jeudi 25 avril 2013

Que veulent les politiques ? (4)

Quand un parti ou un pôle politique décide de communiquer, il doit envoyer le meilleur de ses communicateurs, pour un débat le meilleur de ses polémistes et le plus indiqué. Deux débats récents, m’amènent à penser que les partis politiques mauritaniens se compliquent la vie en envoyant des gens qui ne sont pas forcément les mieux indiqués.
Il y a quelques jours, un débat télévisé opposait deux représentants de l’UPR à deux de la COD. Hier encore (mercredi soir), sur la même TVM, trois représentants de la Majorité s’opposaient à trois de la COD. 
Les deux débats n’étaient pas de même facture. Le premier était très déséquilibré au profit des députés Kadiata Malik Diallo (UFP) et Ba Aliou Ibra (indépendant, ancien ADIL). Ces «vieux» routiers de la polémique politique n’ont eu aucun mal à se faire le député Mohamed el Mokhtar Ould Zamel et son compagnon Ba Bocar Soulé, ancien ministre de Ould Taya, ancien fédéral du PRDS. Si le premier avait un sens politique évident, le second a versé dans la langue de bois menant inévitablement à un discours thuriféraire où aucune proposition n’apparaissait. Accusations gratuites ont fusé, obligeant les débatteurs à se crisper et à personnaliser les échanges. Ce sont les propos et les attitudes, un peu arrogantes, de Ba Bocar Soulé, l’ancien ministre du développement rural qui ont donné le la. Incisive et percutante, Kadiata Malik Diallo ne devait pas se priver. Le sarcasme du «cousin» Ba Aliou Ibra faisant le reste. Résultat : une vindicte verbale éculée et sans intérêt en face.
Le débat d’hier était tout le contraire. Au moins pour quatre des débatteurs : Lô Gourmo Abdoul et Mohamed Ould Salem Val, le Secrétaire général du parti Moustaqbal d’un côté, et de l’autre les députés Sidi Mohamed Ould Maham et Mohamed Ould Babana. Les deux autres n’avaient rien à faire dans le débat. Sauf peut-être replonger dans les fonds de la politique politicienne, celle qui est perte de temps et dénergie.
Heureusement que Me Ould Maham et Pr Lô Gourmo nous repêchaient de temps en temps en revenant à des thèmes plus concrets, plus intéressants pour le public. Sans pour autant aller jusqu’à apporter du neuf. On en sort sans savoir ce que nos politiques veulent réellement. Ça aussi c’est un problème. C’est même le grand problème de notre classe politique.

mercredi 24 avril 2013

Que veulent les politiques ? (3)

