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samedi 30 juin 2012

Vous avez dit musulman ?


Une image : celle du Mauritanien qui entre dans une mosquée pour prier. Sa première préoccupation est de savoir ce qu’il doit faire de ses chaussures, sinon il risque de les perdre. Des chaussures sont facilement volées si elles ne sont pas bien surveillées. Alors un Mauritanien se trouve toujours plus préoccupé par ses chaussures plutôt que par l’acte de dévotion qu’il s’apprête à accomplir. Ce n’est pas la sacralité du lieu qui interdit des actes comme le vol, ce n’est pas cela qui occupe l’esprit parce que la dévotion est aussi un moment de profonde méditation et de crainte du Créateur. Rien de tout ça n’empêche certains de nos compatriotes de venir avec l’intention de commettre l’un des actes les plus répréhensibles.
Vous irez partout dans le monde islamique, la Mauritanie est le seul pays où celui qui entre dans une mosquée est obligé de déployer mille stratégies pour éviter de se faire voler.
En terre musulmane, le fait de devoir plus se concentrer sur des biens insignifiants plutôt que sur ses obligations envers le Seigneur, ce fait est révélateur d’une mentalité faite de faux et d’usage de faux.
Aucune des mosquées de Nouakchott n’est à l’abri de tels déviances. Il est temps de demander à nos prédicateurs, très prompts à fustiger les comportements sociaux qui n’ont parfois aucune incidence négative sur la société, de s’en prendre à ce phénomène. Imaginons que les Imams et les prédicateurs s’attaquent aux voleurs dans les mosquées, cela portera certainement. Sinon à quoi cela nous sert d’être des Musulmans, si cela ne nous empêche pas de voler ou de nous taire sur le vol ?  

vendredi 29 juin 2012

Emel 2012, quoi qu’on dise


Ce programme d’intervention destiné à palier le déficit pluviométrique de l’hivernage passé, a suscité nombre de controverses. Sur son opportunité, sur sa mise en application, sur la qualité des produits écoulés, sur l’efficacité de ses interventions, sur le montant de son enveloppe…
45 milliards, c’est beaucoup pour certains et peu pour d’autres. On arrive à la fin du programme, l’hivernage qui commence semble prometteur, et l’on est obligé de repenser tout ce qu’on avait dit de ce programme, pour voir si nos craintes étaient justifiées ou pas.
A souligner d’abord que l’exécution du programme a nécessité une veille constante de la part des autorités centrales. La possibilité désormais ouverte de se plaindre de tout dysfonctionnement, fait que le citoyen mauritanien d’aujourd’hui a l’opportunité de faire parvenir sa voix là où il faut. On se rappelle des premières semaines de la mise à exécution du programme et des dénonciations fusant de toutes parts quant à la mauvaise gestion ici ou là des stocks, ou encore les détournements par distribution orientée… Chaque fois, la réaction a été immédiate. et c’est tant mieux.
En plus des emplois – temporaires certes – que l’opération a occasionnés, le déploiement des boutiques partout où nécessaire – dans les Adwabas, les campements, les villages les plus enclavés – a permis de disponibiliser les denrées de première nécessité à des prix abordables pour une population à très faible revenu. Les distributions gratuites de denrées alimentaires ont renforcé l’effort de sécurité alimentaire. Tout comme la disponibilisation de l’aliment de bétail qui, elle, a permis de sauver le cheptel.
A première vue, il est à constater que les images de famines tant craintes n’ont heureusement pas eu lieu. Il n’y a pas eu non plus cette hécatombe à laquelle on s’attendait au niveau du cheptel. Peut-on en conclure que le programme Emel 2012 a, malgré tout ce qu’on peut en dire, servi à éviter le pire pour les populations mauritaniennes ?
Certainement.

jeudi 28 juin 2012

Le nouveau Louis Michel


Il est on ne peut plus élogieux sur la Mauritanie. Dont il loue les efforts dans tous les domaines.
A l’issue d’un séjour plutôt «fructueux» dans notre pays et au terme d’une journée «extrêmement dense» (mardi), Louis Michel qui dirigeait une délégation paritaire UE-ACP, a déclaré avoir rencontré une grande partie des acteurs de la vie publique en Mauritanie. L’ancien Commissaire européen a rencontré les présidents du Sénat et de l’Assemblée, le Premier ministre, le chef de file de l’Opposition démocratique, certains acteurs de la société civile, «à peu près toutes les instances qui comptent au niveau de la Société Civile, notamment celles qui sont contre l’esclavagisme et qui défendent le respect de la loi et des normes de l’Etat de doit». Il a aussi rendu visite à l’Agence nationale du Registre et des Titres sécurisés…
«Nous avons fait le tour de toutes les questions, notamment la sécurité en Mauritanie qui est un chantier dans lequel le gouvernement a investi beaucoup d’efforts et de volonté. Je crois que c’est important surtout avec la situation particulière au Mali qui inspire beaucoup d’inquiétude aussi pour la Mauritanie». Pour lui, la Mauritanie consent de gros efforts au plan de la sécurité. 
Parlant de l’enrôlement, il a déclaré : «Nous avons bien entendu parlé des malentendus constatés à ce sujet qui sont dus au manque de communication et d’informations. Mais indiscutablement, des correctifs ont été apportés et l’opération semble avoir une vitesse de croisière intéressante». 
De la politique : «Nous avons aussi parlé de la consolidation démocratique avec tout ce qui touche à l’Etat de droit, aux droits de l’homme et aux droits humains et nous avons également évoqué le volet économique avec les inquiétudes pour tout pays qui fait face à la sécheresse». 
Avec Ahmed Ould Daddah, président du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) et chef de file de l’Opposition, Louis Michel a abordé les élections et la question de leur report. 
«Nous avons parlé des élections qui doivent se dérouler dans de bonnes conditions. Il faut que la CENI soit conventionnelle, que l’enrôlement soit fait, que les cartes d’électeurs soient distribuées pour qu’il n’y ait pas de désordres afin que les élections ne soient pas discutables». Conclusion : «Tout cela a été extrêmement positif».
L’ancien Commissaire européen est connu en Mauritanie pour avoir été l’un des adversaires farouches du coup d’Eta du 6 août 2008. Stigmatisant partout le pouvoir de l’époque, il bouda les Accords de Dakar, préférant plutôt les rencontres avec ses «amis» de l’Opposition.
Son positionnement actuel est donc une nouveauté. D’autant plus qu’il n’a pas cherché à rencontrer autre figure de l’opposition radicale que Ould Daddah pour son statut de chef de file.
Il est loin le temps où il évitait de rencontrer le Premier ministre Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf qu’il a dit «avoir connu depuis très longtemps et pour lequel j’ai beaucoup d’estime».
Ce temps est loin. Sauf pour ceux qui veulent rester dans la même case…

