juge que le président burkinabé est partie prenante dans le conflit. Il considère qu’il est le meilleur soutien du camp en face, celui de Alassane Dramane Ouattara. Ce qui est en partie vrai.
Mais, plus vrai encore, l’engagement clairement exprimé par le sud-africain Jacob Zuma aux côtés de Laurent Gbagbo, le président sortant qui refuse de rendre le pouvoir malgré les injonctions internationales.
C’est donc un dossier miné que le Président mauritanien devait s’exercer à étudier et à lui trouver des propositions de solutions d’un commun accord avec ses pairs. C’est au titre de président du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’Union Africaine qu’il s’est trouvé là.
Une situation qui relance la Mauritanie au cœur des questions africaines. Une Mauritanie isolée et recroquevillée sur elle-même depuis une vingtaine d’années. Elle renoue ainsi avec ce rôle de facilitateur. Pour ceux du CPS, il s’agit là d’un motif de satisfaction après avoir géré la crise de 2008 et 2009 en Mauritanie. «Vous redevenez un pays normal, et même un pays phare, après toutes les secousses du passé», confie un diplomate de l’UA. Autre motif de satisfaction pour les diplomates de l’Union Africaine, «la maîtrise de l’étape de Nouakchott, aussi bien au niveau de l’organisation, du protocole que de la sécurité». C’est donc, chargés en bloc, que les participants à la réunion du groupe de haut niveau ont quitté Nouakchott le 22 février pour Abidjan.
Le Président Ould Abdel Aziz était le dernier à partir de Nouakchott. Il a été précédé à Abidjan par Jacob Zuma d’Afrique du Sud, Idriss Deby Itno du Tchad et Jikaya Kikweye de Tanzanie. A l’aéroport, le Président mauritanien a été accueilli par la mission de l’UA. Dans son avion, il y avait aussi Jean Ping, président de la Commission de l’UA et la grande équipe du CPS dont Ramtane Laamamra très connu et très apprécié par les Mauritaniens.
Au sortir de l’aéroport, des centaines de jeunes Patriotes s’étaient massés pour crier leur hostilité au président du Burkina qui n’était pas venu. Ils arboraient les photos de Thomas Sankara, son compagnon qu’il a renversé pour arriver au pouvoir.
La première rencontre eut lieu à l’hôtel Pullman, lieu de résidence de la délégation de l’UA. Une première entrevue aura lieu ici avec le représentant spécial des Nations Unies. Puis les délégations iront rencontrer le président sortant Laurent Gbagbo qui semble avoir la réalité du pouvoir en Côte d’Ivoire. Cette rencontre fut présentée par la chaîne officielle ivoirienne comme une reconnaissance de la légitimité de la présidence de Laurent Gbagbo. Surtout que, sans en convenir avec ses pairs, le président sud-africain devait rencontrer quelques-uns des grands soutiens de celui-ci. Avant de chercher à revenir en arrière en voulant imposer le retour à des questions comme le recomptage des voix. Comme si l’UA n’avait pas définitivement dépassé ce stade par sa résolution reconnaissant l’élection de Ouattara.
C’est, en plus de l’absence de Blaise Campaoré et de la mission de la CEDEAO, ce qui poussera le camp de Ouattara à refuser de recevoir le panel dans un premier temps. Toute la nuit, les ministres des affaires étrangères des pays concernés iront avec les responsables de l’UA pour discuter avec l’autre camp. C’est seulement le lendemain que cette rencontre aura lieu.
Pour ce faire, les présidents et leurs délégations iront à l’hôtel du Golf où sont encerclés ceux d’Alassane Ouattara sous haute protection de l’ONUCI. Rien n’arrive qu’à partir des airs. Aujourd’hui, la route sera ouverte exceptionnellement.
Quand la délégation mauritanienne arrive, l’atmosphère est plutôt calme, même si les soutiens de ADO (Alassane Dramane Ouatara) donnent la voix en criant «ADO, président». Toutes les délégations sont introduites dans une salle où resteront, pour quelques minutes, les présidents et le Premier ministre ivoirien Guillaume Soro. Les autres prennent place dans une autre salle où se tiendra la réunion formelle.
Les chefs d’Etats s’installent enfin. Ouatara prend la parole pour souhaiter la bienvenue aux délégations et remercier le panel pour les efforts consentis en vue de trouver une solution à la crise. Il s’en va expliquer que, la veille, les forces de Gbagbo ont tiré, à la roquette, sur une manifestation pacifique de civils faisant plusieurs morts. Il est coupé par Zuma qui lui dit de ne pas parler de ces «détails» en public. Surprise dans la salle et énervement visible chez les officiels ivoiriens. Le Président Ould Abdel Aziz prend la parole. Visiblement ce n’était pas prévu, du moins pas à ce moment.
Les médiateurs dépêchés par l'Union africaine (UA) n'ont "pas de solution entre (leurs) mains" mais espèrent une issue "qui, au-delà de la Côte d'Ivoire, va sauver la paix dans la sous-région, dans toute l'Afrique", déclare le Président Mohamed Ould Abdel Aziz, appelant à des "sacrifices" de la part de tous. Pour lui, trouver la solution, c’est donner la preuve que les Africains, même s’ils sont parfois dépassés par des crises, peuvent régler par eux-mêmes leurs problèmes. Il demande ensuite à tout le monde de sortir. Ne doivent rester que les chefs de délégations accompagnés chacun de deux de ses collaborateurs. C’est ainsi que le chef du panel reprend la direction des affaires et fait la police de la salle. Les négociations peuvent commencer. Elles dureront plus de trois heures.
Le ministre des affaires étrangères sud-africain fait une déclaration à l’AFP qui ajoute à la tension déjà forte dehors. Il déclare que le panel de médiateurs "tente de trouver une solution de compromis, qu'il s'agisse d'un partage de la présidence entre les deux présidents ou bien (...) un gouvernement d'intérim jusqu'à de nouvelles élections".
Dehors, l’atmosphère est surchauffée. A la fin de la réunion, les présidents peinent à sortir. Les gens de l’UA essayent de désamorcer l’effervescence. Zuma est attendu par une foule surexcitée. Il est accueilli aux cris de «Zuma corrompu», en plus des insultes. Sa sécurité est vite dépassée. Parce que c’est le Président mauritanien qui dit au revoir aux autres à côté de Ouattara, la sécurité mauritanienne prend vite les choses en main. On se bouscule, mais les officiels ne sont plus directement menacés.
