mardi 30 avril 2013

Les identités meurtrières


«Publication officielle du Manifeste pour les droits politiques, économiques et sociaux des Haratines», une occasion pour l’élite Haratine d’ouvrir les débats et de poser la problématique spécifique à une composante du peuple mauritanien, celle qui était jusque-là indissociable de l’ensemble Bidhâne. Un processus d’autonomisation entamé depuis mars 1978, avec la naissance d’El Horr, ce mouvement social qui tire sa légitimité de son engagement anti-esclavagiste et pour l’égalité des citoyens. On a lu déjà dans le document de l’initiative du Président Messaoud Ould Boulkheir, dans sa partie traitant des composantes que les Haratines faisaient partie des «Noirs de Mauritanie», au même titre que les Pulhaars, les Soninkés et les Wolofs.
Le 29 avril 2013, est donc nait, officiellement, une entité à part entière, revendiquant une identité propre, des droits spécifiques et une prise en compte affichée et volontariste de leur problématique.
De Habib Ould Hemet – prototype du cadre d’élite – à Birame Ould Abeidi – image du militant combatif -, en passant par les vieux, les jeunes, toutes les grandes figures qui ont fait le déplacement ou celles qui se sont fait représenter, tout ce monde s’était donné rendez-vous à la maison des jeunes comme pour bénir la démarche. Ni les cursus politiques, ni ceux universitaires, ne les parcours sociaux ou les origines, ne semblaient avoir pesé pour créer une différence. L’élite Haratine était là pour adopter un document élaboré en vue d’apporter quelques réponses à cette problématique social qui a fini par prendre une envergure politique avec notamment la perspective d’une exigence de partage du pouvoir. Au-delà du fait et de ses conséquences (que nous allons analyser dans le journal de la semaine), un constat doit être fait.
La manifestation de lundi est un couronnement et, en même temps, une sérieuse secousse qui emporte avec elle plusieurs projets.
Elle est couronnement d’un combat mené par une certaine élite pour faire prendre conscience de la problématique Haratine. Elle arrive au moment où les autorités viennent de créer une agence dédiée à cette problématique-là. Au lendemain aussi de la promulgation de lois révolutionnaires, criminalisant l’esclavage et allant dans le sens de la prise en charge de ses victimes par l’accès à la propriété, l’éducation, tout ce qui fait une discrimination positive à l’endroit de cette frange.
Elle est secousse pour ce qu’elle révèle d’échecs multiples. Echec pour l’entité Bidhâne qui semble avoir été incapable d’intégrer les exigences de la Modernité. L’élite Bidhâne d’aujourd’hui n’a pas pu (ou su) partager. Encore moins dialoguer.
Echec de l’Etat unificateur, de la Nation, du rêve commun… Faut-il rappeler ici que ce rassemblement arrive moins de 72 heures après la «normalisation» des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM) et l’annonce de la probabilité pour eux de créer un parti politique. Lequel s’ajoutera aux «radicaux» (RAG), excroissance du mouvement «abolitionniste» IRA de Ould Abdeidi.
Et qui dit «échec de l’Etat» dit «échec de la classe politique dans son ensemble» qui a été incapable de satisfaire les revendications d’une élite qui prétend les prendre en charge…
En attendant de présenter et d’analyser le document rendu public, il est peut-être utile de rappeler à ceux qui, ces jours-ci, vont afficher de «belles» indignations dénonçant «les particularismes politiques»…, oubliant toutes ces réunions tribales célébrées en grande pompe ici et là. Réunions et manifestations tribales, velléités ethniques et/ou de classe…, cela relève d’un tout… qu’il fallait combattre ou, à défaut, composer avec. Sans oublier cependant que c’est ce qui reste quand tout a foutu le camp.

