vendredi 17 février 2012

Le PRDR s’effrite


Quand El Kory Ould Abdel Mowla, ancien ministre de la communication, ancien ministre conseiller à la Présidence, quand ce journaliste de parcours et homme politique de son état quitte son parti auquel il a tenu tout ce temps, il y a lieu de se poser des questions.
Le Parti républicain pour la démocratie et le renouveau est cette formation née des cendres du PRDS (parti républicain, démocratique et social qui a régné sans partage sur la vie politique de 1991 à 2005). A la chute du régime de 2005, les nouvelles autorités avaient refusé de procéder à la dissolution du Parti-Etat. Ne sachant quoi faire sans l’appui des autorités et dans le souci de récupérer ce qui peut l’être, y compris des nouveaux maîtres, l’intelligentsia PRDS n’a rien trouvé de mieux que de troquer le S pour un R. une alternance consonantique qui en dit long sur l’état d’esprit qui prévalait au sein de la classe politique incapable de réagir ou de dépasser le cap de la surprise au lendemain du coup d’Etat d’août 2005. Tous les partis ont vu dans la déconfiture du PRDS une possibilité de récupérer les transfuges. Ce sera l’opération de blanchiment la plus grande de l’Histoire du pays : ceux qui géraient (et mal) le pays trouvèrent ici l’opportunité de se refaire une notoriété nouvelle. Avec la complicité de tous.
C’est ainsi que le PRDR – né entretemps - dut faire face aux assauts de ses protagonistes. Mais il faut attendre les élections législatives et municipales pour voir le Comité militaire, par la voie de son président, intervenir directement pour encourager les candidatures indépendantes au sein du PRDR. Le parti est saigné à blanc. Il comptait 384 membres dans son conseil national, il n’en restera que quatre. De son bureau politique qui comptait une centaine de personnes, il n’en reste que deux. De ses députés, juste trois.
Nous apprenons aujourd’hui que le PRDR qui recevait 45 millions par an de subventions pour ses résultats aux élections de 2006, n’a jamais tenu une réunion ou un congrès. Le parti qui a participé au dialogue est même incapable de prendre en charge une campagne d’explication comme l’ont fait les autres partis.
Cette situation nous rappelle quand même qu’aucun des partis bénéficiant de subventions ne rend compte. Alors que tous les acteurs politiques, de la Majorité comme de l’Opposition, disent que l’exigence de transparence est une revendication centrale, aucun d’eux n’accepte de balayer devant sa porte. Pourquoi l’Inspection générale ne va pas fouiller dans les comptes de ces partis, tous gérés de façon opaque alors qu’il s’agit de l’argent public ?
Depuis 2006, aucun parti n’a rendu compte. C’est donc normal qu’il y a toujours des raisons pour leurs cadres de les quitter. Le PRDR qui perd avec Ould Abdel Mowla un cadre persévérant et loyal, pourrait connaitre d’autres dissidences dans les semaines qui viennent. Le paysage politique mauritanien ne finit pas de se reconstituer.