mercredi 27 juin 2012

Manèges & Cie

Mardi soir, l’avion de la RAM est attendu. Des dizaines de gens sont là, comme moi, à attendre que les passagers sortent. Parents, amis, coursiers… chacun voudrait voir la personne attendue au plus vite. Depuis que le hall de l’aéroport est interdit au public, ceux qui attendent doivent patienter dans le parking.
Si mes souvenirs sont bons, on nous disait à l’époque où l’on confiait la gestion des aéroports à la SAM (société des aéroports de Mauritanie), que la taxe sur les billets compensait les services que cette société était sensée fournir aux usagers. Dont un hall d’accueil où parents et amis pourraient attendre les voyageurs. Aujourd’hui l’accès du hall est seulement autorisé à deux catégories de personnes : les porteurs de badges (pour une raison ou une autre) et les privilégiés qui ont la chance de connaitre les gendarmes en faction ou leurs chefs.
A la porte du hall s’agglutinent les impatients qui tentent de se rapprocher le plus des issues pour crier à temps, marquer la bienvenue, exprimer un amour. De temps en temps, les gendarmes font reculer la foule, plus ou moins poliment (sans doute plus moins que plus). Le temps de reconnaitre un visage et de lui faire passer la barrière.
Un douanier sort avec de nombreuses valises et deux charriots qu’il convoie justement jusque la porte de sortie. Comme ces collègues à lui qui convoient les voitures (souvent) volées dans les pays méditerranéens et qui doivent finir leur course dans l’une des «bourses» de Nouakchott.
Ceux qu’on ne voit plus dehors sont les policiers. Au moins eux connaissaient beaucoup de gens. Ce qui fait que quand ils s’adonnaient à ce manège qui consiste à faire profiter ses proches, ses connaissances, à monnayer en fait l’accès au hall, plus d’usagers en profitaient. Avec les gendarmes, on va dire que ce sont deux personnes sur huit qui sont traitées de la sorte, avec le privilège de pouvoir entrer.
Il y a quelques mois je vous parlais de ce douanier qui faisait passer des étrangers tous les contrôles. Je retrouve le même en train de convoyer de grosses valises vers l’extérieur. J’imagine que ceux qui ont besoin d’être convoyés de la sorte, ce sont des commerçant(e)s ou des trafiquant(e)s. ne nous étonnons point si on n’a jamais entendu parler d’une prise à l’aéroport (drogue, marchandises illicites…).
L’un des gendarmes me reconnait – ou me confond avec quelqu’un – et vient me prier d’entrer après avoir palabré avec son chef. Je refuse naturellement tout en le remerciant. Attendre ici ou à l’intérieur, je ne vois pas la différence. Sauf que d’ici j’ai le privilège de contempler les différentes expressions de joie. Les âges aussi. A des moments pareils, les humains redeviennent ce qu’ils sont : de simples humains. Devant la joie ou la douleur, ils se ressemblent. Même s’ils veulent le cacher en prétextant les origines sociales et géographiques, la différence des âges, l’intensité des liens…

mardi 26 juin 2012

A quoi ça sert ?

«Je m’engage et j’engage les femmes qui sont là à donner à son Excellence Monsieur le Président Mohamed Ould Abdel Aziz (les majuscules traduisent l’emphase dans la voix, ndlr), les 52% que nous lui avons donné pour son premier mandat, à les lui donner pour le mandat qui arrive, celui qui le suit, et un autre et un autre…»
Ce sont les termes utilisés par la présidente de la commission des femmes de l’UPR (parti au pouvoir) et qui se trouve être Inspectrice Générale de l’Etat (IGE), organe de contrôle et d’inspection. Si je les reprends, c’est pour ce qu’ils comportent de promesses «anticonstitutionnelles», vu que la Constitution ne prévoit que deux mandats. Je sais par ailleurs qu’il s’agit d’un abus de langage, d’un excès de zèle qu’occasionnent en général ce genre de rassemblements où l’on doit improviser des positionnements que l’on assume mal.
C’est valable dans le camp d’en-face où les excès de langage et de positionnements viennent du fait que nos élites connaissent mal ce qu’elles veulent, assument mal ce pour quoi elles roulent. Et, plus grave, elles ne font jamais attention à la portée et aux effets de ce qui est dit. Peut-être parce que, pour notre élite, les discours de positionnements n’empêchent rien par la suite et ne portent pas à conséquence. On pratique la politique en utilisant des vases communiquant. On passe facilement d’une position à celle diamétralement opposée, sans effort d’explications ou de justifications.
Les expériences vécues dans le pays depuis 1991 sont très présentes dans les esprits. Les trahisons, les retournements, les soutiens passagers, les oppositions occasionnelles… des ingrédients que nous connaissons. Pas grand-chose n’a changé. Les acteurs sont à peu près les mêmes, les tactiques et les approches aussi.
Mais pour revenir à cette manifestation (monstre) d’hier, à quoi sert-elle ? Sinon à faire la démonstration qu’il y a un malaise au sein de la Majorité. Lequel ?
Les appels «dégage !» n’expriment même pas un ras-le-bol de la population. A peine si ce n’est pas une tentative d’entretenir une tension permanente qui pourrait participer à pourrir la situation au moins sur le plan psychologique. Sur ce plan, l’opposition dite «radicale» arrivait à un point de non retour : ne pouvant faire «dégager» le régime ou maintenir le même niveau de mobilisation populaire autour d’un discours dont on n’a pas les moyens, on la voit mal passer à la situation de partenaire de ce pouvoir qu’elle a accusé de tous les maux. Même si par ailleurs, nous ne serons pas à un retournement près…
Le pouvoir quant à lui a l’expérience des soutiens de ses prédécesseurs. Ceux qui le tiennent sont les premiers à savoir que ce n’est pas sur ces rassemblements qu’il faille compter en cas de difficultés. Heureusement d’ailleurs qu’il n’y a pas de difficultés du genre à nécessiter la mise à l’épreuve de ces soutiens.
Ould Abdel Aziz a été élu essentiellement par les populations démunies des bidonvilles, des Adwabas, des régions rurales reculées… Il avait refusé la plupart des appuis venant des intermédiaires politiques traditionnels et préféré s’appeler «le Président des pauvres». C’est à eux de dire si oui ou non, il a tenu cette promesse.
La question est cependant de savoir si ce sont les pauvres et démunis de Mauritanie – ou de Nouakchott pour être précis -, si ce sont eux qui ont occupé la place Ibn Abbass. Hier, ou les jours d'avant.  
Alors à quoi servent ces rassemblements, si ce n’est à perdre du temps et de l’énergie ? Savoir perdre le temps, un sport national, une valeur partagée.

lundi 25 juin 2012

Morsi président


C’est avec un peu moins de 13 millions de voix que le candidat islamiste, Mohamed Morsi a été élu président de l’Egypte. Un peu plus du quart des électeurs, constaterons les sceptiques. Mais l’essentiel, c’est que la victoire de Morsi a été officiellement déclarée par la commission électorale et reconnue par les autorités militaires qui ont rechigné et hésité à accepter les résultats.
Visiblement, les retards dans l'annonce des résultats ont servi à faire «les marchandages» nécessaires, en fait à prendre les devants pour éviter les incompréhensions et marquer le domaine d’intervention de chacun.
Ainsi donc, le nouveau président devra rendre compte et prendre l’avis du comité militaire sur toutes les questions relevant de la sécurité, de la défense et des affaires stratégiques (étrangères). Que lui reste-t-il ?
La gestion des problèmes intérieurs : chômage, inégalités, pauvreté… toutes les manifestations de la crise économique et sociale qui frappe l’Egypte depuis des décennies et dont elle n’est pas prêt de sortir. A ce niveau-là Mohamed Morsi devra compter sur ses choix de gouvernement. Il est seul. Les militaires ne lui sont d’aucune aide. Eux qui possèdent l’industrie agro-alimentaire, celle de l’armement, et qui sont les plus grands propriétaires terriens d’Egypte. Eux qui ont géré le pays tout ce temps et qui entendent garder la main sur les affaires.
Autant on peut être heureux de ce dénouement, autant on peut être inquiet pour la suite.

