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mardi 31 janvier 2012

La guerre des mots


Si l’on s’en tient à ce qui a été rapporté par les agences de presse et les comptes-rendus faits par certains sites de la plénière de lundi au niveau de l’Assemblée nationale, on ne peut comprendre le clash qu’il y a eu.
D’abord l’atmosphère. Les députés doivent se prononcer sur le nouveau texte régissant la HAPA, l’une des conséquences (l’un des résultats) du dialogue entre Majorité et certains partis de l’Opposition démocratique. Mais le débat ne portera pas sur la nécessité d’indépendance de l’institution (l’arracher aux politiques pour la donner aux professionnels du métier), ni sur l’élargissement de ses prérogatives, ni sur la précision de sa mission… et n’était l’intervention finale du ministre de la communication, le public aurait pu décrocher sans avoir compris de quoi il s’agit. Qu’à cela ne tienne !
Les députés ont voulu faire de cette séance un prétexte. Les uns pour dénoncer le dialogue et ses promoteurs, les autres pour se défendre. De fortes accusations ont été lancées : la dialogue aurait servi à diviser l’Opposition, l’instrumentalisation d’une partie de l’Opposition contre une autre était l’un des objectifs du régime, la traitrise des uns a servi les desseins machiavéliques des autres…
Je retiendrai ici l’intervention de Me Boddahiya, député APP de Nouadhibou, laquelle a placé, à mon sens, le processus dans son cadre réel. L’avocat qui est l’une des révélations de cette législature, a expliqué qu’il n’y a pas lieu de les accuser d’avoir trahi qui que ce soit ou d’avoir servi les desseins de qui que ce soit. Expliquant qu’il s’agit d’un processus entamé d’un commun accord par la Coordination de l’opposition démocratique dans son ensemble. A un certain moment, et pour des raisons qui leur sont propres, des partis ont décidé de ne pas s’impliquer dans ce processus. Le dialogue a eu lieu malgré cela. Et il a eu des résultats probants concernant tout ce qui est gouvernance politique (rééquilibrage des pouvoirs, introduction de réformes politiques fondamentales, création d’une CENI réellement indépendante et forte, garantie de neutralité de l’administration…), plus de contrôle de la gestion économique et surtout meilleure prise en charge des problèmes sociaux (esclavage notamment).
Le député APP a rappelé que dans les années 90 et 2000, le parti UFP de Moustapha Ould Bedredine avait engagé un dialogue, «en catimini», avec Ould Taya, sans garantie aucune et sans résultat aucun. Faisant un historique des relations inter-Opposition, l’avocat a rappelé qu’en 2007 son parti a soutenu Ould Cheikh Abdallahi alors que l’UFP est parti dans le camp de Ahmed Ould Daddah, qu’en 2008 l’UFP et Tawaçoul ont accepté de participer au gouvernement Waghf I, qu’en 2008 le RFD de Ould Daddah a soutenu le putsch alors que son parti, Tawaçoul et l’UFP l’avaient combattu. Ce qui, devait-il conclure, ne nous a jamais fait dire qu’il y a trahison : il fallait comprendre que toutes ces prises de positions étaient dictées par des raisons personnelles et des situations particulières de chacun des partis.
C’est dans la même direction qu’est allé aussi le député Mohamed Ould Babana (le benjamin de Barkéwol). Allant jusqu’à préciser que la transparence qui a caractérisé le dialogue cette fois-ci lui a assuré le succès et surtout en a fait un processus qui profitera à tout le peuple mauritanien et non à des particuliers…
L’atmosphère était déjà électrique quand le ministre Hamdi Ould Mahjoub reprend la parole pour défendre le projet de loi. D’autant plus que le managing de l’Assemblée laissait à désirer ce jour-là. A un moment, le député Ould Bedredine interpelle le ministre pour lui dire qu’il a échoué. Le ministre réplique : «c’est vous qui avez toujours échoué». Commence le cycle de confrontation verbale qui se termine par une menace de retrait des députés de l’Opposition. Menace qui ne sera mise à exécution que quand le ministre aura fini de parler. Comme quoi…

lundi 30 janvier 2012

Trop d’étrangers dans les Ambassades ?

