vendredi 2 novembre 2012

Changement de CAP pour la COD ?


Le meeting d’hier a été décidé pour rompre la trêve décrétée par les acteurs politiques au lendemain de l’accident dont a été victime le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz. Une trêve qui a été plutôt bien accueillie par l’opinion publique. Les observateurs y avaient vu une attitude nouvelle qui pouvait fonder certains revirements ouvrant de nouvelles perspectives devant l’action politique.
La Coordination de l’opposition démocratique (COD) a donc décidé de reprendre ses activités avant même le retour du Président Ould Abdel Aziz. Est-ce à dire que la COD sait désormais que les choses se normalisent avec une nette amélioration de l’état de santé du Président ? Peut-être.
En dehors de l’appréciation du nombre des participants à ce meeting – variant entre trois et quatre mille, selon les observateurs -, il y avait aussi le discours qui était très attendu. On avait beaucoup parlé du désaccord entre les principales figures de l’opposition sur la teneur du discours et la présentation de la problématique.
Pour les uns, parler de la vacance et insister sur l’état de santé pourraient constituer un piège, rien n’empêchant le Président de réapparaître publiquement le lendemain. Ce qui ridiculisera les options retenues. Pour les autres, il fallait reprendre le discours là où on l’avait suspendu : l’exigence du départ du Président Aziz du pouvoir, posture qui n’a rien donné tout ce temps.
Les tergiversations ont donné plusieurs intonations, plusieurs attitudes, donc des discours qui se radicalisaient de l’un à l’autre mais qui évitaient cependant de les faire paraitre comme les «méchants», ceux qui instrumentalisent un accident qui aurait pu être mortel pour le premier Magistrat du pays.  N’empêche qu’on est passé à une position qui dénonçait l’omniprésence du chef de l’Etat, à celle qui dénonce son absence. De celle qui exigeait sa destitution à celle qui demande le dialogue inclusif. De celle qui voulait une révolution populaire à celle qui demande un gouvernement d’union et une transition consensuelle.
La classe politique, l’opposition traditionnelle en particulier, paye ici les erreurs du passé. Quand elle a refusé, déjà en 1992, de participer à des législatives qui lui assuraient pourtant une bonne présence sur l’échiquier. Quand, par la suite, elle s’est installée dans une attitude de rejet qui l’a réduite à un justificatif pour un pouvoir qu’elle était sensée combattre. Quand elle s’est laissée tétanisée par les événements du 8 juin 2003, incapable de réaction, ni dans un sens ni dans l’autre. Quand elle a refusé de comprendre que le changement ne pouvait venir que de l’intérieur du système, en l’absence d’une initiative externe. Quand elle a soutenu, sans retenue, le coup d’Etat du 3 août 2005. Quand elle a invité, d’une manière ou d’une autre, la junte à rompre le pacte de non ingérence dans les affaires politiques du pays. Quand elle a suivi, dans sa grande majorité, les vœux et désirs, exprimés ou non, de la junte au pouvoir : avec les indépendants inspirés par le président de la junte et/ou le soutien de la candidature de Sidi Ould Cheikh Abdallahi parrainé publiquement par l’ensemble de la junte. Quand, en partie, elle a préparé et soutenu la déchéance du pouvoir civil élu. Quand elle a légitimé le coup d’Etat d’août 2008, d’abord en l’accompagnant pour certains, ensuite en le normalisant à travers les accords de Dakar de juin 2009. Quand elle a été incapable d’assumer ses erreurs et d’en tirer les conclusions. Quand elle a essayé de se cacher derrière l’illégitimité d’une élection qu’elle a pourtant cogérée. Quand elle a été incapable de s’accorder sur une plate-forme commune et qu’elle a perdu du temps autour de la question de savoir qui sera l’interface face au pouvoir. Quand elle a été engagée par une fausse lecture de la situation mauritanienne sur la voie de la radicalisation et du rejet qui ne menait nulle part, sinon droit au mur…
L’opposition paye pour ses mauvaises appréciations, ses contradictions et le manque de visibilité et de continuité dans l’action. Et comme elle, la classe politique entière : il en va de même de cette Majorité qui fait profil bas à des moments où le silence est tuant.
Le grand danger pour cette opposition, c’est l’existence d’une «doublure» non institutionnelle qui tire toujours plus vite et plus à gauche, perturbant et déstabilisant les partis reconnus de l’opposition institutionnelle. Toutes ces organisations non reconnues, ces sites qui se veulent ancrés dans l’opposition, ces cercles de «réflexion» plus ou moins assimilés à des sectes, ces électrons libres qui prétendent à l’analyse froide de «penseurs» au-dessus de la mêlée… toute cette expression qui est la leur participe à parasiter la scène politique, à la couvrir d’une cacophonie malheureuse qui occulte les réalités du terrain.
Rumeurs, analyses pseudo-scientifiques, déclarations enflammées de gens bien nourris et bien payés à l’étranger (souvent), sinon d’autres anciens collaborateurs et/ou soutiens de toutes les dérives dictatoriales… intoxiquent la scène et empêchent l’opposition institutionnelle de prendre les positions les justes.
Cette «opposition parallèle» a son pendant dans le camp d’en face. Et comme tous les esprits malveillants et conspirateurs, ceux des deux camps se rejoignent et travaillent la main dans la main. C’est ce qui empêche les Mauritaniens de se retrouver…