jeudi 16 février 2012

La Mauritanie validée


C’est seulement hier que la Mauritanie a été validée comme pays conforme par le Conseil d’Administration de l’Initiative de transparence dans la gestion des industries extractives (ITIE) qui s’est tenu à Londres ces jours-ci. Le président du Comité national de l’ITIE, Sidi Ould Zeine, conseiller par ailleurs du Premier ministre, était présent à cette prise de décision.
C’est ainsi que les efforts du pays en matière de transparence des industries extractives sont couronnées.
Des années se sont passées depuis que le Premier ministre Sidi Mohamed Ould Boubacar a déclaré l’adhésion du pays à l’initiative. Des batailles où le Comité national, et notamment son président, ont joué un rôle de premier plan.
En février 2009, alors que la Mauritanie était mise à la touche par les partenaires techniques et financiers à la suite du coup d’Etat du 6 août, le pays réussissait à se faire élire membre du Conseil d’administration de l’ITIE. Il fallait ensuite entreprendre le parcours qui consistait à présenter des rapports pour les années 2006, 2007, 2008, 2009… Pour ce faire mobiliser les ressources nécessaires au moment où le partenaires retiraient leurs apports.
En fait l’adhésion à l’ITIE vise à améliorer la gouvernance par le renforcement de la transparence dans la gestion des matières extractives, notamment les mines et le pétrole. C’est par décret N°2009-231/PM que le Comité national ITIE (CNITIE) entre dans une phase nouvelle d’implication de tous les acteurs : les représentants des administrations concernées (finances, mines, pétrole), des sociétés actives dans le domaine et surtout des représentants de la société civile en quantité et en qualité suffisante pour faire le poids (ONG spécialisées dans le domaine, dans celui de l’environnement, de la transparence ou même des droits de l’homme ; Presse ; Avocats…). C’est le CNITIE mis en place en 2009 qui mène la bataille de la validation. Un plan d’action étalé sur trois ans est validé par le Comité qui engage un cabinet indépendant pour collecter les données relatives aux années visées et engager une procédure pour faciliter les audits ultérieurs. Il a nommé en son sein un comité de suivi dont la majorité des membres étaient de la société civile.
En vue de finaliser les rapports, les auditeurs devaient collecter tous les paiements opérés par les entreprises extractives et tous les revenus perçus par l’Etat et ses démembrements (Société des hydrocarbures, trésor public, impôts… Pour faire le parallèle entre les paiements et les revenus et en contrôler la conformité. Par la même occasion établir un bilan physique des productions minières et pétrolières, selon les termes de référence de l’audit. Dernière attente, définir une méthodologie pour avoir une base régulière pour normaliser le procédé d’élaboration des futurs rapports.
La persévérance du Comité et la volonté politique affichée des pouvoirs publics ont fini par payer. La validation de la Mauritanie comme pays conforme est sans doute un heureux évènement et un grand pas sur la voie de la bonne gouvernance.

mercredi 15 février 2012

Quand le marabout démarche le griot

Il y a quelques nuits, une association de la nébuleuse du mouvement islamiste en Mauritanie organisait une rencontre pour le moins surprenante. L’intitulé était «liqaa el Fiqh wa el Fan» (rencontre entre le Fiqh et l’art). L’association Al Mustaqbal dont le président n’est autre que Shaykh Mohamd el Hacen Ould Dedew, tandis que l’exécutif est dirigé par le secrétaire général Mohamed Mahmoud Ould Seyidi (ancien ministre pour Tawaçoul dans le gouvernement de Waghf II), cette association travaille dans des domaines divers et a de nombreuses excroissances dans le domaine culturel et social, mais aussi de la prédication. C’est elle qui parrainait cette manifestation.
Toutes les associations du monde de la musique traditionnelle furent sollicitées – quand on dit musique chez nous, on parle exclusivement des griots. Le débat a été dirigé par Shaykh Mohamed Ould Abouwah, prédicateur et poète émérite de l’espace hassanophone. La plupart des grandes familles de griots étaient présentes à travers les associations.
La soirée a tergiversé entre «porte ouverte» du Fiqh tel que promu par la Jema’a fondamentaliste sur la musique et sa pratique, et «opération de charme» qui découle d’une approche politique consistant en une ouverture sur certains pans de la société.
L’on retiendra que l’appel à la prière du crépuscule (Al maghrib) a été l’œuvre de Bouh Ould Bawbe Jidou, alors que l’entame (liqaama) l’œuvre de Mohamed Ould Hembara, tous deux héritiers de grandes écoles de musique traditionnelle du Hodh. Mais les concessions s’arrêteront là : la prière sera dirigée par l’un des «shuyukhs» de la mouvance.
L’on retiendra aussi que la question posée par une jeune griotte ayant abandonné la pratique de l’art pour raison religieuse, et qui voulait, à l’occasion savoir si son art était illicite ou non, cette question restera sans réponse.
L’on retiendra enfin que la réconciliation entre «Marabouts» - pan sensé promouvoir le savoir religieux – et le griot représentant un pan s’occupant de l’art traditionnel, que cette réconciliation attendra encore. Il existe un proverbe Maure qui dit : «le marabout n’est pas l’ami du griot».
Pour l’anecdote, quelqu’un – un marabout – avait opposé cet aphorisme à Mokhtar Ould Meydah, un griot-faqih-grammairien- poète émérite. Un peu pour éviter de "faire le nécessaire", un peu pour taquiner. Et Mokhtar de répondre : «c’est quand même le marabout refuse»… le refus à double sens…
Espérons en tout cas que la manifestation soit l’expression d’une prise de conscience de l’importance de la frange sociale des griots, comme dépositaires de la légitimité d’un art authentique qui risque de se perdre aujourd’hui, comme propriétaires d’un patrimoine qui doit être restauré. 