dimanche 24 juin 2012

Les Bleus à terre


C’est fou ce que l’équipe de France suscite de passions chez ses fans. C’est fou ce qu’elle provoque de commentaires acerbes, parfois injustes, souvent démesurés, chez les chroniqueurs et commentateurs sportifs.
En fait, ce sont toutes les passions françaises qui se déchainent à l’occasion de chaque match. Cela va des questions liées à l’immigration, à la mauvaise intégration des jeunes issus de cette immigration, à leur mauvaise éducation, aux écarts entre riches et pauvres, aux problèmes générationnels, à l’ethnie, à l’origine… tout y est quand on entend les commentateurs français parler d’un match de l’équipe nationale.
Cela doit participer à sa déstabilisation. On a vu l’équipe très bien se comporter devant l’Ukraine. On l’a vue remporter une victoire 2-0. Mais tous les critiques se sont enflammés contre Karim Benzema, le n°10, alors qu’il est l’auteur des deux passes qui ont permis de marquer. Des passes parfaitement dosées. On lui reprochait visiblement de ne pas marquer lui-même. Comme on a reproché à Salim Nasri et à Ribéry de ne pas avoir été assez collectif.
Le commentateur vedette en France, un gros bonhomme qui s’appelle Pierre Menez (Pierrot le foot) a moqué les prestations des trois hommes sur toutes les chaines où il était l’invité. Il a aussi dit qu’il ne comprenait pas pourquoi Laurent Blanc, l’entraineur, ne faisait pas appel à Ben Arfa, Giroud, M’Villa et le reste. Devant la Suède, Blanc aligne Benzema, Nasri, Ben Arfa et Ribéry. Catastrophe. Contre une Suède qui voulait gagner à tout prix, la France n’a rien pu faire. Mais c’est d’abord la défense qui a péché par trop d’assurance. Mexès s’est fait cartonner pour rien. Ça Pierrot ne le dit pas.
Et quand arrive la défaite devant l’Espagne, Pierrot et les autres ne parlent pas des dérives de Réveillère qui est le mieux noté par Pierrot après le match. Alors qu’il est à l’origine des deux buts : il s’est laissé dépasser dans la première action en tombant, et provoqué un pénalty dans la deuxième. Ribéry qui a été le plus grand au cours de ce match, a été mal noté (moins de 5), les autres n’en parlons pas. Mais on aurait dû parler de l’absence de Diarra qui a fait d’excellents matchs et qui a été mis à l’écart on ne sait pourquoi.
Je ne suis pas un supporter de l’équipe de France, mais je crois que l’essentiel de son apathie et de ses insuffisances lui vient de son public, à commencer par les journalistes et commentateurs sportifs. Ils sont méchants, trop méchants pour émettre autre chose qu’un avis destructeur.

samedi 23 juin 2012

L’Etat, c’est lui


On m’a raconté qu’au lendemain du coup d’Etat de 1978, quand l’ancien Président feu Mokhtar Ould Daddah s’est retrouvé prisonnier dans le fort de Walata, une terrible sécheresse avait frappé cette année-là la région. Le pouvoir central étant «pris» par d’autres préoccupations, rien ne fut fait pour atténuer les souffrances des populations vivant pour l’essentiel de l’élevage. Alors une «sorba» de notables se dirigèrent vers le fort pour rencontrer le chef de la garnison qui avait en charge de surveiller les lieux. Il lui tinrent à peu près ce discours : «Nous sommes venus vous demander de dire à celui qui a décidé de mettre en prison cet homme et de l’envoyer chez nous, d’envoyer aussi ‘avec lui’ ce que lui nous envoyait quand il y avait des problèmes comme ceux que nous vivons. Dites-lui de nous envoyer du millet, du blé, du lait en poudre, des bidons d’huile, du beurre, de l’aliment de bétail, des médicaments… dites-lui de nous envoyer tout ce dont nous avons besoin ou ce dont nous pourrons avoir besoin…»
Quand on me racontait cette histoire , c’était pour me dire la perception que nous avons, sous nos latitudes, de la fonction de Président de la République. En fait, il est tout pour nous, il est l’Etat.
L’Etat qui doit subvenir à nos besoins, nous soigner, nous donner à manger, s’occuper de nous, bref nous prendre en charge pour tout ce qui peut nous servir. Cette conception-là est toujours d’actualité.
Chercher les origines de cette perception, c’est remonter à la structure de la famille où le père est le chef qui s’occupe de tout. Les spécialistes nous diront sans hésiter qu’il faut trouver là le fondement aussi de la «demande despotique» qui caractériserait nos sociétés. Cette fameuse théorie qui nous a fait croire que, dans nos sociétés, la demande despotique était plus forte que la demande démocratique. Théorie balayée par l’épreuve de la réalité.
On a vu en 2006 et 2007 s’organiser les premières élections régulières du pays. On a vu pour la première fois de notre Histoire, le taux de participation dépasser les 70%. Alors que par le passé, la machine de fraude PRDSienne (pour ne parler que du plus récent) n’avait pu réaliser ces scores-là malgré le bourrage des urnes, les fausses identités qui permettaient les votes multiples. Dans des conditions normales et parce que chacun sait que sa voix compte, les électeurs se sont dirigés vers les urnes. En masse. Prouvant ainsi qu’ils veulent participer et influer sur le cours du jeu politique.
C’est l’élite politique qui est restée à la traîne en refusant d’accompagner ce désir de participer à la gestion des affaires. En refusant de concevoir une nouvelle gouvernance pour le pays, une gouvernance qui tienne en compte l’aspiration des populations et les donnes nouvelles. Nos hommes politiques sont toujours dans cette perspective qui veut que les choses ne changent que par la tête. Du coup, la course est pour la présidence, rien de ce qui est en-dessous n’intéresse. Parce que dans la tête de chacun, le Président est tout.

vendredi 22 juin 2012

La fête de la musique


Hier c’était la fête internationale de la musique. A l’instar de 109 autres pays, la Mauritanie a marqué la journée. Il faut cependant remarquer que malgré le temps passé, bientôt 30 ans, les acteurs mauritaniens n’arrivent pas à s’approprier l’évènement. C’est encore une fête «française». Faute d’initiative mauritanienne, c’est toujours le Centre culturel français – je n’arrive pas à adopter l’IFM (institut français) – qui s’occupe de l’organiser. Tant qu’elle existe, c’est tant mieux.
Nous savons ce que la musique peut et ce que nous lui devons. «Quand les rythmes de la musique changent, les murs de la ville tremblent». Ne me demandez pas de vous dire qui l’a dit, c’est une assertion qui m’accompagne depuis les années du collège, quand on croyait encore aux révolutions et aux changements absolus.
C’est la musique qui est le meilleur indicateur de la direction que prend une société. Si c’est vers l’avant qu’elle se tourne ou si c’est le statu quo qu’elle préconise. Si cette société accompagne son époque ou si elle s’en désolidarise, préférant les sentiers perdus.
Nos sociétés doivent tout à la musique. Elle est le creuset de leurs cultures. Et chaque concert, chaque séance est un lieu social et culturel intense. Un lieu social où les barrières générationnelles disparaissent. Un lieu culturel pour ce qu’il favorise d’expressions et de créativité.
Rendons à la musique ses lettres de noblesse. Commençons par nous approprier cette journée de la fête de la musique.