On en sort finalement. Durs moments qui font découvrir aux Mauritaniens l’ampleur du problème. D’une part un gouvernement élu qui est confiné dans un hôtel. D’autre part un président qui refuse de quitter le pouvoir malgré l’isolement et les pressions. Deux camps qui n’hésitent pas à se tuer. Sur le chemin du retour quelques spectacles ahurissants : partout des civils braqués par des militaires armés, des milices armées et surexcitées. Entre les deux une population désespérée. On apprend d’ailleurs que les combats reprennent à Abobo, un quartier d’Abidjan où seraient infiltrées les Forces Nouvelles de Soro, principal allié de Ouattara.
Les conciliabules et les réunions reprennent. Les chefs d’Etats s’enferment avec les responsables de l’UA à l’hôtel Pullman. Ils entendent le Conseil constitutionnel ivoirien qui a validé l’élection de Gbagbo. Puis le représentant de l`ONU dans le pays, Choi Young-ji qui avait "certifié" au nom de l`ONU les résultats de la commission électorale donnant Ouattara vainqueur.
En vue de "la formulation de propositions de sortie de crise", les membres du panel "ont décidé de tenir leur prochaine réunion à Nouakchott dans les prochains jours", selon un communiqué de ce "groupe de haut niveau" publié tard dans la nuit de mercredi à jeudi. La réunion est d’abord fixée pour le 28 février avant d’être reculée pour le 2 mars sur demande des tchadiens. La prochaine réunion de Nouakchott devrait aboutir à l’élaboration de solutions "contraignantes" pour toutes les parties. Lesquelles ? Difficile à dire. Le prochain épisode sera titré certainement : Mission impossible II. D’ici là la Mauritanie aura passé le témoin pour ce qui concerne la présidence du CPS.

Ould Oumeir
Envoyé spécial à Abidjan
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Côte d’Ivoire :
Quand la France fait barrage à l’UA

Aux dernières nouvelles, c’est le camp de Gbagbo Laurent qui gagne du terrain sur la scène militaire abidjanaise. Si le Président sortant de Côte d’Ivoire a dû reculer partout devant la blitzkrieg déclenchée par ses adversaires, il semble tenir tête aux assauts répétés de la rébellion appuyée par les troupes de l’ONUCI et celles du dispositif français de la Licorne. Lequel dispositif est, par moments, «indépendant» du mandat onusien. Personne n’avait prévu une telle capacité de résistance. Pourtant…
Cette guerre pouvait-elle être évitée ? De l’avis des diplomates de l’Union africaine, les dernières batailles qui seront sans doute les plus meurtrières pour les Ivoiriens, auraient pu être évitées si la France avait laissé faire.
Le 5 avril dernier, le Président Gbagbo Laurent engage des discussions sur son départ «désormais envisagé» avec le Président Mohamed Ould Abdel Aziz de Mauritanie. Celui-ci préside le panel de chefs d’Etats chargés de résoudre la crise postélectorale dans ce pays. On se souvient, qu’après une réunion tenue à Nouakchott le 20 février, le panel avait, le lendemain, fait le déplacement à Abidjan pour rencontrer tous les protagonistes. Suite à quoi, les protagonistes avaient été convoqués à une réunion du CPS à Adis Abeba. Sans résultats autre que la confirmation, par l’UA, de l’élection régulière du Président Alassane Dramane Ouattara. La médiation africaine semblait se terminer en queue de poisson. C’était compter sans cette vérité presque immuable : les problèmes politiques ne peuvent avoir que des solutions politiques, à elles seules les armes ne peuvent pas évacuer un conflit politique.
Plutôt en standby, la médiation africaine est relancée par la démarche de Gbagbo qui accepte de tout discuter, y compris son retrait et la reconnaissance de son successeur. Contacté par le Président mauritanien, le Président Alassane Dramane Ouattara accepte l’idée de négocier et surtout de donner le temps à la diplomatie.
Fort de ces engagements, le Président Ould Abdel Aziz, toujours à la tête du CPS (conseil de paix et de sécurité de l’UA), contacte le président de la Commission africaine, Jean Ping qui rend immédiatement compte à ses ambassadeurs. Le jour-même, un avion est affrété à raison de 100.000 dollars. Il devrait passer par Nouakchott avant de rallier Abidjan. Les agences d’information se saisissent de l’information. Elles citent le commissaire de l'Union africaine pour la paix et la sécurité. Prié de dire si le président sortant de Côte d'Ivoire était prêt à se retirer, Ramtane Lamamra a répondu que c'était ce que le président mauritanien, qui a été en contact personnel avec lui, avait compris. «Ce que vous demandez correspond à l’état d’esprit que nous pouvons déduire à présent des discussions entre le président de Mauritanie et Laurent Gbagbo», selon les propos de Lamamra rapportés par Reuters.
En «sous-main», le gouvernement français interfère et convainc Ouattara que le temps de la diplomatie était fini et que l’heure de la solution militaire avait sonné. Selon l’AFP, le Président Ouattara a alors déclaré que les négociations engagées pour obtenir la reddition de Gbagbo traînaient en longueur et que Gbagbo ne cherchait qu’à gagner du temps. Il a donc décidé d’intervenir militairement pour essayer de régler le problème, c’est-à-dire de «capturer Gbagbo en vie».
Attaques des forces onusiennes et françaises des positions de Gbagbo dont l’essentiel de l’artillerie est détruit. La confusion s’installe. L’Onu confirme la reddition du président sortant de la Côte-d’Ivoire. Laurent Gbagbo, lui, dément cette information.
D’après un document de l’Onu rendu public le 05 avril 2011 Laurent Gbagbo s’est rendu. «Le président Gbagbo a également fait sa reddition et a demandé la protection de l’Onuci», a-t-on précisé dans un document adressé au personnel de l’Onu de la Côte d’Ivoire. Mais, interviewé sur la chaîne de télévision française LCI, dans la soirée du 6, Laurent Gbagbo a déclaré qu’il restait le président de la Côte d’Ivoire. «J’ai gagné l’élection et je ne négocie pas mon départ», a-t-il déclaré, mettant ainsi en doute le document de l’Onu. Concernant Alassane Ouattara, il a déclaré «qu’il n’a pas gagné les élections». Il invitait à nouveau Ouattara à discuter pour sortir de la crise. Mais plus question de retrait ou de reconnaissance du vis-à-vis. La «solution africaine» prenait l’eau.
