Les
acteurs politiques de la scène mauritanienne sont aveuglés par l’aigreur et la
haine. On dit ailleurs que l’aveuglement est plus dangereux que la cécité. Nous
sommes aveuglés par les fantasmes qui remplacent l’analyse du réel, la culture
de l’imaginaire qui annihile l’action, la rumeur qui décrédibilise le fait dans
sa vérité, et le manque d’esprit critique qui pourrit l’intelligence.
Depuis
quelques semaines, on essaye d’accaparer notre attention par de faux dossiers,
de fausses enquêtes, de faux enregistrements, de faux échanges…, comme s’il
fallait créer, imaginer pour trouver de quoi démystifier l’action du
gouvernement ou encore jeter l’opprobre sur le Président de la République pour
déstabiliser son régime et l’amener à renoncer gentiment à son pouvoir.
En
fait d’enquête, où est le journaliste qui est parti interviewer les prétendus
protagonistes de la prétendue «affaire d’Accra» ? On s’est contenté
ici et là de prendre pour son compte un entretien réalisé par un sombre journal
qui paraitrait en Côte d’Ivoire (L’Inter) avec un citoyen malien du nom
de Hamed Oumar. Il est présenté comme un «patron de société de sécurité»,
«natif du Nord du Mali» et avec lequel on va parler de «la guerre au
Mali». Pour ne parler que de la Mauritanie et de ses relations, supposées
ou réelles avec le contre-espionnage mauritanien du temps où il poursuivait les
Cavaliers du Changement.
L’intéressé
avoue n’avoir jamais donné de renseignements sérieux sur les Cavaliers… avant d’être
orienté par une question vers une relation avec le colonel Mohamed Ould Abdel
Aziz, alors commandant du BASEP (sécurité présidentielle). Et comme s’il n’y
avait pas assez d’aventuriers mauritaniens prêts à tout à l’époque pour aller
cueillir quelques magots fictifs, c’est ce malien qui n’a jamais servi à grand-chose
pour ses commanditaires (selon lui) qui est délégué par le colonel dans une
affaire de blanchiment d’argent irakien.
Nous
avons toujours écrit, et tous les Arabes doivent le retenir, que malgré tout ce
que l’Occident a essayé de leur coller comme crimes, les responsables du parti
Baath irakien n’ont jamais été accusés d’avoir détourné des fonds vers l’extérieur.
Vous avez entendu parler des armes chimiques, du nucléaire, des assassinats, de
la répression…, de tout sauf que l’un d’eux a détourné et/ou a mis dans un
compte à l’extérieur des fonds. Quand on pense à la Tunisie, à l’Egypte, à la
Libye, à la Syrie, à tous les pays arabes et au comportement en la matière de
leurs dirigeants, il y a de quoi regretter Saddam et ses compagnons… Mais
passons.
On
s’est basé en Mauritanie sur une interview «accordée» - est-ce le mot ?
peut-être que «publiée» est plus adéquat – à un journal ivoirien (peu
connu) pour fonder toute une stratégie politique. D’où ça vient tout ça ?
Peut importe.
Si
l’objectif avait été d’occuper la classe politique par un nouveau sujet sans
lendemain, il a été atteint. Avec la complicité de la presse qui n’a fait aucun
effort pour disséquer ce qu’on lui servait comme fond de dossier : les
enregistrements n’ont fait l’objet d’aucun effort d’authentification, aucune
analyse pour savoir s’il s’agit d’un montage ou non, d’un vrai ou d’un faux…
Cela
importait peu. Du moment que cela puisse servir à salir l’adversaire, «l’ennemi»
du moment, Ould Abdel Aziz, aucune retenue, aucun sens critique, aucune
prudence n’est de mise. On en oublie qu’en s’acharnant à salir la personne, on
abîme sérieusement l’image du pays et de son peuple. On déprécie l’action
publique et on décrédibilise le discours politique.
Peu
importe encore une fois. La révolution qui n’a pas réussi par la mobilisation
de la rue ni par les appels du pied à un soulèvement de l’Armée, on semble
vouloir la provoquer par un sursaut moral… C’est bien beau. Parce que le grand
problème de la Mauritanie est bien la déchéance morale, c’est bien le
renversement de l’échelle des valeurs, la prostitution des préceptes…
Qui
en est responsable si ce n’est cette élite dont les symboles continuent d’occuper
notre espace visuel et médiatique depuis toujours ? Qui peut prétendre à
restaurer une quelconque Morale parmi ceux qui sont les plus bruyants ?
Quand on a plus de quarante ans en Mauritanie et qu’on
n’a pas bougé ou parlé quand il y a eu la guerre du Sahara, quand il y a eu 81
et ce qui s’en est suivi, 86 et ce qui s’en est suivi, 88 et ce qui s’en est
suivi, 89 et ce qui s’en est suivi, 90 et ce qui s’en est suivi… on peut
égrener les dates, toutes renvoyant à l’exercice aveugle de l’arbitraire, au
sac moral et économique du pays, à la constitution de maffias ponctionnant sur
les richesses destinées à améliorer les conditions des populations, à rendre
plus productives les zones agro-pastorales, plus efficient le système éducatif,
plus généralisé et plus efficace le système de santé, à avoir de l’eau potable
partout, de l’énergie, des routes… On sait tous qu’est-ce qu’il est advenu de
ces richesses privatisées par de hauts fonctionnaires, politiciens sans
vergogne, qui ont fait de la démocratie un jeu perfide qui permet l’ascension des
médiocres et des pourris. Avec tout ce qu’ils ont amassé trois décennies durant,
ces hommes (tiens, il n’y a presque pas de femmes dans le groupe) essayent de
maintenir leur diktat. En refusant à la Mauritanie d’avancer. En biaisant les
rapports entre Mauritaniens par l’entretien d’une culture de la haine et de l’aigreur.