jeudi 21 juin 2012

Le médicament qui tue


J’ai lu récemment une dépêche qui rendait compte de ce fléau qu’est le trafic du médicament. Une véritable industrie du faux mortel. Qui touche essentiellement les pays pauvres et qui continue à s’aggraver. D’après la dépêche qui cite le Center for Medecine in the Public interest, ONG américaine, la vente du faux médicament aurait «dégagé 75 milliards de dollars en 2010, chiffre en hausse de 90% sur cinq ans». Selon d’autres ONG, 10% des médicaments vendus dans le monde sont contrefaits «avec des pointes à 70% dans certains pays». Le trafic autour du médicament serait 25 fois plus lucratif que la vente de la drogue. Qu’en est-il en Mauritanie ?
Le marché global des médicaments est estimé par les statistiques officielles à plus de douze milliards ouguiyas. Sans compter bien sûr tout ce qui ne passe pas par le circuit «normal», pour ne pas dire tout ce qui est objet de trafic. Et qui n’est pas peu. Car certains l’estiment à plus de 30% des quantités écoulées sur le marché mauritanien.
Malgré les efforts des autorités, la CAMEC, la centrale d’achats, est demeurée incapable de faire respecter la législation en la matière. La distribution de médicaments est couverte à plus de 90% par les opérateurs privés non pharmaciens. A titre indicatif, on a importé à plus de 13 millions d’euros de médicaments (officiel) en 2010, et en 2009 ce chiffre dépassait les 16 millions d’euros.
Selon un rapport de l’inspection générale de la santé, il y a environ 18 grossistes en Mauritanie. Dans les pays européens la moyenne est de 5 à 10 au maximum pour des pays de 50 millions d’habitants en moyenne. Près de 700 structures (formelles) pharmaceutiques vendent le médicament au détail, dont 277 à Nouakchott.
L’exception devient la règle : ce sont les dépôts qui sont les plus nombreux par rapport aux officines. Ces «points de vente» ne répondent pas aux normes et vendent des produits de contrefaçon pour l’essentiel. On se souvient des multiples scandales liés à la vente de médicaments périmés et/ou faux.
Notamment de ces pharmacies exerçant aux abords des hôpitaux et fermées à plusieurs reprises pour vente de produits illicites ou pour exercice frauduleux de la profession. Sur 18 grossistes inspectés, seuls deux ont un technicien à plein temps, huit utilisent les services d’un intermittent et huit celui d’un profane, selon le rapport de 2011. La situation ne s’est pas améliorée depuis.
Au grand dam des pharmaciens professionnels, l’exercice de la profession a été «dilué» par la mafia qui s’est installée et qui fait tout pour empêcher la réhabilitation du circuit du médicament. On se souvient du lobbying entrepris au niveau de l’Assemblée nationale pour vider la nouvelle loi sur les pharmacies de son contenu. On se souvient de ces prétendus «pieux personnages», avec des barbes bien taillées et l’immaculée trace de la prière au front, et qui n’hésitent pas à continuer à s’enrichir sans vergogne en vendant de faux médicaments en dehors des conditions normales. Faisant semblant d’ignorer que ces produits qu’ils vendent tuent. Et beaucoup de gens.
Et pour finir, la conclusion du rapport de l’IGS : «Il ressort de cette analyse que l’état actuel des structures pharmaceutiques privées représente une grande inquiétude  pour la santé publique. Il s’avère urgent que les mesures appropriées soient prises afin d’assainir ce secteur.
La politique nationale de la pharmacie en cours de finalisation devrait prendre en compte toutes les préoccupations et sa mise en œuvre interpelle les décideurs politiques, les professionnels de la santé et les populations».

mercredi 20 juin 2012

Feu vert à la guerre


La décision du Conseil de Sécurité d’ouvrir la voie à une intervention militaire de la CEDEAO sous le couvert de l’Union africaine dans le Nord du Mali. On croit savoir que l’option militaire est sur le point d’être mise en œuvre. Comment ?
On ne sait pas encore, mais les forces en attente de la CEDEAO pourraient être mobilisées, avec un appui financier, logistique et «technologique» de la France et des Etats-Unis. Il serait exclu pour ces pays d’intervenir directement. Tandis que le Mali pourrait accepter de faire de ses forces armées le fer de lance de la reconquête de cette partie de son territoire. Est-ce suffisant ?
Absolument pas. L’analyse des forces en présence et de celles qui pourraient être mises à contribution, indique que le rapport de force est largement favorable aux factions armées qui ont pris possession du Nord malien. Armements, expérience du terrain, ancrage social, détermination, adaptation aux méthodes non conventionnelles… tout est en faveur de ces factions. Qui va-t-on combattre ?
Officiellement, seuls les groupes armés affiliés à Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) dérangent. «On» traite le MNLA comme une «donne normale», contre laquelle il ne faut pas diriger les armes. Tandis que le mouvement Ançar Eddine cherche à se frayer un passage sur la voie de la normalisation à travers ses relations avec le Burkina Faso, médiateur de la CEDEAO dans le conflit.
C’est le sens de la visite effectuée par une délégation du mouvement à Ouagadougou. On parle d’une autre délégation qui pourrait être dépêchée à Nouakchott. Encore qu’on se demande comment une délégation de ce mouvement peut venir à Nouakchott, alors que la Mauritanie, première cible de AQMI par le passé, a souffert des accointances et de l’aide apportée à son ennemi par Ançar Eddine et son chef Iyad Ag Aghali. Ce qui amène aussi à se poser la question sur le rôle de ce mouvement dans les différentes prises d’otages, les Espagnols mais surtout les deux Français enlevés à Hombori au Mali. Le chef du mouvement ne fut-il pas le négociateur principal dans toutes les prises d’otages ayant occasionné des marchandages ? N’est-ce pas par lui que transitaient argent, otages libérés, ordres donnés ? De là à établir une complicité, il y a un pas, mais on peut dire qu’il y a de fortes présomptions de complicité confirmées par l’alliance aujourd’hui avérée avec ceux de AQMI, considérés «terroristes» par la majorité du Monde, «frères idéologiques» par Ançar Eddine.
Il y a ceux qui veulent dissocier les mouvements «rebelles du Nord» des «combattants étrangers», en donnant aux premiers une légitimité. Et en comptant les «rebelles», ils citent : le MNLA (essentiellement touareg), le FNLA (essentiellement arabe), Ançar Eddine (salafistes jihadistes touaregs) et le MUJAO (salafistes jihadistes arabes). Avec ceux-là, ils estiment le dialogue possible et même nécessaire. Alors que tout indique le contraire.
En attendant, l’absence dans le dispositif d’un rôle pour les pays du champ et principalement la Mauritanie et l’Algérie, compromet sérieusement toute entreprise guerrière. Sans les deux pays, ensembles, rien ne peut réussir militairement.
A bon entendeur…

