Il
y a une semaine, le Président réélu prêtait serment en grande pompe. Une
semaine après rien ne s’est encore passé. Ni le nouveau gouvernement n’a été
nommé, ni l’opposition ne s’est manifestée. Une semaine pourtant, c’est
beaucoup de temps pour un pays où tout est urgence. Rien que les chantiers sur
lesquels le Président réélu a axé son mandat méritent qu’on s’y atèle au plus
vite.
La
Justice… Toute réforme commence par un diagnostic clair et
net. Pour constater qu’à la base des insuffisances de l’Appareil judiciaire se
trouve l’incompétence du personnel. Pour l’essentiel constitué d’une vieille
garde recrutée dans des conditions occultes et à des périodes où ce qui était
recherché dans la fonction était l’enrichissement illicite et rapide. Pas plus
qu’ailleurs, cette vieille garde n’accepte aujourd’hui de se démettre ou de se
corriger. De l’incompétence nait naturellement l’absence de conscience
professionnelle et le refus de s’améliorer par la formation continue.
Incompétence
et inconscience morale sont entretenues par l’impunité qui s’exprime en deux
temps. Le premier concerne le Magistrat – l’homme (ou la femme) de loi en
général – qui ne subit jamais les conséquences de ses manquements. Le second
est au niveau des lois et règlements qui sont souvent sans effet parce qu’ils
ne sont pas appliqués. Il faut y ajouter les pesanteurs sociales qui font que
le Magistrat est redevable à sa communauté qui le protège quand il est menacé
dans ses intérêts personnels et même professionnels. Cette substitution de l’ensemble
(ethnie, tribu ou clan) à l’Etat fragilise encore plus le Magistrat.
La
Justice n’est surtout pas pour nous ce dispositif impartial pouvant rétablir le
droit et du coup empêcher l’exercice de l’arbitraire. Nous la percevons comme
un outil, une arme qui peut être instrumentalisée dans la réalisation de nos
desseins particuliers. Quand on a affaire à la Justice, on est toujours sûr que
l’issue pour nous dépend de la nature des relations que nous aurons établies
avec ceux qui sont en face (Juges et même Avocats).
Aujourd’hui,
les Magistrats sont les mieux payés des fonctionnaires (une indemnité de
400.000 UM). Un très grand effort a été consenti pour rénover, réhabiliter les
infrastructures existantes. Mais cela n’est pas l’urgence dans ce secteur.
Il
faut compter sur la promotion accélérée des jeunes (qui sont aujourd’hui aux
troisième et quatrième grades) pour essayer de bousculer la vieille garde. Dans
l’immédiat, assainir l’existant par l’élimination des (grandes) poches de
déviance que sont les mafias tribales et affairistes qui se trouvent dans les
principaux mécanismes judiciaires. Cela demande du courage et de la fermeté.
Mais il s’agit d’une exigence immédiate sans laquelle il ne faut pas espérer
une réforme de la Justice.
L’Administration…
Nous pouvons faire le même constat que pour la Justice. C’est un ensemble qui
fonctionne sensiblement de la même manière, qui subit les mêmes actions
dévastatrices, qui a l’effet de clochardiser son personnel. C’est pourquoi, il
faut s’arrêter à la nécessité de réhabiliter le fonctionnaire. D’abord aux yeux
du citoyen, mais aussi aux yeux des Institutions. Le mépris affiché
officiellement par les hauts responsables vis-à-vis du fonctionnaire n’a fait
qu’accentuer l’état de délabrement moral dans lequel il se trouvait déjà. Biens
sûr qu’une partie de la responsabilité dans cette perception négative que nous
avons du fonctionnaire est dû d’abord à son exercice, mais elle a eu des
facteurs encourageants.
Il
faut arrêter de recruter en dehors de l’Appareil administratif les directeurs
et les secrétaires généraux. Parallèlement promouvoir des plans de carrières
qui pourraient permettre au fonctionnaire d’entrevoir un avenir meilleur qu’il
devra mériter. L’impunité, l’absence de couverture, l’absence de la règle du mérite,
le manque de perspective, l’inexistence de règles garantissant que chacun est
comptable de ses actes… tout cela a produit la clochardisation du corps des
fonctionnaires et créé cette fracture entre eux et les usagers.
Il
faut réhabiliter l’Administration en tant que structure au service de tout le
monde. C’est cette impartialité, cette objectivité, cette neutralité, mais
aussi cette disponibilité, cette capacité à trancher correctement, à répondre
rapidement… c’est tout cela qui l’empêche aujourd’hui d’être un service public
utile et respecté.
L’Ecole…
On préfère dire, «le système éducatif»… Pas besoin de s’attarder, tout
commence par là. Ceux qui travaillent dans le secteur de la Justice ou de
l’Administration sont le produit d’un cursus qui devait leur permettre non
seulement d’acquérir un savoir, mais surtout des valeurs. Nous n’avons que le
produit que notre école nous propose, autant dire rien que des générations qui
ont souvent dû leur passage de classe en classe aux interventions de leurs
parents, à l’irresponsabilité du personnel d’encadrement et à tout le reste. Ne
nous étonnons point si à l’arrivée nous avons le personnel que nous avons.
Mais
le plus grave à mon avis, c’est que l’école a depuis longtemps cessé d’être ce
creuset d’intégration pour des générations de Mauritaniens. Elle est devenue
plutôt un facteur de divisions suivant les appartenances ethniques et/ou
régionales. L’urgence est de réhabiliter cet aspect «creuset» de l’école
par la création de cantines et d’internats dans les communes et dans les
capitales régionales (un programme est déjà mis en œuvre, il faudra le
maintenir et l’exécuter rapidement). D’urgence réintroduire l’enseignement de
la philosophie dans les classes de lycée. D’urgence promouvoir un enseignement
efficient de l’instruction civique. D’urgence mettre en œuvre la nouvelle
réforme préconisée par les Etats généraux de l’éducation…
Justice,
Administration et Education… trois chantiers pour le prochain
mandat. Des chantiers qui ne souffrent pas la perte de temps. Il faut y aller
et vite.
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