«Nous sommes à deux doigts de convaincre Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir», déclarait Alain Juppé, ministre français des affaires étrangères ce 5 avril. Et son Premier ministre, François Fillon, de lui emboîter le pas pour affirmer que «cette journée (le 5, ndlr) marque la fin de quatre mois d’efforts de la communauté internationale pour ramener la paix en Côte d’Ivoire». Du côté des Etats-Unis, Barack Obama a déclaré que : «L’ancien président Gbagbo doit se retirer immédiatement et dire à ceux qui se battent en son nom de déposer les armes». Paris croit même pouvoir faire signer à Gbagbo un document officiel de renonciation au pouvoir. Ultime humiliation que celui-ci ne risque pas de vivre vu la situation qui a tourné en sa faveur.
Quand on se rendra compte que les armes ne peuvent résoudre le problème, ne restera plus devant la «communauté internationale» que le choix entre l’enlisement qui va signifier le massacre d’innocents, et le recours à la «voie africaine», c’est-à-dire au CPS et au Panel. Le temps perdu sera difficile à combler. Les haines continueront entretemps à être exaspérées. Les fossés se creuseront d’avantage entre les belligérants. La solution politique se compliquera encore et encore. A qui la faute ?


(avec agences)
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                                                             Libye
Voyage dans un pays en guerre,
Ou le carnet de route d’un journaliste pris entre deux feux

Au lendemain de la réunion de Nouakchott de samedi (9 avril), les délégations composant le comité ad hoc de haut niveau de l’Union Africaine ont pris la route de Tripoli. Le président sud-africain Jacob Zuma, dernier à venir à Nouakchott, sera le premier à s’envoler. La veille, les dépêches (PANA, notamment) l’avaient donné comme président du comité. Ce qui était faux. D’ailleurs il avait beaucoup hésité à venir à Nouakchott, prétextant qu’il avait un voyage en Chine, ce qui était vrai. Le retard qu’il a pris pour être à Nouakchott, l’avait empêché de participer à la réunion des chefs d’Etats qui s’est faite dans la nuit de samedi à dimanche en présence seulement de son ministre de la sécurité intérieure.
Ensuite ce fut le Président Amadou Toumani Touré qui prit son avion pour Tripoli. Le président congolais Denis Sassou N’Guesso devait accompagner le Président mauritanien, président du Comité, dans son avion de la toute jeune Mauritanie Airlines International (MAI). Dans l’avion mauritanien se trouvaient aussi la délégation ougandaise conduite par le ministre des affaires étrangères et celle de l’UA conduite par Jean Ping, le président de la Commission africaine.
En Libye, la mission africaine fera le plaidoyer pour une solution politique négociée. Cette solution passe par une feuille de route dont les étapes avaient été définies à Adis Abeba, confirmées par deux fois à Nouakchott. Elle s’articule autour de quatre points : un cessez-le-feu immédiat, ouverture de couloirs humanitaires, organisation du rapatriement des milliers d’africains coincés par les événements en Libye et ouverture d’un dialogue inclusif devant conduire aux réformes politiques nécessaires pour asseoir une démocratie.
En arrivant à Tripoli, les délégations sont accueillies par des groupes qui affichent leurs appartenances tribales. Le plus visible d’entre eux est celui des «Rgué’aat». Les présents ont bien voulu donner une note festive à l’accueil, mais rien à faire : la tristesse et même la peine se lisaient sur les visages. On faisait semblant de s’exciter, de vociférer, et quand on crie : «Allah, M’ammar u Libya u bass !», c’était sans le cœur.
L’aéroport de M’aytiga où les avions atterrissent ne porte pas de marques de bombardements. De nombreux avions sont stationnés ici, en dehors des pistes. Mais leur état de délabrement date de la période de l’embargo. Cela rappelle tous les malheurs provoqués par le guide de la soi-disant révolution du 1er septembre 1969. Voilà où cette révolution a mené un pays comme la Libye. Ce n’est qu’un épisode d’un feuilleton de malheurs.
Chacun se dit que déjà en période faste, la Libye n’a jamais été organisée pour l’accueil de délégations, qu’en sera-t-il à présent ? Nous arrivons à l’hôtel quand même. L’Ambassade a apparemment bien préparé le séjour. A l’hôtel Radisson, sous haute surveillance. Tous les hommes qui sont là sont armés. Dans le restaurant et dans les chambres travaillent exclusivement des libyens. Fait exceptionnel dû au départ aux immigrants. Dans un élan de «patriotisme» - et sans doute pour absorber les énergies – la jeunesse libyenne accepte de remplir le vide. Tant mieux.
Départ après une vingtaine de minutes vers Bab el Aziziya. C’est là-bas que les réunions auront lieu. C’est tout un quartier de Tripoli où vit, retranché, Kadhafi et ses proches. A l’entrée du camp – ou du quartier – se sont établis en permanence des campeurs soutenant le guide libyen. Pour y entrer, il faut passer par plusieurs postes dont chacun semble découvrir de quoi il s’agit. Des murs à n’en pas finir, des dédales aussi. Et puis un espace de quelques hectares où paissent quelques chamelles tranquilles, des brebis et des chèvres. De l’autre côté se dresse la tente légendaire de Kadhafi, celle qu’il a dressée dans les jardins des Champs-Elysées et de Manhattan à New York.
A l’époque, l’Occident acceptait encore de souffrir les frasques de Kadhafi en contrepartie de marchés pour l’octroi des armes. Le guide n’était pas dangereux tant qu’il acceptait de payer la présence à ses soirées de Mariah Carey ou de Beyonce à coup de millions dollars. En ces temps où il «dédommageait» les victimes occidentales de ses actes fous (Lockerbie et UTA). Des milliards dollars versés pour des crimes commis à l’encontre d’innocentes gens et que le peuple libyen a dû payer à prix fort sous la pression de gouvernements voraces. Qui a alors pensé à «protéger le peuple libyen» ?
