La
sortie ces derniers jours d’une nouvelle promotion d’élèves officiers de
l’Ecole militaire Interarmes d’Atar (EMIA) – la 31ème depuis la
création de l’école en 1976 – est une occasion de revenir un peu sur la
nécessité pour nous – journalistes, politiques… - de revoir notre relation à
l’Armée.
Sortie
exsangue de la guerre du Sahara, l’Armée nationale ne s’est pas relevée avant
ces dernières années. C’est que les gouvernants l’ont surtout perçue comme une
source de menace pour leur pouvoir. Ils ont alors orchestré une opération de sape
qui a abouti au résultat que nous avons connu en 2005.
Le
4 juin 2005, un commando du Groupe salafiste de combat et de prédication (GSPC
qui deviendra Al Qaeda au Maghreb Islamique, AQMI) attaque la garnison de
Lemghayti, quelque part dans le désert mauritanien. C’est un trafiquant de la
zone qui donne l’alerte bien après le déroulement des événements. C’est dire
que l’unité cantonnée à Lemghayti n’avait même pas la possibilité d’entrer en
contact avec son Etat Major. Le pouvoir d’alors réagit très mal.
Aucun
éclaircissement ne sera donné sur les conditions de l’attaque. Si bien que
l’héroïsme des éléments de l’unité de l’Armée nationale sera passé sous
silence. On laissera croire que les soldats mauritaniens avaient été surpris
parce qu’ils avaient établi des relations de copinage avec les trafiquants de
la région dont les terroristes. En fait, ces soldats avaient peu de moyens et
étaient laissés à la merci de ces trafiquants qui avaient de fortes relations à
Nouakchott.
La
colère du Président de l’époque est si forte qu’il décide d’envoyer une
expédition punitive poursuivre les assaillants jusqu’aux confins de la
frontière entre le Mali et le Niger. Pour équiper les troupes, il fait appel
aux groupes d’affaires : un groupe finance la motorisation, un autre
l’armement, un autre la logistique… ce sont donc les privés – les commerçants,
les hommes d’affaires… appelez-les comme vous voulez – qui financent
l’expédition punitive.
Le
millier d’hommes envoyés au désastre reviendra à la faveur du coup d’Etat du 3
août 2005, sans avoir pu accrocher l’ennemi. C’est certainement la goutte qui a
fait déborder le vase et qui a finalement amené les plus jeunes des officiers
supérieurs à renverser le Président Ould Taya.
Mais
la transition qui s’ouvre avec le coup d’Etat est 100% politicienne. Les vrais
enjeux pour le pays – apurement des passifs humanitaires, refondation des
institutions étatiques, réinvention des vocations premières de l’Etat
mauritanien…-, ces enjeux sont occultés par la course au pouvoir et la
perspective des élections. La passion fait le reste.
L’Armée
est donc oubliée dans les débats restés plus ou moins superficiels. Personne ne
pense à lui donner les moyens de sa profonde réforme. Sans doute, le mépris
affiché par l’élite traditionnelle qui a toujours vu en l’institution militaire
un outil à utiliser dans la conquête et donc dans le maintien du pouvoir.
L’équiper, la réorganiser, la restructurer, la moderniser… tout ça n’est pas
dans le registre des urgences.
L’arrivée
au pouvoir d’un gouvernement civil n’a pas changé les choses. Surtout qu’elle
s’est accompagnée d’un déni du danger. L’autorité politique, par la voix du
Président et du Premier ministre, a immédiatement nié l’existence d’une menace
terroriste. Première conséquence : rien n’est fait pour améliorer
l’exercice des forces armées et de sécurité. Au contraire, on revient
rapidement à la charge pour essayer de les mettre au pas. Alors qu’elles
avaient besoin d’être renforcées.
Les
événements se précipitent avec les attaques terroristes de 2007 et 2008. Puis
la crise politique ouverte qui mène droit au coup d’Etat du 6 août 2008. En
plus des incertitudes sur le plan intérieur, le pays fait face à une guerre
larvée menée à partir du Mali voisin par des bandes armées combinant trafics
(drogue, cigarettes, armes) et lutte idéologique. Tourine, rapts successifs
d’étrangers, attentats, assassinats d’étrangers… C’est la menace pesante qui
dicte l’ordre de priorité.
L’Armée
connait alors une remise à niveau qui lui permet rapidement de porter le
théâtre des opérations sur le territoire ennemi (les caches des groupes armées
dans le Sahara malien). L’offensive que mène la Mauritanie pour assurer la
sécurité de ses frontières apporte ses fruits. En quelques mois, plusieurs
opérations sont menées contre les terroristes dans leurs bases. Toutes leurs
tentatives de faire des actions d’éclat en Mauritanie s’écrasent contre le
cordon de sécurité mis en place par l’Armée nationale. La stratégie mise en
œuvre par la Mauritanie n’a pas le soutien de ses voisins et amis. Ils paieront
plus tard cette désinvolture, notamment quand tout le Nord malien sera sous
contrôle jihadiste. Ils payent encore aujourd’hui le prix fort de ne pas avoir
réagi à temps.
C’est
sans doute cette guerre préventive qui a permis au pays de ne pas se laisser
entraîner dans le tourbillon qui a suivi et qui a mis à genoux bien des Etats.
Il y a lieu pour nous de célébrer notre Armée à toute occasion. Il y a lieu
surtout de se dire qu’une Armée qui n’a pas les moyens de remplir ses missions
de défense et de préservation de l’unité du pays, ne peut aspirer à être républicaine.
Jusqu’à
présent, notre Armée a lorgné du côté du pouvoir seulement quand elle a été
abandonnée par les décideurs ou quand elle a été l’objet de leur
vindicte : 1978 avec la guerre du Sahara dans les conditions qu’on sait,
1984 avec sa marginalisation au profit de forces extérieures (Polisario
notamment), 2005 avec son démantèlement progressif durant les deux décennies
qui ont précédé, en 2008 avec la remontée en surface des démons des pouvoirs
précédents.
Le
pari est heureusement engagé sur la ressource humaine. En plus du lycée
militaire, il y a désormais une Ecole supérieure polytechnique, une Ecole de
l’aéronautique, une Ecole d’Etat Major, une Académie militaire bientôt. Tout un
dispositif qui permet de former une élite capable de comprendre et de faire
face aux multiples défis du monde d’aujourd’hui.
«L’Institution militaire est devenue
incontestablement un acteur de développement à travers sa participation
distinguée au renforcement des capacités des autres départements, notamment la
santé, l’éducation, la construction des routes, la réalisation de réseaux
d’adduction d’eau et d’assainissement en plus de son intervention dans les
domaines humanitaires». Quand un responsable militaire nous dit cela, c’est
en pensant au Génie militaire, à l’hôpital militaire, aux écoles… là où
effectivement le savoir-faire militaire est mis à contribution pour servir le
pays.
good work good work good work v
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