mardi 19 juin 2012

Du Gouvernement d’union nationale


C’est une mode que de parler de l’utilité de la mise en place d’un Gouvernement d’union nationale. Sans discernement, on veut bien croire que ce sera la solution de tous nos problèmes. Alors que nous savons que, la seule expérience que nous avons eue d’un tel montage, est celle de 2009. Et qu’elle devrait nous éloigner de revendiquer ce schéma.
Au lendemain de l’Accord de Dakar, on a vu les trois pôles politiques siéger au sein d’un même gouvernement. On va taire toutes les dissensions qui ont failli emporter l’expérience. Mais on ne peut passer sous silence le résultat : les pôles n’ont pas reconnu le travail qu’ils ont pourtant conçu et mis en pratique ensemble.
A peine avons-nous cru sortir d’une crise parce que nous avons été ensembles pour gérer l’étape cruciale de la présidentielle que nous sommes entrés dans une autre, plus insidieuse, plus sourde et plus grave parce que plus difficile à traiter. La crise de légitimité de ce qui a été fait par un gouvernement d’union nationale dure depuis. Ça, pour l’expérience que nous en avons.
Pour le principe aussi, la mise en place d’un gouvernement d’union comporte de gros risques dans un pays comme le nôtre.
D’abord pour l’harmonisation du travail gouvernemental. On a vu comment se comportaient les ministres APP dans le premier gouvernement de l’ère Sidi Ould Cheikh Abdallahi, puis ceux de Tawaçoul et de l’UFP : la loyauté et la solidarité allaient aux partis et à leurs militants avant de servir l’action du gouvernement. Ce qui avait provoqué quelques «insoumissions» de la part des ministres vis-à-vis du premier d’entre eux (PM).
Ensuite, et il faut le répéter, nous avons l’exemple malien qu’il faut méditer. Qu’est-ce qui a le plus accentué la «débâcle démocratique» dans ce pays qui avait connu une belle expérience dès 1991 ? C’est à mon avis la constitution d’un gouvernement d’union nationale au lendemain du retour au pouvoir de Amadou Toumané Touré. Il a ainsi tué l’opposition au nom de la recherche d’un consensus national. Plus de contrepouvoir pour quelques années. ATT va trouver dans la recherche du consensus la justification d’une fuite en avant constante. Il refusera d’affronter les problèmes posés à son pays. Le résultat est celui que nous voyons. Aucune expérience de gouvernement d’union nationale ne peut nous servir de modèle, ne peut donc nous emballer.
Il y a lieu, il est vrai, d’ouvrir le jeu, de faire sentir aux différents acteurs qu’ils peuvent – qu’ils doivent – concevoir une convergence leur permettant, tout en se reconnaissant mutuellement, d’agir de concert pour améliorer les conditions de ce jeu, mais aussi les conditions de vie en général : raffermir la démocratie et renforcer les structures de l’Etat. L’on comprend aisément que le passé des Mauritaniens leur fait craindre la situation de «tributaires» (etzangui). Qu’ils ne veulent pas rester à l’écart. On sait que la relation avec la politique a été conçue comme une démarche commerçante. En ce sens que la politique rapporte sans demander des compétences particulières. Tout comme la proximité ou, mieux, l’exercice du pouvoir. Et c’est, je pense, le mal profond du pays.
Où est-ce que nous en sommes ? Les relations entre les différents acteurs sont exécrables. Le rejet est la caractéristique première. La priorité n’est pas à les mettre côte à côte dans un gouvernement, mais de les rapprocher et de les amener à se reconnaitre les uns les autres. De les amener à réfléchir à la situation du pays et comme disent les Américains, à se poser la question de savoir ce qu’ils peuvent donner à la Mauritanie et non seulement ce qu’elle peut leur offrir. Surtout en ce moment où les menaces pèsent lourdement sur toute la région.
Dernière trouvaille des Américains : ils disent qu’il faut être prudent quand on demande, parce qu’on peut avoir ce qu’on demande. Quoi faire avec ?

lundi 18 juin 2012

Le foot mauritanien ? ça existe


On n’a pas l’habitude de parler du foot chez nous. Notre querelle avec ce sport «noble» est depuis longtemps consommée. Mais il arrive que vous découvrez quelque chose qui relance en vous ce «fanatisme» qui caractérise les grands supporters…
Je viens d’apprendre que Dominique Da Silva, ce joueur d’Al Ahli, est un Mauritanien. Il y a quelque temps la presse locale en avait parlé à l’occasion d’une rencontre qu’il avait eu avec le nouveau président de la fédération de foot de Mauritanie (FFRIM). Cela m’avait un peu dépité parce que je pensais qu’il s’agissait d’un des «survivants» du mercenariat d’il y a quelques années, quand la fédération avait loué les services d’étrangers pour venir jouer sous les couleurs nationales, moyennant des passeports mauritaniens.
En fait, Dominique est le fils d’une famille de Nouakchott, qu’on désignait ici comme «bartougaize», Portugais pour rappeler leurs origines lusophones. Etabli en Mauritanie depuis très longtemps, cette famille a vu naître ses enfants dont Dominique à Nouakchott. C’est ici qu’il a grandi et c’est ici qu’il a tout appris. Rien ne le distingue d’un jeune nouakchottois des médinas. Ni la langue, ni la religion, ni les occupations encore moins le sentiment d’appartenance.
Dominique a commencé très tôt à jouer au foot et à marquer. Il a impressionné lors de plusieurs rencontres internationales. Ce qui lui a valu d’être sollicité ailleurs. En Tunisie où il ne put rester parce qu’il n’arrivait pas à établir son passeport mauritanien. Transféré en Egypte où l’Ahli a payé la somme de 800.000 euros pour l’avoir (ce serait le record d’Afrique), le Mauritanien a été obligé de prendre un passeport sénégalais. Mais les règlements de la FIFA lui interdisent de jouer ailleurs que dans l’équipe nationale de Mauritanie qu’il a déjà brillamment servie.
Je raconte l’histoire de Dominique parce qu’elle est surprenante et parce qu’il lui faut trouver une solution. Je la raconte aussi pour dire qu’ils sont près d’une centaine de Mauritaniens à évoluer, et plutôt bien, dans les championnats européens, maghrébins et africains. Que ceux-là peuvent constituer un noyau pour former l’équipe nationale future, celle sur laquelle travaillent les membres du bureau élu il y a moins d’un an.
Quand le nouveau bureau a pris fonction, l’équipe nationale était interdite pour les compétitions de la CAF, au moins pour les deux prochaines CAN. L’interdiction a été levée après âpres discussions. Elle risquait aussi de se voir inscrite sur la liste noire de la FIFA parce qu’elle avait décliné l’invitation de participer aux éliminatoires de la coupe de 2014. Cette coupe est la première où la FIFA paye aux équipes nationales la coquette somme de 500.000$ pour couvrir les frais de participation. Cette participation entièrement prise en charge a été déclinée par l’ancien bureau. Et la FIFA menaçait de suspendre toutes les subventions dont la moins importante est celle qui couvre la formation et qui de 250.000$ par an. Heureusement que la FIFA est revenue à de meilleurs sentiments et qu’elle recommence à financer des projets essentiels, notamment deux projets Goal pour cette année.
Ce qui a permis d’aider les clubs locaux. Ainsi donc 14 clubs représentant 7 régions du pays, ont participé cette année au championnat de première division. Ils sont 16 pour la seconde. La coupe nationale est aujourd’hui dans les phases de demies-finales, la finale étant prévue le 7 juillet prochain. La présence du Président de la République est attendue. Signalons que cette coupe sera retransmise en direct par TVM, mais aussi Nessma TV (télévision du Maghreb basée en Tunisie) et BFM du Sénégal.
Le foot reprend donc des «couleurs». Tant mieux quand on sait que c’est bien sur un terrain et derrière une équipe que l’unité citoyenne se fait, que se fonde le sentiment patriotique. Encore faut-il que l’on soit fier des prestations de ceux que l’on soutient et qui nous représentent. Mais on sait que quand on veut, on peut.

