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vendredi 30 août 2013

Des roses et des épines

On attendait du «printemps arabe» l’éclosion de roses de toutes couleurs… Même nous autres gens du désert, insensibles à l’origine à la beauté des fleurs et à leurs odeurs qui nous paraissent participer à la corruption de la morale humaine, nous avons espéré voir éclore les fleurs d’une saison qu’on nous annonçait clémente.
En Tunisie où cela a commencé, le pays est pris entre trois feus. Celui de la menace terroriste dont les éléments les plus combatifs et les plus déterminés ont fait du sud-ouest tunisien une base arrière. L’Armée n’arrive pas encore à épurer les zones reculées des monts Chaambii et doit livrer une bataille coûteuse en hommes et en matériel.
Celui de la menace salafiste qui tend à imposer sa loi sur l’espace public dans un pays qui vivait du tourisme et de l’ouverture en général. Une menace qui oblige la mouvance islamiste modérée, celle qui se trouve au pouvoir après les élections, de maintenir un discours plus ou moins rétrograde sur certains aspects de la vie politique et sociale.
Celui de l’activisme d’une intelligentsia fortement occidentalisée, en rupture profonde avec son milieu, prônant l’athéisme comme doctrine d’Etat et faisant de la tradition religieuse un ennemi à combattre. Le salafisme laïc si l’on admet qu’il s’agit du même fanatisme destructeur (et réducteur).
Devant le tir croisé de ces trois fronts que peut la Tunisie qui ne se relève pas économiquement de l’épreuve de l’insécurité et de l’instabilité ?
En Libye, la mort de Kadhafi n’a rien réglé. Encore mois les accords et les discussions qui ont occasionné quelques rafistolages au sein de l’apparatchik dirigeant sans changer les fondamentaux du jeu qui aboutira nécessairement à la partition du pays. On a beau reculer l’échéance, il arrivera ce moment où la Cyrénaïque fera sécession, suivie par la Tripolitaine, le Fezzan, et probablement l’espace Amazigh des montagnes qui exprime déjà quelques velléités. Rien n’est moins sûr que la stabilité de la Libye. Les soubresauts l’annonçant sont occultés par les évènements d’Egypte et de Syrie. Momentanément.
En Egypte, la situation est chaotique. Elle n’a pas besoin de commentaire. Un coup d’Etat qui aboutit à une guerre civile soutenue par des entités étrangères. De quoi remettre en cause, et pour un moment, le leadership de l’Egypte dans le Monde Arabe. On n’est pas loin non plus de l’expression de velléités sécessionnistes au Sinaï depuis longtemps en proie à l’activité des Jihadistes, du Sud victime d’un Nord qui lui dicte ses agissements, des Coptes qui sont de plus en plus victimes d’exactions…
En Syrie, la guerre civile est totale. Même les Occidentaux n’osent plus parler de «révolution» ou de «révolutionnaires», même leurs alliés arabes parlent en termes de factions. L’horreur au quotidien. Imputée par un camp à l’autre. L’utilisation des armes chimiques, de part et d’autre, ajoute juste à l’horreur de la guerre que l’on suit en direct grâce à la machine de communication mise à contribution par les soutiens extérieurs de cette guerre. Guerre dont le résultat unique est la destruction de la Syrie. A qui profite le crime ?
Pas au peuple syrien, ni aux peuples arabes… d’ailleurs cette «révolution» qui a finalement conduit au chao ne pouvait pas aboutir à une amélioration des conditions de vie des populations, ni un meilleur positionnement du Monde arabe sur l’échiquier, encore moins sur un recouvrement des droits arabes spoliés par les différents oppresseurs… Elle a été une entreprise de sape visant à détruire ce qui restait des Etats, à restaurer les vieux particularismes communautaristes, à semer la zizanie et le chao pour affaiblir un monde déjà trop faible.
Combien de temps, le Monde arabe mettra-t-il pour se relever de l’épreuve ? combien de temps pour reconstruire l’Irak, la Syrie, pour refaire l’unité du peuple égyptien, pour réhabiliter l’Etat moderne en Tunisie et au Yémen ? combien faudra-t-il pour retrouver l’Irak sans bombe, avec ses poètes, ses savants, ses techniciens, son niveau technologique, culturel d’avant la guerre «démocratique» lancée par Bush père et fils et leurs alliés ? combien pour retrouver la Syrie avec son autosuffisance alimentaire, ses facultés de médecine, ses centres de formations professionnels, ses fabriques… ? combien pour retrouver le bonheur en Egypte, en Tunisie ?
Avant le «printemps», des despotes ont pillé les pays, réduit leurs populations à un statut d’esclaves et de prisonniers… Ils étaient soutenus par les Occidentaux qui ont justifié leurs agissements, les aidant parfois à sévir contre leurs peuples.
Après le «printemps», nous voilà confrontés aux guerres civiles, aux affres de l’instabilité… avec le soutien de l’Occident. Encore.
Au lieu des roses attendues, l’on nous offre des épines. Encore.

mercredi 28 août 2013

En se rappelant d’où l’on vient

J’ai appris que la toute nouvelle structure des Gardes-côtes mauritaniens, celle qui a pris la relève de la surveillance maritime, a arraisonné une trentaine de thoniers en infraction dans les eaux territoriales mauritaniennes. Je n’ai pas les détails. Je sais quand même que ces bateaux avaient été repérés dans une zone difficile d’accès et peu fréquentée par les bateaux de la Surveillance qui manquaient jusque-là de moyens appropriés. L’opération a donc permis de verbaliser une trentaine de bateaux (nous y reviendrons certainement en détail).
Qu’est-ce qui se passait avant ? En général, les bateaux qui commettaient les infractions étaient «en règle» du moment où ils bénéficiaient de grandes complicités au sein des administrations et institutions dédiées au contrôle de l’exploitation de la ressource. Il y avait par exemple le phénomène qu’on avait fini par appeler «le clonage» : un homme d’affaires obtient une licence pour un bateau de fonds avec mention des spécifications du bateau ; l’homme d’affaires acquiert deux, trois quatre bateaux avec les mêmes spécifications et fait des photocopies de la licence pour chaque bateau pêche avec la même licence. Ce phénomène a permis à des particuliers de s’enrichir considérablement tout privant la communauté nationale d’une partie de ses ressources. Mais là’ ne s’arrête l’ingéniosité destructrice des nôtres.
Au lendemain du coup d’Etat de 2005, le contrôle s’est considérablement amélioré, avant de devenir efficace et de permettre de mettre fin au pillage des ressources. Le dernier accord avec les Européens, puis la révision de la Convention avec les Chinois et enfin l’établissement d’un partenariat avec d’autres partenaires, tout cela a permis l’assainissement des rapports avec les intervenants dans le secteur qui devient un véritable levier de l’économie nationale.
N’oublions pas d’où l’on vient quand on voit où l’on est avec les procédures de recrutements par voie de concours qui ont incontestablement gagné en transparence et en équité. A tous les niveaux et dans tous les secteurs. Près de 7000 fonctionnaires recrutés par voie de concours et formés dans les différentes écoles professionnelles (ENAJM, Ecoles de santé…) dans des conditions optimales de transparence.
Rappelons-nous le temps où étaient admis des gens qui n’ont même pas participé à un concours, où les entretiens servaient à disqualifier ceux qui n’étaient pas les plus qualifiés. Le temps où la compétence et l’aptitude n’assuraient rien à leur détenteur.
Souvenons-nous de l’octroi des bourses, des affectations, des promotions… aujourd’hui les syndicats sont impliqués dans tous les processus. Ce qui garantit un minimum d’équité.
Certes, il y a beaucoup à faire, beaucoup, beaucoup… rien que parce qu’il faut rattraper un temps perdu inutilement. Mais reconnaissons quand même les quelques avancées heureuses qui s’imposent d’elles-mêmes.

mardi 27 août 2013

Une comète est passée, Eli Shaykh est parti

On imagine d’ici le désarroi et l’inquiétude des premiers hommes voyant le ciel s’illuminer d’une espèce de lumière crue traçant sa route «là-haut», éclairant tout par son passage et finissant dans un abyme dont ils ne peuvent imaginer les contours.
On imagine aisément la peur qui les pétrifie au moment de voir apparaitre, puis disparaitre, tant de lumière, tant de clarté, tant de luminosité, mais aussi tant de force…
On peut aisément les voir d’ici, après tants d’années passées sur l’évolution de l’homme sans pouvoir percer les vrais mystères de la Nature, et imaginer leur effroi des lendemains… On peut même aller jusqu’à partager avec eux ces sentiments qui nous dictent finalement l’humilité et la soumission… La soumission à la Toute-puissance de notre Créateur qui nous a dotés de sens à même de nous permettre de faire de  notre faiblesse principale – le fait de ne pas pouvoir contrôler ce qui arrive –, d’en faire une force en nous obligeant – en nous enseignant – à l’accepter comme si elle allait de soi, comme si elle était fatalité heureuse…
Devant le passage d’une comète, l’attitude aujourd’hui est toujours la même : désarroi, inquiétude, effroi… Entretemps, nous avons trouvé une explication «populaire» au phénomène : chaque comète et chaque étoile filante annonce la fin d’une vie. Plus l’étoile est lumineuse, plus elle brille, plus elle est grosse, plus le deuil annoncé est important. Ce qui a donné l’expression en Hassaniya «taahit nejmtou» (son étoile est tombée) pour dire la fin, biologique ou sociale, d’un homme…
La plus grosse comète de notre temps est passée… le 27 août 2013… dans e ciel de Mauritanie avec l’extinction du plus grand héritier de la Tariqa Fadiliya, Eli Shaykh Ould Emmomme…
Phénoménal leader religieux qui a marqué tout un espace sans prendre les armes, sans courir les routes, sans prétendre détenir un statut unique ou un savoir unique ou une faculté unique… simplement en vivant une vie d’ascète, d’homme pieux ayant choisi d’occuper la dimension qu’Allah lui a réservée, celle d’un homme extraordinaire parce qu’hors du commun.
Pas besoin de raconter ces histoires qui peuplent son environnement, pas besoin de répéter ce que d’autres ont déjà dit, il suffit de se rappeler que l’homme Eli Shaykh s’est fait lui-même, qu’il a attiré vers lui les lumières qui l’ont auréolé jusqu’à son départ, qu’il a été le sauveur d’une région au moment où la population vivait les affres de la disette des années 70, qu’il a participé au maintien sur place d’une population et d’une vie, avant de réussir à en faire un centre culturel attirant touristes et disciples de toutes parts.
Eli Shaykh Ould Emmomme est en lui-même une preuve de ce qu’il est : un Saint.
Les plus sceptiques d’entre nous, ceux qui ne laissent pas de place aux compétences dans l’«administration de l’invisible», trouveront que nous sommes excessifs. On ne peut pas être «excessif» quand il s’agit de décrire et de rendre hommage au Shaykh Eli Shaykh : tout ce qui sera dit sera en-deçà de ce qui aurait pu être dit. Nous n’avons pas assez de verbe pour exprimer le désarroi, l’inquiétude et l’effroi qui nous étreignent au moment où passe cette comète qui annonce la fin d’une vie, celle de Shaykh Eli Shaykh
Le temps peut-être de rappeler que quand le Destin frappe, la Miséricorde est toujours là pour atténuer le coup. Quelle que soit par ailleurs sa force.

