Pages

samedi 30 novembre 2013

Les «pesh-partis» s’en prennent à la CENI

Une trentaine de partis ont signé une lettre adressée au Président de la République lui demandant d’annuler les élections. A entendre leur porte-parole, on croirait à une conspiration nationale dans laquelle les partis comme APP, Al Wiam et Tawaçoul participent selon lui. Ces partis auraient été en première ligne dans la dénonciation de la CENI, «juste pour faire semblant». Ajoutant qu’«ils ont reculé aujourd’hui». furieux, le porte-parole qui s’exprimait sur une télévision privée, a qualifié la CENI de «rassemblement de pacotille» (jmaa’a min lekhrouti). Oubliant peut-être qu’il s’agit de l’une des Institutions de la République qui mérite le respect. Ne serait-ce que parce qu’elle est plus légitime qu’un parterre de partis constitués à la va-vite et n’ayant aucune assise populaire.
Dans le secteur de la presse, il existe une «qualité» appelée publiquement «Peshmergas». Même si je n’ai jamais accepté d’utiliser un tel vocable pour ce qu’il comporte d’insultes pour tout le monde : pour les combattants kurdes qui sont assimilés à des hordes de prédateurs, pour les concernés (ainsi qualifiés) pour ce que cela laisse supposer de dénuement et de mesquinerie.
Aujourd’hui je suis tenté de sacrifier mes appréhensions pour dire que ce qui est décrit par une telle formule existe finalement partout en Mauritanie. Surtout au sein des partis. Le même principe qui fait qu’on va à la presse parce qu’on n’a rien à faire d’autre et qu’on estime que cela peut être une source de revenus faciles, c’est bien ce principe qui dicte la prolifération des partis. Pour vous dire, les trente partis signataires de la pétition ne rassemblent pas 6000 voix entre les quatre scrutins. Comment alors revendiquer la mise à mort d’un processus qui peut être sauvé ? d’ailleurs à qui fallait-il demander l’annulation des résultats ? n’est-ce pas à la CENI qui a désormais la mission de décider en la matière ?
J’ai été choqué par les propos du porte-parole des partis révoltés. Pour leur violence gratuite vis-à-vis d’une Institution qui a besoin d’être soutenue pour corriger ses erreurs et pouvoir légitimer les processus futurs.
Oui la CENI a commis des fautes à cause de dysfonctionnements explicables du reste. Mais cela ne lui dénie pas la capacité à se corriger et à vaincre ces manquements dans le futur. Pour ce faire, les Sages doivent reprendre rapidement les choses en main et monter au créneau pour expliquer ces dysfonctionnements.
Deux centres de faiblesse pour la CENI : les opérations électorales et la communication. La première a été en-deçà de ses capacités réelles, sinon elle a péché par mauvaise foi. La seconde n’a pas joué son rôle. Il suffit de se reporter au site de la CENI pour s’en apercevoir.

Mais tous les manquements ne justifient pas la qualification de «pacotille».

vendredi 29 novembre 2013

Le jour d’après

Hier, c’était le jour de l’indépendance. Cette journée a été célébrée simplement, même les rues n’étaient pas pavoisées. Le Président a adressé le traditionnel message à la Nation qui est une sorte de bilan.
L’occasion pour lui de rappeler les efforts consentis par son gouvernement et sous s direction. Dans le domaine de la sécurité : «L'Etat a veillé à ce que nos forces armées et de sécurité disposent des moyens nécessaires à leur équipement de manière à ce qu'elles puissent s'acquitter de leur noble mission avec grande opérabilité. Cela s'est traduit par l'intensification du perfectionnement et de la formation, la fourniture de matériels logistiques performants et la restructuration de l'Etat-major des armées dans le cadre d'une vision stratégique de nature à leur permettre de mener leurs missions de façon complémentaire et avec un haut degré de professionnalisme.»
Autre grande orientation des dernières années : «Le projet stratégique de réforme de l'état-civil a permis, pour la première fois, aux citoyens et à l'administration, l'usage de documents sécurisés à même de favoriser la mise en place de plans de développement en harmonie avec les transformations. Cela s'est également traduit, dans le contexte d'ouverture politique, par la garantie de transparence qui a contribué au déroulement des élections législatives et municipales dans de bonnes conditions.»
Dans le domaine de la santé : «De nombreux hôpitaux modernes ont été construits ou réhabilités dans les capitales régionales en plus des centres de santé à travers le pays et des locaux de l'école de santé publique à Nouakchott.»
Mais l’Accord de pêche avec l’Union Européenne reste un grand acquis : «S'agissant du secteur des pêches, l'accord conclu entre notre pays et l'Union européenne a permis d'améliorer considérablement les ressources du Trésor public par un apport de 110 millions d'euro, au titre du nouvel accord, au lieu de 84 millions. Jusqu'en septembre de l'année en cours, le secteur des pêches a contribué aux revenus du Trésor public par un apport de 34 milliards d'ouguiyas. La pêche industrielle a permis de créer 3 531 emplois. Par ailleurs, il a été procédé au lancement d'un projet de construction d'embarcations de pêche dont les premières seront réceptionnées au cours de ce mois. Ce projet a mobilisé un financement de 2.6 milliards d'ouguiyas. Une société nationale de distribution de poisson a été créée en vue de rendre cette denrée disponible à l'intérieur du pays et à des prix réduits au profit des franges pauvres de la population.»
La bataille est cependant ailleurs : «L'Etat a accordé un intérêt particulier à la généralisation des réseaux d'adduction d'eau potable à toutes les villes et localités. Dans ce cadre, la réalisation d'un réseau moderne de distribution d'eau dans la ville de Nouakchott est actuellement en cours. Le taux d'exécution des travaux au niveau de ce réseau long de 1 100 kilomètres a atteint 82% au niveau de certains de ses segments. Dans le cadre du projet Aftout Charghi, les travaux de construction d'une station de traitement de l'eau et de pose de canalisation sur plusieurs centaines de kilomètres sont en cours d'exécution.»
Et : «Dans le domaine de l'énergie, le taux d'exécution des travaux du projet de production d'électricité à partir du gaz a atteint 50% au niveau de la centrale mixte d'une puissance de 120 mégawatts qui sera réceptionnée en octobre 2014. Un accord a été conclu avec les partenaires pour la construction d'une ligne de transport électrique haute tension entre Nouakchott et Toben au Sénégal, pour l'exportation de l'excédent de production électrique vers l'espace de l'OMVS. Par ailleurs, la proportion de la production d'énergie renouvelable, dans le mix de l'énergie nationale, a atteint 25% au cours de cette année, suite à l'inauguration de la station Cheikh Zayed pour la production de l'énergie solaire, d'une puissance de 15 mégawatts et à la mise en fonction de la station hydroélectrique de Félou dont la Mauritanie bénéficie de 20 mégawatts.»

Avant de conclure : «La préservation de ces importants acquis nationaux qui couvrent les différents aspects de la vie tels que la sécurité, la santé, l'enseignement, les services de base, les infrastructures et la consolidation de la démocratie, demeure le gage le plus sûr pour la prospérité de la Mauritanie dans un climat de paix sociale, d'unité nationale et dans un système démocratique transparent.»

jeudi 28 novembre 2013

Independance day

Un jour pas comme les autres. Le 28 novembre 1960, Me Moktar Ould Daddah déclarait «solennellement» l’indépendance de la République Islamique de Mauritanie. Dans un hangar préparé à l’occasion. Tout était à faire. Tout fut lancé. Pas besoin de revenir sur les échecs de cette période. Ni sur les dérives qui suivirent le coup d’Eta de 1978. On en a tellement parlé par le passé. Mais permettez-moi de revenir sur un posting qui date d’août 2011 et qui célébrait un martyr de l’indépendance – le seul martyr de l’indépendance ? Peut-être. C’est même certain malgré tout ce que vous entendez ces jours-ci de célébrations de noms qui ont soit appartenu à la génération des résistants à la colonisation, soit à celle qui n’a finalement pas cru qu’une Mauritanie indépendante était possible. Rappel :


«Qui a tué Abdallahi Ould Oubeid ?