Pour résumer la nouvelle position de la COD, celle qui est exprimée depuis la remise de la réponse à l’initiative du Président Messaoud, on pourrait dire : La COD répond «positivement» à l’initiative mais a deux exigences, concernant le lancement immédiat et solennel d’un «nouveau dialogue» et la mise en place d’un gouvernement d’union national ayant de «larges prérogatives».
Concernant le premier point, la COD voudrait amener les deux autres parties à faire table-rase du dialogue réalisé l’année passée et à oublier ses résultats pour se remettre autour d’une table suivant de nouvelles dispositions. Une manière de réaliser un double coup : revenir à la case départ et amener les deux autres pôles à se désavouer. Un jeu d’enfants qui n’a pas ses raisons.
Autre lecture plus ou moins explicite : «Nous refusons de revenir sur l’exigence du départ du régime, mais nous demandons l’organisation d’élections consensuelles où le pouvoir va se démettre et abandonner toutes ses prérogatives pour permettre la mise en place d’un gouvernement d’union nationale qui aura tout en main. Si nous réussissons à le chasser par les urnes, c’est tant mieux, sinon on reviendra à notre position initiale. Parce que, pour nous, Ould Abdel Aziz n’est plus apte à diriger le pays».
En fait, l’exigence du départ de Ould Abdel Aziz a été un choix politique catastrophique pour le processus dont on aurait dû vouloir la restauration au lendemain de la crise ouverte en 2008-2009. Personne n’a voulu faire de cette restauration un objectif à réaliser.
Rappel nécessaire. Certains ont cru pouvoir amener le pouvoir issu de l’élection de juillet 2009 à s’ouvrir et à les impliquer un peu plus, un peu mieux, dans la gestion des affaires. Reconnaissant immédiatement les résultats, ils ont accepté – sans attendre que ce soit une demande officielle – de prendre langue avec le pouvoir. Cela s’est traduit pour eux par quelques nominations dans les sphères moyennes de l’administration : une grande direction par-ci, un projet par-là…, parfois dans des postes de conseillers proches de l’Exécutif.
Ce fut le cas de Tawaçoul qui ira dans sa démarche jusqu’à établir des listes communes avec l’UPR, le parti au pouvoir pendant le renouvellement du tiers du Sénat qui va suivre. C’est bien une coalition UPR-Tawaçoul qui arrache le siège de Boutilimitt au RFD. ADIL qui était encore dans l’atmosphère du FNDD (front national pour la défense de la démocratie), prit le même chemin tout en engageant plus tard des négociations avec la Majorité.
D’autres sont restés dans leur position de rejet des résultats des élections qu’ils ont pourtant cogérées. Jusqu’au jour où, au lendemain de l’attaque mauritanienne contre un camp de AQMI au Mali (12 juillet 2010), il y eut la fameuse rencontre entre le chef de file de l’Opposition démocratique, Ahmed Ould Daddah et le Président Mohamed Ould Abdel Aziz. Le dialogue informel était renoué sans condition. Le processus formel était lancé.
La COD qui ne comptait pas encore Tawaçoul en son sein, établit une feuille de route, une sorte de plate-forme qui devait être défendue par le président de la COD, Me Mahfoudh Ould Bettah et celui de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir. On passera par la demande solennelle faite par le Président Ould Abdel Aziz le 28 novembre 2010, par les discussions au sein de la COD, l’échange de plusieurs correspondances…
Quand éclatent les évènements de Tunisie, d’Egypte et de Libye. Selon une lecture des évènements, il s’agissait d’un phénomène qui allait inévitablement toucher tous les pays de la région. Pas besoin de continuer à vouloir une évolution «calme», le régime est appelé «à disparaitre nécessairement». C’était mal évaluer les capacités des uns à pouvoir provoquer la chute d’un régime, fut-il au bord de l’effondrement (on oubliait ici l’expérience du putsch de juin 2008, quand le pouvoir était dans la rue et que personne n’a daigné essayer de le récupérer). C’était surtout mal connaitre le mental des Mauritaniens qui partagent une aversion extraordinaire pour tout changement comportant des risques. La situation n’amenait pas non plus à adopter une attitude suicidaire, surtout que l’exemple libyen n’a pas tardé à tourner vers une guerre indéfinissable.
Le pays nage depuis dans une atmosphère de flou politique qui arrange visiblement tous les acteurs. Pour le pouvoir, ce sera toujours un prétexte de décrédibiliser ses adversaires et d’amener les plus virulents d’entre eux à se retrancher dans les positions les plus radicales, parfois les plus incongrues…, les éloignant un peu plus de la réalité des rapports de force… C’est certainement ici qu’il faut situer le grand problème de nos hommes politiques : l’incapacité à pouvoir évaluer un rapport de force, alors que la démocratie est d’abord une situation dynamique de rapports de force.
Autre «valeur» (ou facteur déterminant) de la démocratie, c’est le respect de l’autre. Pas la peine de pérorer là-dessus, nous savons où est-ce que nous en sommes. La demande de vérité n’existe pas, parce que la rumeur à remplacé l’information sur le fait… On dépense désormais plus d’énergie à entretenir une rumeur, à expliquer une action imaginaire qu’à élaborer un programme alternatif convainquant et emballant pour une grande majorité d’entre nous.
Les messages émis sont de plus en plus flous. Pas seulement parce qu’ils sont mal conçus au départ, mais parce que le médium choisi n’a pas les compétences nécessaires pour les faire parvenir. Veut-on vraiment les faire parvenir ?