En ces jours où l’on parle encore des récépissés d’autorisation accordés à quelques 18 sociétés de gardiennage appartenant à des retraités des forces armées et de sécurité, il serait utile de ne pas oublier de parler de tous ces gardiens, comptables, assistants d’origine étrangère qui travaillent dans les ambassades à Nouakchott.
L’une des ambassades les plus pourvus en étrangers employés, est sans doute l’Ambassade des Etats Unis d’Amérique à Nouakchott. Une vieille tradition qui semble être maintenue malgré la disponibilité d’un personnel mauritanien qualifié. Mais les Américains préfèrent employer des sierra léonais, des libériens, des ivoiriens, des guinéens, des togolais, des ghanéens… et les mettre à des postes de responsabilité plutôt que des mauritaniens.
Dans la perspective de la construction de ses nouveaux locaux qui lui donneront une autre dimension, l’Ambassade envisage de recruter un nouveau personnel (sécurité, techniciens de petits métiers…). La priorité sera donnée certainement aux étrangers. Il y a aujourd’hui au moins 14 postes de responsabilité tenus par des étrangers.
Je soulève cette question pour deux raisons. La première est que je suis sûr qu’aucun mauritanien – quelle que soit son statut ou son origine – ne peut postuler à un poste dans une Ambassade américaine ailleurs qu’à Nouakchott. La seconde est l’aversion qu’on peut avoir pour les sociétés de gardiennage qui se constituent autour de tels marchés. Dans la plupart des pays africains qui ont connu la guerre civile, les sociétés de gardiennage ont joué un rôle prépondérant. En tant que milices constituées au service d’un commanditaire donné.
La Mauritanie croit pouvoir éviter ces risques en réservant la filière aux «gens du métier». Mais il faut aussi leur trouver le filon en intervenant auprès des Ambassades et des organisations partenaires techniques et financiers pour encourager le recrutement au sein des mauritaniens d’abord. Ce n’est pas de la xénophobie, mais plutôt un ordre de priorité qui doit exiger de chacun de pourvoir les postes qui peuvent l’être par des locaux.

dimanche 29 janvier 2012

En attendant que le ministre passe


TVM a commencé une opération de communication en invitant des ministres chaque deux jours. Les ministres du transport, de la santé et du développement rural sont passés. La semaine dernière, c’était au ministre de l’habitat de passer. Mais il n’a pas voulu. Les problèmes du lotissement sont si nombreux que le ministre ne semble pas avoir réponse à tout. Au moins qu’il demande préparation.
En réalité, les autorités ont été centrées sur la solution propriété au lieu de la solution logement. Du coup le problème est continu. Parce que chaque fois que les lots sont distribués, les bénéficiaires se déplacent et envahissent le prochain lotissement.
104.000 lots ont été distribués à Nouakchott, quelles questions faut-il se poser en conséquence ? comment éviter la corruption des circuits de distribution ?
Il faut revenir à la politique de développement du logement social et imaginer des solutions pour ce faire. Sans cela tout ce qui sera entrepris sera vain. Un mythe de Sisyphe qui se défile devant nous…

samedi 28 janvier 2012

Derrière l’ISERI


Depuis quelques jours, les rues de Nouakchott sont animées par une subversion estudiantine partant de l’ISERI (institut des études religieuses). L’Imam central de Nouakchott a pris fait et cause pour les étudiants de l’ISERI. Sans visiblement savoir les vrais dessous.
C’est en passant devant les anciens locaux de l’ISERI que j’ai découvert ce slogan : «Non à l’assèchement des sources islamiques» (laa litajfiifi elmanaabi’i ilislaamiya). Il s’agit d’une politique développée par les Américains et les Saoudiens dans le cadre de la lutte contre l’extrémisme religieux. Il s’agissait d’agir au niveau des sources de recrutement comme les centres de formation religieuse, les écoles traditionnelles, d’agir ensuite au niveau des programmes pour les changer… Rien à voir avec ce qui se passe pour l’ISERI.
Les autorités ont décidé de créer une université religieuse à dimension sous-régionale dans la ville d’Aïoun. Cette université devra recevoir les étudiants titulaires d’un bac et ayant suivi un cursus scolaire moderne.
Est-ce que les étudiants demandent leur inscription eux-mêmes à l’université ? veulent-ils régulariser leurs situations ? un internat ? une bourse ?
Non, ils veulent tout simplement que l’ISERI ne soit pas fermé. Et derrière eux se déploie toute une toile qui soutient le maintien de l’ISERI. Effectivement pourvoyeur de militants pour les activistes et prédicateurs actifs ou non.
On peut rappeler aussi que les diplômes de l’ISERI servaient de tremplins pour leurs titulaires pour accéder facilement aux postes de magistrature, de professeur d’université, de hauts gradés de la police… pour si peu d’efforts finalement.

vendredi 27 janvier 2012

La douane se fête


C’est un record pour les douanes : près de 94 milliards ouguiyas (315,8 millions dollars) de recettes pour l’année 2011. Soit 21,3% de plus que l’année précédente. C’est ce que révèle le directeur général des douanes, colonel Dah Ould El Mamy lors de la célébration de la journée des douanes, le 26 janvier.
La modernisation des procédures, l’adaptation et l’affinement des textes, sans doute aussi la rigueur dans les recouvrements. C’est sous le thème de «les frontières séparent, la douane relie» que les douanes mauritaniennes ont fêté leur journée.
Reste que le corps reste mal perçu en trainant une notoriété, probablement surfaite, de haut lieu de la corruption. Le nombre des voitures de luxe volées en Europe et en circulation à Nouakchott y est pour quelque chose. Mais aussi le nombre des postes de contrôles sur les routes mauritaniennes. Des postes qui sont plus des goulots d’étranglement qu’autre chose.
On attend de l’actuelle direction, réputée pour sa rigueur, justement une profonde moralisation et une grande campagne pour soigner l’image du corps.