Peu de Mauritaniens connaissent ce nom alors qu’il mérite la célébration. Mais toute la cacophonie produite à l’occasion du cinquantenaire a oublié de le mentionner dans l’histoire officielle. Alors qu’elle a célébré ceux parmi ses contemporains qui avaient milité CONTRE l’indépendance du pays…
Abdallahi Ould Oubeid est le premier maire de la ville d’Atar, député militant du Parti du regroupement mauritanien (PRM), anti-nahdiste primaire (contre le parti Nahda, nationaliste). Il a été mis en avant dans la campagne officielle visant à contrecarrer la propagande des militants de l’annexion de la Mauritanie par le Maroc. C’était à la veille de l’indépendance.
Sur le plan local, Ould Oubeid était un militant de la citoyenneté contre le notabilisme. C’est comme ça que l’histoire locale l’a retenu comme un rebelle à l’ordre traditionnel. Je vous le dit pour expliquer les premières orientations de l’enquête après son assassinat. L’administration qui était encore française, avait dirigé l’enquête vers la mouvance nahdiste, sinon les militants pro-marocains, arrêtant ici et là des agents soi-disant infiltrés de l’extérieur. Officieusement, elle a laissé courir la rumeur selon laquelle son meurtre était lié à ses engagements locaux. Et si ce n’était rien de tout ça ?
Un ami m’a rapporté les propos d’un témoin de l’époque. Il disait que, dans la perspective de l’accession du pays à l’indépendance, Abdallahi Ould Oubeid avait redoublé d’activisme. Allant jusqu’à préparer l’entrée en service de «l’ordre mauritanien». Lui, le maire d’Atar, avait signifié aux administrateurs coloniaux, aux militaires et éléments des forces de sécurité, qu’il n’était plus question d’afficher leurs pratiques dans les rues de la ville. C’est ainsi qu’il avait, à plusieurs reprises, «grondé» les chefs d’hier pour les apéritifs qu’ils prenaient sur les balcons de leurs demeures exposées aux passants. Une fois, l’un des gendarmes s’en était violemment pris à lui pour le dissuader de continuer à importuner ses compatriotes. Ce à quoi, Ould Oubeid avait répondu avec violence. On parle même d’un geste d’agression. Toujours est-il que c’est ce gendarme qui proféra des menaces précises à l’encontre de l’homme.
Quand il apprit que le député-maire était parti à Nouakchott, il aurait dit publiquement : «Je m’en occupe, je vais le liquider à Nouakchott». C’est au cours de ce voyage que Ould Oubeid est mort. Il était alors facile de mettre cela sur le dos des activistes agissant à partir du Maroc, ou laisser entendre qu’il s’agit d’un règlement de compte local.
Toujours est-il que le député-maire, décrit par feu Moktar Ould Daddah comme étant "un fervent nationaliste, débordant de patriotisme", dérangeait tout le monde. Le 8 novembre 1960, alors que venait de s’ouvrir la session de l’Assemblée nationale consacrée à la ratification de l’accord portant transfert des compétences – mauritanisation de l’autorité -, Abdallahi Ould Oubeid est assassiné dans les rues de l’ancien Ksar.
Ce témoignage apporte un nouvel éclairage à l’énigme de l’assassinat de ce nationaliste, seule «mort de l’indépendance» et qui, malgré cela n’a pas été célébré lors du cinquantenaire. Il est vrai qu’une rue à Atar, une autre à Nouakchott portent son nom mais ce n’est pas suffisant. Il est temps à mon avis de le rehausser au rang de «martyr de l’indépendance». Ce n’est que justice
Depuis le cinquantenaire, rien n’a été fait pour consacrer l’homme. C’est pourquoi je le rappelle. Comme une objection de conscience et pour ne pas oublier ceux qui ont cru à la Mauritanie.

mercredi 27 novembre 2013

Pas de «surprise»

Quand l’Union pour la République (UPR), le parti qu’on dit «au pouvoir», avait fait ses choix pour les candidatures, analystes et journalistes avaient promis sa chute. Au point que l’opinion publique était plutôt préparée à une débâcle pour ce parti. Les «analystes» et «experts» ont alors rivalisé en prévisions catastrophiques pour l’UPR qui se trouve «taclé» par ses propres cadres et soutiens. Au premier rang de ceux-là, le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz qui aurait demandé à de nombreux prétendants de se porter candidats dans les formations «satellites» de l’UPR, notamment le parti des jeunes (Sursaut) et Al Karama. Ces candidats n’hésitaient pas à affirmer que s’ils sont là, c’est bien par «la volonté du Président» qui les soutient.
Cette interférence visant à affaiblir l’UPR, est «consolidée» par le comportement de certaines grosses pointures du pouvoir dont des ministres qui n’ont pas hésité à soutenir des listes hors UPR. Que ce soit à Mederdra (Trarza), Guérou (Assaba), Nouadhibou, Zouérate (Tiris Zemmour), Kobenni (Hodh), Atar (Adrar)… partout l’UPR a dû livrer ses plus grandes batailles contre «ses enfants». Combats déterminés, l’objectif étant de faire couler «le parti au pouvoir». L’argument essentiel développé par les rebelles est toujours le même : «une instruction du Président de la République». Ce qui ajoute à la confusion. On ne sait plus qui est qui. Surtout si l’on y ajoute l’engagement réel de certaines grandes figures «boycottistes» derrière le parti des Jeunes (Sursaut) en Assaba, Tawaçoul au Trarza, l’UPR au Brakna…
Mais ce n’est pas la visibilité ni la lisibilité de l’espace politique qui nous préoccupe ici, c’est plutôt le score de ce parti UPR qui a eu à faire face «aux gens d’en-haut et d’en bas», en plus de ses supposés (et parfois réels) «mauvais choix».
Les premiers résultats le donnent gagnant dans la grande majorité des circonscriptions électorales du pays. Il a déjà plus d’une quarantaine de députés et il continue à engranger les succès électoraux partout en Mauritanie. à part dans quelques mairies qui n’arrivent pas à la dizaine, il est présent partout au second tour.

La réussite de l’UPR a une explication bien sûr : héritage du PRDS (parti républicain, démocratique et social au pouvoir à l’époque de Ould Taya), des SEM (structures d’éducation des masses du temps de Ould Haidalla), du PPM (parti du peuple mauritanien du temps du gouvernement civil des premières années), l’UPR n’a eu aucun mal à profiter de l’ancrage tribal de ses structures. Grâce à une «science» des équilibres locaux, il a pu largement tiré son épingle du jeu. Et dans les localités où il a été battu, c’est souvent parce qu’il a été «trahi» par les siens.

mardi 26 novembre 2013

Les Sages peuvent corriger

Il s’agissait d’un grand évènement qui n’a pas finalement été entouré de toutes les précautions permettant de garantir sa réussite. Les élections du 23 novembre risquent d’être les plus contestées de l’histoire du pays. Les tergiversations, la lenteur dans la publication des résultats, le comportement de certains membres des bureaux (refus de donner des copies de P-V, parfois incapacité d’en établir…), retour sur certains résultats déjà diffusés… tout cela a contribué à semer une confusion monstre qui n’est pas pour aider à accepter le résultat final.
Malgré le nombre et la gravité des erreurs, il y a encore quelque chose à faire. D’abord sur le plan de la communication. L’une des grandes erreurs, si ce n’est pas la plus grande, c’est bien un défaut de communication. Cet effort de communication doit prendre la forme d’une explication : l’un des Sages doit monter au créneau pour rassurer et expliquer. Ensuite frapper fort en destituant, au lendemain du second tour, tous ceux qui ont fauté.
Parer au plus pressé, c’est donner des réponses au plus vite à toutes ces questions liées au retard pris dans la publication des résultats.
Ne comptez pas sur l’indulgence du public. L’institution qu’est la CENI est sujet de toutes les suspicions, parce qu’elle est venue «accaparer» un travail qui dépendait du ministère de l’intérieur. Cela ne plait pas à tout le monde. En fait nombreux ceux qui souhaitent la perte de cette institution. Je ne pense pas seulement à ceux qui ont choisi de boycotter les élections et pour lesquels le processus doit être rompu. Ceux-là n’ont pas les moyens de remettre en cause le processus mais ils prient pour son échec.