lundi 29 avril 2013

Cellules dormantes, cellules éveillées


Une dépêche de l’AFP nous apprend à partir de Bamako, qu’une cellule du Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) a été démantelée la semaine dernière.
On sait ce que valent les dépêches de «notre ami» Serge Daniel. D’ailleurs, il ne s’est pas privé de jeter le doute dans l’esprit de ses lecteurs en révélant à la fin de la dépêche qu’un «Franco-malien» du nom de Moussa Thiam figurait parmi les Jihadistes «tués» lors de l’opération perpétrée à Tombouctou le 20 mars dernier. Et de préciser que «la famille du jeune homme a largement contribué à son arrestation». Arrestation ou mort ? Peu importe du moment que le correspondant de l’AFP (et de RFI) a eu accès à un rapport de la sécurité malienne détaillant l’opération de démantèlement de la cellule de Bamako.
Il s’agirait d’une cellule de sept personnes, toutes maliennes, et qui seraient âgées de 16 à 57 ans. On ne saura pas quand, ni comment ces personnes ont été arrêtées. Mais l’on sait qu’elles s’apprêtaient à commettre des attentats comme ceux perpétrés à Tombouctou, Gao et Kidal.
Si cela est vrai – il faut toujours douter de ces dépêches -, il faut craindre qu’on ne prépare la troisième phase de la guerre du Mali. La première étant celle qui a vu l’Armée malienne fuir les Jihadistes et rebelles du Nord, la seconde a vu l’intervention française (et accessoirement africaine) permettant de libérer les grandes villes, de détruire une grande partie de l’arsenal des groupes terroristes et de restaurer un semblant de souveraineté malienne sur le Nord.
La phase actuelle est celle qui consiste à frapper partout où c’est possible. C’est celle de la guerre absurde et aveugle. Celle qu’apprécient et savent faire les groupes terroristes. Des opérations d’éclat dans les centres urbains, touchant ou non les intérêts occidentaux, semant la terreur parmi les populations… Et s’auréolant du coup de l’étoffe des héros. Ce qui explique les recrutements dont on parle peu, mais qui se multiplient quand même.
Pour revenir à la dépêche et à son contenu, il faut espérer que toutes les cellules (dormantes ou éveillées) soient démantelées au plus vite. Parce que l’effet d’un attentat dans une grande ville du Mali n’ayant pas été sous le joug des Jihadistes, sera très grand.
Quant à nous, Mauritaniens, on prie pour qu’il n’y ait pas l’un de nos concitoyens égarés parmi les éléments de ces cellules. La présence de l’un des nôtres parmi eux compliquerait sérieusement la vie de nos concitoyens se trouvant au Mali.