mardi 23 avril 2013

Que veulent les politiques ? (2)

Revenons au retrait des partis de l’Alliance Patriotique (AP), à savoir ADIL, MPR et RD. Si l’on se réfère aux déclarations faites par Yahya Ould Ahmed Waqf lors de sa dernière conférence de presse consacrée au dossier de justice qui le concerne, on ne peut pas dire que le groupe rejoint la Coordination de l’Opposition démocratique (COD) comme cela a été annoncé par leurs amis qui les ont quittés quelques semaines avant. Ils ne rejoignent pas non plus la Coalition pour une Alternance démocratique (CAP) qui réunit les partis d’opposition ayant participé au dialogue. Ils créent donc un nouveau pôle au sein de l’opposition. On peut comprendre alors les différentes lectures données ici et là.
C’est peut-être une manière pour ces partis de se distinguer en attendant la suite. Si elle prend la forme d’un gouvernement d’union nationale, ils auront à participer en tant que pôle et non en tant qu’élément d’une Majorité où ils se perdaient.
Si elle prend la forme d’une participation à un processus électoral boycotté par une partie de l’opposition, ces partis profiteront certainement et des mécontentements qu’engendreront inévitablement les choix des partis les plus «forts», et de l’absence de certains partis.
Si elle prend la forme d’une participation générale, sans boycott des principaux acteurs, la coalition pourra faire les alliances nécessaires pour permettre certains équilibres dans les élections locales.
C’est la position de la COD qui semble la plus intenable, dans la mesure où elle est attendue sur une initiative dont on ne retient que cette idée de gouvernement d’union nationale.
Après avoir combattu un régime qu’elle disait illégitime et dont elle exigeait le départ, la voilà qui use de tous les charmes pour faire aboutir cette initiative. Marches, meetings, campagnes de dénigrement… tout a été essayé sans résultat. Trois ans de lutte pour revenir à une aspiration à composer avec un pouvoir qu’on a accusé de tous les maux… tout ça pour ça…
Le «bouillon politique» s’explique d’abord par la perspective des élections législatives. Quand la CENI a annoncé un deadline (15 octobre), elle a réellement lancée une initiative politique dans la mesure où un dialogue peut toujours être ouvert autour des outils et moyens pour assurer l’organisation d’élections fiables. C’est d’autant plus important que la perspective d’un gouvernement d’union, qu’avec la nouvelle loi, le gouvernement n’intervient plus dans le processus électoral. C’est en effet la CENI qui s’occupe désormais de cela.
Si l’on veut sortir de la situation de blocage – virtuel ou réel – actuel, il faut passer au concret en discutant des élections futures et des conditions qui peuvent garantir la transparence et la régularité.
Tout le reste est perte de temps… ici, savoir perdre le temps, nous y excellons malheureusement.

lundi 22 avril 2013

Que veulent les politiques ? (1)