Inna liLlahi wa inna ilayhi raji’oune wal hamdu liLlahi Rabbi il’alamiine wa çalaatu wassalamu ‘ala ashrafi el mursaliine.  

lundi 26 août 2013

Connaissez-vous Ahmed Ould Bowba Jidou ?

Si la réponse est non, allez tout de suite chercher en CD ou en cassette, l’un de ses enregistrements avec (ou sans) feu Mohameden Ould Sidi Brahim, cet homme qui a été à la base du sauvetage d’un patrimoine immense, délaissé depuis.
J’écoute souvent ses «dourous» se la «jamba el bedha», non seulement pour savourer le jeu unique dont il est capable avec sa «tidinit», mais aussi pour écouter les quelques interventions de trois grandes griottes qui l’accompagnent de temps en temps : Lalla Mint Eli Khadja, sa fille Amash Amar Tichit, et El Ghadhva Mint Bowba Jidou, sa fille à lui mère de la grande chanteuse d’aujourd’hui Ouleya Mint Amar Tichit. Des voix pures, qui transpercent tous les sens pour transporter l’auditeur à la limite des temps immémoriaux, pour le plonger dans une mélancolie heureuse pour sa douceur…
«t’ayebni hawn il bidhâne/binni maa waqart eshshayba
U binni nibghi hawl azawâne/maghlaak ‘liya ya ‘ayba»
Entendre les griottes s’arracher les vers, puis les mots pour les chanter selon le mode consacré, tout en apportant le maximum de touche personnelle en termes de variations dans l’intonation et la déclamation, c’est découvrir tout le sens de «tshaw’ir», cette capacité à garder le chant juste tout en tournant (et en retournant) le rythme, la saccade et la pureté de la voix. Rien ne sonne faux. Rien ne dérange l’harmonie du jeu des corde du luth de ce virtuose de la tidinit qu’est Ahmed Ould Bowaba Jidou.
Pour Ould Bowba Jidou, ce qu’il joue raconte une épopée, celle des Awlad M’Barek, cette tribu Maghafra (Bani Hassane) qui a fini par se confondre avec le mythe fondateur de la Geste Hassane. Il ne se pose pas de question sur la véracité historique des évènements qu’il raconte à chaque note qu’il produit, ne remet rien en cause de l’art qu’il a hérité et entretenu si longtemps. C’est juste si sa volonté de précision ne s’exprime que quand il veut être honnête dans ses références. Quand par exemple il se trompe d’auteur (Shweiba au lieu de Lgheyta Mint Ngdhey pour «bleyt aghwaaniit») ou de «récipiendaire» de tel ou tel distinction…
L’un des plus beaux sous-modes de la musique bidhâne serait né par hasard : «Tehzaam». Deux jeunes cousins Awlad M’Barek, Ethmane Edariiv et Elqaçaaç aurait été face à l’ennemi en même temps. Le second dit : «Il ne serait pas juste (vis-à-vis de l’ennemi, ndlr) d’aller tous les deux en même temps devant l’ennemi, je propose que chacun de nous attaque seul…» Ce que son cousin accepta en lui proposant d’aller le premier, lui qui a fait la proposition.
Au moment où il enfourchait le cheval pour donner le départ de l’attaque, son griot qui l’accompagnait en toute circonstance perdit le rythme de «Srouzi» mode guerrier et d’excitation par excellence, pour jouer quelque chose qui n’avait jamais été joué avant. «Galbak lak, nte shkhal’ak ? eydiik hereblou emmelhoum ?» (garde ton calme, pourquoi tes mains ont tremblé, pourquoi avoir peur ?) Et le griot, nullement décontenancé, de répondre à son guerrier : «Maani menkhla’, laahi enhazam lak» (ce n’est pas la peur, c’est pour te ceinturer dans le sens de te t’accompagner pour te concentrer). C’est ainsi que le Tehzaam est né, de la détérioration du grand mode de Srouzi…
C’est ici, quand l’artiste joue «terika» que les trois donnent à nouveau de la voix. Et quelle prestation ! avec une Lalla qui impose son ton grave et rythmé aux voix aigues des deux autres.
«zawiya gaalit maatibghik/’arbiya walla min hassane
Dhaak ella maashavit ‘aynik/gawtartak min tahta içigâne»
Le morceau est dédié à Ethmane Wul Hennoun, l’un des héros de cette épopée jamais visitée par nos écrivains. Et à laquelle se limite le monde de Ahmed Ould Bowba Jidou. 

mercredi 21 août 2013

Ouverture or not ?

Tout se précipite. Après les avances faites par le Président de la République à Néma sur la possibilité d’un report des élections, l’ouverture de la CENI et la création d’un Observatoire des élections, il y a eu cette réunion de la commission chargée du suivi des résultats du dialogue entre le Pouvoir et les partis qui ont fini par constituer la CAP (coalition pour une alternance pacifique comprenant l’APP de Messaoud, Wiam de Boydiel et Sawab de Ould Horma). La réunion a ouvert sur une concertation entre les partis de la CAP, ceux de la Majorité et la CENI. Le principe d’un report de cinq semaines a été retenu ainsi que celui d’une discussion avec les partis de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) qui rejetaient le principe de la participation. Du coup, un remue-ménage politique a eu lieu.
Certains partis de la COD ont déclaré vouloir revoir leurs positions, des militants ont appelé à la participation, d’autres au boycott.
Les Islamistes de Tawaçoul ont été les premiers à tirer vers une révision des positions, suivis de près par ceux de l’UFP. Seul le RFD de Ould Daddah a tiré dans le sens contraire. Tir de barrage contre la participation qui va nécessairement influer sur les sentiments des uns et des autres.
Il ne faut pas oublier que les positionnements d’aujourd’hui sont le fruit de ressentiments, de frustrations, de déception, de trahisons (vraies ou fausses), d’attitudes personnelles parfois communautaristes… Ce qui donne un paysage politique dont les protagonistes ne se battent pas pour ou contre un projet de société, mais contre un homme. Ce qui unit ici, c’est plus la haine de Ould Abdel Aziz, et là la haine de Ould Daddah… en tout cas ce ne sont pas des lectures et des projections, donc des projets de société bien réfléchis qui inspirent çà et là. Pourquoi en sommes-nous là ?
Il serait fastidieux de revenir sur les divergences de 2007 qui ont amené Messaoud Ould Boulkheir à soutenir le candidat Ould Cheikh Abdallahi et à légitimer la victoire de celui-ci, ou encore, avant cela, à l’incapacité de l’Opposition traditionnelle de se regrouper autour d’un candidat unique, avant cela de rester ensemble devant le système Ould Taya, de concevoir un programme alternatif et de pouvoir, le moment venu, l’imposer à celui qui viendra nécessairement après Ould Taya, et avant tout ça, son refus de participer aux élections législatives et municipales de 1992, acte qui constitue le péché originel de cette Opposition qui a ainsi définitivement corrompu le processus démocratique.
Revenons au processus de dialogue amorcé en 2010. En juillet, Ahmed Ould Daddah, chef de file de l’Opposition, sortait optimiste d’une rencontre avec le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz dont il reconnaissait pour la première fois le statut. Pendant les trois mois qui suivent, toutes les sorties publiques de Ould Abdel Aziz étaient l’occasion pour Ould Daddah et Ould Boulkheir, parfois Cheikh Mohamed Ould Dedew, de se faire prendre en image à ses côtés. En octobre, Ould Boulkheir exige du Président d’exprimer solennellement sa volonté de dialoguer avec l’Opposition qui avait commencé à établir sa plate-forme consensuelle. Le 28 novembre 2010, le Président Ould Abdel Aziz tend officiellement la main à l’Opposition et déclare être prêt à ouvrir un dialogue «sans tabou» avec elle. Moins de deux semaines après, la structure dirigeante de la COD devient l’interlocuteur en lieu et place de l’Institution de l’Opposition pourtant organe institutionnel. C’est donc le président en exercice de la COD, Me Mahfoudh Ould Bettah qui doit prendre le relais. Mais c’est le président Messaoud Ould Boulkheir qui s’impose en temps qu’interface entre la Présidence et la COD.
C’est à l’issue d’une de ses rencontres avec le Président qu’on lui prête des propos peu amènes que Ould Abdel Aziz aurait tenu à l’encontre de Ould Daddah (où il l’aurait traité d’«imbécile» entre autres qualificatifs discourtois). Le département de communication du RFD se fend d’une réaction d’une violence sans précédent. C’est l’escalade par communiqués interposés.
Entretemps, les évènements de Tunisie se précipitent après l’immolation du jeune Bouazizi. En quelques semaines, le régime Ben Ali est balayé par une explosion populaire qui «contamine» la Libye, l’Egypte, la Syrie, le Yémen, le Bahreïn, le Maroc… On croit alors à un effet d’entrainement. Les Islamistes durcissent le ton et le positionnement. Ils quittent la position de «mou’arada naaçiha» (opposition critique constructive) pour celui de «mou’arada natiha» (opposition en confrontation). C’est le processus de l’exigence du «rahil», sans les moyens nécessaires de le l’imposer.
Pendant que les uns, ceux de la COD, s’enferment dans une logique radicale sans issue, Messaoud Ould Boulkheir et Bodyiel Ould Hoummoid mènent tranquillement le dialogue avec la Majorité, sur la base de la plate-forme élaborée par l’ensemble des partis d’opposition. C’est en partie pourquoi toutes les questions seront soulevées et traitées à l’issue de ce dialogue dont les lois sont approuvées une à une.
Tous les «dialoguistes» expriment leur satisfaction et déclarent leur rejet de toute ouverture d’un nouveau dialogue. Y compris le président Messaoud Ould Boulkheir qui reviendra quelques semaines plus tard pour amorcer une démarche qui aboutira quelques mois après à sa fameuse initiative.
Les choses se précipitent avec la première annonce de la date fixée par la CENI entre le 15 septembre et le 15 octobre 2013, puis avec l’annonce de la convocation du collège électoral, et enfin avec les avances du Président de la République.
Le Président Ould Boulkheir se précipite pour accepter un report de cinq semaines (pour le 24 novembre), mais n’attend pas de savoir si la COD est intéressée ou pas. Comme si l’objectif était celui-là : se donner le temps pour achever la COD qui, quoi qu’elle fasse, se condamne. En participant, elle se dénie et reconnait de fait que ses gesticulations des trois dernières années ont fait perdre un temps précieux à la Mauritanie et à la démocratie en Mauritanie. En boycottant, elle perd une partie de son électorat et se met dans la position du fauteur qui refuse toute ouverture.
Une fois encore, les mêmes hommes politiques se retrouvent piégés parce qu’ils auront mal apprécié la situation de départ, sous-estimé les capacités de l’adversaire, surestimé les leurs et ignoré voire méprisé le rapport de force sur le terrain. Tous leurs échecs trouvent ici leur explication. Ils ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes. A personne d’autre.