dimanche 28 avril 2013

Corporatisme vs particularisme


Le mouvement des dockers de la semaine passée, puis l’heureux dénouement (voir intérieur du journal) de l’affaire viennent nous rappeler que le corporatisme est l’une des voies de sortie du carcan traditionnaliste qui nous confine dans une logique tribale et sectaire.
Il y a un an, deux ans, trois ans…, tout mouvement de contestation est manipulée de l’intérieur par voie tribale, ethnique ou politique partisane. C’est, je pense, l’une des raisons, des échecs successifs des mouvements revendicatifs. Cela finissait fatalement par l’intervention de segments extérieurs à la corporation qui cherchent à diluer la contestation dans des démarches individuelles visant telle ou telle catégorie.
Les notables sont mobilisés pour amadouer ceux qui répondent à l’appel des leurs. Les chefs de partis politiques et ceux des syndicats interviennent auprès de leurs militants. Les intermédiaires se multiplient parce qu’ils attendent une contrepartie. Et se perdent les intérêts des concernés en cours de route…
Le mouvement de grève entamé par les dockers n’est pas le premier. Mais il a pris cette fois-ci, le tournant qu’il fallait. Avec des négociations ouvertes avec les autorités, une expression claire des doléances, un refus de la manipulation politicienne et un dénouement avec la satisfaction de certaines doléances.
Cela nous enseigne - à tous, partis, syndicats, Etat…- qu’il y a quelque chose de fondamentalement changé dans ce pays. Notamment dans l’exercice de la liberté d’expression. Désormais, vous avez des journaliers qui manifestent en tant que tels, les personnels du PNP (le fameux personnel non permanent), les dockers… Avant, chacun cherchait à résoudre son problème en le posant au cousin introduit dans le système, tous attendait un «moment favorable», une «opportunité» de se faire connaitre par un syndicat ou un parti. Aujourd’hui, le mouvement de prise en charge de soi apparait dans chaque corporation. Tant mieux.
Il vaut toujours mieux à l’autorité publique de traiter, non pas avec des individus ou des syndicats qui sont loin de la réalité de terrain, qu’avec les représentants dûment mandatés par les concernés. Les interlocuteurs auront toujours une meilleure vision, une plus grande disponibilité et une assurance plus forte que tous les intermédiaires qui pourront se présenter. Il s’agira alors de définir les demandes qui pourront être satisfaites et d’éliminer celles qui ne le peuvent pas. D’un commun accord.
Ce sont en fait ces corporations qui donneront une nouvelle classe de dirigeants syndicaux et même politiques (pourquoi pas ?), mieux outillés et plus représentatifs de la classe laborieuse, pour ne pas utiliser un terme qui porte à équivoque (classe ouvrière).
Cette montée du corporatisme - dans son sens le plus originel, celui qui indique qu’il s’agit d’une communauté d’intérêt et non de sang ou d’association maffieuse – est aussi à la base de la construction citoyenne de l’individu. Parce qu’elle est une forme d’émancipation de l’individu par rapport au carcan de domination sociale. En se libérant, l’individu mauritanien, prend conscience de lui-même, de ses droits et accède à l’échelon supérieur qui est celui de voir se développer la volonté d’acquérir et de défendre ces droits. Ici nait la citoyenneté.
Nous n’avons donc pas à nous plaindre. Nous autres journalistes devons accompagner ce mouvement qui est un pas sur la voie de la démocratisation de la vie sociale. L’Etat doit y voir la possibilité pour lui de s’affranchir du diktat des manigances politiciennes. Comme c’est l’occasion de soigner cette image négative qui en fait un instrument de domination aux mains du plus fort. Les acteurs politiques et syndicaux doivent éviter toute velléité de vouloir instrumentaliser ces mouvements revendicatifs…
Toute l’élite doit regarder cela comme mouvement «naturel», salvateur dans la mesure où il nous sort d’une logique particulariste et qu’il nous pousse vers plus de liberté et de solidarité sur des bases plus saines et plus cohérentes.
Dans «La mort heureuse», Albert Camus nous apprend que «ce sont les travailleurs manuels et intellectuels qui ont donné corps à la liberté, et qui l’ont fait avancer dans le monde jusqu’à ce qu’elle devienne le principe même de notre pensée, l’air dont nous ne pouvons plus nous passer, que nous respirons sans y prendre garde, jusqu’au moment où, privés de lui, nous nous sentons mourir».
Les manifestations de chômeurs, de «journaliers», de PNP, de retraités, de dockers… sont plutôt un bon signe de santé sociale et de vitalité… «démocratique».

samedi 27 avril 2013

La difficile construction du Maghreb

Il y a quelques jours, se tenait une nouvelle session de la Commission mixte de coopération entre le Maroc et la Mauritanie. La grande attente, c’était de voir levée l’obligation de visa pour les citoyens des deux pays. Même si de nombreuses avancées ont été faites avec la signature de plusieurs accords, il est resté comme un coût d’insatisfaction avec le maintien de l’obligation de visa pour le déplacement entre les deux pays. Il est cependant à noter que la porte est restée ouverte par le souhait exprimée par les deux parties d’y mettre fin. Peut-être que la visite prochaine du Président Ould Abdel Aziz au Maroc sera l’occasion de l’annoncer officiellement. Peut-être seulement.
Entre l’Algérie et le Maroc, aucune avancée ne semble pointer. Après avoir annoncé la réouverture prochaine des frontières fermées en 1994, les autorités algériennes sont revenues pour poser quelques trois conditions à cette ouverture.
Selon le site arabophone «Echourouq», trois conditions ont été énumérées par un responsable algérien dont le nom n’a pas été cité. Il s’agit de : "l’arrêt immédiat de la campagne de dénigrement médiatique, et la position hostile grandissante envers l’Algérie ; la coopération complète, pragmatique et efficiente en vue d’arrêter les attaques contre l’Algérie au sujet du trafic de drogue, et l’obligation pour le Maroc de reconnaître définitivement que l’Algérie a une position constante et irréversible envers l’affaire du Sahara occidental".
Dans une dépêche citée par le site mauritanien «maurisahel.com», il est rappelé que les propos du responsable algérien interviennent au lendemain des déclarations du ministre des Affaires étrangères marocain, Saâeddine Othmani, qui a dit "ignorer les raisons du maintien des frontières terrestres fermées entre l’Algérie et le Maroc depuis 19 ans", ajoutant que "s’il savait les vraies raisons, il en aurait précipité la solution".
Au sujet du blocage de l’Union du Maghreb Arabe, Othamani a souligné : "nous avons convenu avec l’Algérie de laisser de côté le conflit du Sahara occidental, et de développer nos relations, c’est ce qui était souhaité, mais nos accords n’ont pas été appliqués".
Est-ce possible ?