Hier, dimanche 21 avril, trois partis politiques annonçaient leur retrait de la Majorité présidentielle. Il s’agit de : ADIL, le parti créé sous la présidence de Sidi Ould Cheikh Abdallahi et qui a fini par provoquer la chute de celui-ci, le Mouvement pour la Refondation (MPR) créé par le député Kane Hamidou Baba au lendemain de son retrait du Rassemblement des forces démocratiques sous la bannière duquel il avait été élu, et le Renouveau démocratique (RD) de Moustapha Ould Abdeiderrahmane.
Les raisons officielles données à ce retrait sont de l’ordre de la déception du parcours commun. Insistant sur le fait d’avoir intégré la Majorité à la suite d’un accord politique, le communiqué exprime sa déception quant à la ligne suivie par le pouvoir. D’où le retrait. Oralement, notamment dans l’interview que Ould Abdeiderrahmane a accordée à Al Jazeera le soir même, le chef du RD, président actuel du groupe, explique que les engagements pris sur le plan de la lutte contre la gabegie n’ont pas été respectés par les autorités actuelles. Soit. Mais la noblesse de la cause ne peut faire oublier le reste. Tout ce qui fait bouger la scène politique ces jours-ci.
Surtout la probabilité de voir «l’initiative du Président Messaoud aboutir». Il s’agit de ce document élaboré il y a quelques mois par le président de l’Assemblée nationale et proposé comme «solution de sortie de crise». Ce document tourne autour d’une idée principale, c’est du moins la seule que l’ensemble de la classe politique retient : la mise en place d’un gouvernement d’union nationale chargé de préparer des «élections consensuelles».
L’initiative a été lancée par son auteur au lendemain de la conclusion d’accords importants entre une partie de l’opposition dont son parti l’APP, et la Majorité. La mise en œuvre de l’accord était déjà en marche quand, dans un élan de solidarité magnanime, le Président Messaoud Ould Boulkheir s’est rappelé que le processus ainsi entamé allait laisser ses anciens compagnons sur la route du désespoir. Il fallait au plus vite déclencher un autre processus pour leur permettre de s’impliquer dans le jeu politique futur.
Si cela n’aboutissait pas, on dira que le Président Messaoud aura tout essayé pour amener tout le monde vers le consensus. Le mérite existe et permettra certainement d’atténuer les risques ouverts par les choix «consensuels» (dans le sens de «mous») du leader de l’APP. Il aura été la personnalité politique médiane et le seul interface entre les protagonistes d’un jeu politique qui avait atteint ses limites supportables pour les différentes parties. L’opposition radicale aura usé de tout pour faire «dégager» un pouvoir qui n’a rien abandonné pour permettre aux autres acteurs de sauver la face. Rumeurs, coups montés, manipulations, insultes, campagnes médiatiques fallacieuses…, tout a été entrepris pour mobiliser au sein de l’un et l’autre des camps. L’effort fourni par le Président Messaoud répond effectivement à une demande réelle d’apaisement au sein de la société mauritanienne.
Si par contre, l’initiative était adoptée par les différents protagonistes, elle satisferait au moins quelques ambitions. La première est bien sûr ce rôle central qui relancera la position d’un homme, symbole jusque-là d’un combat qui lui échappe à cause de la concurrence de plus en plus rude de quelques autres activistes, prêts eux à aller très loin dans la surenchère pour incarner une cause qu’ils veulent accaparer. C’est un peu si le leader syndicaliste Samory Ould Biye, celui de IRA Birama Ould Abeidi ou l’homme politique Mohamed Ould Bourbouç essayait chacun de s’approprier un héritage, celui du combat pour l’affranchissement d’une importante frange de la société mauritanienne. Ce combat a toujours été incarné par Messaoud Ould Boulkheir, sans réel concurrent. De nouvelles velléités de leadership – plus ou moins légitimes – s’expriment désormais. Pour éviter cette confrontation, le «vieux lion» a choisi de boxer dans la catégorie des «rassembleurs» et non des «militants sectaires»…
Accessoirement, l’initiative permet de retarder aussi les élections législatives et municipales, peut-être de les repousser au-delà de la future présidentielle prévue en 2014. Ce qui donne un sursis à la configuration actuelle : la Majorité reste majorité, le président de l’Assemblée reste à sa place, le chef de file de l’Opposition démocratique reste le même… Qui dit mieux ?
Et pour les autres acteurs ? que représente cette initiative ? C’est ce que nous allons essayer de voir dans les prochains postings.