mardi 20 août 2013

Kobenni au bout

L’objectif final de la randonnée est Kobenni, ce département rendu célèbre par l’effet «déterminant» de ses résultats lors de la première élection présidentielle de janvier 1992. La Mauritanie avait alors découvert qu’il existait un département plus habité que tous les autres et dont la population était en avance par rapport à tous ses compatriotes : tous étaient inscrits, tous avaient voté et «bien voté» (aucun bulletin nul, aucun bulletin discordant)… Un mystère que les responsables de l’époque se doivent de nous expliquer : administrateurs, ministres de l’intérieur, directeur de la sûreté nationale, officiers de liaisons, chefs de renseignements…, bref ceux qui occupent la scène politique aujourd’hui à l’occasion de l’opération de blanchiment qui les sert, les auteurs de toutes les malversations électorales, les géniteurs de tous les systèmes de fraude, les idéologues de la manipulation sectaire, les prédateurs corrupteurs des âmes, suceurs du sang de la communauté des laborieux, voleurs des biens de la communauté, adeptes du faux, maîtres de l’usage du faux…
Ceux-là ont commencé par le «coup d’Etat de Kobenni» qui ouvrait la voie à la manipulation vulgaire, sans scrupule, sans honte et produisait une classe de responsables effrontés et sans vergogne. Ils ont continué avec le «service rendu» qui finira par devenir le bradage de la propriété collective au profit de particuliers. La propagande qui a diabolisé les résistants au système d’alors, faisant croire que toute voix discordante est hérésie…
Sans la route reliant Aïoun à Nioro du Sahel (Mali), Kobenni serait resté un petit patelin perdu au milieu de mille routes reliant les souks frontaliers. Mais heureusement que Kobenni, avec la route, a repris sa vocation initiale, celle d’être un point de passage obligé, un carrefour d’échanges, une terre de rencontres, un espace d’Histoire riche de ses multiples soubresauts. Depuis la route et depuis le coup d’Etat de 2005, Kobenni a repris des couleurs.
C’est la saison des pluies hivernales. La saison du bonheur pour les habitants : pour ceux qui cultivent, pour ceux qui élèvent et pour ceux qui commercent. Ça se lit sur tous les visages.
Mais en cette fin de mois d’août, c’est aussi le moment des orages politiques. Qui dit «politique» ici dit «tribu» et «communauté». La délégation de l’Union pour la République (UPR), le parti dit au pouvoir, est là pour identifier les candidats à la candidature du parti pour les élections législatives prévues en octobre prochain. On parle beaucoup du report de ces élections, mais cela n’empêche pas les affrontements exprimant les velléités des uns et des autres.
D’une part l’héritier de la Tariqa Hamawiya, Mohamedou Ould Cheikh Hamahoullah, dernier fils vivant du fondateur de la Tariqa, celui qui a toujours dominé la politique à Kobenni et eut son mot à dire ailleurs dans le Hodh El Gharby, et qui, de son Nioro où il réside influe sur le devenir à Bamako. Sa personne et sa notoriété ne sont pas peut-être l’objet de contestaion, mais ce sont ses choix : depuis 1992, la première législature, la place de député qui lui est accordée est réservée au même Babah Ould Ahmed Babou qui est sérieusement décrié, y compris dans sa communauté. Visiblement, le Cheikh le maintient comme premier sur sa liste. Il pouvait pourtant choisir Mme Fatma Mint Eli Mahmoud, militante dans l’humanitaire et candidate ayant reçu les assurances du Cheikh d’en faire un tête-de-liste, mais il a préféré garder «celui que tout le monde semble rejeter». Une sorte de défi lancé aux habitants et surtout qui parti UPR qui rechignerait à présenter un candidat que tout le monde donne perdant.
D’autre part une sorte de coalition entre tribus Awlad Nacer, Awlad M’Barek, Tinwajiw et Mechdhouf qui tiendrait tête au Cheikh et qui voudrait imposer un rapport de force en faveur d’une liste qui satisferait tous ces ensembles. Le chef de file de cette coalition n’étant pas déterminé, il faut citer parmi son management l’Ambassadeur Hammadi Ould Meimou (Awlad M’Barek), Mohamed Lemine Ould Hussein (Awlad Nacer), Moussa Ould Bewa (Mechdhouf), Dah Ould Cheikh (Tinwajiw)… Cette coalition exprime une inquiétude de plus en plus claire quant à la possibilité du parti à faire face à la pression du Cheikh Mohamedou Ould Cheikh Hamahoullah.
Au milieu de toutes ces confrontations autour de la députation, la mairie ne semble pas être un enjeu. Elle revenait jusque-là à l’ensemble Awlad Nacer qui a fait le consensus autour de la candidature de Ethmane Ould Sid’Ahmed Lehbib.

C’est vous dire combien l’ambiance de la saison hivernale est pourrie par la politique qui réussit à rattraper les Nouakchottois, là où ils vont.