vendredi 26 avril 2013

Un patrimoine détruit

C’est la célébration, la semaine dernière de la journée internationale du Patrimoine qui vient me rappeler la situation de la première bâtisse de Nouakchott. Il s’agit de l’emplacement du premier fort construit par Frèrejean, l’auteur de «Mauritanie, 1903-1911 : Mémoires de randonnées et de guerre au pays des Beidanes», édité chez Karthala en 1995. Ouvrage qui a fait fureur en Mauritanie pour ce qu’il raconte d’anecdotes et ce qu’il révèle sur les comportements de quelques-uns de nos illustres grand-pères.
Quand il vient dans l’Aftout, le colon choisit de s’établir sur la plus haute dune de la région, celle qui est aujourd’hui située entre le Ksar et Tevraq Zeina. Frèrejean qui dirigeait les premières colonnes chargées «d’ouvrir» le pays, fait construire une première maison sur cette hauteur-là. Plus tard, sera construit le fort de Beyla, devenu prison. Avant cette date, le nom de «Nwakshoot» ne renvoyait à rien dans le mental de la société mauritanienne. Même pas une évocation dans un poème ou une légende.
Quand la République Islamique de Mauritanie est en gestation, l’équipe de Mokhtar Ould Daddah, l’artisan de cette entité, choisit l’emplacement pour y construire une capitale. Le rêve est grand : «…Cette capitale doit nous aider à nous déterminer en tant que nation, à affirmer une personnalité mauritanienne résultant de notre double appartenance à l’Islam et à l’Occident (…) Nouakchott doit être le fondement de cette entité politique de transition que nous essayons de bâtir entre l’Afrique du Nord et l’Afrique Noire et qui s’appelle la Mauritanie». Les propos sont de Mokhtar Ould Daddah, le premier Président du pays, celui que nous considérons «Père de la Nation».
Nous savons ce qu’il en est advenu de tout ça : du projet de Nation plurielle qui a été sérieusement ébranlé par les politiques sectaires et assassines qui ont fini par donner 1966, 1989, 1990 et 1991 ; et surtout de cette capitale devenue dépotoir de la Mauritanie intérieure. Mais là n’est pas le propos.
En mai 2003, un ami attire mon attention sur des travaux entrepris par des particuliers sur la dune située en face du cimetière du Ksar, juste là où, un siècle avant (1903), Frèrejean avait choisi de s’établir. Les tranchées destinées à soutenir les immeubles en projet, avaient mis à nu les fondations de la maison de Frèrejean. J’écrivis alors un papier où j’interpellais autorités nationales et Ambassade de France pour sauver ce qui devait être l’unique patrimoine d’une capitale n’ayant aucune autre référence historique. Rien.
Deux semaines après, mon ami qui est un politicien averti, me propose de lier cela avec une question de sécurité concernant la présidence. J’écrivis alors que le propriétaire de l’immeuble en construction n’aura aucun mal de surveiller, à partit du point le plus haut de la capitale, les allées et venues dans la présidence. Que rien n’interdit d’ailleurs d’envisager une menace directe sur la sécurité du Président de la République.
Deux jours après la publication du billet, le directeur de la SNDE, à l’époque Thiam Samba, l’un de nos cadres que le pays n’a pas su retenir et dont l’expertise est mise à contribution par le FMI, me raconte qu’il a reçu l’ordre de reprendre toute la dune au nom d’un vieux titre de propriété, de le clôturer et d’empêcher sa «privatisation». Même s’il n’a pas été demandé de préserver le patrimoine, Thiam Samba envisageait de lancer un projet de restauration de la bâtisse. Il suffisait de bien concevoir et de solliciter le concours de la coopération française.
On oublia le projet après le départ de Thiam Samba. La SNDE devait, beaucoup plus tard, décider de construire ici un siège qui ne finit pas de ne pas finir. Une construction qui doit avoir englouti – qui continue d’engloutir – des sommes faramineuses.
La bâtisse n’a pas été restaurée. Et elle n’a jamais été autant en danger. Il suffit de regarder à votre gauche quand vous remontez au Ksar en venant de la capitale, juste au niveau du cimetière… Pourtant…

jeudi 25 avril 2013

Que veulent les politiques ? (4)