Il y a aussi ceux qui savent qu’une réussite du processus mené par la CENI va révéler leurs poids réels. Il y a enfin tout ces esprits formatés par la culture du doute qui nous est restée de l’exercice de près de trois décennies de faux et d’usage de faux.

lundi 25 novembre 2013

53ème anniversaire de l’Armée

Pour comprendre d’où l’on vient, nous n’irons pas loin, juste en juin 2005. Le 4 juin 2005, une Sariya du Groupe salafiste de combat et de prédication (GSPC), composée d’Algériens, de Mauritaniens et de Nigériens, attaque la base militaire de Lemghayti dans l’extrême nord-est mauritanien. C’est le lendemain que la nouvelle est connue par l’intermédiaire d’un commerçant pratiquant le trafic dans la région. Cette partie de la Mauritanie devenant une plaque-tournante du crime organisé, une sorte d’espace vital pour les groupes qui avaient déjà fait main-basse sur le Nord malien.
La première réaction des autorités est de pourchasser les assaillants. Problème : aucune unité de l’Armée n’est assez préparée pour mener les opérations. On fait appel officiellement aux groupes d’affaires. L’un d’eux finance l’équipement, l’autre la motorisation, un autre la logistique… Si bien qu’un millier d’éléments de notre Armée sont mobilisés et envoyés en terre inconnue, le plus loin de leurs bases arrières… Heureusement que quand ils sont confrontés aux misères de l’éloignement et de l’impréparation, le coup d’Etat du 3 août était déjà en marche.
La période de transition qui s’ouvre à partir du 3 août 2005 a d’autres priorités que la remise à niveau de l’Armée. Même si c’est une junte qui est au pouvoir, elle ne pense pas tout de suite à l’état de déconfiture des forces armées. Et quand vient le régime civil d’avril 2007, l’attitude est plutôt à la méfiance.
Depuis le 10 juillet 1978, date du premier coup d’Etat, on a toujours pensé en haut lieu que la première menace pour un pouvoir venait de l’Armée. La longévité du régime de Ould Taya s’explique en partie par le lancement d’une politique de sape qui a visé à détruire la force de frappe de notre Armée, à diminuer ses capacités opérationnelles et défensives, et à détruire le moral des troupes et de l’encadrement profondément clochardisé.
La crise politique dont l’issue fut le coup d’Etat du 6 août va donner une idée au GSPC devenu depuis Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) : la Mauritanie est encore une fois, comme du temps de la guerre du Sahara, perçue comme le maillon faible sur lequel toutes les pressions doivent être exercées pour le faire tomber.
15 septembre 2008, en plein Ramadan, une unité de l’Armée tombe dans une embuscade à Tourine : une douzaine de morts qui furent mutilés par les assaillants. La décision politique est alors prise. Les dirigeants du pays sont conscients que c’est un chantier qui ne peut attendre.
Le général Mohamed Ould Cheikh El Ghazwani, nommé quelques mois avant à la tête de l’Etat Major national par le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, se voit investi de la mission de réorganiser les troupes. Fortement soutenu par une volonté politique déterminée, il engage une profonde réforme qui aboutit à la création d’unités combattantes spécialisées dans la lutte contre le terrorisme.
Utilisant les mêmes moyens et les mêmes méthodes que l’ennemi (terroriste), les Groupes spéciaux d’intervention (GSI) font rapidement leurs preuves. Mobilité, efficacité, rapidité, puissance de feu… tout est là pour rendre plus efficientes les interventions de l’Armée mauritanienne. Une Armée qui devait d’abord recouvrer le contrôle de son territoire, de tout son territoire. Pour la première fois, l’Armée arrivait à Aïn Bintili où aucune force ne s’est rendue depuis ce fameux 16 février 1976 où les attaques du Front Polisario avaient fait ravage tuant quelques-uns de nos valeureux hommes dont l’officier Soueydate Ould Wedad commandant la place. Des bases furent installées en plein désert et l’on reprit rapidement le contrôle de tout le nord-est mauritanien.
Le 12 juillet 2010, l’Armée mauritanienne décime une unité AQMI qui marchait sur la Mauritanie. S’en suivirent les épisodes de Wagadu, les attaques repoussées à Bassiknou, à Nouakchott et ailleurs. Mais surtout les coups portés à AQMI dans ses fiefs du Nord malien. Ce regain d’activité et de combativité permettait dans un premier temps de faire changer la peur de camp : désormais, ce sont ces groupes qui craignent l’Armée mauritanienne et non le contraire. Cela permettait aussi de sécuriser le pays.
Si bien que quand arrive la crise malienne, la Mauritanie est tranquille parce qu’elle peut assurer le respect de ses frontières et la sécurité de ses citoyens. AQMI évitant de donner le prétexte à l’Armée mauritanienne d’intervenir dans une guerre, certes déterminante pour la région, mais sans menace directe pour la stabilité du pays tant que les limites qu’elle a fixées à l’ennemi sont respectées.
Après cette refondation, la réforme a abouti à la création d’un Etat Major national des Armées et de trois Etats Majors annexes : Armée de terre, de l’air et Marine.
Nous sommes loin du temps où le concours des privés était sollicité pour mobiliser les hommes, du temps où le territoire national était un point de passage pour le crime organisé, où la Mauritanie était sous-estimée en tant que pays souverain, loin du temps où les promotions au sein de l’Armée se faisaient suivant les accointances, du temps où le contrôle des consciences était de rigueur (les résultats des bureaux de l’Armée indiquent une totale liberté de choix), loin du temps où l’on croisait des officiers démunis, mal dans leurs tenues, réservés de peur de subir l’arbitraire qui pouvait s’abattre à n’importe quel moment et pour n’importe quoi…

Sivis parcem para bellum (qui veut la paix prépare la guerre) disaient les Latins. Pour notre cas, on imagine mal comment aurait été la Mauritanie aujourd’hui si les efforts de guerre entrepris à partir de 2009 n’avaient pas été faits…

dimanche 24 novembre 2013

Les déboires de la CENI

C’est d’abord un défaut de communication qui a eu la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Le refus de toujours anticiper pour expliquer les procédures, préparer les gens aux effets de ces procédures, expliquer ses positions, donner les informations à temps… tout ce qu’il fallait faire en matière n’a jamais été fait par la CENI. Le peu qui a été fait l’a été trop tard et de mauvaise manière.
On a vu hier soir, comment un haut responsable administratif a essayé de rassurer sur les retards dans la diffusion des retards. Après 2 heures du matin, il prend la parole et commence à expliquer, à demi mot, les procédures longues «parce qu’elles doivent être précises». Ensuite il explique la lenteur par «l’inexpérience : ce sont les premières élections que nous organisons». Ce qui n’est pas vrai dans la mesure où tous ceux qui s’occupent des opérations ont été recrutés soi-disant parce qu’ils sont des retraités du ministère de l’intérieur. Ils sont connus pour avoir été dans toutes les élections du pays : en tant qu’administrateurs, en tant qu’éléments moteurs au ministère. Ils sont bien rompus à ces opérations et s’ils avaient voulu les entourer d’un maximum d’efficacité ils l’auraient bien fait. Mais nous avons comme l’impression que les fonctionnaires ne veulent rien lâcher et qu’il serait malvenu pour eux toute réussite de la CENI dans l’exercice de ses fonctions. Sinon comment comprendre cette incapacité à donner un taux de participation exact plus de 24 heures après la fin des opérations ? Ce ne peut être qu’un dysfonctionnement né d’une mauvaise volonté quelconque.
Heureusement qu’il existe des radios et des télévisions privées qui n’attendent pas la publication «officielle» des résultats. Nous savons à peu près les tendances à partir de la compilation des résultats que les partis récupèrent dans les P-V que leurs représentants leur rapportent. C’est un droit consacré par la loi, celui d’avoir une copie du P-V pour chaque représentant. Il s’agit pour les représentants d’exiger cette copie, sinon ils auront failli en ouvrant la voie à la manipulation.
Heureusement aussi que la fraude n’existe plus tel qu’elle était pratiquée. Nous sommes arrivés à la situation  un citoyen=un vote. Plus de possibilité pour les administrateurs de trafiquer les chiffres et on a désormais tous les moyens d’empêcher les malversations électorales. C’est ce que certains acteurs politiques refusent de reconnaitre parce qu’il toujours plus facile de dénoncer les manipulations que de faire face à la réalité de son poids électoral.