dimanche 17 juin 2012

La palabre, rien que la palabre


Encore une citation du Khalife Omar : «lorsque Dieu du mal à une société, Il leur donne la polémique et les éloigne du travail».
Plus près de nous, on dit que la malédiction s’est abattue sur les Awlad M’Barek, cette lignée qui a donné une épopée sans précédent en pays Maure, le jour où ils consacrèrent plus de temps à venir à l’arbre à palabres qu’ils appelaient intelligemment «çadrayet asswaqa» (l’arbre des calomnies ou des fausses rumeurs).
Dites-moi, chers lecteurs, en quoi les palabres politiques sont différentes de celles des années 90, celles qui ont fait suite aux élections présidentielles et législatives et janvier et mars 92 ? En quoi l’objet du différent a-t-il changé ? En quoi les méthodes et les argumentaires ont-ils évolué ?
Et après 1997, quand tout le monde s’est rendu compte du danger que représentait le refus de participer au jeu tel qu’il se proposait et non tel qu’on l’aurait voulu, en quoi le discours a-t-il changé ? Et après 2003 ? Et après 2005 ? Et après 2007 ? Et après 2008 ? Et après 2009 ?
Nous ne savons toujours pas que ce ne sont pas les querelles politiciennes qui vont mener la Mauritanie sur le chemin du développement. Ce n’est toujours pas l’éducation qui est au centre des débats, ce ne sont pas les visions modernistes qui s’opposent aux obscurantismes, ce n’est pas la construction d’hôpitaux ou de routes, ce n’est pas le forage des puits, ce ne sont pas les campagnes de lutte contre l’esclavage et en vue d’atténuer les fractures sociales… rien de tout cela n’est en question. Ni aujourd’hui, ni hier. Sinon on aurait avancé dans la lecture que nous pouvons avoir de ce que notre élite politique veut. Elle aurait du coup réalisé en partie ses desseins. Parce que quand on sait ce qu’on veut, on l’exprime clairement, on le partage et on finit fatalement par l’imposer. Ou par en imposer une partie.
On tourne en rond. Parce que ceux qui veulent le statu quo sont plus forts, plus riches, plus solidaires, plus déterminés…
La révolution mauritanienne sera celle qui libérera le citoyen de l’emprise du politique et de l’oisiveté. Elle se fera par la revalorisation du travail, de la création, de la créativité, de la compétence, la réhabilitation des valeurs d’égalité, de justice, d’humilité et de tolérance.
Parce que cette révolution doit se faire contre la médiocrité. 

samedi 16 juin 2012

Un Arabe à l’Académie française


«Il y a vingt-cinq ans, je suis entré sous cette Coupole pour la première fois. Je venais de publier un roman, vous m’aviez décerné un prix et invité, comme d’autres lauréats, à la séance publique annuelle. Elle était présidée par Claude Lévi-Strauss».
C’est avec ces mots que l’écrivain libanais, Amin Maalouf, a ouvert son discours d’entrée solennelle à l’Académie française ce 14 juin. Prenant, ironie de l’Histoire, la place 29 laissée vacante de Claude Lévi-Strauss. Mais c’est en juin 2011 que cet écrivain extraordinaire a été accepté dans l’enceinte sacrée.
L’évènement est de taille. L’homme qui a marqué avec «Léon l’Africain», «Les Jardins de Lumière», «Samarcande», «Les identités meurtrières», «Le rocher de Tanios», «Les Echelles du Levant» ou encore «Les croisades vues par les Arabes», cet homme-là a su puiser dans le patrimoine humain, celui qui a fait l’Orient et l’Occident et qui a fini par rayonner sur le Monde, pour prendre son lecteur dans un voyage à travers les âges, à travers les civilisations… Un voyage qui raconte les hommes dans ce qu’ils ont d’humain, de spontané, de naturel, mais aussi de valeurs, d’abnégation et de tolérance.
On est surpris quand on finit de lire «Les croisades vues par les Arabes» et qu’on se retrouve méditant ce passé sur lequel d’autres ont construit tant de remparts de haine et justifié tant de monstruosités, on est surpris par ce sentiment fait de pardon et de complaisance vis-à-vis de …l’ennemi.
"Après les roulements de tambours, les roulements de langue ! Cet accent, vous ne l’entendez pas souvent dans cette enceinte. Ou, pour être précis, vous ne l’entendez plus. Car, vous le savez, ce léger roulement qui, dans la France d’aujourd’hui, tend à disparaître a longtemps été la norme. N’est-ce pas ainsi que s’exprimaient La Bruyère, Racine et Richelieu, Louis XIII et Louis XIV, Mazarin bien sûr, et avant eux, avant l’Académie, Rabelais, Ronsard et Rutebeuf ? Ce roulement ne vous vient donc pas du Liban, il vous en revient. Mes ancêtres ne l’ont pas inventé, ils l’ont seulement conservé, pour l’avoir entendu de la bouche de vos ancêtres, et quelquefois aussi sur la langue de vos prédécesseurs."
L’éloge qu’il devait à son prédécesseur ne fut pas seulement l’occasion de l’oraison. Amin Maalouf en profite pour apporter quelques précisions sur son être, sa culture, ses desseins et sa compréhension du Monde.
"J'apporte avec moi tout ce que mes deux patries m'ont donné : mes origines, mes langues, mon accent, mes convictions, mes doutes, et plus que tout peut-être mes rêves d'harmonie, de progrès et de coexistence. Ces rêves sont aujourd’hui malmenés. Un mur s’élève en Méditerranée entre les univers culturels dont je me réclame. Ce mur, je n’ai pas l’intention de l’enjamber pour passer d’une rive à l’autre. Ce mur de la détestation − entre Européens et Africains, entre Occident et Islam, entre Juifs et Arabes −, mon ambition est de le saper, et de contribuer à le démolir. Telle a toujours été ma raison de vivre, ma raison d’écrire, et je la poursuivrai au sein de votre Compagnie."
Comme de tradition, c’est le plus jeune des Académiciens qui répond à l’entrant. C’est donc l'écrivain-diplomate Jean-Christophe Rufin qui déclare : "Toute votre œuvre, toute votre pensée, toute votre personnalité, c'est un pont entre deux mondes (...) qui portent chacun leur part de crimes mais aussi de valeurs. Ce sont ces valeurs que vous voulez unir. (…) Entrez ici avec vos noms, vos langues, vos croyances, vos fureurs, vos égarements, votre encre, votre sang, votre exil". Après avoir rappelé que c’est en suivant l’exemple de Maalouf "que je suis devenu romancier".
Symbole de cette double culture, l'épée d'académicien d'Amin Maalouf comporte en médaillons une Marianne et un Cèdre du Liban, selon les précisions rapportées par l’AFP. Sur la lame sont gravés les prénoms de sa femme Andrée, de ses trois fils, ainsi qu'un poème de son père. Une livre libanaise à son effigie a été émise en hommage au nouvel immortel.
Dernier passage que je voudrai partager de ce discours : «Jacqueline de Romilly froncerait les sourcils si j’omettais de dire que les choses ont commencé avec la Grèce antique ; quand Zeus, déguisé en taureau, s’en fut enlever sur la côte phénicienne, quelque part entre Sidon et Tyr, la princesse Europe, qui allait donner son nom au continent où nous sommes. Le mythe dit aussi que le frère d’Europe, Cadmus, partit à sa recherche, apportant avec lui l’alphabet phénicien, qui devait engendrer l’alphabet grec, de même que les alphabets latin, cyrillique, arabe, hébreu, syriaque et tant d’autres. Les mythes nous racontent ce dont l’Histoire ne se souvient plus».
Et pour finir, quelques citations :
«Est-ce vrai que dans votre pays il n'y a ni peintres ni sculpteurs ?
- Il arrive que des gens peignent ou sculptent, mais toute représentation figurée est condamnée. On la considère comme un défi au Créateur.
- C'est trop d'honneur qui est fait à notre art que de penser qu'il peut rivaliser avec la Création
(Léon l’Africain)
«Ne t'inquiète de rien, la réalité a deux visages, les hommes aussi». (Samarcande)
«Admirable marchandise que la parole, reprit il, comme si décidément l'expression lui plaisait. Elle ne pèse rien dans les soutes et si tu sais la monnayer elle peut t'enrichir.....
Mes paroles je ne les vends pas, je les distribue
» (Les Jardins de Lumière)

vendredi 15 juin 2012

Pourquoi un journal en Français ?


