La tenue à Nouakchott du 8ème congrès du Front
de libération des Africains de Mauritanie (FLAM) suscite un tollé.
D’abord autour de la vision de ce mouvement dont la
démarche politique consiste à aller jusqu’à demander que soit appliqué le
régime de l’autonomie en Mauritanie. Soi-disant pour permettre plus d’équité
envers les minorités ethniques et culturelles.
Le tollé est aussi suscité par la présence de représentants
de partis reconnus comme Tawaçoul – particulièrement Tawaçoul – à la cérémonie
d’ouverture. En s’abstenant de s’en prendre aux autres partis comme celui du
Mouvement pour la réforme (MPR de Kane Hamidou Baba), du Parti pour la liberté,
l’égalité et la justice (PLEJ de Ba Alassane) ou encore de l’Alliance populaire
progressiste (représentée par une forte délégation dirigée par son secrétaire
général, Ladji Traoré), ceux qui paraissent scandalisés révèlent ce qu’ils sont
réellement : des racistes qui reprochent la présence d’un Arabe parmi le
FLAM tout en passant sous silence la présence de Négro-africains ayant le même
statut. (On doit reprocher aussi au chef du parti islamiste d’avoir cherché à
se justifier d’un acte normal).
Le tollé provoqué par les propos du FLAM n’avait pas ses
raisons d’être. Sur le plan purement du principe, le FLAM, même s’il ne s’agit
pas de parti reconnu, a le droit d’avoir sa vision, de la discuter et de la
présenter publiquement. On ne peut pas prôner le dialogue, prétendre défendre
le droit à la liberté d’expression et en même temps agir pour priver des
concitoyens de l’exercice de ce droit. On ne peut pas non plus accepter pour
les uns tous les excès, refuser pour les autres une expression politique somme
toute ancienne. Accepter pour les uns d’appeler plus ou moins explicitement à
la violence pour renverser un pouvoir issu d’une élection, de ternir l’image du
pays en le présentant comme terreau de la criminalité internationale (drogue,
terrorisme…), de fomenter des affaires en vue de déstabiliser le pays et de
remettre en cause sa cohésion et refuser aux autres de prétendre parler au nom
d’une communauté pour revendiquer ce qu’ils estiment être un droit. Mettons les
exagérations, les fautes d’appréciation, les mauvaises lectures de la
situation…, sur le compte des difficultés pour le mouvement de revenir en
Mauritanie.
Il n’y a rien de nouveau dans le discours du FLAM. Ce
mouvement qui a déjà pris les armes contre la Mauritanie et qui a favorisé,
parfois revendiqué, des incursions armés qui ont fait de nombreuses victimes au
lendemain des évènements de 1989 (attaques meurtrières perpétrées fin 89-début
90 à partir du Sénégal), a choisi depuis longtemps de passer à la lutte
politique pacifique. Et s’il n’a pas réussi à se transformer en parti depuis la
libéralisation de la vie politique, il a donné plusieurs partis dont certains
sont aujourd’hui représentés au Parlement. Sa présence comme courant a toujours
marqué l’espace politique mauritanien, soit en association avec d’autres
mouvements au sein d’un parti unitaire comme l’UFD (ancien FDUC), AC, APP, soit
au sein de partis clairement sectaires comme le MPR, l’AJD/MR ou le PLEJ. Cette
présence n’a jamais dérangé l’espace politique et ne l’a jamais menacé. Après
tout, les animateurs de ce qui reste du mouvement sont pour la plupart à
l’étranger depuis près de quatre décennies. L’exil (et les droits d’asile) les
ont coupés peu à peu du pays et de l’évolution qu’il connait.
Pour faire dans le bref, nous dirons que ce qui tient
congrès aujourd’hui à Nouakchott, c’est ce qui est resté du FLAM après les
débauchages soit par les formules citées plus haut, soit par le ralliement du
pouvoir à différentes périodes.
Le FLAM ne représente pas la communauté négro-africaine. Il
est pour elle ce qu’un parti Baath ou Nassérien est pour la communauté arabe.
C’est-à-dire une expression politique qui pose la problématique de la
cohabitation en termes identitaires qui sentent l’exclusion et le sectarisme.
C’est dire donc que rien ne justifie ce branle-bas ethnique que les activistes
du net tentent d’entretenir. Toute vision nationaliste ou communautariste
(parce qu’elle pose les problèmes d’une communauté) devient fatalement
sectaire. Elle est dangereuse seulement si elle trouve un environnement
favorable à son partage et à son expansion. Dans le cas d’espèce, si nous
continuons à nous ignorer les uns les autres, à refuser de revenir à nos
ambitions premières pour la Mauritanie qui devait être terre de convergence, à
nous ressourcer de notre Histoire commune, à nous parler, à s’écouter les uns les
autres…, on ne peut pas parier sur un avenir commun. Que cela prenne la forme
d’un éclatement en territoires communautarisés ou celle d’affrontements entre
factions, c’est la même chose car cela signifiera la fin de ce pays.
Nous n’en sommes pas là. D’une part parce que la Mauritanie
n’est pas un pays à diviser : où est la portion du territoire – si petite
soit-elle – qui ferait une entité à part entière ? Où se trouvent les
territoires Soninké, Pulhaar, Wolof ou Arabe ? Où est-ce qu’il est «le
pays de tel ou tel groupe ethnique et/ou tribal ? C’est une chimère de
plus qui ne peut nourrir un projet.
D’autre part, nous avons accumulé assez d’expériences en
matière de votes et de d’expressions démocratiques, pour savoir que le peuple
mauritanien rejette ces visions sectaires que certains acteurs politiques
tentent d’utiliser en instrumentalisant des injustices réelles. Les partis qui
se revendiquent du spectre nationalitaire n’ont jamais totalisé plus de quatre
mille voix sur l’ensemble du territoire national. Nous n’avons pas encore
oublié les propos amers du candidat Sarr Ibrahima qui ne comprenait pas comment
le candidat Ould Abdel Aziz pouvait largement le battre dans les camps des
rapatriés qu’il croyait avoir servi tout ce temps. C’est bien cette raison qui
l’a convaincu d’abandonner le terrain politique partisan et de se replonger
dans ce qu’il sait très bien faire : la création littéraire.
Le peuple mauritanien n’est pas dupe. Contrairement à
l’idée que s’en font ses politiques. Il sait toujours que l’avenir est dans la
communauté de destin et non dans la division.
Personne ne doit avoir peur du FLAM. Sauf quelques
officiers reconvertis dans la politique, devenus ou non chefs de partis et qui
ont peur à l’évocation de tout débat sur la question nationale. Car ce débat ne
peut faire l’économie du devoir de mémoire. Notamment sur les évènements de
90-91 où ils furent acteurs ou complices (actifs ou passifs) d’exactions
impunies jusque-là.
Comme eux, ces administrateurs, anciens gouverneurs de
régions, anciens préfets de départements, anciens responsables de la sécurité à
l’époque des faits, anciens hauts responsables dont ministre de l’intérieur…,
ceux-là ont plongé dans l’exercice de l’arbitraire contre des populations
civiles qu’ils ont expulsées avant de les exproprier.
Tout ce monde a peur de tout
ce qui peut ramener la question de la gestion de ce dossier par le régime de
Ould Taya. Le congrès du FLAM et la revendication d’autonomie sont justement
l’occasion de savoir pourquoi on en arrive là.