C’est la célébration, la semaine dernière de la journée
internationale du Patrimoine qui vient me rappeler la situation de la première
bâtisse de Nouakchott. Il s’agit de l’emplacement du premier fort construit par
Frèrejean, l’auteur de «Mauritanie, 1903-1911 : Mémoires de randonnées
et de guerre au pays des Beidanes», édité chez Karthala en 1995. Ouvrage qui
a fait fureur en Mauritanie pour ce qu’il raconte d’anecdotes et ce qu’il
révèle sur les comportements de quelques-uns de nos illustres grand-pères.
Quand il vient dans l’Aftout, le colon choisit de s’établir sur la
plus haute dune de la région, celle qui est aujourd’hui située entre le Ksar et
Tevraq Zeina. Frèrejean qui dirigeait les premières colonnes chargées «d’ouvrir»
le pays, fait construire une première maison sur cette hauteur-là. Plus tard,
sera construit le fort de Beyla, devenu prison. Avant cette date, le nom de «Nwakshoot»
ne renvoyait à rien dans le mental de la société mauritanienne. Même pas une
évocation dans un poème ou une légende.
Quand la République Islamique de Mauritanie est en gestation, l’équipe
de Mokhtar Ould Daddah, l’artisan de cette entité, choisit l’emplacement pour y
construire une capitale. Le rêve est grand : «…Cette capitale doit nous
aider à nous déterminer en tant que nation, à affirmer une personnalité
mauritanienne résultant de notre double appartenance à l’Islam et à l’Occident
(…) Nouakchott doit être le fondement de cette entité politique de transition
que nous essayons de bâtir entre l’Afrique du Nord et l’Afrique Noire et qui s’appelle
la Mauritanie». Les propos sont de Mokhtar Ould Daddah, le premier Président du
pays, celui que nous considérons «Père de la Nation».
Nous savons ce qu’il en est advenu de tout ça : du projet de
Nation plurielle qui a été sérieusement ébranlé par les politiques sectaires et
assassines qui ont fini par donner 1966, 1989, 1990 et 1991 ; et surtout
de cette capitale devenue dépotoir de la Mauritanie intérieure. Mais là n’est
pas le propos.
En mai 2003, un ami attire mon attention sur des travaux entrepris
par des particuliers sur la dune située en face du cimetière du Ksar, juste là
où, un siècle avant (1903), Frèrejean avait choisi de s’établir. Les tranchées
destinées à soutenir les immeubles en projet, avaient mis à nu les fondations
de la maison de Frèrejean. J’écrivis alors un papier où j’interpellais
autorités nationales et Ambassade de France pour sauver ce qui devait être l’unique
patrimoine d’une capitale n’ayant aucune autre référence historique. Rien.
Deux semaines après, mon ami qui est un politicien averti, me
propose de lier cela avec une question de sécurité concernant la présidence. J’écrivis
alors que le propriétaire de l’immeuble en construction n’aura aucun mal de
surveiller, à partit du point le plus haut de la capitale, les allées et venues
dans la présidence. Que rien n’interdit d’ailleurs d’envisager une menace
directe sur la sécurité du Président de la République.
Deux jours après la publication du billet, le directeur de la
SNDE, à l’époque Thiam Samba, l’un de nos cadres que le pays n’a pas su retenir
et dont l’expertise est mise à contribution par le FMI, me raconte qu’il a reçu
l’ordre de reprendre toute la dune au nom d’un vieux titre de propriété, de le
clôturer et d’empêcher sa «privatisation». Même s’il n’a pas été demandé
de préserver le patrimoine, Thiam Samba envisageait de lancer un projet de
restauration de la bâtisse. Il suffisait de bien concevoir et de solliciter le
concours de la coopération française.
On oublia le projet après le départ de Thiam Samba. La SNDE
devait, beaucoup plus tard, décider de construire ici un siège qui ne finit pas
de ne pas finir. Une construction qui doit avoir englouti – qui continue d’engloutir
– des sommes faramineuses.
La bâtisse n’a pas été restaurée. Et elle n’a jamais été autant en
danger. Il suffit de regarder à votre gauche quand vous remontez au Ksar en
venant de la capitale, juste au niveau du cimetière… Pourtant…
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