Le journal télévisé en français (JTF) de la TVM est une catastrophe. Depuis des années, on le répète, en privé, en public. C’est pourquoi je me permets de relancer la question à la veille de la réforme promise des médias publics. Il ne sert à rien parce qu’il est un cumul de toutes les carences : dans la rédaction, dans la présentation, dans la locution…
C’est seulement là que vous entendrez que «le président des Nations Unies» est «Baakimo», que vous entendrez lire «CICR» en «sikr», que vous entendrez des confusions entre Pakistan et Afghanistan, entre APP et MPR, entre UFP et UPR… quant aux noms, oublions qu’ils sont la plupart du temps écorchés.
Je trouve que le JTF, dans sa forme qui est là depuis des années, est le symbole de ce que nous sommes.
Il est la preuve d’une paresse caractérisée : aucun effort n’est fourni par les journalistes qui présentent, ni par le secrétariat de rédaction (s’il en existe). Le moindre effort, c’est la règle. La preuve aussi de notre sens inné du refus de la compétence. A TVM, il y a des journalistes, jeunes et moins jeunes, qui parlent bien français, qui l’écrivent bien, qui le prononcent bien… où sont-ils ? Et s’il n’y en a pas pourquoi ne pas faire appel à des expertises extérieures ?
Je sais qu’à la fin des années 90, «on» avait cherché à banaliser la présence du Français sur la scène officielle. Les autorités de l’époque n’avaient rien trouvé de mieux que sacrifier la qualité de l’usage de cette langue dans les médias officiels. Parce qu’il faut dire que le JTF de TVM ne se porte pas plus mal que celui de Radio Mauritanie ou que les dépêches de l’AMI.
Tellement déprécié que plus personne ne fait attention à cela. Pourquoi j’en parle maintenant ? J’assistais à une conférence internationale à laquelle quelques confrères de l’Afrique francophone étaient conviés comme moi. On parlait de la Mauritanie quand l’un d’eux s’est esclaffé. Mon regard dut le résoudre à s’expliquer. «Ecoute mon frère, nous avons l’habitude de suivre le journal télévisé de votre télévision repris par Africable ou d’autres chaînes, et c’est un moment de régal pour nous…» Tous semblaient avoir la même appréciation.
Je sais que nous sommes en phase de grands changements en vue de l’amélioration des prestations de nos médias publics. Alors pourquoi ne pas rappeler cette aberration que constitue le journal dans sa forme actuelle ? Je rappelle que rien n’oblige à présenter un journal dans cette langue, surtout un journal qu’on regarde (ou qu’on écoute) juste pour se moquer. Autant arrêter et «retourner» les trente minutes qu’il prend «sur» l’horaire des langues nationales. Nous nous éviterons beaucoup de déconvenues.

jeudi 14 juin 2012

La marche vers la guerre


Le président du Niger est un va-t-en-guerre, il l’a dit et répété. Il n’est pas le seul parce que son homologue de Guinée a aussi demandé une intervention militaire dans le Nord malien. On sait que le président ivoirien avait, dès le début, montré beaucoup d’excitations à l’idée d’une intervention militaire de la CEDEAO. Il a même parlé et demandé la mobilisation des troupes en attente, quelques trois mille hommes qui seraient prêts à intervenir n’importe où dans l’espace ouest-africain.
La Mauritanie, l’Algérie et d’autres pays, sans faire la promotion d’une intervention immédiate, pensent que la situation actuelle est intenable et qu’elle est lourde de menaces pour toute la région.
La «communauté internationale» - on désigne par ce terme, les pays qui ont droit de véto au Conseil de Sécurité de l’ONU – est unanime. Même les Russes et les Chinois pensent qu’il faut agir au plus vite. Les Français et les Américains n’en parlons pas : ils se sentent directement concernés, les premiers pour avoir des otages aux mains de AQMI, les seconds pour le rôle de «gendarmes du monde» qu’ils ont toujours joué.
Les indépendantistes de l’Azawad, ceux du MNLA au moins, ne pèsent pas grand-chose devant les milices de Ançar Eddine et les différentes factions de Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI).
Liées par la communauté idéologique et une alliance ancrée, les deux organisations jihadistes occupent les grandes villes et maitrisent parfaitement la circulation des biens et des personnes. Ces organisations craignent une seule chose : la mobilisation des fils de la région pour les bouter dehors, un peu le scénario des Sahawat qui a permis aux Américains de contrer l’action sanglante de Al Qaeda. Il s’est agi de monter des milices composées des enfants du pays déterminés pour le mal que les groupes combattant au nom de Al Qaeda leur ont fait.
En Algérie, au Niger et en Mauritanie, les élites maliennes, militaires et civiles réfugiées s’organisent déjà.
Peut-on y voir les prémisses d’une action qui viserait alors à mobiliser, à équiper et à soutenir les fils du pays pour libérer le Nord des mains des milices armées ? qui va-t-on mobiliser, des Touaregs, des Arabes, des Songhoïs, des Peulhs… ? ou tous ensemble ? accepteront-ils d’y aller sans garantie du règlement de tous les passifs ? faut-il restaurer l’Etat central avant ou après ? et surtout, surtout : que faire avec les trafiquants de drogue qui font l’ossature de toutes ces milices, celles qui occupent le terrain et celles qui seront sollicitées pour les chasser ? 

mercredi 13 juin 2012

Sur la voie de Omar


Parmi les belles histoires pleines d’enseignements que la mémoire populaire a retenues de l’exercice du pouvoir par le Khalife Omar Ibn Al Khattab, celle que je m’en vais vous raconter.
Un jour, le Khalife qui avait l’habitude de marcher dans les rues et aux abords des vergers pour sentir son peuple et veiller à ce qu’il n’y ait pas d’injustice, pendant qu’il se promenait comme à son habitude, il surprit un vieux bonhomme, rongé par l’âge, l’échine courbée par les efforts, juste habillé pour respecter les préceptes en la matière, la peau sèche et effroyablement ridée, ce monsieur qui n’avait plus beaucoup de temps à vivre était en train de planter une pousse de palmier. L’effort qu’il faisait était énorme, tout comme la détermination à le faire.
Surpris par tant de zèle dans l’accomplissement d’une mission comme celle-là de la part d’un homme comme celui-là, le Khalife ne put s’empêcher de demander : «Qu’est-ce que tu as à fournir tant d’efforts alors que cela peut te tuer, toi dont la vie est largement entamée ?»
Le regardant, le vieux reconnut l’homme. «Ô Khalife, saches que ceux qui nous ont précédés ont planté et semé, ce qui nous permet à nous de manger. Nous faisons de même pour que ceux qui nous suivent mangent».
Le Khalife s’en alla, les larmes plein les yeux. Et se rappelant tous les compagnons du Prophète qui passaient leurs journées à palabrer dans la Mosquée sous prétexte de rassembler les traditions, il se dirigea vers la Mosquée du Prophète. Tous les rouwat étaient là à discuter. Il prit la parole pour interdire désormais à tout musulman, compagnon ou non du Prophète, de rester sans produire quelque chose. La fermeté de l’homme et son sens de la responsabilité lui dictèrent de faire sortir par la force tous ceux qui avaient pris l’habitude de venir «tuer le temps là». Et de leur interdire désormais de se rassembler à ne rien faire.
Il s’en suivit une révolution dans l’agriculture, l’artisanat et le commerce. La révolution économique de l’Etat musulman commença ainsi. C’est du moins ce qu’on se raconte dans nos milieux traditionnels.
Il reste, et c’est ce que retiendra l’Histoire, que Omar est le véritable artisan de l’Etat islamique dont il a assis définitivement les fondements.
Il faut penser à cette histoire chaque fois que vous vous trouvez dans un salon, une rédaction, un bureau de l’administration, dans la rue… finalement n’importe où en Mauritanie. Avec ces dizaines de gens qui n’ont d’autre chose à faire que de palabrer, de colporter les rumeurs, de diffuser les méchancetés…
Des mots, des mots, rien que des mots. Et pour faire dans le facile : des maux, des maux, rien que des maux.  

mardi 12 juin 2012

Non, merci !