dimanche 21 avril 2013

Sentiments mitigés


Comme d’habitude, je me suis réveillé très tôt ce matin-là. Vendredi matin, les courses obligatoires, devenues routinières : Mosquée, boulangerie, retour à la maison. Télévision. J’apprends plusieurs nouvelles qui font naitre chez moi plusieurs sentiments. Je partage avec vous quelques-uns de ces sentiments.
Soulagement et réconfort. Les Moulin-Fournier, cette famille française enlevée au Cameroun par la secte Bokou Haram, les Jihadistes du Nigéria qui ont fait allégeance à Al Qaeda. Parmi les victimes du rapt, quatre enfants. Les images publiées par les ravisseurs pour faire pression avaient scandalisé la communauté musulmane. Parce que rien, absolument rien, ne pouvait justifier une telle barbarie. Même pas les raisons fallacieuses avancées par eux.
Après d’âpres négociations, les Français ont réussi à libérer les leurs. Un dénouement qui permettra au Président François Hollande de redresser sa notoriété, lui qui paraissait si malmené par les sondages. Mais qui ne résout rien de la problématique du terrorisme qui a fait de la France une cible privilégiée.
Le gouvernement français soutient qu’il n’a pas versé de rançon et qu’il n’a pas accédé aux doléances des terroristes ravisseurs en aucune manière. Il préfère louer la coopération avec les pays concernés (le Cameroun et le Nigeria). Le croit-on ? difficilement.
Selon toute vraisemblance, une rançon a été versée soit par un pays tiers (le Qatar ? le Burkina ? les deux pays ont des passerelles avec ces organisations), soit par la société qui emploie le père de famille. Le Cameroun aurait libéré des membres de la secte. Tandis que le Nigéria préparerait une loi d’amnistie qui en concernerait d’autres.
Révolte et déception. J’ai prié tous ces jours pour que l’attentat de Boston n’ait aucun lien avec l’Islam ou les Arabes. Finalement, la deuxième grande information du jour après la libération des otages français, est bien la cavale des deux auteurs de l’attentat. Il s’agit de deux frères d’origine tchétchène arrivés aux Etats-Unis en 2001 ou 2002, dont l’un était parfaitement intégré, obtenant la nationalité en 2012.
Le plus âgé des frères Tsarnaev s’appelle Tamerlan… un prénom de destinée parce qu’il s’agit de ce turco-mongol qui a semé la terreur dans la partie oriental de l’Empire musulman au XIVème siècle, avant de fonder une principauté autour de Samarkand. Le Tamerlan d’aujourd’hui, c’est celui qui visiblement avait de l’ascendant sur son frère cadet, Djokhar – le premier avait 26 ans, le second 19. Bons musulmans – plutôt musulmans fervents -, les deux jeunes ont été embrigadés à travers les réseaux sociaux. Ils ont bien préparé leur coup.
Aux Etats-Unis, l’incompréhension est grande. Comment des jeunes se comportant comme tous les jeunes de leur âge, peuvent-ils basculer de la sorte ? Surtout que Tamerlan avait une fille d’une citoyenne américaine qu’il avait convertie à l’Islam. Les analystes et les commentateurs semblent avoir oublié que les deux Tchétchènes transportaient avec eux leur haine de l’Occident, du libéralisme, de l’Autre en général quand ils sont venus s’installer au Massachussetts. Leurs déboires sur place n’ont fait qu’exacerber ce qui était déjà là et qui pouvait provoquer à n’importe quel moment un accès de folie meurtrière. Pas besoin d’aller loin dans les enquêtes se rapportant au cursus de chacun : la haine qu’ils avaient trimbalée en eux a été entretenue et excitée par les sites faisant l’apologie de la violence, aboutissant à ces explosions de Boston.
Surprise et honte. C’était sur I-TV, une chaine française d’information continue. Une édition spéciale consacrée à la libération de la famille Moulin-Fournier. Deux journalistes interrogent le spécialiste maison de l’Afrique et des groupes terroristes, un certain Olivier Ravanello que j’avais entendu plusieurs sur le Mali et dont les connaissances – du moins sur la région - me paraissaient très approximatives. Aujourd’hui, il s’agit de commenter cette libération d’otages…
Le «spécialiste» qui a certainement pris le temps de préparer cette «expertise» se lance dans une longue litanie où il parle de «forces kenyanes» qui seraient remontées vers le Nord «du Kenya» pour mater la «secte kenyane» qui veut imposer l’application de la Charia «à tout le Kenya». Les «relations de la France avec le Kenya», de la France «avec le Cameroun» ont permis de dénouer la situation. En quelques minutes, l’expert aura prononcé le nom du Kenya au moins six fois. Ce qui est surprenant, ce n’est pas seulement la confusion dans les propos du spécialiste, mais aussi et surtout le silence des deux journalistes qui sont en face de lui.
Cela m’a rappelé que quand il a voulu s’excuser pour ses propos sur le Président mauritanien, le député français Noël Mamère avait prétexté qu’il s’agissait d’un défaut de langage, qu’il pouvait dire «le Président de l’Algérie, du Mali, du Niger…», n’importe lequel… Comme le mépris que cette élite française affiche est sans limite. Entre le Kenya et le Nigéria, quelle différence ? Tous deux des pays africains. Olivier Ravanello, le spécialiste de la question aurait pu citer l’Ouganda, l’Egypte ou le Botswana… quelle différence ?