samedi 23 novembre 2013

Jour de vote

Quand je sors de chez moi ce matin, je suis quelque peu inquiet. D’abord parce qu’on nous a promis quelques tentatives pour «empêcher la tenue des élections». Même s’il a toujours été précisé que ce sera de «manière pacifique», le marabout que je suis ne peut exclure quelques gestes désespérés. Surtout que les souvenirs des tentatives de perturber les opérations dans les années 90 sont encore dans les esprits même si elles n’ont jamais occasionné de victime ou de dégâts. Mais nous sommes loin de l’atmosphère bon-enfant de l’époque et les haines sont exaspérées par le désespoir des acteurs qui auront tout tenté.
Ma seconde inquiétude était liée à l’affluence. Y’aura-t-il assez de gens pour crédibiliser et légitimer l’opération ? Pas de problème. Au stade olympique, c’est l’affluence des grands jours. Les électeurs sont déjà alignés en plusieurs files devant les bureaux devant lesquels se démènent les activistes des partis qui tentent une dernière «campagne» visant à convaincre d’éventuels indécis. Et des indécis, il y en avait apparemment. L’effort peut payer parce qu’une bonne partie de ceux qui arrivent peuvent avoir été mobilisé pour une liste – par exemple la municipale – mais pas pour les autres listes législatives (Nouakchott, liste nationale, celle des femmes). Il y a toujours, une voix à gagner.
Il faut passer la ligne des représentants des partis, puis celle des journalistes qui s’agglutinent ici épiant l’arrivée d’un responsable politique pour lui approcher quelque déclaration après avoir immortaliser son geste.
Faire ensuite le rang et attendre. C’est lent et je comprendrai plus tard que l’opération de vote est fastidieuse pour les électeurs qui doivent cocher sur quatre listes en s’assurant de ne pas se tromper : les cigles sont nombreux sur le bulletin unique et difficile parfois à repérer. Chaque vote prend de cinq à huit minutes au moins. Ensuite revenir pour mettre chaque bulletin dans l’urne qui lui est consacré, signer, tremper son doigt, reprendre sa carte et repartir. Le tout demande au moins douze minutes.
Une anecdote : c’est une dame «intellectuelle», professeur de son état et qui ne s’est jamais déplacé pour voter. Cette fois-ci, en bonne citoyenne, elle entend d’abord signifier son refus du boycott, ensuite faire un choix en votant pour la Maire de Tevraq Zeina. Elle arrive avec sa carte, prend les bulletins et se rend dans l’isoloir. Surprise : il n’y a ni les noms ni les photos des candidats. Comment savoir à quel parti appartient Fatimetou Mint Abdel Malik, la candidate de choix pour elle ? Elle commence à faire par déduction. Elle a toujours été Maire du PRDS, c’est donc la case de ce parti qui s’appelle le PRDR qu’il faut cocher. C’est fait. Mais non ! elle se rappelle que ce n’est pas le parti qui a été créé pour «soutenir Ould Abdel Aziz». Parce qu’elle est sûre d’avoir mal fait, elle décide de cocher plusieurs cases pour annuler son vote. C’est fait.
Partout, c’est la même atmosphère conviviale et déterminée qui règne devant les bureaux de vote. A l’intérieur, personne ne signale de grands dysfonctionnements.

C’est naturellement, vers la fin de la journée que l’affluence est la plus importante : les Mauritaniens ont tendance à aller à la dernière minute faire ce qu’ils ont à faire. Ce qui va ajouter aux difficultés à faire les comptes par les antennes de la CENI.

vendredi 22 novembre 2013

Kennedy, 50 ans après

22 novembre 1963, l’Histoire (avec un grand H) se déroule à Dallas. C’est ici que le Président des Etats-Unis, à l’époque le plus jeune président de l’histoire de la première puissance du Monde, est assassiné. Son assassin présumé est Lee Harvey Oswald qui sera lui-même tué devant les caméras de télévisions par un certain Jacques Ruby, ancien agent des services. Ce qui va alimenter la théorie des complots qui va marquer cet épisode de la vie américaine.
Le vainqueur de l’épreuve avec les Soviétiques dans l’affaire des missiles de Cuba, est une victime idéale des «conspirateurs communistes». L’homme dérange le système politico-financier qui a pris possession de la toute-puissance américaine, il pourrait être victime des maffias de l’époque. Il rechigne à engager son pays sur les théâtres du Vietnam, de l’Asie du Sud-est en général et contre le communisme, il est contre les intérêts de la CIA et des services américains dont il peut être la victime. Il n’entend pas soutenir Israël dans sa volonté d’expansion et veut même stopper l’Etat hébreux, il est la victime toute indiquée d’une conspiration sioniste… Tout a été dit sur cet assassinat et sur ses auteurs probables et sur ses causes.
Quelques grands films dont «I comme Icare» et «JFK» qui sont des chefs-d’œuvre. Il a occasionné des milliers de pages d’enquêtes et de contre-enquêtes. Il est resté un mystère. Tout en restant un évènement majeur du siècle dernier.
L’assassinat de Kennedy retransmis en direct, a ouvert la voie au petit écran. C’est ici que prend date la place occupée par la télévision dans les foyers. Le direct, les analyses, l’info en continu… tout ce qui nous semble banal aujourd’hui est né ce jour-là à Dallas.
Il n’y a pas que Kennedy qui est mort en ce 22 novembre, une certaine image de l’Américaine s’est effondrée en ce jour mémorable. Une idée d’une Amérique, symbole d’un devenir humaniste, laborieuse, volontaire, toujours engagée aux côtés des plus faibles, pour la liberté des peuples et profondément anticoloniale. Des années heureuses où le modèle fut Kennedy.
«Serhit Kennedy», «edhin Kennedy», «ilben Kennedy»… Le look du Président a influence les générations de jeunes révolutionnaires. Ses aides aux peuples démunis à travers l’USAID (avant d’être une antenne de «l’Agence»), à travres les distributions de vivres marqués des deux mains qui se saluent. Tout un symbole qui est resté longtemps après la mort de Kennedy.
Il aura fallu la guerre du Vietnam, plus tard le soutien inconditionnel au Sionisme en Israël, les invasions de l’Irak, de l’Afghanistan, toutes les guerres impériales américaines, les exactions, les meurtres, les assassinats, El Condor en Amérique Latine…, il fallut tout ça pour inverser la «sympathique» image d’une Amérique qui fut un modèle.
Dans le cadre de la commémoration de cet assassinat, je partage avec vous ce passage piqué sur le net :
«Les médias américains se décarcassent pour nourrir leur cinquantenaire de l’assassinat de JFK.  Nième interview d’anciens gardes du corps bouleversés,  de l’épouse d’un policier tué à Dallas par Lee Harvey Oswald ; nouveau tour d’horizon des théorie du complot en vogue. Sans grand résultat.  Les présidents, même fauchés dans leur prime jeunesse, ne font plus vendre, et l’époque, cousue de glamour et de surpuissance américaine, semble à des millénaires des prosaïques réalités d’aujourd’hui.  Pour le prouver, l’institut de sondage Pew a exhumé des enquêtes d’opinion effectuées peu avant l’attentat de Dallas en1963.  L’optimisme qu’elles décrivent  semble provenir d’une autre planète : 82% de Américains sont persuadés que l’influence des Etats-Unis va encore grandir cette année-là. Ils sont aussi nombreux à se dire en  faveur d’une plus grande coopération  des Etats-Unis avec la communauté internationale. 58% des sondés sont favorables à l’aide au tiers-monde ;  chiffres inimaginables de nos jours.  Les Américains se disent à 54% démocrates et pour seulement 25% républicains.  49% de la population se décrit comme « liberal », de gauche,  un qualificatif qui constitue un arrêt de mort politique aujourd’hui, et 46% se jugent conservateurs.