mardi 14 février 2012

Les massacres d’Aguelhok


C’est maintenant prouvé et tout le monde en parle : des massacres ont été commis dans cette localité du nord malien. Plus de 80 soldats maliens ont été froidement exécutés par les rebelles qui avaient pris possession de la ville pendant quelques heures ou quelques jours (c’est selon les versions).  Sur le total des exécutés, il n’y avait que trois «teints clairs». Ce sont les «fuites organisées», notamment la diffusion des photos, qui ont provoqué les mouvements de foules visant les populations Touarègues et Maures et dont les commerces mauritaniens ont été victimes en partie.
«Il y a eu effectivement des violences absolument atroces et inadmissibles à Aguelhok, il y a eu effectivement des exécutions sommaires, des soldats, des personnes – on parle d’une centaine – qui ont été capturées et ont été froidement exécutées», a déclaré le ministre français de la Coopération, Henri de Raincourt au lendemain de sa visite à Bamako, Nouakchott et Niamey. Il a précisé que «certains prétendent que la méthode utilisée pour l’exécution s’apparente à celle utilisée par Al-Qaïda». Alors que de son côté, Alain Juppé, ministre français des affaires étrangères, déclarait qu’«on ne sait pas très bien quelle est la part que joue Al-Qaïda ou Aqmi (dans ces attaques), mais il y a eu des massacres tout à fait épouvantables et que nous avons condamnés».
Ce sont les hommes d’Iyad Ag Ghali qui dirige la faction dite «Ansar Al Islâm», qui seraient responsables du massacre. Les méthodes sont bien celles d’Al Qaeda avec lequel l’ancien diplomate malien entretient des relations avérées. Notamment avec la brigade de Targui, l’un des seconds du chef Abu Zeyd. La logique tribale sous-tendrait une telle alliance. Reste à savoir si le massacre avait sciemment opéré le massacre, pour ensuite en faire porter la responsabilité au mouvement de libération de l’Azawad, ou si c’est tout simplement le fruit de la fureur aveugle et meurtrière de son groups fortement inspiré par les méthodes d’Al Qaeda.
Mais au-delà de la question du massacre qui soulève l’indignation de tout le monde, c’est la stabilité du Mali qui est préoccupante. Même si tout le monde – pays voisins, acteurs politiques locaux et régionaux, leaders d’opinion…- s’accorde sur la nécessité de rejeter toute remise en cause des frontières héritées de la colonisation. Cela ouvrirait la voie à tous les réaménagements des frontières en Afrique. Mais comment régler le problème du nord malien ?
Dans la perspective des élections présidentielles, la question de savoir si ces élections peuvent se tenir à la date initialement prévue, cette question est posée. Comment faire élire un président à un moment où le tiers (au moins) du pays est hors contrôle ? va-t-il falloir exclure une partie de la population ?
Ou faut-il penser à la mise en place d’un gouvernement de transition chargé de fixer une nouvelle date pour ces élections et de définir (de mettre en action probablement) un plan de paix qui inclurait toutes les parties ? Quel rôle alors pour l’actuel chef d’Etat Amadou Toumani Touré accusé par beaucoup d’avoir laissé faire ? Avant tout cela, comment éviter que les éléments jihadistes fortement implantés au nord du Mali, ne réussissent à semer le désordre et les germes de la confrontation ethnique ?
C’est tout cela qui doit interpeller les amis du Mali dont tous les habitants de la région ahélo-saharienne. 