Quand un parti ou un pôle politique décide de communiquer, il doit envoyer le meilleur de ses communicateurs, pour un débat le meilleur de ses polémistes et le plus indiqué. Deux débats récents, m’amènent à penser que les partis politiques mauritaniens se compliquent la vie en envoyant des gens qui ne sont pas forcément les mieux indiqués.
Il y a quelques jours, un débat télévisé opposait deux représentants de l’UPR à deux de la COD. Hier encore (mercredi soir), sur la même TVM, trois représentants de la Majorité s’opposaient à trois de la COD. 
Les deux débats n’étaient pas de même facture. Le premier était très déséquilibré au profit des députés Kadiata Malik Diallo (UFP) et Ba Aliou Ibra (indépendant, ancien ADIL). Ces «vieux» routiers de la polémique politique n’ont eu aucun mal à se faire le député Mohamed el Mokhtar Ould Zamel et son compagnon Ba Bocar Soulé, ancien ministre de Ould Taya, ancien fédéral du PRDS. Si le premier avait un sens politique évident, le second a versé dans la langue de bois menant inévitablement à un discours thuriféraire où aucune proposition n’apparaissait. Accusations gratuites ont fusé, obligeant les débatteurs à se crisper et à personnaliser les échanges. Ce sont les propos et les attitudes, un peu arrogantes, de Ba Bocar Soulé, l’ancien ministre du développement rural qui ont donné le la. Incisive et percutante, Kadiata Malik Diallo ne devait pas se priver. Le sarcasme du «cousin» Ba Aliou Ibra faisant le reste. Résultat : une vindicte verbale éculée et sans intérêt en face.
Le débat d’hier était tout le contraire. Au moins pour quatre des débatteurs : Lô Gourmo Abdoul et Mohamed Ould Salem Val, le Secrétaire général du parti Moustaqbal d’un côté, et de l’autre les députés Sidi Mohamed Ould Maham et Mohamed Ould Babana. Les deux autres n’avaient rien à faire dans le débat. Sauf peut-être replonger dans les fonds de la politique politicienne, celle qui est perte de temps et dénergie.
Heureusement que Me Ould Maham et Pr Lô Gourmo nous repêchaient de temps en temps en revenant à des thèmes plus concrets, plus intéressants pour le public. Sans pour autant aller jusqu’à apporter du neuf. On en sort sans savoir ce que nos politiques veulent réellement. Ça aussi c’est un problème. C’est même le grand problème de notre classe politique.

mercredi 24 avril 2013

Que veulent les politiques ? (3)