Kennedy disposait encore, en mars 63, d’une avance de 40 points face à son probable adversaire Barry Goldwater aux présidentielles de l’année suivante.  Mais la tension montait dans le Sud, où les prises de position du président en faveur des droits civiques après la marche sur Washington d’aout 1963, lui causaient un recul dans les sondages un mois avant sa mort.  Il était passé à 44% au niveau national. Le Nord le plébiscitait toujours à 69%. Tous les espoirs étaient permis».

jeudi 21 novembre 2013

Recréation avec Erebâne

Raaçi dhalli hamil min ‘uud/’aalim ba’d ilhay ilma’buud
‘annu çaa’ib wu thqiil u kawd/hamli biih u gaasi u ghriish
‘anni maa nigdir kint n’uud/saabig dha nirvid ‘uud hshiish
ghayr ethqal min dha kawn i’uud/iççayv ‘gab wu dhlaam aniish
wu khdhaaru ligraayir viMbuud/wu nzaahit virgaan idaw’iish
u gallit zaad irjil had i’uud/kaan ijiib khabaar Bo’aysh
Au lieu de traduire et risquer de trahir cette belle composition du poète inégalé de l’Aftout, Erebâne Wul Amar Wul Maham, je vais me risquer à le raconter à travers cette tal’a.
Ce chef traditionnel, fils de grande famille Rmâdhîne s’est retrouvé en prison pour avoir refusé de payer à l’administration coloniale un tribut. Il n’estimait pas devoir verser une quelconque dîme à l’envahisseur.
A l’époque, les prisonniers sont soumis à un régime d’humiliation qui comporte des travaux au service de l’administration. Erebâne faisait partie de ceux qui rapportait paille et bois à la résidence de l’administrateur de M’bout (prononcé «Mbuud» en Hassaniya), chef-lieu de l’Aftout et grand centre de convergence des tribus Bidhânes descendues du Nord peu clément.
Parmi ces tribus naturellement les Idaw’ish qui ont étendu leur domination jusqu’aux rives du fleuve Sénégal.
A l’époque vivait Bo’aysh, une égérie de son temps. Femme adulée et rare. En saison sèche, les campements Idaw’ish avaient l’habitude de descendre vers le sud, profiter de la clémence des zones humides des étendues planes de la région du fleuve. C’est seulement par des moments pareils que les voyageurs, venant faire les emplettes dans le marché de M’Buud, apportent les dernières nouvelles des campements et de ceux qui les habitent.
Erebâne, prisonnier des Nçara qui ont vaincu le pays, se retrouve dans la position du porteur de faix qui lui fait perdre, pour un moment, son statut de «fils de grande tente». C’est là un coup du Destin qu’il est prêt à «encaisser» si la situation n’empirait pas par ailleurs.

Voici venu le temps des premières pluies. Les plaines de M’Buud ont verdi. Le temps pour les nomades de fuir l’humidité du Sud, désormais inhospitalier avec notamment les moustiques qui prolifèrent. Le temps pour les campements Idaw’ish de remonter vers le Nord pour gagner les grands espaces. Pour les voyageurs de fréquenter de moins en moins le village de M’Buud. Le temps surtout de la raréfaction des nouvelles venant des campements, et de ceux qui rapportent des nouvelles de …Bo’aysh

mercredi 20 novembre 2013

Ce qu’il faut en attendre

Dans ces élections en vue, il va falloir regarder plutôt sur le voyant des municipales que celui des législatives pour avoir une idée plus juste des forces politiques en présence. Le poids de la proportionnelle grandissant - 80 sièges sont à pourvoir dans une proportionnelle sur un total de 147 -, les législatives ne sont pas forcément les seuls indicateurs pour jauger le poids de chacune des forces politiques en concurrence. Alors que la plupart des circonscriptions municipales connaitront un deuxième tour tellement la concurrence est forte pour départager dès le premier tour. Ceci dit, ce sont bien les résultats des législatives qui importent dans la mesure où c’est la future configuration de la Chambre des députés qui déterminera la composition du prochain gouvernement. Sur les 147 sièges donc, 80 seront pourvus dès samedi 23 novembre.
Dans cette configuration, certains seront absents pour cause de boycott, notamment le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et l’Union des forces du progrès (UFP). Ces partis devront fournir d’énormes efforts pour ne pas rester au bas de la route. Pour ce faire, ils devront arriver soit à créer un climat de crise et de blocage politiques, soit à se faire «embarquer» par leurs compagnons d’hier. Il faudra alors compter sur le «besoin d’opposition» dans la future configuration. Tawaçoul et APP peuvent-ils incarner à eux seuls l’opposition ? Tawaçoul va-t-il en faire justement une occasion de tourner la page de «l’opposition traditionnelle» ? Pour résumer : la scène politique pourra-t-elle se dérouler sans le RFD et l’UFP ?
Si tout se passe bien, on pourra avoir une scène politique encore plus divisée que l’actuelle. D’une part une Majorité qu’il va falloir sortir du lot. Elle peut être composée de l’UPR et de ses satellites an lice. Elle peut comprendre un ou plusieurs des partis aujourd’hui d’opposition (Tawaçoul, APP, Wiam, Sawab). Mais la configuration la plus probable est celle qui donne Tawaçoul comme «chef de file de l’Opposition démocratique». Le parti islamiste pourra alors activer l’Institution de l’Opposition, profiter de cette manne politique pour préparer calmement (plus ou moins) la présidentielle prévue dans moins d’un an. L’absence du RFD et de l’UFP renforcera (plus et mieux) la position de Tawaçoul comme premier concurrent du pouvoir.

Il faut dire que la présidentielle est déjà dans tous les esprits, qu’elle figure en bonne place dans tous les calculs d’aujourd’hui. Quelle force politique ne prend pas en compte ce rendez-vous dans son positionnement d’aujourd’hui ? Même le boycott est perçu comme moyen de faire pression pour avoir plus de «garanties» en 2014…

mardi 19 novembre 2013

Boycott, vous avez dit boycott ?

Le boycott d’une partie de l’Opposition des élections à venir peut-il avoir une influence sur le processus politique et laquelle ? C’est la question qu’on se pose déjà.  La réponse à la question dépend du déroulement des élections. Il ne s'agit pas ici de savoir si les partis «boycottistes» de la COD vont réussir à «faire échouer» ces élections. Comment s’y prendraient-ils ? En empêchant les gens de s’y rendre ? En mobilisant la rue et en faisant craindre le pire ? En discréditant d’avance les résultats et en accablant ceux qui y participent ?
Rien ne sera épargné certainement, mais le résultat sera le même : les élections auront lieu et nous aurons leurs résultats. A partir de ce moment-là, il faut voir quel sera le comportement des partis ayant participé. Est-ce que Tawaçoul, APP et Wiam vont reconnaitre facilement les résultats et aller de l’avant ? Ou vont-ils – tous ou l’un d’eux – chercher à «compliquer» la situation politique d’après-élections pour faire plus pression sur le pouvoir ? En Mauritanie tout est prévisible. Rappelons-nous comment l’Opposition avait remis en cause les résultats de l’élection présidentielle de 2009 après l’avoir cogérée en ayant les ministères-clés pour une élection : l’intérieur sensé être l’outil de la fraude, les finances sensé être celui de la corruption, la communication qui est associé à la propagande et la défense (contrôle de l’Armée). Cela n’a pas empêché la majorité des partis d’opposition – seul Tawaçoul a évité cette position-là – de contester la légitimité de l’élection.
On peut donc avoir les élections les plus régulières de l’histoire du pays (sans interférence des autorités, avec une possibilité de garanties maximales, avec des outils qui limitent considérablement la fraude…) et, en même temps, avoir les élections les plus contestées. On est en Mauritanie.
La campagne touche à sa fin. On a vu les partis rivaliser autour de photos plus que de programmes. Mais les partis en Mauritanie n’ont jamais confronté leurs programmes (pour ceux qui en ont). La bataille a toujours été une bataille de personnes et de leadership parfois au niveau de la «particule clanique». C’est le «pousses-toi que je m’y mette» qui l’emporte plus que des arguments idéologiques ou volontaristes.
Au regard de cette campagne, le taux de participation pourrait être très bas à Nouakchott où l’on risque de revenir aux taux des années 90 quand une circonscription comme Tevraq Zeina peinait à atteindre les 25% alors qu’elle est le lieu de résidence de tous les cadres du parti au pouvoir (PRDS) et qu’elle est un haut-lieu de fraude et de bourrage des urnes. Il y a certes la désaffection du politique qui a gagné les esprits depuis 2006, mais il y a aussi le «manque de stimulants».
Les pratiques passées ont ancré ce rapport à la politique qui se juge d’abord par ce que le positionnement rapporte. Force est de reconnaitre que l’argent ne circule pas dans les mêmes proportions que par le passé. En l’absence de l’argent qui reste «le nerf de la guerre», on pouvait se rabattre sur le militantisme donc sur les discours et les programmes. Ils sont vides ou presque. On pouvait mettre en exergue les personnalités des candidats : ils sont pour la plupart ternes, délavés avant d’être utilisés, sans envergure et «sans signes particuliers»… La plupart des candidats qui se proposent ont l’air de fantômes, tellement ils sont insaisissables, tellement ils  ne ressemblent à rien…
«Hadha huwa iljaabit ishshibka»… C’est le sort que nous devons accepter parce que la scène n’a finalement produit que cela. Notre Assemblée nationale de demain sera ainsi faite. La participation de toutes les forces politiques mauritaniennes aurait-elle changé quelque chose à cela ? Peut-être si l’on elle aurait évité la montée de certaines petites formations qui n’ont guère de signification. Peut-être pas dans la mesure où la capacité de proposition de l’ensemble des acteurs a déjà été mise à l’épreuve. Sans résultat probant.