Quand arrive notre Président, tous les autres sont déjà là, assis autour de Kadhafi. En entrant, Jean Ping fait le salut militaire. Un geste qui trahit les relations quelque peu délictuelles entre Kadhafi et l’Union Africaine dont il a été l’inspirateur, le moteur et le financier principal. Quand Ould Abdel Aziz prend place, Kadhafi demande où est Naha Mint Mouknass débarquée quelques jours avant. Il n’est manifestement pas au courant, probablement parce qu’il est coupé du monde. Hammady Ould Hammady est immédiatement présenté.
Kadhafi parle haut pour se faire entendre par les journalistes. Un exercice qu’il veut une preuve de sa tranquillité. Il parle de l’un de ses collaborateurs qui lui aurait pris 17 millions dollars. «Je suis prêt à lui laisser les 17 millions s’il revient ici», explique-t-il à Sassou N’Guessou qui dit avoir vu l’intéressé sur France 24. Le Guide sort avec ses hôtes, «pour la photo de famille». On laisse la horde de journalistes étrangers entrer dans l’enceinte.
Nous sommes quant à nous à moins de quatre mètres des chefs d’Etat. Kadhafi explique que «la plus efficace des armes anti-aériennes, ce sont les gens massés ici. Quand des pilotes canadiens ont été envoyés pour bombarder Bab al Aziziya, ils ont vu les milliers de personnes proposer leurs poitrines dénudées aux bombes qu’ils s’apprêtaient à envoyer. Ils ont préféré rebrousser chemin et lâcher leur cargaison dans la mer. Le gouvernement canadien a été contraint à la démission après». Suivra le récit des attaques américaines et danoises. On ne peut s’empêcher à tous les dictateurs de l’Histoire humaine. Qui se retrouvent emmurés dans une logique destructrice et se donnant l’impression d’avoir droit de vie et de mort sur leurs concitoyens. Kadhafi tient à faire la preuve du soutien de son peuple en faisant le tour de la foule massée devant la «maison de la résistance» (beytou eçoumoud) bombardée en 1986 par les Américains.
Direction, la salle de réunion plus loin. La réunion qui s’annonce risque d’être longue. Tout le monde le sait. Elle commence par la projection d’un film qui apporterait la preuve de «la conspiration» selon Kadhafi. Après quoi les discussions commencent. Il accepte rapidement la feuille de route proposée par les Africains. Pas parce qu’elle est l’unique porte de sortie pour lui, mais parce qu’il estime qu’il est au-dessus des enjeux. Kadhafi n’est pas un président, il n’est pas concerné par les transactions politiques. C’est fou, mais c’est comme ça.
Pendant la longue attente, des coups de feu sont sporadiquement tirés dans la ville. Pourtant ce soir-là, le ciel de Tripoli ne sera pas illuminé par la défense anti-aérienne. Il n’y aura pas de raids de l’OTAN. Mais des tirs à l’arme légère, il y en aura toute la nuit. On nous explique qu’il ne s’agit pas forcément de tirs de joie mais de représailles contre les révolutionnaires qui profitent de la nuit pour placer des drapeaux rouge-noir-vert sur les bâtiments.
Juste après le dîner, Jacob Zuma est le premier à partir. Il en profite pour annoncer à la presse l’acceptation du Guide de la feuille de route. Ce coup de com’ qui fait du président sud-africain le maître d’œuvre de la démarche, tue la médiation. L’acceptation par Kadhafi des propositions signifie aux yeux de ses ennemis qu’elle est destinée à le sauver. La propagande anti-africaine fera le reste.
Les médias n’hésiteront pas à faire part du scepticisme de tous les observateurs vis-à-vis de l’impartialité du groupe africain qui est du côté de Kadhafi. Les idéologues qui tournent autour de la direction du Conseil National de Transition (CNT) distillent rumeurs et intox. L’avion mauritanien qui a à son bord les présidents mauritaniens et congolais, transporterait des mercenaires. Les africains ont reçu de l’argent de Kadhafi. Leur initiative vise à le sauver. Toutes ces absurdités sont soutenues par des gens qui campent à l’hôtel où toutes les délégations sont installées (l’hôtel Tibesti).
Il faut dire que dès le tarmac où l’avion a essuyé des «tirs» de drapeaux lancés par des jeunes qui circulaient librement sur les pistes, on savait à quoi on s’attendait : le désordre, encore plus qu’à Tripoli. Ce qui n’est pas peu. Mais ici pas de chef, pas de priorité dans la circulation, pas de route ouverte. Des milliers de gens, chacun l’arme à la main, circulant à pied ou en voiture. Donnant des ordres aussi contradictoires les uns que les autres. Pour la plupart des barbus et portant la marque d’une piété certaine. La violence dans les gestes, la haine dans les propos. Aucun discours constructif, aucune vision, aucune organisation. C’était visible. Et inquiétant. Voire écœurant.
La haine de Kadhafi se comprend. La ville ne reflète pas la richesse du pays et de la région. Les constructions sont vieilles et on vous dit que les projets d’habitats datent du temps de la Royauté. On sent rapidement que les habitants ont souffert des quarante-deux ans de règne de Kadhafi. Mais peut-on construire seulement sur la base de la haine ? Ce n’est pas une question que l’on se pose ici. Ici la préoccupation première est d’éliminer toute éventualité de retour de Kadhafi. Même la possibilité pour lui de compter dans l’avenir proche de la Libye. Et c’est là qu’il faut comprendre la conclusion de la tribune publiée par les trois dirigeants de «la communauté internationale» : Barak H. Obama, David Cameroon et Nicolas Sarkozy. "Il ne s'agit pas d'évincer Kadhafi par la force. Mais il est impossible d'imaginer que la Libye ait un avenir avec Kadhafi (...) il est impensable que quelqu'un qui a voulu massacrer son peuple joue un rôle dans le futur gouvernement libyen", ont-ils affirmé. Décidé !
Dans le hall de l’hôtel quelques «messianiques» occidentaux déambulent. Un diplomate anglais explique aux journalistes la nécessité d’attendre la réunion de Doha pour voir comment pouvoir aider militairement les rebelles. Des militaires qataris qui viennent de débarquer huit camions militaires d’un cargo, surveillent discrètement les allées et venues. Bernard-Henry Levy qui pérore sur l’inanité de la démarche africaine. Des libyens venus de l’extérieur qui essayent de se trouver un rôle dans tout ce foisonnement.