lundi 19 août 2013

Jawv Terenni

Nous devons d’abord passer la route qui lie Kiffa à Tintane, une route en construction depuis plus de quatre ans alors que les travaux devaient s’accomplir en 24 mois. Elle arrive, dans sa partie goudronnée, jusqu’aux abords de Zrafiya, juste à l’entrée administrative du Hodh el Gharby. Sur les soixante kilomètres qui restent avant d’arriver à Tintane, il faut suivre des chemins chaotiques, faire des pistes de sable à certains endroits.
Nous croisons une voiture transportant de nombreux passagers, en panne à moins d’un kilomètre de Dev’a. Panne sèche. J’ai l’habitude de m’arrêter dans de pareils cas, mais quand j’apprends la raison de l’arrêt, mon premier réflexe me dicte de quitter. Comment ne pas prévoir sa consommation en carburant quand on fait du transport une profession ?
Les femmes derrière, installées sur le pick-up, ne me laissent pas le temps de réfléchir : «Nous avons une dame qui est en train d’accoucher, nous devons nous rendre d’urgence à Tintane, c’est le seul centre qui dispose de compétence en la matière». Comme je n’ai pas de place, je m’engage à leur faire parvenir du gasoil au plus vite. C’est à Dev’a que j’en trouve. Je reviens pour les fournir et ne peut m’empêcher de faire la leçon au chauffeur qui a fait preuve d’irresponsabilité et de désinvolture.
La route est longue et l’objectif est d’aller jusqu’à Jawv Terenni, à quelques 20 kilomètres au sud d’Aïoun sur la route de Kobenni. Un lieu mythique parce qu’il annonce la proximité d’une ancienne ville, aujourd’hui en ruines, Terenni. Une ville qui a appartenu probablement à l’espace de l’Empire du Ghana dans sa partie berbère sanhadjienne. Personne ne s’est jamais intéressé à cette portion de notre Histoire et personne non plus n’a accordé d’intérêt aux vestiges des anciens temps. Nous avons comme une honte (refoulée) de notre passé. Ce qui est grave et compromettant pour tout ce que nous entreprendrons : tant que nous n’avons pas entamé une réelle réconciliation avec ce passé, il ne faut pas espérer d’avenir radieux pour nous. Mais ça c’est une autre histoire qui mérite plusieurs propos.
La bat’ha descend la montagne pour serpenter ensuite tout au long d’une vallée encaissée, pour s’élargir de plus en plus qu’elle avance au milieu de la pierraille. Des milliers d’années d’activités, de climats contrastés alternant chaleur, froid et humidité, ont produit ce paysage bien organisé malgré le chao qu’il présente. Des blocs de pierre qui se sont détachés depuis des siècles et qui se maintiennent comme suspendus. D’autres qui semblent «vouloir» tomber à tout moment et qui n’effrayent pas l’habitant. Quand on regarde encore les plus petits morceaux de pierre, on a l’impression, en les suivant dans leur succession, que nous prenons la route d’un roulement produit d’un éboulement chaotique qui n’a pas fini de finir… «Pierre qui roule n’amasse pas mousse»… Mais elle produit un effet sur son passage pour créer une image nouvelle, un relief nouveau… et quand finit la pierre apparait un sable d’un blanc immaculé dont les abords sont couverts de verdure (aujourd’hui). Les acacias offrent leur ombre clémente au voyageur heureux. Les vieux jujubiers témoignent d’un temps autrement plus pluvieux, vestiges d’un temps oublié, ils vous promettent une douce production quand viendra le moment de cueillir leurs fruits. C’est une saison où il faut voir Jawv Terenni et …revivre.
La beauté du lieu a donné des idées. C’est ici que quelqu’un (?) a trouvé légal de marquer un territoire en l’entourant d’un barbelé sans doute destiné au tout début à protéger les cultures… avant de finir comme limite d’une propriété privée. Est-ce qu’il faut payer pour accéder à cette partie de la Bat’ha ? est-ce que le propriétaire prend soin de cette partie en empêchant les pollueurs de la ville de sévir ? Je ne sais pas parce que je passerai cette journée dans l’espace «libérée». Une journée où l’ardeur du soleil est tempérée par l’épaisseur des nuages de passage au-dessus de nos têtes, menaçant à tout moment de déverser leurs contenus, se suffisant quand même à laisser tomber quelques fines gouttelettes, ajoutant à la douceur du moment…

dimanche 18 août 2013

Le temps du bonheur

«Thelatun tajli ‘ani ilqalbi il hazen :
El ma u wal khadra u wal wajhu il hasen»
Depuis tout temps, le paradis des nomades que nous sommes commence par la verdure, le mélange avec l’eau pour s’accomplir par la beauté des visages.
Les gens du désert ne demandent pas beaucoup, n’exigent rien quand la nature est clémente. Quand la pluie est au rendez-vous, quand le sol est couvert de verdure, quand les arbres reprennent leurs couleurs… Nous n’avons pas besoin ici des fleurs qui éclosent, juste que l’herbe verdoie.
La saison d’hivernage, si elle est riche, participe à l’apaisement des ressentiments, à l’étouffement de rancœurs, à l’ouverture des esprits. Le moment n’est pas aux confrontations, aux diatribes… «elkheyr ekheyr mne ehlou»… le bien est bien mieux que ses détenteurs… littéralement. En d’autres termes, la prospérité arrive à bout de tous les égoïsmes. C’est forcément le moment du partage : le mieux pourvu pensant obligatoirement au prochain qui n’a pas les moyens. Cela se traduit par «lemniha», une sorte de prêt de bête de traite pendant la période de traite. Tout un chacun est disposé à offrir une partie de ce qu’il a, parfois tout ce qu’il a pour satisfaire le désir de l’autre, étancher sa soif, calmer sa fin.
Pour les gens de la ville – surtout une ville comme Nouakchott – de fuir la promiscuité, la cupidité, l’égoïsme, l’urgence diabolique… fuir tout ce qui stresse et déséquilibre. Les Nouakchottois sont les premiers à quitter la ville qui les rend fousla ville qui entraine le pays dans sa folie.
Imaginons – acceptons plutôt – que 99% des discours violents, des lectures pessimistes de notre présent, des attitudes nihilistes, des positions irréfléchies, des haines irraisonnées exprimées çà et là… que 99% de ce qui inquiète est diffusée à partir de Nouakchott, dans le quartier de la capitale, l’ancien Nouakchott.
Acceptons que le commerce de la contrefaçon commence dès les abords du marché de la capitale, qu’il essaime partout ailleurs, transmettant maladies et intoxications.
C’est dans les salons de Nouakchott que la paresse est cultivée, que l’humanisme est dévoyé, que la solidarité est sacrifiée… C’est ici qu’on se plait à intoxiquer l’opinion, à partager son anxiété et son stress, à les déverser dans les alentours en espérant fonder un changement sur la base d’une violente et dévastatrice secousse…
Une vérité qui vaut encore plus pour les nomades que nous sommes : «les hommes sont comme les pommes, ils pourrissent quand on les entasse».
C’est pourquoi à Nouakchott, la pluie n’est pas synonyme de bonheur et d’espoir. Parce qu’elle pourrit la pestilence déjà établie, corrompt les sens pour les empêcher de savourer la réalité de la nature. La pluie à Nouakchott, fait ressortir ce qui affleure déjà chez tout habitant de cette ville : la pourriture.

Ailleurs, partout ailleurs en Mauritanie, la saison des pluies est celle du bonheur.

samedi 17 août 2013

Le «salaud lumineux» s’est éteint

On lui colle tous les noms là-bas, chez lui. On le soupçonne de tous les maux. Mais on lui reconnait volontiers un sens de l’engagement et de la prise de risque. Ce qui est extraordinaire pour un avocat français comme Jacques Vergès. Du haut de ses 78 ans, Me Vergès aura dominé tous ses protagonistes.
Ici, nous le regardons en héros. Celui qui a défendu la révolution algérienne à travers Djamila Bouhared qu’il épouse après l’avoir arrachée au sort qui l’attendait, est un anticolonialiste qui est de notre côté et pas de celui de l’oppresseur dominant.
Quand il défend Carlos ou George Ibrahim Abdallan c’est encore notre cause qu’il épouse. Et même quand il défend les criminels, nous le percevons ici comme une tentative de narguer les puissants du monde, de provoquer leur ire pour les amener à se remettre en cause.
Il est venu une fois en Mauritanie pour défendre Baba Ould Sidi Abdalla. Il avait alors évoqué cette Sagesse islamique qui condamne deux cadis sur trois à aller en Enfer.
Il est revenu aussi dans le cadre de l’affaire du trafiquant franco-togolais Eric Walter Amegan qui a fini par sortir de prison. Il intriguait à plus d’un titre. Cela lui faisait plaisir, réellement plaisir.
Il m’avait paru à l’époque un homme studieux, à l’écoute, assagi par tant d’années de combats. Il n’était pas extraordinairement chaleureux. Il donnait l’impression de prendre plaisir à se faire courtiser et croyait qu’il intéressait chacun.
Quand le fils d’un ami, à peine âgé de 12 ans lui demande où il était pendant ses années d’absence, son plaisir est énorme comme s’il disait : «Voyez-vous, même un enfant connait ça et cherche à percer le mystère».

La mort de Jacques Vergès reste un évènement pour les générations qu’il a marquées, pour les histoires auxquelles il a été mêlé, pour les répliques qui vont passer à la postérité, pour ses engagements cinglants, souvent courageux, parfois justes.

vendredi 16 août 2013

Où trouver la vérité ?

La situation en Egypte est grave parce qu’elle vire vers une guerre civile qui risque d’avoir ses pendants à l’international. Chaque camp essaye de se faire passer pour la victime. La vraie victime de ces évènements est l’Egypte. En tant qu’entité. Ce vendredi, j’essaye de comprendre.
Sur Al Jazeera, j’apprends que des policiers ont tiré sans discernement sur des manifestants qui voulaient faire un sit-in devant leur commissariat. Bilan : 32 morts parmi les civils. Des milliers de gens convergent vers la mosquée Al Fat’h du Caire pour célébrer le millier de morts de la veille. Sans précédent dans l’histoire de la répression du pays. On voit les images et on entend les commentaires : la Confrérie des Frères Musulmans défend la légalité et exige le retour du Président élu Mohamed Morsi. Elle est victime de la répression de l’Armée qui organise des frappes aériennes avec Israël contre des positions dans le Sinaï.
Sur Al Arabiya, un commissariat a été attaqué par un groupe armé. C’est l’Armée qui a sauvé la situation par son intervention. Les assaillants lourdement armés ont été tous tués. (C’est le commissariat de tout à l’heure sur Al Jazeera). L’Egypte est victime d’un complot international dont les Frères Musulmans sont le fer de lance. La Confrérie pousse vers la guerre civile par ses attaques contre les églises coptes et contre tous ceux qui ne sont pas de son côté. La Confrérie utilise les méthodes de la franc-maçonnerie et ne peut plus descendre dans la rue. Les images qu’on montre des rues sont plutôt désertes. Les quelques manifestations sur lesquelles les caméras sont braquées sont constituées de foules clairsemées…
Dans la mosquée où j’ai l’habitude de prier le vendredi, l’Imam n’est pas direct mais il invite à dénoncer l’oppression et l’arbitraire, à soutenir le Croyant dans sa lutte contre l’arbitraire. Pour lui, il ne faut pas se suffire de la condamnation verbale, il faut combattre l’arbitraire et l’hérésie là où cela se manifeste. Mais il ne nous dit pas où est l’arbitraire qu’il dénonce pour la première fois et qu’il nous engage à combattre pour la première fois, depuis qu’il est Imam de cette mosquée. Est-ce celui que certains d’entre nous souffrent pour être mal-nés ? ou celui que certains d’entre nous exercent parce qu’ils ont les moyens de le faire ?
Je comprends difficilement ces prises de conscience passagères qui inspirent nos Ulémas et notre élite religieuse en général quand il s’agit d’Egypte, de Palestine, de Syrie… Pourquoi ne s’émeuvent-ils pas de ce qui se passe au Bahreïn où une minorité exploite, réprime dans le sang et réduit à l’esclavage une majorité au nom de l’appartenance religieuse ? Pourquoi ils ne s’intéressent pas à ce qui se passe dans nos Kebbas, dans nos Adwabas, dans nos villes et dans nos campagnes ? Pourquoi mangent-ils dans les mains de ceux qui détournent, pillent et dilapident nos biens destinés au développement de notre pays ? Pourquoi reçoivent-ils – et avec tous les égards – les «Mufcidine» (prévaricateurs), les tortionnaires de tous temps, les voleurs, les trafiquants… ? Pourquoi ?