samedi 20 avril 2013

Ne croyez rien de ce qu’on vous dit


J’ai lu l’autre jour que le Président Messaoud Ould Boulkheir a rencontré – une fois «a téléphoné», une fois «a rencontré» - le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz. Que les deux hommes ont discuté de l’initiative du président de l’Assemblée nationale qui venait d’être acceptée – toujours selon ce que j’ai lu – par la Coordination de l’opposition démocratique (COD). Déduction : on est sur le point d’aboutir à un accord politique qui ferait dépasser à la Mauritanie la situation actuelle.
J’ai lu aussi – il y a quelques jours – que la CENI a décidé de fixer le 1er octobre comme jour d’élections (premier tour). Ceux qui ont lu l’information n’avaient pas besoin de poser la question, il suffisait de regarder le calendrier pour voir que c’est un mardi : le jour d’élections est toujours un vendredi. Mais le sens critique est le moins partagé chez nous.
D’ailleurs, nos lecteurs, nos auditeurs continuent de croire (à 100%) ce que nous leur servons. Alors que chaque semaine, voire chaque jour, nous leur donnons la preuve que nous ne sommes pas crédibles. Je crois que c’est lié à la demande de vérité qui n’existe pas. Nous sommes dans une société où la demande d’exactitude n’est pas évidente.
Quand on ouvre un site, qu’on lit un journal, on écoute une radio ou l’on regarde une télévision, ce qu’on attend ici, ce n’est l’information, c’est le commentaire de l’information. Ce n’est pas le fait qu’on veut avec exactitude, c’est la confirmation de ce qu’on a entendu dans tel ou tel salon, chez tel ou tel groupe politique. Ce n’est pas l’analyse froide et raisonnée qu’on espère, c’est le commentaire partisan et virulent.
C’est aussi à nos lecteurs, nos auditeurs et nos téléspectateurs qu’il faut reprocher les manquements à la déontologie qu’ils sont prompts à dénoncer. Ils sont en partie responsables de la corruption du secteur des média. Par leur propension à ne s’intéresser qu’à la moins probable des informations, qu’au plus fallacieux des arguments, qu’au plus tendancieux des commentaires.
Comment nous arrive l’information ? Très peu d’entre les journalistes ceux qui vont à la quête de l’information. En général, elles arrivent dans nos rédactions, prêtes à être diffusées. Nous les créons parfois. Quand on a un souci de primeur de l’information. En ajoutant «de sources sûres…», «de sources proches de…», «selon une grande figure qui a préféré gardé l’anonymat…»… dès que quelqu’un préfère garder l’anonymat, il perd sa notoriété. Il devient un inconnu, un néant.
On accompagne l’information selon ses positions et ses préférences. Parce qu’elle a été servie par «un ami», elle peut être réaménagée pour lui donner la forme qui sied. Si elle est commanditée par un «bailleur», elle est servie tel qu’elle est parvenue, avec la grossièreté souvent, les fautes et les insuffisances. Si elle est soufflée par un service, elle est amplifiée par la rumeur qui l’accompagne.
Dans notre pays, on a oublié – tous, hommes politiques et journalistes – que la démocratie se nourrit de vérité et de transparence, de dialogues et d’échanges, d’équité et d’engagements. Que le pire ennemi de la démocratie est bien la propension à exacerber les différences, à exciter les frustrations, à provoquer les fractures et à créer un climat propice à la violence. 