lundi 18 novembre 2013

La suprématie de la musique

A Zouérate, c’est un jeune du nom de Ghazaly qui enflamme les foules venues soutenir le candidat Cheikh Ould Baya. Ses prestations sont unanimement appréciées : les mots, la musique, le comportement sur scène… Chaque soir, ce sont des milliers de voix qui crient ensemble : «Ghazaly ! Ghazaly ! Ghazaly !» Si bien que le présentateur-animateur de scène est obligé d’appeler Ghazaly sur scène. Un soir, c’est même le candidat qui reconnait : «Je sais que vous préférez la voix de Ghazaly à la mienne, c’est pourquoi je ne serai pas long…»
Partout en Mauritanie, c’est le rap qui refait surface après avoir été une musique de sous-terrain (social). Partout la musique est à l’honneur pendant cette campagne électorale. Comme si on se rendait compte que la musique est finalement le moteur de la mobilisation politique. La joie de vivre prend ainsi sa revanche. L’espace d’une campagne électorale. Autant dire l’espace d’un rien : juste quinze jours pour chaque élection. Cela fait quatre ans donc qu’on n’a pas eu cette occasion.
Même les Islamistes n’ont pas pu résister. Les chansons qu’ils proposent sont de vieilles reprises des rythmes de «Shawr» connu comme «maa nansa wunti laa tansaay» ou encore les petites compositions contemporaines de jeunes chanteurs sans talents et pourtant appréciés par un public qui a perdu le goût de la complexité musicale.
Mais malgré l’engouement général, il n’y a pas eu de composition de valeur. Juste des rythmiques sans originalité accompagnant des mots mille fois ressassés. A peine des paraphrases de tout ce qu’on a déjà entendu à des occasions pareilles. Des paraphrases de mauvaise qualité qui n’ont aucune valeur littéraire ou linguistique.
C’est bien parce que le récepteur du message n’est plus attentif à sa qualité que son émetteur ne fait preuve d’aucune recherche, d’aucune créativité. Il crée juste à la demande et la demande est bien celle-là. Le grand mal de notre société est juste la qualité de la demande. Sur tous les plans. Pas seulement la musique.
Cela vaut aussi pour les programmes politiques et sociaux, pour l’éducation, pour la locution… tout est au rabais dans cette société en décadence. Même les symboliques des candidats on manque d’imagination : une vache noire, une blanche, un taureau, une vache, un chameau, une chamelle, une tente noire, une tente blanche… tout pour faire confusion. On peut dire que certains des candidats comptent justement sur cette confusion pour avoir des voix.

La guerre que nous menons à la musique et à la joie en général, fait que le produit qui nous est servi ces jours-ci est à mettre sur le compte du bruit et non de la musique.

lundi 11 novembre 2013

Airs de campagne

De Zouérate où je suis pour la campagne, j’apprends le décès de Mohamed Ould Samba Elvoullany, candidat du Wiam à la Mairie de Mederdra. Homme de consensus, Mohamed est quelqu’un d’extraordinairement «convenable» : poli, humble, à l’écoute, agréable dans ses rapports, homme de culture… tout ce qui fait le «vetaa» dans cette zone du Trab el Bidhâne qu’est l’Iguidi. Ce décès soudain, en plus de ce qu’il cause de douleur et parce qu’il cause justement cette douleur partagée (largement), devrait être l’occasion de calmer les esprits dans cette ville où s’affrontent après tout des frères… J’y pense sans l’espérer : les enjeux locaux ont besoin, pour s’exprimer, de violences souvent feintes…
J’apprends aussi le limogeage du désormais «ancien commissaire à la sécurité alimentaire». On cherchera à trouver des raisons à ce limogeage. On oubliera que toutes les raisons que nous pourrons invoquer auraient dû causer ce départ depuis longtemps. C’est toujours comme ça : quand quelqu’un est débarqué, on va creuser pour trouver une cause alors que les causes de son départ sont probablement les mêmes que celles de son arrivée. Dans les systèmes où la compétence et le cursus ne sont pas pris en compte, tout peut arriver : on peut aller aux sommets sans raison et/ou dégringoler les marches sans raison.
Pour le cas d’espèce, cette «dégringolade» pourra avoir des conséquences sur la suite des évènements. Ce serait suite à l’utilisation «des moyens de l’Etat», fait dénoncé hier par la CENI. Dans les régions intérieures, le rang dans l’administration est fondamental dans la perception que les populations ont de la personne : un haut fonctionnaire en exercice n’est pas aussi apprécié qu’un «ancien» haut fonctionnaire…
A Zouérate, la blague du jour est cette découverte par nos confrères de Tawary d’une trentaine de noms, tous nés en 1905 et enregistrés le même jour sur les listes électorales. La plupart d’entre eux sont sur la liste de bureaux de la …maison des jeunes qui se trouve non loin du cimetière de la ville. Comme on ne peut pas croire à une fraude voulue – qu’est-ce qu’elle signifierait (ou permettrait) ? -, on opte pour une erreur. Sinon on serait tenté de croire que quelques-uns des voisins du bureau se seraient enregistrés l’espace d’un moment d’inattention. En attendant, Zouérate y gagne un record : celui d’avoir un nombre important de centenaires…
Les gens de Tichitt se plaignent beaucoup des votants «importés». Il s’agit de centaines de personnes inscrites sur les listes électorales par les candidats alors qu’ils résident ailleurs. Le jour du vote, cela va nécessairement causer des problèmes. On peut facilement imaginer la frustration des autochtones qui voient ainsi leur destin décidé par des étrangers. Il n’y a pas qu’à Tichitt que le problème se pose, à Moudjéria, à Akjoujt, à Chami… Partout dans ces petites circonscriptions, les autochtones ont été noyés dans le flot des «importés». Même si rien n’interdit de s’enregistrer sur une liste quelconque, je me demande de quoi seront faites les relations entre élus et populations locales dans ces contrées ?
Finalement, l’Observatoire des élections va servir à déployer des observateurs sur l’ensemble du territoire. A-t-il le temps de le faire ? C’est une question à poser.

dimanche 10 novembre 2013

A qui profite l’échec des négociations ?