Pour revenir à l’Egypte, comment avoir la vérité ? comment savoir quel camp a raison ? à travers quel prisme ? et quelles grilles de lecture ?

jeudi 15 août 2013

Les «avances» du Président

C’est sans doute sur la question des élections que le Président de la République était le plus attendu. Et c’est sans doute pourquoi c’est sur cette question qu’il a été le plus prolixe et le plus clair. Après avoir rappelé que la question est du ressort exclusif de la CENI, il a fixé ce qu’il estime être un maximum acceptable à son avis : report de quelques semaines (trois au plus), ouverture de la CENI aux partis de la COD et création d’un Observatoire des élections. Tout en rejetant l’idée d’ouverture d’un nouveau dialogue, il a déclaré sa disponibilité et celle de son camp à discuter de tout avec tous les partis politiques. Le ton était très posé, ce qui a ajouté au caractère solennel des propos.
Au lendemain de cette sortie, les «avances» du Président n’ont pas fait l’objet d’un commentaire officiel de ses protagonistes. Quelques voix marginales plus ou moins excessives çà et là mais pas de communiqué. Alors ?
La situation en Egypte a occupé les plus actifs des acteurs : toute leur attention est captée par le déroulement des tragiques évènements de là-bas. Mais on peut cependant extrapoler pour comprendre quelles chances d’aboutir peuvent avoir ces avances.
Les propos du Président ont levé l’équivoque quant au report des élections. Les dernières semaines, tout le monde, y compris dans le camp de la Majorité, avait douté qu’elles puissent se tenir dans les délais fixés. Comme à l’accoutumé, les médias «indépendants» (ou non) ont fait courir l’information selon laquelle, le Président de la République aurait accepté le report quand Ould Boulkheir, le Président de l’Assemblée en avait discuté avec lui. Au lendemain de l’intervention de Ould Abdel Aziz, on a remarqué une ruée vers les centres d’inscription sur les listes électorales. Ce qui laisse prévoir un bon taux d’inscription d’ici la fin des délais.
Si les taux sont élevés, les enjeux seront grands. Plus les enjeux locaux sont importants, plus la participation sera grande. Ce qui affectera les effets de l’appel au boycott. Si le mot d’ordre de boycott n’est pas suivi, ce sera un revers (de plus) pour la COD qui appelle depuis trois ans à la révolte contre le pouvoir.
«Empêcher le déroulement des élections», c’est ce que promettent les protagonistes du régime, tout en précisant «par les moyens démocratiques et civilisés». On peut imaginer d’ici les uns et les autres des cadres politiques plutôt s’aligner derrière tel ou tel cousin et/ou allié pour permettre sa victoire contre «l’ennemi principal» qui peut être un autre cousin ou un protagoniste historique. On ne peut pas en tout cas imaginer le pouvoir décréter ou accepter l’idée d’un report sine die synonyme d’une victoire politique des opposants. Ce serait un cadeau à une Opposition qui a jusque-là été incapable de déstabiliser le régime, au moins par les moyens légaux. En politique on ne fait pas de cadeau.
D’autant plus qu’il reste un atout entre les mains du pouvoir, un atout dont l’utilisation peut lui faciliter les choses. Imaginons un moment que dans deux, trois semaines, le Président Ould Abdel Aziz décide de dissoudre le Parlement, nous serons alors devant l’obligation, pour tous, d’organiser des élections dans un délai de soixante jours. Tous seront obligés d’aller à cette échéance qui aura force de loi (ce sont les délais prévus par la Constitution) : le souci pour le régime ne sera plus de faire des concessions pour permettre la participation de tous. Que fera alors l’Opposition ?
Pour éviter de se mettre face à un dilemme inextricable, l’Opposition – la COD – doit reprendre l’initiative en proposant des mesures concrètes qui l’amèneront à participer aux élections, quelque chose qui puisse faire passer le cap du rejet et de la haine. Se demander qu’est-ce qui peut garantir la régularité du scrutin en plus de la mise en place d’une CENI chargée du déroulement de toute l’opération : de l’établissement des listes électorales à la déclamation des résultats en passant par l’organisation du scrutin, la constatation des insuffisances… Mais du concret. A défaut de pouvoir imaginer une formule pour s’accepter, l’Opposition se condamne comme elle s’est condamnée en 1992.

mercredi 14 août 2013

Le Président de la République a parlé

Près de quatre heures de temps dont une heure dix pour une introduction qui a fait le bilan des quatre années passées de son mandat. Avant de donner la parole aux intervenants.
Sur la forme, le temps pris par la présentation était long, ce qui lui donnait l’aspect d’un exercice laborieux difficile à suivre pour le récepteur. Il est nécessaire de trouver une formule pour alléger considérablement cette présentation pour permettre aux auditeurs de suivre et de retenir les chiffres. Soit en l’éclatant en axes distincts, soit en résumant, soit en distribuant des fascicules au préalable…
Deuxième remarque : le Président a regretté à la fin l’incapacité «technique» des médias à faire de l’exercice une «véritable rencontre avec le peuple». C’est vrai qu’entre les appels téléphoniques impossibles à gérer et qui finissent toujours sans avoir commencé, les intervenants sur place qu’on choisit sans savoir pourquoi et les journalistes sur le plateau qui évoquent surtout des questions d’actualité, entre tous ces gens on se perd facilement. Pourtant la TVM avait préparé un micro-trottoir ce soir-là qu’elle n’avait pas présenté, pourquoi ?
La mise en scène globale est très professionnelle avec les décors de nattes traditionnelles comme arrière-fond et le face-à-face avec un espace ouvert où sont rassemblés ceux qui sont venus suivre l’entretien… «Suivre» ? C’était difficile à suivre à cause des fous, des excités de tous genres qui venaient à portée de voix du Président, parfois pour vilipender le gouvernement, la presse, les élus…, parfois pour crier leur soutien…, toujours pour perturber le bon cours de l’exercice. Des meetings se forment en marge et au moment où le Président de la République explique. Comment alors suivre ? Visiblement, la sécurité a reçu instruction de ne brusquer personne, quoi qu’il dise. Parce qu’on a vu ses éléments se contenter de demander gentiment aux crieurs publics de se taire ou d’attendre d’avoir la parole, mais jamais de violence.
Sur le contenu du discours et en attendant de vous livrer une lecture complète (dans l’édition papier du journal La Tribune de lundi), je reviens sur quelques axes qui me semblent saillants.
Sur les élections :
Après expliqué le processus par lequel est passée la décision de convocation du collège électoral, décidée d’abord par la CENI qui demande au gouvernement d’adopter le décret, le Président s’est dit prêt à accepter toute mesure pouvant permettre de faire participer tous les partis politiques. «Seulement, les élections ne peuvent plus être reportées sine die, peut-être une, deux et même trois semaines…» Mais il s’est déclaré favorable à l’ouverture de la CENI aux partis qui jugeraient cela utile et rassurant. Il a aussi évoqué la possibilité de créer un Observatoire des élections dont il faudra définir les missions et les rôles. Ouvert à tout ce qui peut permettre d’amener les autres partis au jeu politique.
Sur la lutte contre la gabegie :
La volonté de lutter contre la mauvaise gouvernance est toujours forte pour lui. Elle n’épargne personne. La preuve pour lui, c’est que la plupart de ceux qui ont été «touchés» appartiennent à la sphère de ses soutiens. Soulignant que les inspections de l’Inspection générale d’Etat (IGE) ont permis de récupérer près d’un milliard cinq cents millions (1.480.521.788 UM). Non il ne croit pas que l’administration souffre des mêmes problèmes de gabegie d’avant. Il estime aussi que les prévaricateurs d’antan peuvent faire leur repentir et ne doivent en tous cas payer pour les forfaitures commises au temps où il leur était permis de les commettre. Un adoucissement de langage vis-à-vis de cette frange de cadres qui ont symbolisé la mauvaise gestion d’une période donnée. Le Président a précisé que c’est grâce à la rationalisation des dépenses publiques, aux contrôles multiples et à l’exigence de bonne gestion que l’Etat a pu financer une grande partie des projets en cours de réalisation.
Si les entrées au niveau des douanes et des impôts ont été considérablement augmentées, ce n’est pas à cause de nouvelles taxes, mais parce que le recouvrement est plus efficace et touche désormais l’ensemble des opérateurs. Sur les 7 premiers mois de 2013, les impôts ont déjà recouvert près de 90 milliards plus que six années cumulées sur les années d’avant 2010. Pas parce que de nouvelles taxes ont été décidées, mais simplement parce que les autorités sont revenues à la vérité de l’assiette imposable et que le recouvrement est efficace.
Sur la modernisation de l’administration :
Le Président a noté la réhabilitation de l’ancienne ENA et sa transformation en Ecole d’administration, de Magistrature et de journalisme (ENAJM) pour lui permettre de former selon les critères modernes et de proximité avec le peuple. Il a aussi insisté sur l’existence d’une Commission nationale des concours qui a permis de pourvoir 6461 postes à travers 47 concours dont les conditions de transparence et de régularité sont reconnues par tous. C’est en fait avec des outils comme celui-là que la Mauritanie peut s’assurer d’avoir l’élite qui convient, restera la problématique de la gestion des carrières. La rigueur qui a caractérisé le concours de recrutement doit être la même pour le cursus professionnel des individus pour permettre la promotion de la qualité et de l’efficacité. En attendant, 6461 jeunes mauritaniens auront été admis pour leurs compétences, pas parce qu’ils auront bénéficié de coup de pouce comme cela se faisait. C’est déjà ça de gagné !