Une première réunion permet, après un tête-à-tête entre Moustapha Abdel Jelil président du CNT et le Président Ould Abdel Aziz, permet d’arriver à l’élaboration d’un P-V qui prend en compte la feuille de route africaine tout en insistant sur le départ de Kadhafi. On part pour le déjeuner. La foule fait pression à l’extérieur de l’hôtel : l’information a filtré. D’autres personnalités du CNT font irruption dans la salle où les délégations mangeaient. Conciliabules. Le chef du CNT est certainement dépassé. Va-et-vient. Il semble désespéré, lui qui a une expérience des affaires politiques, en tout cas un peu plus que les autres.
Devant l’hôtel, ce sont des milliers de manifestants qui viennent menacer les chefs d’Etat africains. A lire les pancartes ou à écouter les slogans, on ne peut qu’être inquiet. La soi-disant sécurité du CNT vient proposer aux délégations de passer par la porte derrière. Ce que tout le monde envisage d’abord. Mais quand sort Ould Abdel Aziz, il dit qu’il n’est pas question pour les Présidents de sortir par une porte dérobée. La sécurité mauritanienne prend en charge le groupe des chefs d’Etat. Le président mauritanien est le premier à sortir. Il reste quelques longues minutes debout face à une foule excitée et dont chaque élément est armé. La sécurité mauritanienne, toujours efficace, réussit à dégager le cortège. Le reste des délégations peut aller par la porte arrière rejoindre les bus qui ne peuvent arriver devant l’hôtel. On revient à l’aéroport. Ceux qui nous accompagnent essayent de faire oublier cette image de chao. La tâche est difficile.
On s’en va de Libye avec la nette impression que rien ne peut sortir du chao présent. A l’ouest continue de régner un Kadhafi aussi fou que d’habitude, sans système, sans gouvernement. A l’est, les insurgés qui n’ont d’autre programme que la soif de liberté et l’entretien d’une haine d’un système dont ils sont quelque part le produit.
Ce ne sont pas les frappes de l’OTAN qui vont donner du courage aux combattants libyens. Ce ne sont pas non plus les soldats français ou américains qui vont faire le travail de dégager Kadhafi à la place des libyens. A la limite, l’intérêt pour eux c’est de laisser s’entretuer les libyens jusqu’à affaissement de l’Etat ou de ce qui en reste. Alors tout sera à reconstruire. Qui va avoir les marchés ? L’Iraq paye encore le prix de «sa libération». N’est-ce pas ?
Lundi soir, nous débarquons à Alger qui a manqué à tous, même à ceux qui ne l’ont jamais vu. Accueil fastueux. Rigueur spartiate et tout le reste. Mais sur le plan diplomatique, c’est une opportunité pour le Président Ould Abdel Aziz de briser la glace entre les deux pays dont la coopération – au moins sur la lutte contre le terrorisme – doit être intensifiée. Surtout que AQMI a refait son stock à partir de la Libye. Surtout que la Libye risque d’être la Somalie de la région. Pas seulement en terme d’existence de chefs de guerre et pour longtemps, mais surtout parce que, contrairement à ceux de Tunisie et d’Egypte, le mouvement de révolte libyen se nourrit d’une sève profondément ancrée dans le salafisme jihadiste.

MFO
Envoyé spécial
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Libye :
Quelles chances pour l’initiative de l’UA ?

Les travaux de la 2ème réunion du comité ad hoc de haut niveau sur la Libye ont pris fin dimanche à Nouakchott.
Au terme des travaux dudit comité, le Président de la République, Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, a déclaré à la presse que «Le comité s'atèle à mettre en application les décisions adoptées par l'UA et qui peuvent être un cadre de solution pour la crise en Libye». C’est en substance ce qu’a déclaré le Président Mohamed Ould Abdel Aziz qui dirigeait la deuxième réunion du Panel de cinq chefs d’Etats désignés par l’UA pour trouver une solution de sortie de crise à la Libye. Après la réunion de Nouakchott, le comité ad hoc composé des présidents mauritanien, malien, congolais et sud-africain en plus du ministre des affaires étrangères ougandais, ce comité s’est rendu dimanche à Tripoli et sera lundi à Benghazi.
Lors de la rencontre de Nouakchott qui s’est poursuivi tard dans la nuit, ''le comité étudiera les voies et moyens permettant de résoudre la crise que vive la Jamahiriya Arabe libyenne'', selon le Président Ould Abdel Aziz. Notre objectif, a-t-il déclaré en substance à la presse à la fin de la réunion, est d'arrêter les opérations militaires et de trouver des solutions appropriées susceptibles de régler de la crise que les frères libyens connaissent, objectif pour lequel nous sommes en contact permanent avec la communauté internationale. Au sujet de l'approche suivie par le comité, il a précisé qu'elle sera conforme à la feuille de la route adoptée par l'union africaine et entérinée par le conseil de paix et de la sécurité lors de sa dernière réunion a Adis Abeba.
Les travaux de cette réunion ont vu la présence de l’Ambassadeur du Royaume Uni en Mauritanie (avec résidence à Rabat) qui était venu porteur d’un message de l’OTAN. L’Alliance atlantique dirige actuellement les opérations militaires en Libye. Fortement critiquée par les insurgés qui lui reprochent d’avoir fait baissé l’intensité des bombardements, l’Alliance a déclaré par la voix de son secrétaire général que la solution militaire ne peut vider le contentieux. Que seule la solution politique pouvait mettre fin de façon définitive à la crise. C’est dans ce cadre que l’initiative africaine dirigée par le Panel constitue une porte de sortie à explorer. C’est ce que l’Ambassadeur représentant l’OTAN à la réunion, a dû dire au Président Ould Abdel Aziz qui l’a longuement rencontré en tête à tête. Mais il venait aussi inviter les chefs d’Etats africains à la réunion de Doha qui se tient les jours qui viennent. On se souvient que l’UA avait refusé de participer à la réunion de Paris qui a vu se décider l’option du tout militaire. La présence à la réunion de Londres était plus que symbolique. On a d’ailleurs comme l’impression que les Occidentaux jouent à mettre hors jeu la partie africaine.
