Vous
avez certainement lu cette information concernant des groupes de prédicateurs
mauritaniens refoulés du Sénégal ou d’ailleurs, sans donner les véritables
raisons de ces refoulements. Il est très probable – et même certain dans des
cas – que la raison principale est l’absence d’une démarche officielle de la
part du ministère des affaires islamiques vers les pays devant recevoir les
nôtres. En réalité, le département est englué, depuis des décennies, dans une
atmosphère de malversations, de magouilles qui font surface de temps en temps
mais qui n’ont jamais été traitées sérieusement. Les ministres qui se succèdent
sont rapidement pris en otage par les groupes organisés en maffias et sont obligés
de s’aligner et d’accepter l’ordre des choses.
Comme
chaque année, le ministère envoie des groupes de prédicateurs à l’intérieur et
à l’extérieur du pays. Une manière de canaliser la prédication et de la
contrôler, mais aussi d’entretenir un rôle de diffuseur de la bonne parole
dans les espaces influencés par le rayonnement de la culture mauritanienne et
de ses érudits.
Le
jeune ministre Ould Ehl Daoud a voulu imposer des règles transparentes cette
année. Il a institué un concours pour sélectionner les érudits devant faire
campagne pendant ce ramadan. Quarante personnes environ ont réussi à passer le
cap. Mais finalement, le groupe dépassera la centaine parce que beaucoup
d’autres individus y ont été ajoutés pour faire plaisir ici et rendre service
là.
Le
ministère a promis de mettre les moyens et de déployer le dispositif adéquat
pour permettre aux érudits de prêcher la bonne parole là où ils iront. Un
groupe de douze a été envoyé en Côte d’Ivoire. Avant leur départ, on leur a
donné un per dium de 700 euros chacun. On leur a dit officiellement qu’ils
seront reçus par l’Ambassadeur à Abidjan et le chef de la communauté mobilisée
à cet effet. Les services concernés du ministère ont rassuré les membres de la
délégation sur le dispositif déployé pour leur permettre un bon et fructueux
séjour.
A
l’arrivée le 19 juin dernier, le groupe a dû attendre un bon moment à
l’aéroport avant de rencontrer le représentant de l’Ambassade qui avait juste
son véhicule. Il a fallu donc prendre des taxis pour se rendre dans les lieux
de résidence prévus. Les douze allaient se retrouver le lendemain dans un
hangar autour du Chargé d’affaires. On était dimanche et il fallut attendre
lundi pour être reçu par l’Ambassadeur.
Très
affable mais visiblement impuissant, l’Ambassadeur expliqua que le ministère
n’a rien fait de ce qu’il lui avait demandé de faire. D’abord, la démarche
officielle consistant à avertir le Conseil ivoirien des Ulémas n’a jamais été
faite. Ensuite, la Communauté mauritanienne a exprimé son refus catégorique de
recevoir une telle mission. Enfin l’Ambassade avait dit qu’elle ne peut assurer
que le logement pour six érudits. Tout cela a été ignoré par le ministère
qui a envoyé récemment un message annonçant l’arrivée de la mission, sans plus.
L’ambassadeur
a ensuite conseillé aux érudits de ne rien entreprendre dans un pays qui
appartient à une zone sous menace de groupes radicaux, où donc la suspicion est
grande si on n’a pas l’aval du conseil général des Ulémas locaux.
Les
érudits ont dû se débrouiller. Deux ou trois étaient venus pour passer des
examens médicaux. Ceux-là s’installèrent chez des parents établis à Abidjan. D’autres
ont choisi de prendre le chemin du retour soit par route en passant par le Mali
avec tous les risques que cela comporte, soit par avion par la route de Dakar. Les
billets retour ayant réservés sur Mauritanie Airlines International (MAI) dont
les lignes ne seront assurées à partir d’Abidjan qu’à partir de la mi-juillet. C’est
donc sur leurs propres comptes que les érudits ayant regagné le pays l’ont
fait.
Au total, 110 érudits environ ont été envoyés en
Afrique, dans le Monde arabe, en Europe et en Amérique. En moyenne près de
mille euros ont été affectés à chacun des voyageurs en plus des frais de
voyage. C’est un pactole considérable pour une mission qui a été largement
déviée de son objectif initial. Alors ? cela mérite un tour de l’Inspection
générale d’Etat.
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