Entre l’Occident et l’Iran, les choses semblent aller dans le bon sens. Depuis quelques mois, nous assistons à un revirement de la politique américaine vis-à-vis de l’Iran. Depuis, en fait l’élection de Hassan Rohani à la tête de la République islamique. Ce revirement n’est pas du goût de tout le monde.
D’abord Israël qui ne voit d’autre approche que celle qui vise à détruire l’Iran sous prétexte que le pays développe un programme nucléaire «dangereux pour la région». Jusqu’à présent l’Etat hébreux réussit à faire oublier sa bombe atomique et tout son arsenal nucléaire et chimique en braquant le regard sur les menaces qui pèseraient sur lui et donc sur le Monde à partir des pays arabo-musulmans. L’Iraq, la Libye, la Syrie… tous sont passés par le banc des accusés. Tous ont subi pressions puis destruction pour avoir tenté de s’approprier une technologie moderne.
L’Arabie Saoudite et les pays du Golf en général qui tous voudraient affaiblir l’Iran en ce moment. Parce qu’ils y voient une menace à la stabilité de leurs régimes et à la pérennité de leurs systèmes. D’où la volonté de cultiver les ressentiments communautaires entre Shiites et Sunnites pour les opposer dans une guerre fratricide qui fera de ces pays le porte-drapeau du Sunnisme contre un Shiisme entreprenant et révolutionnaire.
Avant d’aller à Genève pour participer au dialogue entre l’Iran et l’Occident, le Secrétaire d’Etat américain a dû passer par l’Arabie et Israël. Rien à faire, les Etats-Unis étaient décidés à participer à ces négociations et à saisir l’opportunité ainsi ouverte de régler les contentieux par le dialogue et sans recours à la force. Malgré les vociférations de ses alliés dans la région.
C’est apparemment à la France que devait revenir le rôle de «perturbateur». L’arrivée de Laurent Fabius, le ministre français des affaires étrangères, à Genève a signifié immédiatement la remise en cause de l’accord qui était pourtant sur le point d’être conclu. C’est d’ailleurs lui qui annoncera le premier, avant qui de droit (les négociateurs des deux parties), l’échec de ce round. Même si l’optimisme reste de mise, il va falloir aux deux parties vaincre les tentatives françaises et les manipulations israéliennes et arabes visant à faire échouer le dialogue entre l’Iran et l’Occident.
Le jeu n’échappe heureusement pas aux diplomates anglo-saxons qui commentent en aparté : «Les Américains, l’Union européenne et les Iraniens travaillent intensivement depuis des mois sur ce processus et il ne s’agit rien de plus que d’une tentative de Fabius de se donner une importance tardivement». En réalité, Laurent Fabius sert une politique intéressée et fortement inspirée par les positions d’Israël, du Qatar et de l’Arabie Saoudite. Comme pour la Libye, la Syrie…

samedi 9 novembre 2013

Campagne à Zouérate

Trois partis tiennent ici le haut du pavé : l’Union pour la République (UPR), l’Alliance populaire progressiste (APP) et un peu Tawaçoul. Mais la bataille, la vraie, est celle qui est livrée pour la Mairie de Zouérate. Celle qui voit l’UPR et l’APP s’affronter dans un combat épique qui se fait quand même dans les règles de l’art de la tolérance et du respect.
Le candidat UPR est Cheikh Ould Baya, colonel à la retraite, ancien directeur de la Surveillance maritime, véritable artisan des accords de pêche célébrés récemment pour ce qu’ils permettent de profits à la Mauritanie.
Ould Baya a avec lui une aura d’organisateur déterminé, d’engagé volontaire et généreux (au sens noble du terme), d’homme moderne… Il se présente comme celui qui peut et veut entreprendre de grandes choses pour la ville où il mène des actions de bienfaisances depuis quelques années. En termes de projets sociaux, culturels, sportifs. Il veut (et peut) mettre à profit ses réseaux d’amitiés à travers le monde pour diversifier le partenariat avec les pays qui voudront bien apporter une aide à une région sinistrée quand même par l’enclavement, la faiblesse de l’impact de l’exploitation minière sur le bien-être de la population, le manque d’intérêt public pour cette région de l’extrême Nord et qui se trouve loin du centre de décision.
Ould Baya a contre lui son franc-parler et son refus de faire des promesses qu’il juge hors de portée. Il a contre lui sa spontanéité dans les rapports et l’absence chez lui de compromis avec la médiocrité et le faux.
Le niveau des habitants de la ville minière – cadres et populations conscientes – a amené Ould Baya à définir son programme dans le cadre d’un «Projet pour Zouérate» qui est une vision d’ensemble pour une proposition qui cultive un développement durable et solidaire de la commune. C’est ce Projet qu’il a commencé à expliquer depuis hier, depuis le lancement de campagne. Visiblement très attendues, ses sorties publiques font l’objet d’un grand engouement du public.

vendredi 8 novembre 2013

Campagne électorale

C’est sans doute la campagne électorale la moins «excitante» de l’Histoire du pays. D’abord parce qu’elle arrive après plusieurs reports des élections législatives et municipales. Ce qui a fini par exaspérer le public. Ensuite parce qu’elle ne clôt pas forcément les polémiques politiques qui ont, elles aussi, nourri l’exaspération générale. Voilà six ans que l’on nous installe dans une «crise politique» factice et qui a fini par provoquer une profonde désaffection vis-à-vis du politique en général.
Pourquoi la crise est-elle «factice» ? Parce qu’elle n’a pas d’objet. Parce que les raisons qui lui sont données pour l’expliquer ne sont pas suffisantes. Parce que les protagonistes ne savent pas ce qu’ils veulent, ou s’ils le savent ne le disent pas. Parce que les manifestations réelles de la crise ne sont pas là.
Au moment où démarre cette campagne dont l’enjeu principal est la participation le jour du scrutin, la démocratie mauritanienne parait malade. Pas à cause du boycott qui est plus un non-choix, mais de ce qu’elle implique de retour aux appartenances sectaires. Nulle part où l’on ne raisonne en termes de tribus, d’ensembles, de castes ou de classes.
Le candidat le plus «à gauche» (si la Gauche existe ici) ne pourra pas s’empêcher de vous dire qu’il a le soutien de la tribu telle ou telle, de l’ensemble tel ou tel, des «Haratines», des «Maures», des «Noirs» dont «les porte-paroles sont venus ici apporter leur soutien». Qu’est-ce que c’est un «porte-parole» d’un ensemble ethnique ou tribal ? où est l’ensemble où la cohésion est si évidente et si forte pour laisser une personne, une seule personne parler en son nom ? qui est assez légitime pour parler au nom d’un groupe ? qui donne d’ailleurs cette légitimité ?
Je crois qu’on fait semblant, qu’on finit par croire au leurre que nous avons nous-mêmes déployés. C’est pourquoi je reste optimiste quant à l’avenir des Institutions comme les partis. Aujourd’hui, ils ne veulent pas dire grand-chose dans la mesure où la promotion de l’individu au sein du parti ne dépend nullement de son adhésion, encore moins de son engagement dans ce parti et pour ses idéaux (existent-ils d’ailleurs ?). Il dépend de ce que l’individu apporte ou est supposé apporter en termes de base électorale. Le parti doit alors tout à l’individu et non l’inverse. C’est donc l’individu qui dicte ses préférences et non le parti. D’où les incohérences à prévoir dans les positionnements de demain. Surtout que tout individu voulant se libérer de ses engagements partisans ne peut plus claquer la porte comme on faisait avant. La place appartient désormais au parti et non à l’individu. Mais on trouvera la parade en allant à contre-courant ou en créant des courants au sein des partis. Nous allons donc vers plus d’atomisation.
Le retour en force de la logique tribale ne doit pas tromper. La société mauritanienne, si l’on excepte les vieilles structures soninkées héritées des anciens Empires et figées depuis, sont lâches dans l’ensemble. Tout dépend de la culture dominante, celle qui est promue par l’encadrement national (autorités et acteurs publics). Jusqu’aux années 80, ce fut le cycle de recul de l’appartenance sectaire qui est revenu à la surface avec la démocratisation et les manipulations du pouvoir qui en faisait un levier de commandement. Il ne s’est pas trouvé non plus de parti ou de regroupement alternatif à l’ensemble restreint. Le recul de l’idéal national unitaire et fédérateur s’explique en partie par cette démission et ce refus d’entretenir la vocation d’une Mauritanie plurielle, égalitaire, juste et finalement progressiste.
Nous avons besoin de réinventer la notion de «progressiste» par opposition à tous les conservatismes qui nous menacent aujourd’hui d’une longue nuit noire. La bataille est là et nulle part ailleurs : elle a pour enjeu la Modernité qui est une longue gestation de la citoyenneté, qui promeut les nobles idéaux qui font de nous des frères solidaires, des patriotes déterminés. Je ne vois pas dans le milieu politique qui peut incarner ce dont on a besoin, ni parmi ceux qui participent et qui nous abreuvent de promesses, ni parmi ceux qui ont choisi de ne pas s’adresser à nous en s’excluant.

jeudi 7 novembre 2013

On en sait un peu plus

Les circonstances de l’assassinat de nos confrères de RFI s’éclaircissent quelque peu. Après la revendication formulée par AQMI, voilà les révélations de la sécurité malienne. Une histoire alambiquée où apparait le nom d’un Touareg Bayes Ag Bakabo qui aurait subtilisé de l’argent de l’organisation terroriste et qui a voulu, par cet enlèvement, s’acquitter d’une dette. La voiture utilisée serait tombée en panne. Ce qui expliquerait le geste désespéré qui a consisté à abattre froidement les deux otages enlevés quelques minutes plus tôt.