Pour résumer la nouvelle position de la COD, celle qui est exprimée depuis la remise de la réponse à l’initiative du Président Messaoud, on pourrait dire : La COD répond «positivement» à l’initiative mais a deux exigences, concernant le lancement immédiat et solennel d’un «nouveau dialogue» et la mise en place d’un gouvernement d’union national ayant de «larges prérogatives».
Concernant le premier point, la COD voudrait amener les deux autres parties à faire table-rase du dialogue réalisé l’année passée et à oublier ses résultats pour se remettre autour d’une table suivant de nouvelles dispositions. Une manière de réaliser un double coup : revenir à la case départ et amener les deux autres pôles à se désavouer. Un jeu d’enfants qui n’a pas ses raisons.
Autre lecture plus ou moins explicite : «Nous refusons de revenir sur l’exigence du départ du régime, mais nous demandons l’organisation d’élections consensuelles où le pouvoir va se démettre et abandonner toutes ses prérogatives pour permettre la mise en place d’un gouvernement d’union nationale qui aura tout en main. Si nous réussissons à le chasser par les urnes, c’est tant mieux, sinon on reviendra à notre position initiale. Parce que, pour nous, Ould Abdel Aziz n’est plus apte à diriger le pays».
En fait, l’exigence du départ de Ould Abdel Aziz a été un choix politique catastrophique pour le processus dont on aurait dû vouloir la restauration au lendemain de la crise ouverte en 2008-2009. Personne n’a voulu faire de cette restauration un objectif à réaliser.
Rappel nécessaire. Certains ont cru pouvoir amener le pouvoir issu de l’élection de juillet 2009 à s’ouvrir et à les impliquer un peu plus, un peu mieux, dans la gestion des affaires. Reconnaissant immédiatement les résultats, ils ont accepté – sans attendre que ce soit une demande officielle – de prendre langue avec le pouvoir. Cela s’est traduit pour eux par quelques nominations dans les sphères moyennes de l’administration : une grande direction par-ci, un projet par-là…, parfois dans des postes de conseillers proches de l’Exécutif.
Ce fut le cas de Tawaçoul qui ira dans sa démarche jusqu’à établir des listes communes avec l’UPR, le parti au pouvoir pendant le renouvellement du tiers du Sénat qui va suivre. C’est bien une coalition UPR-Tawaçoul qui arrache le siège de Boutilimitt au RFD. ADIL qui était encore dans l’atmosphère du FNDD (front national pour la défense de la démocratie), prit le même chemin tout en engageant plus tard des négociations avec la Majorité.
D’autres sont restés dans leur position de rejet des résultats des élections qu’ils ont pourtant cogérées. Jusqu’au jour où, au lendemain de l’attaque mauritanienne contre un camp de AQMI au Mali (12 juillet 2010), il y eut la fameuse rencontre entre le chef de file de l’Opposition démocratique, Ahmed Ould Daddah et le Président Mohamed Ould Abdel Aziz. Le dialogue informel était renoué sans condition. Le processus formel était lancé.
La COD qui ne comptait pas encore Tawaçoul en son sein, établit une feuille de route, une sorte de plate-forme qui devait être défendue par le président de la COD, Me Mahfoudh Ould Bettah et celui de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir. On passera par la demande solennelle faite par le Président Ould Abdel Aziz le 28 novembre 2010, par les discussions au sein de la COD, l’échange de plusieurs correspondances…
Quand éclatent les évènements de Tunisie, d’Egypte et de Libye. Selon une lecture des évènements, il s’agissait d’un phénomène qui allait inévitablement toucher tous les pays de la région. Pas besoin de continuer à vouloir une évolution «calme», le régime est appelé «à disparaitre nécessairement». C’était mal évaluer les capacités des uns à pouvoir provoquer la chute d’un régime, fut-il au bord de l’effondrement (on oubliait ici l’expérience du putsch de juin 2008, quand le pouvoir était dans la rue et que personne n’a daigné essayer de le récupérer). C’était surtout mal connaitre le mental des Mauritaniens qui partagent une aversion extraordinaire pour tout changement comportant des risques. La situation n’amenait pas non plus à adopter une attitude suicidaire, surtout que l’exemple libyen n’a pas tardé à tourner vers une guerre indéfinissable.
Le pays nage depuis dans une atmosphère de flou politique qui arrange visiblement tous les acteurs. Pour le pouvoir, ce sera toujours un prétexte de décrédibiliser ses adversaires et d’amener les plus virulents d’entre eux à se retrancher dans les positions les plus radicales, parfois les plus incongrues…, les éloignant un peu plus de la réalité des rapports de force… C’est certainement ici qu’il faut situer le grand problème de nos hommes politiques : l’incapacité à pouvoir évaluer un rapport de force, alors que la démocratie est d’abord une situation dynamique de rapports de force.
Autre «valeur» (ou facteur déterminant) de la démocratie, c’est le respect de l’autre. Pas la peine de pérorer là-dessus, nous savons où est-ce que nous en sommes. La demande de vérité n’existe pas, parce que la rumeur à remplacé l’information sur le fait… On dépense désormais plus d’énergie à entretenir une rumeur, à expliquer une action imaginaire qu’à élaborer un programme alternatif convainquant et emballant pour une grande majorité d’entre nous.
Les messages émis sont de plus en plus flous. Pas seulement parce qu’ils sont mal conçus au départ, mais parce que le médium choisi n’a pas les compétences nécessaires pour les faire parvenir. Veut-on vraiment les faire parvenir ?