(La sortie fait l’objet d’un long article dans l’édition de cette semaine du journal La Tribune)

mardi 13 août 2013

Le Président à Néma

L’avion présidentiel atterrit vers onze heures trente du matin. Les pluies du matin et celle de la veille humidifient l’atmosphère et rafraichissent l’atmosphère, empêchant la chaleur «naturelle» de Néma de frapper comme à l’accoutumée. L’intérêt de venir ici en cette période est celui-là aussi : la clémence de la nature qui offre tout ce qu’elle a de beau et de bien. Cela se reflète sur la nature et sur ses habitants.
A l’aéroport de Néma, véritable gâchis pour un pays pauvre qui possède une telle infrastructure sous-utilisée, des centaines de gens s’agglutinent pour saluer le Président. Le fameux «toucher présidentiel» qui procure à son auteur une immense fierté, comme s’il s’agissait d’une baraka qui fera l’effet d’une onction bénie. Le Président tient à saluer tout le monde. Chacun tient à saluer le Président. Résultat : les rangs se défont pour se refaire un peu plus loin. Cela prend le temps qu’il faut : une bonne heure.
L’accueil est fastueux du point de vue de la présence humaine et du déploiement des traditionnels défilés de cavaliers et de chameliers. Ils sont venus de partout de la région pour crier leur «timjida», ce patronyme qui colle à chaque ensemble pour le distinguer des autres et qui sert à exciter la communauté et les individus dans les moments où l’on a besoin d’exciter en eux bravoure et générosité.
C’est «Ejom» quand on passe devant les Ijoumâne, «Ejad» pour les Kounta, «Dicko» pour les guerriers en général (ici les Awlad Dawoud), «Babiih» pour les Tajakant… chaque ensemble veut marquer sa présence. Parce que chaque ensemble est supposé mobilisé autour de l’un ou de plusieurs de ses ressortissants qui se trouvent être des cadres de la République. Il faut bien que l’on sache, là-haut, que ces cadres ont «fait venir» les leurs. Extrêmement important pour eux, surtout qu’il a été question du «boycott par les populations de la visite». Aucune adversité ne semble perturber pourtant le cours de la visite. Sur le tracé du parcours, des milliers de gens, marchant, à dos de cheval ou de chameau, portant des portraits du Président Ould Abdel Aziz… aucune manifestation hostile quelle qu’en soit l’ampleur.
La capacité hôtelière de la ville est presque nulle : deux hôtels d’une trentaine de lits. Des milliers de gens arrivent des autres régions de Mauritanie. En plus de la délégation présidentielle. On fait comme on peut. C’est l’habitant qui reçoit et on doit se suffire de ce qu’on trouve. C’est ce qui permet de résorber les problèmes de résidence : personne ne s’attend au faste et au confort absolu et chacun aura sa portion d’aise qui lui permettra de rester le temps de participer à la fête.
La fête, c’est ce soir, c’est le face-à-face avec le Président. Que va-t-il dire ? comment va-t-il le dire ? qui posera les questions en plus des journalistes sélectionnés pour le faire ? quelles questions seront posées ?

lundi 12 août 2013

La ruée vers l’Est

C’est le temps d’aller vers Néma, l’extrême sud-est du pays. C’est ici que la prestation annuelle du Président de la République aura lieu. Cette quatrième édition des «rencontres avec le peuple» se tient donc dans la capitale du Hodh Echergui, en ces temps d’hivernage relativement clément. Un acte de communication qui prend une dimension autre pour différentes raisons dont la raison «climatique».
L’hivernage, déjà pluvieux (al hamdu liLlah), inspirera certainement quelques gaités à l’évènement. La verdure, l’eau et les gens heureux, les ingrédients d’un bon passage d’épreuve. La période correspond à l’ère de prospérité pour l’habitant qui n’a qu’une seule crainte : que le ciel s’arrête de pleuvoir (voir le titre inspiré du roman de Beyrouk).
La relation qu’on entretient ici avec la pluie est incompréhensible ailleurs, même pour les peuples les plus ancrés dans le système de production agricole. Ailleurs, la pluie permet de se mettre au travail, en fouillant, en bêchant, en labourant… Ici, elle permet de se reposer, de reprendre son souffle, de restaurer sa force pour tenir devant les jours «secs» (qui sont plus nombreux que les jours humides).
On scrute l’horizon avec l’espoir de voir le ciel couvert et menaçant… non ! pas «menaçant», même si l’on perçoit le phénomène comme l’une des manifestations de la Toute-puissance divine. En fait, quelque soit la force de l’orage qui s’annonce, la couleur du vent qui se lève, on est envahi par un fol espoir de revoir le sol trempé, les effets trempés, la nature lavée de toutes les souillures qui l’ont affectée. Ailleurs, «après la pluie, le beau temps», ici c’est avant, pendant et après que nous avons le «bon» temps… Le «bon» temps, nous le préférons au «beau» temps. Il suppose une dose de clémence, de générosité, de mise en condition… il est le temps du bonheur pour les habitants qui ont le loisir de paresser en regardant les troupeaux paître tranquillement, en attendant le retour, le soir venu, des bêtes de traite qui n’ont plus à s’éloigner des enclos pour brouter et satisfaire leurs besoins en nourriture fraiche, qui n’ont plus besoin donc de surveillance… Pour quelques temps, c’est le relâchement de cette tension qui accompagne toute l’année. Pour quelques temps, c’est le faste qui gagne. Le temps de la poésie, de la musique, des amours aussi. Le temps du voyage enfin : de campement en campement, aujourd’hui de ville en ville. Quoi de plus excitant pour le nomade que de faire la seule chose dans laquelle il excelle : la transhumance ?
Il ne faut pas s’étonner aujourd’hui de voir cette ruée vers le Hodh. Elle s’explique certes par le temps «politique», mais elle est surtout un phénomène de saison. Choisir de placer l’événement de la sortie présidentielle en ce moment au Hodh, est donc un acte bien réfléchi de communication.

dimanche 11 août 2013

Le boycott ou le report ?

Après l’annonce de la convocation par le gouvernement du collège électoral devant élire les conseils municipaux et les membres de la future Assemblée nationale, les réactions ont été immédiates.
Dans le camp de la COD, on a annoncé immédiatement vouloir s’acheminer vers un boycott de l’échéance. Chaque parti a laissé ses intentions «fuiter» pour constituer des annonces de première page dans les sites proches ou non de son point de vue. Derrière la violence verbale qui a accompagné les différentes annonces, se cache (mal) la difficulté de pouvoir justifier, avec propositions alternatives concrètes à l’appui, les raisons de ce boycott. Bien sûr qu’on a rappelé la nécessité d’écarter les gouvernants actuels, «disqualifiés par les exercices passés». Une manière de continuer à s’accrocher au leitmotiv stérile du «rahil».
Puis on a remis sur la sellette l’initiative du Président Messaoud Ould Boulkheir, d’une part pour exciter l’homme contre le refus de répondre à ses attentes, d’autre part pour réactiver la vieille proposition d’un gouvernement d’union nationale. La démarche a (relativement) payé.
Parce que le pôle de la Coalition pour une alternance pacifique (CAP) a commencé par hésiter et à poser des conditions comme s’il n’était pas co-auteur du processus qui devait fatalement ouvrir sur des élections plus ou moins consensuelles. Prétextant que la décision de convoquer le collège électoral a été faite sans la consultation du groupe de suivi des résultats du dialogue. Alors que la loi ne prévoit pas l’implication d’une telle structure dont le travail consistait à faire aboutir tous les textes de lois établis lors du dialogue entre cette partie de l’Opposition et le Pouvoir. L’un des résultats du dialogue étant la mise en place d’une CENI qui prend en charge et complètement les élections. Le choix de cette CENI a d’ailleurs été fait en commun accord entre les «dialogueurs».
Même dans le camp de la Majorité, des voix se sont élevées pour dire qu’il ne restait pas assez de temps pour choisir les candidats au niveau de toutes les circonscriptions électorales. «Les missions de l’UPR viennent de partir et les dépôts des listes communales doit se faire à partir du 13 août…»
Toutes ces hésitations et ses commentaires créent une atmosphère qui rappelle l’avant-6 juin, quand le candidat Ould Abdel Aziz s’obstinait à fixer le 6 juin (6/6), alors qu’il engageait des négociations à Dakar. Avec cette (grande) différence : il n’y a pas de négociations en cours pour trouver un terrain d’entente. D’ailleurs, les protagonistes politiques mauritaniens ont perdu le contact depuis début 2011 quand ils ont choisi de s’invectiver par voie de presse au lieu de discuter tranquillement derrière les rideaux. Que peut-on espérer aujourd’hui ?
Deux scénarii :
·         Les choses restent tel quel, sans concession de l’un ou l’autre des protagonistes, sans facilitation. Les élections se feront avec ceux qui les accepteront, à savoir ceux de la Majorité et de la CAP qui ne se dédiront pas en cours de route. Avec aussi les nouveaux partis, ceux des jeunes notamment. Le syndrome de 1992 est là : avec une dominante très prononcée Pouvoir et une mise à l’écart de l’Opposition qui devra lutter pour ne pas rester définitivement sur le carreau.
·         On arrive à une formule où l’on verrait les élections reculées, probablement une ouverture plus ou moins conséquente de la CENI au pôle de la COD, la nomination d’un ministre de l’intérieur plus ou moins proche de cette Opposition radicale… ou même la constitution d’un gouvernement d’ouverture… On voit bien que c’est le jeu que tente de faire aboutir la CAP dont certaines des composantes ne veulent pas d’élections à terme. Si l’on trouve une formule, le Pouvoir pourra s’éviter des élections décrédibilisées par l’absence d’enjeux politiques et risquées pour le peu d’intérêt qu’elles susciteront.