Finit donc la thèse de la course-poursuite. Finit aussi celle de l’acte bien réfléchi et bien mis en œuvre. Tout cela relèverait du hasard. De l’absurde. Mais permettrait de donner une version plus ou moins «normale» de l’enlèvement.

Point de faiblesse du dispositif déployé par les Français et leurs alliés dans la région. Oubliée l’absence de surveillance (de loin ou de près) de deux journalistes français arpentant les rues de la ville a moins sûre de la région : Kidal est aujourd’hui la Kandahar des années 90, par ce qui y circule d’hommes armés, d’armes, d’agents de renseignement, de services se faisant la guerre, de rebelles en rupture… Oublié aussi le comportement des forces de Serval et de celles de la MINUSMA : n’y a-t-il pas eu tentative immédiate de récupération ? où étaient les postes de contrôles, les fameux «check-points» installés aux différentes entrées de la ville ?

En nous servant cette version, les autorités évitent de répondre à de nombreuses questions et d’être amenées à remettre en cause les plans initialement prévus. C’est facile.

Si la revendication par AQMI de l’enlèvement n’est pas le procédé usuel, la version servie par les officiels n’est pas convaincante. En fait Al Qaeda au Maghreb Islamique est éclaté en plusieurs Katiba et deux Sariya (bataillons). Chacune de ces structures assume aujourd’hui ce qu’elle fait. Fièrement parce qu’elles se font conurrence.

Si les Mourabitoune nés de la fusion entre les «Signataires par le sang» de Belmokhtar (Bellawar) et du Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), tentent quoi que ce soit, ils sont prompts à le revendiquer. Si la Sariya des «Ançar» dirigée par Abdel Kerim Ettargui (le Touareg) et qui a relevé de la Katiba Tareq Ibn Zeyad dont le chef n’est autre que le terrible Abu Zeyd, si cette faction entreprend quelque chose, elle ne laissera personne se l’approprier. Parce qu’elle a besoin de rappeler qu’elle est encore là. Que la revendication émane tout simplement de «AQMI», c’est un peu vague…

Alors ? Dissocier les évènements de Kidal de l’opération de libération des otages intervenue cinq jours avant, ajouterait à la confusion. Tout porte à croire que ceux qui ont opéré ainsi avaient des intentions de remettre en cause un accord passé entre les ravisseurs et les autorités françaises. La violence de l’acte, et sa gratuité apparente, relèvent de la punition et non de l’acte criminel consacré.

Ce n’est pas aussi facile…

mercredi 6 novembre 2013

Camus, un engagement «humain»

La première grande œuvre du journaliste, essayiste, romancier, homme de théâtre et philosophe Albert Camus, est sans doute «La Peste». C’est sans doute aussi son œuvre majeure. C’est surtout celle qui permettait aux élèves que nous fumes d’entrer dans l’univers de Camus. En classe de terminale déjà… c’était loin tout ça… quand on enseignait encore la philosophie dans les lycées publics, quand les élèves pouvaient encore réfléchir, lire, encore réfléchir, discuter, rendre ce qu’ils ont lu… Autant dire que cela faisait longtemps. A peine si ce n’est pas comparable à ce temps où les bêtes parlaient encore.
Le docteur Rieux et le Père Panelou, deux idées de la vie, deux conceptions qui s’opposent et qui sont exprimées par le discours autour de La Peste. Pour l’homme d’église, ce mal est généré par une colère divine causée par les provocations et les comportements tendancieux des hommes. Pour le scientifique, il s’agit d’une épidémie qui, de temps en temps, frappe et se répand. Et quand il est pris par le vertige du souvenir du cycle meurtrier, le docteur ouvre sa fenêtre et reçoit en plein les bruits de la vie quotidienne : les gens qui s’activent, chacun apportant un savoir-faire, un élément de cette vie qui fait un tout… Là réside la force de l’homme : chacun doit accomplir sa part de responsabilité par le travail qu’il sait le mieux faire. Lui, le docteur n’a plus qu’à faire face à l’épidémie en tentant de l’éradiquer.
Nous apprenons alors, sans systématisation, que Camus n’est pas Sartre. Autant ce dernier nous parait «difficile à lire», quelque peu «nauséabond», toujours «écœurant», autant le second était «fréquentable», «lisible», «réconfortant»… autant l’un était désespérant, autant l’autre était prometteur… La perception ici est celle du lycéen que j’étais. Un lycéen qui découvrait avec délectation la philosophie existentialiste qui nous donnait l’impression de pouvoir nous libérer du diktat de la pensée des Lumières qui finissait par se scléroser pour devenir plutôt un carcan porteur de conservatismes «bourgeois». Mais à l’intérieur des «idéologues» de l’existentialisme, on faisait déjà la différence entre ceux dont la réflexion ne mène nulle part parce qu’elle est éternel questionnement devant la vie, et ceux dont la pensée pousse vers la culture d’un optimisme permettant de croire à un avenir possible. Les premiers sont «pétrifiés» par l’incapacité à sortir de «l’absurde» de la condition humaine, les seconds en sortent par la proposition d’action. L’absurde mène fatalement à l’inaction parce qu’il installe dans le tourbillon de la désespérance.
Dans L’Envers et l’Endroit, Camus écrit : «Il y avait une fois une femme que la mort de son mari avait rendue pauvre avec deux enfants. Elle avait vécu chez sa mère, également pauvre, avec un frère infirme qui était ouvrier. Elle avait travaillé pour vivre, ait des ménages et avait remis l’éducation de ses enfants dans les mains de sa mère. Rude, orgueilleuse, dominatrice, celle-ci les éleva à la dure».  Il choisit de raconter sa vie comme on raconterait un triste conte qui finit pourtant de manière heureuse. Lui qui dira, rendant hommage à l’instituteur qui le prit sous sa coupe, «voilà l’homme qui tendit la main à un pauvre petit garçon pour l’aider à sortir de sa misère…»
Albert Camus a fini par devenir «Camus», l’auteur d’une grande réflexion présentée à travers une grande œuvre qui allie œuvre littéraire et réflexion philosophique et dont on retiendra : Caligula (1938, pièce de théâtre); Noces (1939, recueil d'essais); Le Mythe de Sisyphe (1942, essai); L'Étranger (1942, roman); La Peste (1947, roman); Les Justes (1949, pièce de théâtre); L'Homme révolté (1951, essai); La Chute (1956, roman)…
Quelques citations de Camus :
«Il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser» (La Peste)

 «Celui qui désespère des événements est un lâche, mais celui qui espère en la condition humaine est un fou.» (Extrait des Carnets)

«La bêtise insiste toujours.» (La Peste)
 «La tentation la plus dangereuse : ne ressembler à rien.» (L’Envers et l’Endroit)
«Un homme est toujours la proie de ses vérités.» (Le mythe de Sisyphe)
«Un homme est plus un homme par les choses qu'il tait que par celles qu'il dit.» (Le mythe de Sisyphe)

«J’ai compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer l’injustice, il fallait donner sa vie pour la combattre» (Les Justes)


Albert Camus est né en novembre 2013. Il y a cent ans…