Pour revenir aux travaux de cette deuxième réunion du Panel, sachez que la cérémonie de clôture s'est déroulée sous la Présidence du Président Mohamed Ould Abdel Aziz en présence de ses pairs malien Amadou Toumani Touré et congolais Denis Sassou N'Guesso ainsi que des représentants des Présidents sud africain, Jacob Zuma et ougandais, Yuweri Museveni en plus du président du commissariat de l'Union Africaine, Dr. Jean Ping et du commissaire à la paix et à la sécurité au sein de l'UA, M. Ramdane Lamamra. Le Président Zuma viendra tard dans la nuit à Nouakchott et ne pourra donc pas participer à la réunion, mais se rendra cependant à Tripoli.
Au terme de leurs travaux, les participants à la réunion ont adopté le communiqué suivant :
«Le Comité ad hoc de haut niveau de l'Union africaine (UA) sur la Libye a tenu sa deuxième réunion au niveau des chefs d'Etat à Nouakchott, en République islamique de Mauritanie, le 9 avril 2011. Mis en place par la 265ème réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'UA, qui a eu lieu à Addis Abéba, le 10 mars 2011, le Comité a pour mandat: - d'interagir avec toutes les parties en Libye et d'évaluer continuellement l'évolution de la situation sur le terrain; - de faciliter un dialogue inclusif entre les parties libyennes sur les réformes appropriées à entreprendre; et - d'interagir avec les partenaires de l'UA, afin de faciliter la coordination des efforts et de solliciter leur appui pour le règlement rapide de la crise. Cette deuxième réunion a permis de passer en revue la situation en Libye depuis la première rencontre du Comité, également tenue à Nouakchott, le 19 mars 2011. Le Comité a fait le bilan des activités entreprises dans le cadre de l'accomplissement de son mandat et de la promotion de la feuille de route de l'UA pour le règlement de la crise libyenne, notamment la réunion consultative sur la Libye, tenue à Addis Abéba le 25 mars 2011, et à laquelle ont pris part des Etats membres et des partenaires de l'UA; la consultation technique sur les modalités d'un cessez-le-feu rapide et la mise en place d'un mécanisme opérationnel pour sa surveillance, organisée à l'initiative de l'UA à Addis Abeba, le 31 mars 2011, avec la participation des Nations unies, de la Ligue des Etats arabes, de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI) et de l'Union européenne (UE); ainsi que les contacts initiés avec les parties libyennes.
Le Président de la Commission a saisi l'occasion de la réunion pour informer les autres membres du Comité ad hoc de haut niveau des entretiens qu'il a eus à Londres, avec notamment le Ministre des Affaires étrangères du Royaume Uni; à Bruxelles, avec les responsables compétents de l'UE et de l'OTAN; et à Rome, avec le Ministre italien des Affaires étrangères. Le Comité ad hoc a, en outre, procédé à un échange de vues sur les initiatives internationales relatives à la situation en Libye.
A la veille de la visite qu'il doit entreprendre en Libye, les 10 et 11 avril 2011, pour y rencontrer les parties libyennes, tant à Tripoli qu'à Benghazi, le Comité ad hoc a lancé un appel pressant auxdites parties pour qu'elles s'engagent résolument en faveur d'un règlement pacifique de la grave crise que connaît leur pays et lui apportent, à cette fin, toute la coopération requise.
Le Comité a réitéré sa détermination à ne ménager aucun effort en vue de mener à bien son mandat et d'aider les parties à trouver une solution rapide à la crise sur la base de la feuille de route de l'UA, telle qu'articulée par le CPS, à savoir: (i) la cessation immédiate de toutes les hostilités; (ii) la coopération des autorités libyennes concernées pour faciliter l'acheminement diligent de l'assistance humanitaire aux populations dans le besoin; (iii) la protection des ressortissants étrangers, y compris les travailleurs migrants africains vivant en Libye; et (iv) le dialogue entre les parties libyennes et la gestion inclusive d'une période transitoire en vue de l'adoption et la mis en œuvre des réformes politiques nécessaires pour l'élimination des causes de la crise actuelle, en prenant dûment en compte les aspirations légitimes du peuple libyen à la démocratie, à la réforme politique, à la justice, à la paix et à la sécurité, ainsi qu'au développement socio-économique''.
Sur le terrain et devant l’impasse plus ou moins visible, on craint désormais l’enlisement qui peut mener à une somalisation de la Libye avec notamment l’apparition de chefs de guerre et l’éclatement du pouvoir central.
Selon une porte-parole de l’OTAN citée par l’AFP, "la communauté internationale avance pour trouver une solution politique" car, répète l'Alliance atlantique depuis plusieurs jours, le conflit ne trouvera sans doute pas d'issue purement militaire.
Jeudi 7 avril, à Washington, un haut gradé de l'armée américaine, le général Carter Ham, chef du haut-commandement de l'US Army pour l'Afrique, avait indiqué, lors d'une réunion au Sénat, qu'une "impasse" se profilait bel et bien sur le terrain. Pour le général, il semble en tout cas improbable que les rebelles parviennent à renverser le régime du colonel Kadhafi.
Ses déclarations semblaient appuyer un jugement d'Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat américaine, selon laquelle il est difficile de considérer que "la puissance aérienne seule" pourra détruire l'armée de Kadhafi. L'état-major français, de son côté, n'hésite plus à qualifier de "complexe" la situation sur le terrain.
Hantée par le spectre de l'enlisement, critiquée par les rebelles pour l'insuffisance de son engagement aérien afin de défendre, notamment, la ville de Misrata, assiégée par l'armée de Kadhafi, l'OTAN a voulu réagir. "Notre message est clair, notre rôle est de vous protéger", a lancé la porte-parole, à destination des civils libyens. L'Alliance continue de démentir une réduction de son engagement, dit "maintenir la pression" et suivre "une stratégie cohérente".
Toutefois, "la situation reste très fluide" souligne le vice-amiral Russ Harding, l'un des chefs de l'opération au QG de l'OTAN, à Naples. Une façon d'évoquer les difficultés auxquelles la coalition est confrontée, alors que l'armée du colonel Kadhafi disposerait encore de quelque 70 % de ses moyens et utiliserait de plus en plus fréquemment des boucliers humains. Elle dissimulerait aussi son matériel lourd dans des zones habitées afin de compliquer les frappes de la coalition.
Cette situation complexe a été illustrée par une "bavure" survenue, jeudi à Brega, dans l'est du pays, et au cours de laquelle un nombre indéterminé de civils a été tué. Croyant faire feu sur des chars de l'armée, les avions de l'OTAN auraient en réalité tué des rebelles.