Si l’on en croit nos confrères de «alakhbar.info», la proposition de Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée, de mettre en place un gouvernement d’union nationale est en passe d’être refusée par la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD). Le prétexte serait qu’une telle initiative viserait à «donner un souffle au pouvoir de Ould Abdel Aziz» et de lui permettre «d’avoir une trêve en vue d’une action militaire dans l’Azawad».
Tout commence par une rencontre entre le président de l’Assemblée et Ahmed Ould Daddah en sa qualité de chef de file de l’Opposition démocratique et de président du RFD. Ould Boulkheir aurait alors proposé la constitution d’un gouvernement national qui aura en charge de «sortir le pays de la crise politique» (?) et d’organiser les futures élections.
On se rappelle que Ould Boulkheir avait, lors de sa prestation à TVM, promis d’entreprendre une nouvelle démarche auprès de ses anciens amis de l’Opposition. Ceux-ci viendraient donc à rétorquer que «les portes du dialogue sont désormais fermées» (voir alakhbar.info) sauf si Ould Abdel Aziz accepte de partir. A ce moment-là, l’idée d’un gouvernement d’union nationale serait la bienvenue.
La première question est de savoir si Ould Boulkheir a été mandaté par Ould Abdel Aziz ou non, si les deux hommes en ont parlé ou non. Parce que le problème de toutes les initiatives déclarées jusqu’à présent, c’est qu’elles se sont manifestées sans avoir pris l’aval des parties en cause. Elles ont paru plus comme des démarches visant à participer à la lutte de placement sur l’échiquier politique que comme de sérieuses entreprises de rapprochement des protagonistes.
La deuxième question, plus fondamentale celle-là, est de savoir en quoi un gouvernement d’union nationale va-t-il régler les problèmes de la Mauritanie. Nous avons le syndrome malien : toutes les dérives que la démocratie malienne a connues lui viennent essentiellement de la constitution d’un gouvernement d’union nationale et de la recherche permanente et effrénée du consensus.
En effet le gouvernement d’union tue l’opposition et donc le contrepouvoir nécessaire à la démocratie. Dans notre cas, il ne fait que conforter l’idée que chacun des acteurs recherche un poste, une partie du gâteau. Et le seul gouvernement du genre qu’on a eu, est celui issu des accords de Dakar et qui a été incapable de nous faire passer le cap d’une élection que des parties ont voulu considérer nulle et non avenue.
La recherche «effrénée» et continuelle du consensus mène fatalement la Nation à éviter de poser les problèmes comme ils sont et donc de leur trouver les solutions les plus radicales. Car tous nos problèmes fondamentaux demandent des solutions radicales et sans appel. De l’entente politique à l’éducation, à l’éradication de l’esclavage, à la remise au travail productif… Ce ne sont pas les «consensus mous» qui vont servir dans un pays où l’urgence est de mise.
Ce qui peut être demandé à Messaoud Ould Boulkheir, c’est plutôt de travailler en vue de faire de la perspective des échéances électorales futures une occasion de convergences. Faire en sorte d’amener les uns et les autres à baisser le ton, à abandonner la vindicte pour un travail politique viable et possible malgré toutes les divergences affichées. De faire prendre conscience aux uns et aux autres de leur responsabilité devant l’Histoire.
Si le président de l’Assemblée nationale réussit ce pari, il aura fait l’essentiel du chemin.

lundi 11 juin 2012

Même pour Pinochet…

Je remarque que chaque fois que je parle des velléités de ceux de l’ancien régime – celui d’avant 2005 -, c’est un tollé qui m’accueille. Il est vrai que peu de gens se rendent compte de l’entreprise, certes prudente mais peu subtile, de réhabilitation voire de restauration du système qui les a nourris au détriment de la Mauritanie et de son peuple.
Les réactions sont violentes parce que les promoteurs de l’entreprise croient tromper tout le monde. Ils croient aussi que l’opération de blanchiment, à travers des engagements excessifs et une mise en exergue des symboles, civils et militaires, de cette période et de ce système, que cette opération a réussi.
Je crois de mon devoir de répéter ce que j’ai dit. Dire que «la période actuelle est la pire que la Mauritanie a connue» procède de la banalisation de deux décennies de dictature, d’arbitraires quotidiens, de décompositions physiques et morales de l’Etat mauritanien, d’atomisation de la société, de destructions de ses valeurs, de pillages systématiques… Tout comme soutenir qu’avant 2005 «il y avait un Etat de droit, respectueux des Institutions et des droits», ou encore nier l’existence de dérives qui pèsent encore sur l’unité nationale… tout cela procède de la même approche qui vise à restaurer sinon à réhabiliter un régime.
L’ancien Président Ould Taya n’a probablement été qu’une victime d’un rouleau compresseur dont les mécanismes et les manèges restent. Les vrais responsables sont ceux qui en ont profité pour piller le pays, le détruire, diviser son peuple, entretenir la peur permanente par les faux renseignements, bourrer les urnes quand cela a été nécessaire, débaucher les opposants en les affamant, corrompre le corps social en faisant du clientélisme et de la promotion du faux une méthode de gouvernement.
Ces responsables-là ne sont pas allés à Doha, vivre tranquillement. Ils n’ont pas été dans la badiya fructifier leurs biens mal acquis. Non. Ils ont continué à occuper la scène. Ils ont même commencé à donner des leçons, à tout le monde. Et à narguer tout le monde. C’est là où des témoins comme les journalistes sont appelés à intervenir.
Il y a parmi nous certains qui estiment – comme moi – que c’est là la bataille fondamentale du pays : entre ceux qui veulent revenir à une page remplie de noirs desseins et ceux qui croient que le temps avance, que la vraie bataille est celle qui oppose les conservatismes à la Modernité, la restauration de l’ordre ante au changement. Qu’on entend plus et qu’on voit plus les partisans de l’ordre décrié plutôt que ceux du changement espéré. Je le dis comme ça : ceux qui ont profité du passé savent que l’avenir ne leur appartient plus, ils livrent leurs dernières batailles pour restaurer ce passé et, pour cela, ils travaillent sur tous les fronts convergeant cependant vers le même objectif ; ceux qui aspirent réellement au changement et au mieux-être sont isolés les uns par rapport aux autres, n’ont pas d’actions concertées et ne convergent pas vers la concrétisation de leurs aspirations sincères. Du coup, les premiers ont la force et les moyens de s’imposer de faire entendre leurs voix et même de couvrir celles des autres. Alors que les seconds se perdent dans les détails et ne s’attardent pas sur l’essentiel.
C’est la situation actuelle. Ce sont les (vraies) divisions du pays, les vrais défis pour les élites. Libre à chacun de nous de choisir son camp.
PS: Vous avez certainement vu, comme moi, ces manifestants dans les rues de Santiago du Chili qui dénonçaient la projection d'un film à la gloire du dictateur Pinochet. Comme moi, vous avez entendu ses anciens ministres soutenir qu'il n'y a jamais eu d'exactions, ni de tortures, encore moins d'exécutions sommaires sous Pinochet...
Cela vous a-t-il révolté ? Moi si....