J’ai
vu récemment des articles de presse (d’Algérie) visant à faire passer l’idée consistant
à faire croire que la Mauritanie est le principal pourvoyeur de combattants à
Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI). Ce qui est faux aujourd’hui.
En
effet, entre 2003 et 2010, on peut dire que les recrutements en milieu
mauritanien étaient très intenses. Des dizaines de jeunes, pour la plupart désœuvrés
malgré un cursus scolaire parfois réussi, sont partis au Nord du Mali rejoindre
les groupes dirigés et encadrés par des chefs de guerre algériens.
Les
Mauritaniens fournissaient des combattants mais aussi des exégètes qui avaient
une lecture sommaire de l’Islam et de ses textes mais dont l’érudition
traditionnelle suffisait pour épater leurs traiteurs algériens. Même s’ils n’ont
jamais eu de commandement d’unité, ils se retrouvaient dans le statut de muftis
de la Jamaa. C’est le cas de Abu Anas Echinguitty qui a été, jusqu’à son
arrestation en Algérie l’année passée, membre du conseil de la Shura de AQMI. Il
fut le plus haut gradé des Mauritaniens de AQMI. C’est le cas aujourd’hui de
Hammada Ould Mohamed Khayrou au sein du Mouvement pour le Jihad et l’Unicité en
Afrique de l’Ouest (MUJAO). Avec cette différence que ce dernier groupe est
essentiellement composé de Bidhanes (Arabes sahariens : originaires du
Nord malien, du Sahara Occidental, du Niger ou de la Mauritanie). On considère
qu’il est une dissidence «ethnique» de AQMI.
On
dit que quand les dirigeants algériens de l’organisation ont donné le
commandement d’une unité combattante à un Touareg (Abdel Kerim Targui qui
dirige une Sariya-unité dépendant de Abu Zeyd, le chef de la Katiba Tarik Ibn
Zeyad), les Hassanophones ont demandé un traitement similaire. Les commandants
algériens, n’ayant pas trop confiance, ont refusé. Alors, quelques-uns des
combattants originaires des tribus sahariennes ont décidé de passer à l’action
dans des conditions pour le moins bizarres.
En
effet, c’est à la faveur de l’enlèvement de trois humanitaires européens (deux
espagnols et une italienne) que le MUJAO s’est fait connaitre. Alors que les
services de renseignements de la région et ceux occidentaux braqués sur la
zone, pistaient les ravisseurs qui avaient donné rendez-vous, en plein désert
malien, à Belawar, le chef de la Katiba des Mulathamine, celui-ci disparaissait
des écrans et laissait les «traiteurs» livrés à eux-mêmes. Pourquoi le chef
terroriste passé maître dans l’enlèvement et le traitement des otages a-t-il
fait volte-face aussi brusquement ? Est-ce la peur des représailles de l’Armée
et des renseignements algériens dont le territoire venait d’être violé ?
Peut-être, peut-être pas. Toujours est-il que Belawar se cache pour éviter de
réceptionner le colis, d’une «denrée» du reste appréciée parce que l’Italie et
l’Espagne sont toujours promptes à payer de fortes rançons. Dans les heures qui
suivent cette volte-face, le MUJAO revendique l’enlèvement. On apprend du coup
son existence et on explique qu’il est une dissidence de AQMI. Deuxième coup,
celui de Tamanrasset, troisième celui de Gao qui a visé le consulat algérien. Cette
dernière action fait ressortir plus encore le ciblage de l’Algérie.
Au
début de l’occupation de Gao par les rebelles touaregs, ceux-ci avaient donné
leur assurance au personnel du consulat algérien. Une protection qui ne servira
à rien. Les combattants du MUJAO seraient venus armés jusqu’aux dents, avec
notamment des ceintures explosives autour des corps. Ils auraient même exigé du
MNLA de leur fournir un 4x4 fermé pour transporter les six diplomates
algériens. Devant la détermination affichée et après visiblement accord du
Consul, le MNLA dut obtempérer. Le MUJAO exige aujourd’hui le versement d’une
rançon de quelques millions d’euros contre la libération des diplomates. Le
MUJAO est d’abord un «instrument» anti-algérien, utilisé par qui et dans quel
but ? On ne peut savoir encore…
Par
contre nous savons que depuis 2010, les recrutements de Mauritaniens ont
considérablement baissé. On croit savoir qu’il n’y a plus eu de nouvelles
recrues de chez nous en 2011 et 2012. C’est certainement le résultat de la
stratégie qui a allié réponse sécuritaire au dialogue par l’intermédiaire des
Ulémas. Mais l’excitation actuelle est-elle propice à relancer la machine ?
Certainement, parce que les mouvements extrémistes se nourrissent des excès. Il
n’est pas exclu qu’en ces jours où l’on promeut la confrontation et où l’on
vante le sacrifice, des jeunes mal encadrés et mal outillés se mettent à jouer
aux kamikazes. Ils auront jugé qu’ils sont à deux doigts du martyr, donc du
Paradis. Personne ne dit actuellement le contraire…
Il faut signaler enfin que les Mauritaniens de AQMI
ont été décimés par les derniers combats dans le Nord du Mali. De grandes
figures comme Ould Meynouh ou Sall Oumar font partie de ces morts, une chair à
canon pour les vrais manœuvriers maîtres du jeu, les chefs Algériens.