lundi 13 février 2012

Héroïque Zambie


On les a vus battre les Lions de la Teranga du Sénégal. On a parlé de leur ambition d’aller au plus loin dans la compétition. On a disserté sur leur motivation qui est celle de commémorer la mémoire de leurs aînés tués dans un crash d’avion au milieu des années 90, en terre gabonaise justement.
Et depuis le début, l’équipe de Zambie a développé un jeu marqué par la créativité, la spontanéité mais aussi l’efficacité. Aucuns des joueurs alignés durant la compétition n’a semblé se retenir, chacun donnant le meilleur de lui-même, laissant exploser son savoir-faire. Le jeu y a gagné en subtilité et en intelligence. Que la Zambie remporte la coupe d’Afrique des Nations est une conclusion logique de la prestation de cette équipe. Qu’elle en soit félicitée et avec elle toute la Zambie…
Je retiendrai quand même ces qualités qui ont permis à la Zambie d’être la première équipe africaine.
La première de ces qualités est la spontanéité de l’engagement. Sa sincérité aussi. Pas de calcul, donc pas de peur d’affronter le protagoniste. Pas de ménagement de soi, autre qualité fondamentale. Savoir ce qu’on veut et travailler à fond pour l’avoir…
Récapitulons : spontanéité, engagement, sincérité, courage, franchise, fixation d’un objectif, mise en place des outils pour l’atteindre… C’est ce qui a fait qu’avec une équipe comme celle de la Zambie, le football n’est plus un exercice physique idiot, mais une entreprise intelligente et séduisante. Comment faire pour que la politique soit aussi une entreprise intelligente et séduisante ?

dimanche 12 février 2012

Marzouki à Nouakchott


Le passage du président tunisien Moncef Marzouki à Nouakchott est un évènement politique majeur. Pour les autorités, il s’agit d’une présence qu’il fallait mettre en exergue face à l’opposition. Son passage a servi à organiser une conférence au profit de la société civile. Durant cette conférence, le président Marzouki a défini les conditions qui doivent présider à la fondation d’un Maghreb des peuples. Notamment l’instauration des cinq libertés : liberté de déplacement donc suppression des visas, de résidence, de travail, d’investissement et d’élections municipales.
Très optimiste, le président tunisien a promis la relance de la construction du Maghreb Arabe. Après la chute des régimes dictatoriaux de Ben Ali et de Kadhafi, la route du Maghreb des peuples est ouverte. Surtout que, selon lui, des réformes sérieuses ont été entreprises dans les autres pays. Citant le Maroc et la Mauritanie comme exemples de cette révolution tranquille.
«J’ai trouvé auprès du Président de la République ce que j’espérais, à savoir cette volonté sincère qui nous anime tous pour la construction de l’Union maghrébine», a déclaré le Président Marzouki.
Alors que les partis de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) avaient rendu public un communiqué dans lequel ils déclaraient être désolés de ne pouvoir accepter de rencontrer le président tunisien dans le Palais présidentiel, dans le cadre d’une visite supervisé par le «tyran Mohamed Ould Abdel Aziz», on est surpris ce dimanche d’apprendre que la rencontre a bien eu lieu.
Le Président Marzouki a reçu une forte délégation de la COD qui lui a exposé sa vision des choses. Ils ont regretté de différentes manières, le fait de le voir venir en visite à un dictateur qu’ils entendent chasser. De son côté, le président tunisien leur a rappelé ses fonctions et ce pour lequel il est là. Avant de leur conseiller le dialogue comme méthode d’action et moyen de combat pour parvenir aux réformes nécessaires sans verser un grand prix comme cela s’est passé en Libye, au Yémen, en Egypte ou comme cela se passe en Syrie.
Après avoir été à Nouakchott pendant trois jours, le Président Marzouki n’a probablement pas transmis son optimisme débordant à notre encadrement politique national. Dommage.

samedi 11 février 2012

Afro-pessimisme


C’est une publicité qui passe sur Canal en ces jours de CAN qui m’a révoltée pour ce qu’elle laisse supposer. Une pub pour un réfrigérateur qui conserverait les aliments même en cas de coupure prolongée de courant. Sur aucun des continents autres que l’Afrique on ne peut présenter de la sorte les avantages d’un produit.
C’est Didier Drogba qui se prête à la pub. Sa petite fille lui a préparé une gelée qu’elle a mise dans un frigo. Mais la coupure de courant l’inquiète. Quand son père arrive, elle peut lui offrir une gelée bien conservée.
Il est vrai que les capitales africaines souffrent encore du déficit en électricité, que les délestages sont fréquents, mais de là à utiliser cela comme une donne constante et normale, il y a un pas qu’il fallait craindre de franchir. En tout cas c’est mon sentiment.
P.S : Les textes que vous lisez ici servent à alimenter un blog (oumeir.blogspot.com) qui sert lui son auteur pour dire le monde à sa manière. Il s’agit donc de l’expression personnelle de sentiments et de positions. Il ne s’agit donc pas d’éditoriaux comme certains semblent le penser. Mais des partis-pris déclarés et totalement assumés. A bon entendeur.