L'Alliance affirme qu'elle n'avait pas été mise au courant par les forces insurgées du fait qu'elles avaient mis la main sur ces équipements. En tout état de cause, a indiqué le vice-amiral Harding, il n'est pas question pour l'état-major de présenter des "excuses".
L'épisode illustre au moins les difficultés de communication entre la coalition et les insurgés, l'OTAN ne cachant plus sa relative méfiance vis-à-vis de ces derniers, inexpérimentés et désorganisés. Réaffirmant la nécessité de protéger les civils de toutes les menaces qui pourraient peser sur eux et son désir d'éviter tout "dommage collatéral", le commandement militaire n'entend, en tout cas, pas afficher ouvertement un soutien trop massif aux rebelles.
La question de la suite de la mission sera évoquée successivement à Luxembourg, Doha et Berlin dans les prochains jours, lors d'un conseil européen des ministres des affaires étrangères, d'une réunion du "groupe de pilotage politique" pour la Libye et, enfin, lors d'une session de l'Alliance atlantique, au niveau des ministres des affaires étrangères.
Les thèmes de l'éventuel envoi de troupes au sol, de la formation des rebelles et de l'acheminement de matériel humanitaire – avec, à la clé, une possible mission de l'Union européenne encadrée par des moyens militaires – seront débattus lors de ces diverses rencontres.
C'est toutefois la question d'une possible issue politique au conflit, avec une éviction du colonel Kadhafi pouvant précéder un cessez-le-feu, qui occupe aujourd'hui tous les esprits. A défaut, estiment de nombreux experts, les incertitudes quant à la conduite et la durée de l'opération en Libye ne feront que s'amplifier.
(Avec AFP)
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Comité de l’UA :
Mise en hors-jeu de l’Union Africaine
Le temps de la guerre n’empêche pas l’espoir dans la diplomatie

Cette réunion du comité de haut niveau désigné par l’Union africaine (UA) pour traiter la crise libyenne. Ils devaient être quatre chefs d’Etats, seuls deux ont finalement fait le déplacement. Il y avait là Denis Sassou Nguesso du Congo Brazzaville et Amadou Toumani Touré du Mali. Musévéni et Zuma se sont fait représentés par leurs ministres des affaires étrangères.
Comme d’habitude – au moins depuis les deux derniers sommets consacrés à la Côte d’Ivoire – la réunion a eu lieu au Palais des Congrès. Du point de vue de l’organisation et de la logistique, rien à dire. Avec en plus cette sensation de détente qui a caractérisé ces rencontres, pourtant pressantes. C’est dire que sur le plan de la sécurité et du protocole, la Mauritanie a gagné en maturité.
Samedi, jour prévu pour la réunion, se tenait à Paris une autre rencontre qui portait sur le même sujet. Malgré l’insistance du Président Sarkozy, ni le Président Ould Abdel Aziz ni celui de la Commission de l’UA, Jean Ping, n’ont accepté de se rendre à Paris ou de remettre en cause le rendez-vous de Nouakchott. Les Européens se suffiront de la présence arabe à Paris pour légitimer les frappes qui ont commencé le même jour.
Visiblement dépassée par les événements, la réunion de Nouakchott aura cependant permis de chercher un rôle pour l’Afrique. En effet le Comité ad-hoc – ou panel - a appelé à "la cessation immédiate de toutes les hostilités" après avoir été interdit de séjour à Tripoli où il devait se rendre le lendemain.
A l'issue d'une rencontre de plus de quatre heures, les membres du comité ont publié un communiqué dans lequel ils demandent également "la coopération des autorités libyennes concernées pour faciliter l'acheminement diligent de l'assistance humanitaire aux populations dans le besoin". Ils ont en outre demandé "la protection des ressortissants étrangers y compris les travailleurs migrants africains vivant en Libye", ainsi que "l'adoption et la mise en œuvre des réformes politique nécessaires pour l'élimination des causes de la crise actuelle". Le comité a regretté "de ne pouvoir se rendre" dimanche sur place comme il l'avait souhaité et annoncé que l'autorisation demandée à la communauté internationale lui a été "refusée".
Appelant la communauté internationale "à la retenue" pour éviter "de graves conséquences humanitaires", il lui a demandé d'apporter "un appui sans réserve à ses efforts" et souligné "la nécessité d'une action africaine urgente" pour résoudre la crise. Il a "réaffirmé la légitimité des aspirations du peuple libyen à la démocratie et la réforme politique, à la justice, à la paix et à la sécurité". Il a appelé a une réunion le 25 mars à Addis Abeba avec le haut représentant de la Ligue des Etats arabes, l'Organisation de la conférence islamique (OCI), l'Union européenne (UE) et les Nations unies. L'objectif de cette réunion sera de "mettre en œuvre un mécanisme de consultation continue et d'action concertée" pour résoudre la crise libyenne.
A l'ouverture de la rencontre, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz avait déclaré que la situation en Libye "exige une action urgente pour une solution africaine à la crise gravissime que traverse ce pays frère". "Cette solution doit être conforme à notre attachement au respect de l'unité et de l'intégrité territoriale de la Libye, ainsi qu'au rejet de toute intervention militaire étrangère qu'elle qu'en soit la forme", avait-il ajouté.
Il avait cependant reconnu qu'à la suite du vote jeudi, au Conseil de sécurité de l'ONU, d’une résolution autorisant l'usage de la force en Libye et du sommet international de Paris où a été annoncé samedi le début de l'opération militaire, le comité devait, "de manière responsable et efficace, tenir compte dans (sa) démarche de cette évolution nouvelle". Une manière de recadrer avec la situation créée par l’engagement militaire dans la région.
«Les voies diplomatiques ne sont jamais fermées», a dit en substance le Président Mohamed Ould Abdel Aziz à sa sortie de la réunion. Espérons-le.

(avec Agences)


Encadré :

Extraits du communiqué de presse du Panel :

"2. La réunion a permis de procéder à un échange de vues approfondi sur la situation en Libye, ainsi que sur les modalités de mise en œuvre du mandat du Comité ad hoc de haut niveau de l'UA, qui consiste à: (i) interagir avec toutes les parties en Libye et à évaluer continuellement l'évolution de la situation sur le terrain; (ii) faciliter un dialogue inclusif entre les parties libyennes sur les réformes appropriées à entreprendre; et à (iii) interagir avec les partenaires de l'UA, en particulier la Ligue des Etats arabes, l'Organisation de la Conférence islamique (OCI), l'Union européenne (UE) et l'Organisation des Nations unies, afin de faciliter la coordination des efforts et de solliciter leur appui pour le règlement rapide de la crise.
