Même
si on s’attendait à la nomination imminente d’un nouveau gouvernement après le
changement de Premier ministre, la surprise est venue du moment choisi :
un peu avant minuit dans la nuit de jeudi à vendredi. On a «feinté» les
pronostics qui donnaient samedi au plus tôt comme date d’annonce de la
composition du gouvernement de … Yahya Ould Hademine… Ce n’est finalement pas «son»
gouvernement…
On
va éviter de pérorer sur les dosages qui n’ont aucun rôle ici, même si il y a
eu des «remplacements» qui ne peuvent être justifiés autrement (Ismael
Ould Sadeq à la place de Ismael Ould Bodde, Mohamed Lemine Ould Mamy à la place
de Sidi Mohamed Ould Maham, Sidi Ould Salem à la place de Bekaye Ould Sidi
Malek…). On va essayer de comprendre suivant un autre mode d’explications.
Il
y a peu, on commentait les priorités fixées par le Président de la République
réélu pour un deuxième mandat. Les trois grandes priorités étaient ainsi
définies : la Justice, l’Administration et l’Ecole mauritanienne.
A
la base des insuffisances de l’Appareil judiciaire se trouvent l’incompétence
et l’inconscience du personnel. Pour l’essentiel constitué d’une vieille garde
recrutée dans des conditions discutables et à des périodes où ce qui était
recherché dans la fonction était l’enrichissement illicite et rapide. Pas plus
qu’ailleurs, cette vieille garde n’accepte aujourd’hui de se démettre ou de se
corriger. De l’incompétence nait naturellement l’absence de conscience
professionnelle et le refus de s’améliorer par la formation continue.
La
Justice n’est toujours pas ce dispositif impartial pouvant rétablir le droit et
du coup empêcher l’exercice de l’arbitraire. Elle est encore un outil, une arme
qui peut être instrumentalisée dans la réalisation de desseins particuliers.
Quand on a affaire à la Justice, on est toujours sûr que l’issue dépend de la
nature des relations établies avec ceux qui sont en face (Juges et Auxiliaires
de la Justice).
Dans
l’immédiat, le ministre Sidi Ould Zeine, reconduit à la tête du département
doit travailler en vue d’assainir l’existant par l’élimination des (grandes)
poches de déviance que sont les mafias tribales et affairistes qui se trouvent
dans les principaux mécanismes judiciaires. Cela demande du courage et de la
fermeté. Cela commence par la prise en main effective du département.
Le
mal de la Justice est celui-là même qui ronge l’Administration. L’impunité,
l’absence de couverture, l’absence de la règle du mérite, le manque de
perspective, l’inexistence de règles garantissant que chacun est comptable de
ses actes, la clochardisation des personnels, l’absence de visions claires et
de réformes réelles…
Deux
départements sont concernés : l’intérieur et la fonction publique. Le
ministère de l’intérieur ne réussit pas encore à mettre en œuvre les réformes
administratives prévues depuis longtemps, encore moins à engager la
décentralisation dans les faits. Il est temps d’entreprendre quelque chose,
surtout que Mohamed Ould Ahmed Rare, reconduit, est de la boîte. A charge pour
lui de réhabiliter l’Administration en tant que structure au service de tout le
monde. Il manque encore à l’Administration cette impartialité, cette
objectivité, cette neutralité, mais aussi cette disponibilité, cette capacité à
trancher correctement, à répondre rapidement… tout ce qui en fait un service
public utile et respecté.
La
Fonction publique a connu une nette évolution depuis l’arrivée de Seyidna Aly
Ould Mohamed Khouna qui a finalement été reconduit. En peu de temps, de
nombreux textes ont été adoptés grâce à lui. Des textes «endormis»,
oubliés dans les tiroirs… Il a réussi à relancer des chantiers comme le système
de gestion intégrée des fonctionnaires, le reversement des fonctionnaires dans
leurs corps conformément aux nouveaux statuts, la redynamisation du dialogue
sociale. Il fallait beaucoup de courage, une bonne intelligence des
problématiques et une grande volonté d’apporter un changement dans son secteur
pour réussir à marquer en si peu de temps.
A
l’éducation nationale, les dégâts de la dernière réforme sont si grands qu’il
ne faut pas espérer de changements immédiats. Simplement s’attendre de la part
de Ba Ousmane, le ministre reconduit, une mise en œuvre effective des
recommandations des Etats généraux de l’éducation. A son arrivée au
département, il y a peu de temps finalement, Ba Ousmane a hérité d’une
situation de déliquescence qui lui a imposé de s’attarder sur la discipline du
département. Maintenant qu’il est confirmé, c’est à lui d’aller au-delà.
Le
drame des ministères dits «techniques» est l’arrivée de nouvelles
figures qui causera certainement quelques incompréhensions avec le personnel en
place.
Dans
bien des cas, le leitmotiv «l’homme qu’il faut à la place qu’il faut»
n’a absolument pas été respecté. L’exemple le plus criant – et sans doute le
plus regrettable – est celui de Diallo Mamadou Bathia qui était bien, voire
excellent, là où il était, au secrétariat général du gouvernement. D’ailleurs
il y a lancé quelques chantiers utiles au pays et à l’administration, en
matière d’organisation, de préservation de la Mémoire (archives), de continuité…
Qui assurera la continuité ? Sa remplaçante, Madame Awa Tandia ? on peut en douter même si on l’espère.
La
confirmation de Nani Ould Chrouqa est une bonne nouvelle pour la pêche car il a
entrepris, depuis qu’il est là, l’élaboration d’une nouvelle stratégie
inclusive pour permettre à la Mauritanie de profiter réellement de sa ressource
halieutique, aussi bien sur le plan économique que sur le plan social. Cette
stratégie a commencé par l’accompagnement des négociateurs mauritaniens dans
leurs efforts pour tirer le maximum de la ressource. La décision récente de
procéder à «un arrêt commercial» est une première en Mauritanie qui
indique combien la volonté est forte de fructifier la ressource nationale.
Grosso
modo, on peut s’arrêter sur le nombre de femmes dans le gouvernement (5), sur
le rajeunissement de l’équipe : la moyenne d’âge doit être aux environs de
50 ans, une première.
Mais
quand on pense à la philosophie qui semble avoir guidé à la confection de ce
gouvernement, on conclut tout de suite à un mélange de
redéploiement-remaniement. L’ossature est faite de ministres plus ou moins
anciens (qui ont fait plus ou moins leurs preuves). Alors qu’on attendait le
renouveau complet avec le changement de Premier ministre. Comme à chaque
formation de nouveau gouvernement, on est toujours tenté de croire à une
formation intérimaire. «En attendant», «dans l’urgence»…
Ce gouvernement n’échappe pas à la règle. La présence
en son sein d’une ou deux grandes faiblesses laisse penser qu’il faut
s’attendre à un remaniement avant la fin de l’année. Des observateurs
rappellent le parallèle entre la nomination du nouveau gouvernement et la
désignation du chef de file de l’Opposition. Laquelle désignation relance
l’Institution de l’opposition qui doit nécessairement éclipser (à jamais ?)
le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) et apporter très
probablement de nouvelles perspectives. Tout cela contribue à nous faire dire
que «le gouvernement de la rupture», celui qui devra mettre en œuvre le
programme du deuxième mandat, ce gouvernement reste à venir.
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