Tout est possible en Mauritanie et avec les acteurs que nous avons. Parce que ce qui les sépare ne relève pas de l’analyse froide, ni de l’appréciation raisonnée, encore moins de la démarche équitable. Ce qui les sépare, c’est d’abord l’aversion qu’ils ont les uns pour les autres, l’impression qu’a chacun de s’être laissé avoir par l’autre, la conviction chez chacun qu’il n’y a pas assez de place pour tous…

Le jour où chacun acceptera que c’est à lui-même qu’il doit s’en prendre pour ses échecs, le jour où chacun acceptera de reconnaitre ses erreurs pour ne jamais les répéter, le jour où chacun assumera ses choix et jouera franc-jeu, le jour où chacun saura exactement ce qu’il veut, le jour où chacun s’occupera plus d’arriver à dessein que de travailler pour l’échec de son voisin…, ce jour-là, nous établirons les passerelles pour un dialogue serein, nous nous écouterons les uns les autres et nous saurons que pas grand-chose ne sépare les protagonistes politiques de chez nous, qu’ils auraient pu se retrouver dans la même formation ou du moins converger vers l’intérêt général de la Nation.

samedi 10 août 2013

Incorrigible Justice !

Le pays a beau vouloir lancer un nouveau code d’investissements, créer une Zone Franche, offrir les meilleures conditions pour les investissements…, il n’en fera jamais assez pour garantir aux investisseurs la fructification de leurs capitaux si le système judiciaire continue de donner des signes notoires de faiblesse, d’incompétence et/ou d’inféodation.
Les récentes mesures de mise en liberté conditionnelle après dépôt de cautions de personnes accusées à tort ou à raison d’avoir dilapidé les biens publics ou d’avoir usé de corruption, ont révélé combien la réforme de la Justice est encore à faire. Dans l’urgence si l’on veut que les efforts entrepris soient couronnés de succès…
Une réforme avortée en 2007 après un bon départ. En effet, nommé inspecteur, le Magistrat Seyid Ould Ghaylani diligente une enquête menée dans les règles de l’art. Cette enquête permet d’identifier une trentaine de Magistrats aux méthodes plus ou moins récusables. Il propose au Conseil de la Magistrature qui se tient sous la présidence du chef de la junte de l’époque de procéder à la radiation de dix d’entre eux et à la rétrogradation de la vingtaine restante. Sur la base des preuves apportées et après avoir entendu les intéressés.
Pendant l’enquête et juste à la veille de la tenue du Conseil en question, éclate le conflit entre quelques jeunes Magistrats et leur tutelle. Six d’entre eux démissionnent. Entretenant l’amalgame autour des deux dossiers (qui n’ont rien à voir pourtant), le Président du Comité militaire et président du Conseil de la Magistrature accepte cette démission mais refuse à son ministre de prendre les mesures de rétorsion contre ceux des Magistrats accusés d’incompétence ou de corruption. Prétextant que ce «travail de fond» devra être entrepris par les autorités «légitimes». Alors que l’un des engagements du CMJD était de réformer la Justice…
C’est ici qu’il faut situer l’avortement de la réforme effleurée en cette période de transition. On n’y reviendra plus. Tous les projets visant à améliorer les prestations de la Justice sont abandonnés ou mis en œuvre sans conviction.
Le département sombre aujourd’hui dans un état de pourrissement où l’on se demande désormais à quoi servirait l’indépendance de l’Appareil judiciaire si ceux qui ont en charge de prononcer et d’ordonner l’exécution des jugements, si ceux-là sont dans l’incapacité intellectuelle ou morale de rendre justice ? 

vendredi 9 août 2013

L’excuse, toujours présente

L’excuse – pas au sens de la reconnaissance de son erreur et du repentir, mais au sens du (faux) prétexte pour justifier la faute – est une spécialité de l’homme mauritanien qui n’arrive jamais ou pratiquement jamais à reconnaitre son erreur.
L’autre jour, je m’apprêtais à passer un feu qui a viré au vert au moment où je l’atteignais, une petite (et vieille) voiture a failli me percuter parce que le chauffeur avait brûlé le feu. Situation anodine à Nouakchott où le respect du code de la route est une valeur absente. Seulement, je fus choqué par la voiture qui arborait fièrement les plaquettes de «l’auto-école Tijikja». Ma relation sentimentale avec l’une des plus vieilles cités de Mauritanie, une cité qui a donné beaucoup de cadres qui ont loyalement servi ce pays, une cité où le taux de diplômés est certainement supérieur à la moyenne des autres régions…, cette relation avec la ville m’interpella. Surtout qu’il s’agissait d’une auto-école, là où l’on apprend aux autres à conduire les voitures, là où l’on enseigne les règles du code de la route… Je ne devais pas laisser passer. Je fais en sorte d’être au niveau du chauffeur pour lui demander : «Comment un maître d’auto-école peut brûler un feu rouge ?» et lui de répondre : «Je ne l’ai pas vu».
Aqbahu maa qiila vil i’tidhâri, l’une des plus moches excuses qu’on puisse avancer en pareil cas. Mais le Mauritanien ne se gêne jamais : ce n’est jamais de sa faute s’il commet une bourde, s’il enfreint une loi, s’il commet une injustice… C’est toujours «mahu ibghardhi» (cela ne découle pas de ma volonté). Vous n’entendrez jamais : «Pardon, c’est de ma faute», «toutes mes excuses, je n’ai vu que je commettais une faute»… mais plutôt «tu étais trop prêt», «je n’ai pas vu mais je suis déjà là», «tu m’as perturbé»…

C’est bien parce que nous ne reconnaissons pas nos fautes que nous les répétons. C’est parce que nous répétons les mêmes fautes que nous avons l’impression que l’Histoire bégaie et qu’elle nous fait constamment revenir sur nos pas. Et c’est bien parce que nous revenons constamment sur nos pas que nous n’avançons pas.

jeudi 8 août 2013

Jour de fête et barbe noire

Nous n’avons pas eu à attendre toute la soirée : très tôt, la commission de surveillance des mouvements lunaires a déclaré que le jeudi sera le jour de fête, la fin du jeûne. Le discours du Président Ould Abdel Aziz avait été enregistré à toutes fins utiles.
On le voit debout, avec une barbe. C’est un nouveau look qui doit vouloir dire quelque chose sinon pourquoi l’adopter ?
La station debout rompt avec le traditionnel discours déclamé derrière un bureau avec en arrière-plan une bibliothèque qui comprend entre autres «Kitab al aghani» de son auteur Abu Faraj al Asphahani, une sorte d’encyclopédie éditée en 25 volumes pour environ 10.000 pages. Rassemblée en 897à Ispahan (Isphahâne en Arabe), cette encyclopédie a servi à passer à la postérité une partie du patrimoine poétique de la sphère arabo-islamique, avec explication de textes et de contextes. On ne sait pas quel lien entretiennent nos présidents avec cette encyclopédie, s’ils la lisent par exemple ou s’il s’agit tout simplement d’un décor. Depuis le temps qu’on se pose cette question sur les éléments visibles de cette bibliothèque présidentielle présentée toujours comme arrière-plan des sorties du Président. Le choix de faire le discours debout, signifie-t-il le début d’une nouvelle ère dans la construction de l’image présidentielle ?
Arrive la barbe qui semble être une «survivance» du Ramadan. Du coup on peut penser qu’on trouve en haut-lieu que la barbe est un signe religieux prononcé, qu’elle est quelque part la preuve d’un aboutissement religieux. D’ailleurs le Président Ould Abdel Aziz avait dit dans l’un de ses discours «vifs» en s’adressant à ses détracteurs : «…ils ont des barbes et ils mentent…», comme si le fait d’en avoir signifiait quelque chose en termes de piété et de rigueur morale.
Pour célébrer l’évènement et ne pas rester indifférent au nouveau look du Président de la République, j’ai choisi de vous proposer en lecture le seul «traité» connu sur la question, le Mauritanides de Habib Ould Mahfoud sur La barbe, traité à méditer en la circonstance :