3. Les membres du Comité ad hoc de haut niveau ont noté que leur rencontre intervient à un moment crucial dans la situation en Libye, marqué par la poursuite des combats, avec les graves conséquences humanitaires qui en résultent, ainsi que par le début de la mise en œuvre des dispositions pertinentes de la résolution 1973 (2011), adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies, le 17 mars 2011, imposant, entre autres, une zone d'exclusion aérienne au dessus de la Libye. Le Comité a noté que ladite résolution reconnaît le rôle du Comité ad hoc de haut niveau de l'UA sur la Libye dans la facilitation d'un dialogue devant conduire aux réformes politiques nécessaires en vue de promouvoir une solution pacifique et durable.
(…) 5. Le Comité ad hoc de haut niveau a réaffirmé la conviction de l'UA quant à la nécessité d'une action africaine urgente s'articulant autour des points suivants:
(i) la cessation immédiate de toutes les hostilités;
(ii) la coopération des autorités libyennes concernées pour faciliter l'acheminement diligent de l'assistance humanitaire aux populations dans le besoin;
(iii) la protection des ressortissants étrangers, y compris les travailleurs migrants africains vivant en Libye; et l'adoption et la mise en oeuvre des réformes politiques nécessaires pour l'élimination des causes de la crise actuelle. A cet égard, et dans le prolongement du communiqué du CPS du 10 mars 2011, la réunion a réaffirmé la légitimité des aspirations du peuple libyen à la démocratie, à la réforme politique, à la justice, à la paix et à la sécurité, ainsi qu'au développement socio-économique, et la nécessité de veiller à ce que ces aspirations soient satisfaites de façon pacifique et démocratique.
6. Les membres du Comité ad hoc de haut niveau ont exprimé leur regret de ne pouvoir se rendre, comme ils l'avaient envisagé, le 20 mars 2011, en Libye, pour y rencontrer les parties, qui ont, toutes deux, marqué leur accord pour traiter avec lui. Le Comité a, conformément à la résolution 1973(2011) du Conseil de sécurité des Nations unies, demandé l'autorisation nécessaire pour le vol devant conduire ses membres en Libye aux fins de mener à bien son mandat. Cette autorisation lui a été refusée.
7. Aux fins de contribuer activement à la recherche d'une solution rapide, qui s'inscrive dans le cadre de la légalité internationale telle que reflétée dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies, le Comité ad hoc de haut niveau a:
(i) lancé un appel pressant à toutes les parties concernées, à savoir le Gouvernement libyen et le Conseil national de transition (CNT), pour qu'elles observent sans délai une cessation totale des hostilités et prennent d'autres mesures destinées à désamorcer la tension et à assurer la protection de la population civile. A cet égard, le Comité est convenu de saisir, formellement et immédiatement, les deux parties de son invitation pressante à réagir positivement à cette demande;
(ii) réaffirmé la pertinence des éléments de la feuille de route articulée par le CPS et repris au paragraphe 5 ci-dessus. Il a invité les autorités libyennes et le CNT à une rencontre qui, dans les plus brefs délais possibles, se tiendrait à Addis Abéba ou dans tout autre endroit qui conviendrait aux parties, pour discuter de cette Feuille de route, y compris la mise en place et la gestion d'une période de transition inclusive qui débouchera sur des réformes politiques répondant aux aspirations du peuple libyen;
(iii) demandé à la Commission de l'UA de prendre l'initiative d'une réunion, à Addis Abéba, le 25 mars 2011, de hauts représentants de la Ligue des Etats arabes, de l'OCl, de l'UE et des Nations unies (Secrétariat et les cinq membres permanents), ainsi que d'autres partenaires et acteurs, aux fins de: (a) s'accorder sur les voies et moyens d'une sortie rapide de crise, sur la base des éléments énumérés au paragraphe 5 du présent communiqué, ainsi que du paragraphe 2 du dispositif de la résolution 1973(2011) ; (b) convenir avec eux d'un mécanisme de consultation continue et d'actions concertées à mettre en œuvre;
(iv) décidé, d'organiser sous l'égide des Ministres des Affaires étrangères de ses pays membres, ainsi que de la Commission de l'UA, concomitamment avec la réunion mentionnée au paragraphe 6 (iii) du présent communiqué, une consultation régionale regroupant tous les pays voisins de la Libye et les différents partenaires concernés. Il s'agit, ce faisant, de promouvoir la contribution des pays de la région en vue d'une solution rapide, particulièrement au regard des menaces que la situation actuelle fait peser sur leur sécurité et stabilité, ainsi que sur leur développement.
8. En outre, le Comité ad hoc de haut niveau a réitéré l'appel de l'UA aux Etats membres pour qu'ils apportent un soutien logistique et humanitaire aux travailleurs migrants africains désireux de quitter la Libye, ainsi qu'aux pays voisins contraints de supporter un fardeau disproportionné et aux pays d'origine pour faciliter la réinsertion socio-économique de ces travailleurs migrants. A cet égard, le Comité a demandé à la Commission de prendre les mesures nécessaires pour sensibiliser les Etats membres et convoquer une conférence de mobilisation de ressources.
9. Le Comité ad hoc de haut niveau réaffirme sa détermination à accomplir sa mission, face à l'évolution préoccupante actuelle de la situation et au recours à une intervention armée internationale, en appelle à la retenue et s'engage à ne ménager aucun effort pour faciliter une solution pacifique, dans un cadre africain, prenant dûment en compte les aspirations légitimes du peuple libyen. Dans cette perspective, le Comité ad hoc de haut niveau agira dans le cadre de son mandat et de façon compatible avec, et complémentaire à, la résolution 1973(2011) du Conseil de sécurité des Nations unies. En conséquence, il en appelle à la communauté internationale dans son ensemble pour qu'elle apporte un appui sans réserve à ses efforts.
10. Le Comité ad hoc de haut niveau tiendra sa deuxième réunion très prochainement, à une date et en un lieu à déterminer après les consultations appropriées."
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