vendredi 19 avril 2013

A chaque station son discours


Parce que je devais assister à la prière du mort organisée dans une mosquée de Tinsweylim (non loin de l’hôpital Zayed), j’ai dû suivre une conférence animée par trois figures du parti Tawaçoul dont, je crois le président du Conseil national du parti islamiste. Dans cette mosquée, chaque jeudi, les «bonnes âmes» - il ne doit pas obligatoirement s’agir de militants du parti – se retrouvent ici pour «minbar el khamis» (la tribune du jeudi). Un conférencier, toujours une notoriété de ce courant, présente son point de vue et répond aux questions qui pourraient être posées.
Ce jeudi, le thème était celui de la fraternité en Islam. Sujet bateau, sujet noble quand même. Intéressant dans un pays où l’atomisation de la société a provoqué un affaiblissement considérable de la chaîne des solidarités traditionnelles, pour ne pas dire naturelles. Dans une ville comme Nouakchott où la frénésie et l’avidité ont corrompu ce qui devait être d’humanité. Au sein d’une élite obnubilée par la recherche d’un pouvoir lui donnant accès à quelque ressource à piller. Sujet porteur donc.
Trois axes : celui de la noblesse fondatrice du sentiment de fraternité en Islam, à force de versets coraniques et de Hadith du Prophète (PSL) ; celui de la Morale à la base ; et enfin celui de l’Histoire des rapports entre les communautés en Mauritanie (Négro-africains et Arabes). Sur le premier aspect, rien à retenir sauf l’exemplarité des préceptes que dictent Coran et Sunna. Sur le second, j’ai été surpris par l’extraordinaire sens de mesure, l’incommensurable abnégation, l’inégalable sens de l’équité (inçaav) du président du Conseil national de Tawaçoul qui a soutenu que dans toute attitude le Musulman est tenu de ne retenir que le côté positif des autres et de ce qui advient en général. En clair et sans appel : il faut éviter de s’attarder sur le mauvais aspect de la vie, des événements et des hommes.
Côté Histoire, j’ai appris que Dan Fodio, El Haj Oumar Tall, Kankan Moussa… et tous ces princes d’Etats islamiques subsahariens n’auraient pas été si leurs maîtres sahariens n’avaient pas continué à les alimenter en bonnes paroles. J’ai appris aussi que la guerre qui se déroule actuellement au Mali ne serait que le prolongement d’un contentieux ouvert avec l’arrivée du colon dans la région. Et, par déduction, la guerre entre le Mal et le Bien est loin d’être finie…
De tout ce qui a été dit – et bien dit -, je retiendrai cet appel à la pondération du président du Conseil national de Tawaçoul, un appel dont on a besoin en ce moment où notre élite pousse vers la confrontation violente. Il ne peut pas y avoir meilleure initiative que celle qui pourrait appeler à l’apaisement dans les rapports, à la mesure dans les prises de position, à la reconnaissance des aspects positifs des uns et des autres, de la bonne foi de tous…
Imaginons un moment, le parti qui revendique une inspiration d’ordre religieux donc Immanent, demander à tous, y compris ses militants et ses partenaires, de tempérer les propos, de chercher une voie médiane qui pourrait reconnaitre à ses adversaires (devenus concurrents ou même partenaires), d’être moins vindicatifs, moins aigris, plus tolérants, plus mesurés dans leurs propos…, mais c’est déjà une révolution «démocratique», une victoire sur le mauvais génie. Alors pourquoi ne pas adopter ce discours tenu dans cette mosquée d’un quartier populaire ?