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jeudi 21 juin 2012

Le médicament qui tue


J’ai lu récemment une dépêche qui rendait compte de ce fléau qu’est le trafic du médicament. Une véritable industrie du faux mortel. Qui touche essentiellement les pays pauvres et qui continue à s’aggraver. D’après la dépêche qui cite le Center for Medecine in the Public interest, ONG américaine, la vente du faux médicament aurait «dégagé 75 milliards de dollars en 2010, chiffre en hausse de 90% sur cinq ans». Selon d’autres ONG, 10% des médicaments vendus dans le monde sont contrefaits «avec des pointes à 70% dans certains pays». Le trafic autour du médicament serait 25 fois plus lucratif que la vente de la drogue. Qu’en est-il en Mauritanie ?
Le marché global des médicaments est estimé par les statistiques officielles à plus de douze milliards ouguiyas. Sans compter bien sûr tout ce qui ne passe pas par le circuit «normal», pour ne pas dire tout ce qui est objet de trafic. Et qui n’est pas peu. Car certains l’estiment à plus de 30% des quantités écoulées sur le marché mauritanien.
Malgré les efforts des autorités, la CAMEC, la centrale d’achats, est demeurée incapable de faire respecter la législation en la matière. La distribution de médicaments est couverte à plus de 90% par les opérateurs privés non pharmaciens. A titre indicatif, on a importé à plus de 13 millions d’euros de médicaments (officiel) en 2010, et en 2009 ce chiffre dépassait les 16 millions d’euros.
Selon un rapport de l’inspection générale de la santé, il y a environ 18 grossistes en Mauritanie. Dans les pays européens la moyenne est de 5 à 10 au maximum pour des pays de 50 millions d’habitants en moyenne. Près de 700 structures (formelles) pharmaceutiques vendent le médicament au détail, dont 277 à Nouakchott.
L’exception devient la règle : ce sont les dépôts qui sont les plus nombreux par rapport aux officines. Ces «points de vente» ne répondent pas aux normes et vendent des produits de contrefaçon pour l’essentiel. On se souvient des multiples scandales liés à la vente de médicaments périmés et/ou faux.
Notamment de ces pharmacies exerçant aux abords des hôpitaux et fermées à plusieurs reprises pour vente de produits illicites ou pour exercice frauduleux de la profession. Sur 18 grossistes inspectés, seuls deux ont un technicien à plein temps, huit utilisent les services d’un intermittent et huit celui d’un profane, selon le rapport de 2011. La situation ne s’est pas améliorée depuis.
Au grand dam des pharmaciens professionnels, l’exercice de la profession a été «dilué» par la mafia qui s’est installée et qui fait tout pour empêcher la réhabilitation du circuit du médicament. On se souvient du lobbying entrepris au niveau de l’Assemblée nationale pour vider la nouvelle loi sur les pharmacies de son contenu. On se souvient de ces prétendus «pieux personnages», avec des barbes bien taillées et l’immaculée trace de la prière au front, et qui n’hésitent pas à continuer à s’enrichir sans vergogne en vendant de faux médicaments en dehors des conditions normales. Faisant semblant d’ignorer que ces produits qu’ils vendent tuent. Et beaucoup de gens.
Et pour finir, la conclusion du rapport de l’IGS : «Il ressort de cette analyse que l’état actuel des structures pharmaceutiques privées représente une grande inquiétude  pour la santé publique. Il s’avère urgent que les mesures appropriées soient prises afin d’assainir ce secteur.
La politique nationale de la pharmacie en cours de finalisation devrait prendre en compte toutes les préoccupations et sa mise en œuvre interpelle les décideurs politiques, les professionnels de la santé et les populations».

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