«Il faut bien qu'un jour ou l'autre la question vous rattrape: "Pourquoi ne laisses-tu pas pousser la barbe?" Pendant le Ramadan les risques de s'entendre poser cette terrible question poilue sont multipliés par 30.
La barbe a toujours été l'un des moteurs de l'histoire de l'homme. Dans un remarquable ouvrage sur la question, bizarrement élaboré par 3 femmes et, moins bizarre, édité avec la collaboration de Gillette chez Nathan, on apprend par exemple que la barbe se déploie avec 15000 poils, pousse de 14 centimètres par an et que son rasage prend 6 mois de la vie d'un homme. Un homme qui ne se raserait pas aurait une barbe de 9 mètres de long à la fin de sa vie (espérance de vie européenne, bien entendu, l'Africain aura une barbe moins longue de 30 ans).
"Pourquoi ne te laisses-tu pas pousser la barbe?"
La barbe, mon vieux, c'est toute une histoire. Le philosophe polonais Jerzy  Jedlicki, "père de la barbologie politique", s'intéresse de très près à "la dialectique des poils et du pouvoir". Il s'en est expliqué à un magazine français (EDJ, 10-9-92): "A toutes les époques, dans toutes les cultures, le pouvoir s'est intéressé à la manière de se coiffer de ses citoyens. Il voyait dans leurs cheveux et leur barbe un symbole du soutien ou de l'opposition à son égard... C'est vrai que ces dernières années le pouvoir s'est moins occupé du poil des citoyens. Mais le conflit à ce sujet peut reprendre d'un moment à l'autre. Il suffit d'observer les rapports entre les états arabes laïcs et les barbus islamistes pour s'en convaincre".
Remontons un peu dans le temps pour voir quand est-ce que ce problème a commencé à se poser. Contrairement à ce que les mauvais esprits pourraient penser, la barbe ne s'est pas imposée aux premiers musulmans parce qu'il n'y avait pas mille façons de se raser. (L'histoire du rasage signalée plus haut distingue  l'âge des cavernes où l'homme se valait avec un silex, puis la période romaine où l'on se dépilait avec de la graisse d'âne, du sang de chauve-souris et de la poudre de vipère, puis la période allant de la chute de l'Empire romain d'Occident (476?) à 1900 où l'on se rasait à coups de bidules genre couteaux. Il fallut attendre 1972 pour voir le rasoir à double lame, 1979 pour le rasoir à tête pivotante).
Non ce n'est pas faute de moyens de rasage qu'on se laissait pousser la barbe aux premiers temps de l'Islam. C'est plus profond, si l'on ose dire. A la base du port de la barbe se trouve le besoin de fuir la Fitna (séduction trouble, sédition) qu'occasionnaient, bien sûr, les femmes, mais aussi les jeunes garçons sans barbes (Amrâd). Il ne faudrait pas oublier que l'homosexualité et la pédérastie étaient choses courantes en ces temps-là à tel point que Quanâwi, dans son "Kitab Fath'al Rah'man", écrit, page 16: "Le jeune garçon imberbe est comme une femme. Pis encore, le regard porté sur lui est autrement criminel que celui qui est porté sur une femme étrangère". Et de conseiller aux maîtres des écoles coraniques, qui sont de par leur fonction, "hélas, en contact avec les garçons sans barbes", de tourner le dos à leurs élèves pour ne pas succomber à la tentation.
Ibn Al Wardi dans sa fameuse "Lamia", cite parmi "les choses" à fuir les chansons, les poèmes d'amour, le vin, les farceurs, les belles femmes, les instruments de musique et les garçons imberbes sur lesquels il insiste par le vers: "Ne te laisse point égarer par leurs croupes dodues et séduisantes". Là, évidemment, Ibn Al Wardi confond le côté pile avec le côté face mais, enfin, on ne va lui tenir rigueur de ne rentrer dans notre démonstration.
Si un homme vous demande donc de vous laisser pousser la barbe, répondez-lui que vous êtes déjà marié. Comprenez aussi que vous le troublez ou qu'il craint de se laisser séduire par votre menton glabre comme un genou. C'est un problème de tentation. La barbe fut à l'honneur ainsi chez les anciens Arabes qui étaient au moins aussi farfelus que les Punks de notre époque barbare, si l'on en croit Mazahéri: "Ainsi, un bourgeois promenait une belle barbe demi-teinte soit en bleu, en jaune, en vert ou en rouge. Un ouvrier ou un esclave avait une petite barbe taillée court. Les notables, médecins, cadis, professeurs, imams avaient le menton orné d'une très longue barbe blanche comme neige, tandis que celle des militaires se partageait en deux touffes du plus noir". (In "vie quotidienne des musulmans", p. 70).
Je préfère ne pas penser à ce qu'aurait pu être une réunion du Comité militaire de Salut national de cette époque-là. Actuellement nous n'avons que le très pieux ministre de la Défense, le colonel Minnih, qui fait des efforts méritoires en arborant un bouc de taille modeste. Il attend sans doute le prochain remaniement ministériel pour le partager "en deux touffes". Mais il teindra sans doute sa barbe en jaune et vert, lui.
Notre président lui s'est épargné les affres du choix des teintures en se rasant chaque matin. Aurait-il eu à teindre sa barbe qu'il l'aurait teinte, vous l'avez déjà compris, en blanc avec une très belle diagonale bleue.
Ahmed Ould Sidi Baba, le président du RDU, aurait eu une barbe bleue, Ould Mah une jaune, Mustapha Ould Mohamed Salek une barbe orange et Ould Daddah une barbe blanche.
Vous savez ce qui tue notre gouvernement? L'absence de barbe.
Oh! Il y a bien ça et là quelques maigres touffes de poils mal irrigués, quelques mentons qui piquent, mais pas de barbe vraiment conséquente. Le ministre de la Justice a bien 4 à 5 centimètres de barbe mais il a intérêt à se raser au plutôt. S'il continue à se singulariser, on va le trouver suspect.
Cette tragique absence de barbe convaincante chez nos gouvernements s'explique peut-être par ce passage du traité de Shams Dine Al Ansari, "Kitab Siâssa Fi Ilm il-Firâssa": "L'homme supérieur, raisonnable, intelligent, philosophe éveillé, averti, savant, fin connaisseur des hommes, est un homme qui porte une barbe..." CQFD.
Allez, revenons. Le port de la barbe est donc d'abord une distinction, une marque de virilité affichée, un refus d'amour homosexuel, une protection en quelque sorte de soi, mais aussi des autres, de "la tentation". Ce serait une provocation de se raser la barbe et s'exposer ainsi aux regards des autres hommes.
Au début de ce millénaire, les hommes "sans barbe" comme nous avons dit étaient très prisés et pas seulement les "ghilmân" si chers à Abu Nawas. Ibn Youssef At Tifashi (mort en 1253) dans un traité inédit très cru consacre de longs chapitres à la manière de repérer les jeunes imberbes qui se prostituent et comment les séduire (Nuzhat Al Albab... cité par A.W. Bouhdiba, p. 175 de l'Essai sur la sexualité en Islam). Un manuscrit de la même époque, signalé par Al Munajjid, traite du même sujet en plus de 2000 vers. Ainsi de suite...
Plus le temps passait, plus la barbe s'affichait comme un signe de respectabilité. La mythologie grecque a rendu célèbre la barbe des satyres. Dans la civilisation arabe le satyre justement n'a pas de barbe. Et ceux qui les séduisent non plus.
Tout se passe comme si l'Arabo-musulman passait son temps à se boucher les oreilles pour ne pas entendre la syrinx de Pan et à se fermer la bouche pour ne pas en jouer. La barbe constitue chez nous un enjeu beaucoup moins anodin qu'on ne le croit.
Au cours des siècles, les chevelus de la planète allaient donner à la barbe une valeur hautement subversive. La barbe depuis le XIXème siècle rime désormais avec contestation de l'ordre établi. Le pouvoir était glabre et bien coiffé (on se rappellera de la touffe hirsute du baathiste en chef Khattri Ould Jiddou qui allait s'assagir et diminuait à mesure qu'il se confirmait dans son poste gouvernemental. Même processus pour le nassérien Rachid Ould Saleh).
Des révolutionnaires russes aux joyeux chevelus des sixties, la barbe avait épousé le non. Les Islamistes ramenèrent la barbe sous les feux de la rampe à la fin des années 70 avec l'accession au pouvoir en Iran d'un mégabarbu du nom de Ruhollah Khomeiny. Le Moyen-Orient est traditionnellement terre chevelue depuis Enoch (Idriss).
De 1980 à 1988 eut lieu la première grande confrontation entre attributs pileux. Irak contre Iran. Moustaches contre barbes.
Dans notre histoire à nous, le poil fut à l'honneur chez les Kadihines, le plus puissant mouvement de contestation que connut le pays. Avec la démocratisation le seul parti non autorisé fut l'Oumma qui regroupe des Islamistes de tout poil. L'homme qui rata la présidence d'un cheveu, à la tête de l'opposition fut le (légèrement, c'est vrai) barbu : Ahmed Ould Daddah qui devint ainsi la bête noire et poilue du glabre Maaouya Ould Taya.
"Pourquoi ne te laisses-tu pas pousser la barbe?"
"Ne nous induis pas en tentation" deviendrait-elle "Ne nous induis pas en opposition"?
Il est assez étrange que la signification de la barbe islamique ait changée du tout au tout au fil des siècles. De signe de pouvoir "bourgeois", elle est devenue déclaration de guerre, révolte, marginalisation de soi contre l'ordre du monde.
C'est peut-être mieux. Chacun donnera à sa barbe le sens qu'il voudra. La guerre des barbes aura bien lieu un jour. Attention! Il n'y a pas que les barbes que l'on voit. Il en est d'autres, "morales" si l'on peut dire.
"Pourquoi ne te laisses-tu pas pousser la barbe"?
Laquelle des barbes, barbe-pouvoir, barbe-opposition ou barbe-à-papa?»