jeudi 26 janvier 2012

La Mauritanie gagne des points


C’est le rapport annuel de RSF qui nous l’apprend : la Mauritanie arrive à la soixante-septième place (67ème), gagnant 28 places par rapport à l’année passée. La Mauritanie est naturellement le premier des Etats Arabes. Deux pays de notre voisinage africain arrivent devant notre pays : le Mali à la 25ème place et le Niger à la 29ème place.
Le classement de la Mauritanie et celui du Niger arrive sous la rubrique «Une progression spectaculaire et des percées notables». Ce saut qualitatif est expliqué par l’absence de répression de la liberté d’expression, l’adoption de lois sur la presse électronique, la libéralisation de l’audiovisuel et, pourquoi pas la dépénalisation. RSF suggère au Président mauritanien de signer la Déclaration de la Montagne de la Table (dont l'objectif est de promouvoir la liberté d'expression), ce qui fera de la Mauritanie un pays du peloton de tête.
La liberté d’expression est la base du système démocratique. Si le gouvernement réussit à exploiter les résultats du dialogue politique avec notamment un bon choix des membres de la CENI et un respect strict de la neutralité de l’administration, la Mauritanie pourrait connaitre de meilleurs classements sur le plan de la libéralisation, de la lutte contre la gabegie, contre la corruption…
Les polémiques politiques qui tournent souvent à la vindicte personnelle, tendent à occulter ces avancées réelles. Surtout sur le plan de la liberté d’expression.
Les tendances «révolutionnaires» actuelles partent d’une analyse tronquée qui veut que nous en soyons encore à suivre le chemin suivi en Egypte ou en Tunisie. Ces pays sont encore à élire des constituantes qui auront pour mission d’asseoir un pluralisme politique et des sociétés ouvertes avec garantie de la liberté d’expression et d’organisation. C’est un stade que nous avons passé en 1992 quel que soit par ailleurs ce qu’on peut penser de la démocratisation lancée à l’époque.
La «révolution» en marche depuis mercredi s’est-elle posé des questions sur cet état de fait ? ou a-t-elle simplement été décidée pour arriver à bout d’un régime qu’on estime «usé» ? Auquel cas, il suffit effectivement d’actionner les étudiants (de l’ISERI notamment), la force des Haratines, l’opposition traditionnelle, le tout encadré par la force «neuve» de la mouvance islamiste. Un peu la chronique d’une révolution annoncée…

mercredi 25 janvier 2012

Fronde démocratique


C’est l’histoire du vote des amendements constitutionnels par l’Assemblée qui est à l’origine d’une fronde qui semble persister. Depuis quelques nuits, la direction de l’Union pour la République (UPR) cherche à ramener les députés affiliés au parti «à la raison». Les députés, pour la plupart d’entre eux, refusent de voter les amendements concernant le nomadisme politique et l’interdiction des candidatures indépendantes.
On dit que le poids personnel joue dans une élection plus que l’appartenance partisane. Le mandat est donc un mandat personnel. D’où la nécessité de garder le choix des candidatures indépendantes.
En face, on soutient que le renforcement des partis passe par l’obligation pour chacun des élus d’évoluer dans une structure «démocratique». Sans parti, on ne peut parler de démocratie. Il est du devoir des autorités, de la société civile, des démocrates du pays… que les partis soient forts, qu’ils aient des programmes, des visions pour le pays… Cela commence pour ceux-là par la fidélisation de leurs élus.
Rappelons quand même l’autre problématique qui concerne le positionnement, les raisons des uns et des autres, les projets de société… qui est de gauche ?   qui est de droite ? qui est progressiste ? qui est conservateur ? qui est quoi ? qui fait quoi ? qui veut quoi ?
Construire un Etat moderne sur la base des valeurs citoyennes universelles : égalité, justice, liberté… droit au logement, à l’entreprise, à l’emploi, aux soins, à l’éducation, aux infrastructures…
Renverser l’ordre social inégalitaire et injuste, dénoncer la domination des classes privilégiées, émanciper les couches opprimées, relire les textes sur la base de la recherche des équilibres entre les couches sociales, remettre en cause l’ordre social établi…
Nous savons que la «rébellion» des députés de l’UPR est un phénomène de saison qui n’est pas appelé à durer (on ne se révolte pas dans ces milieux-là). Mais la question est quand même relancée. Elle mérite l’intérêt de chacun… que cet intérêt s’exprime aussi…

mardi 24 janvier 2012

Le pire est derrière nous


Arrêtons un moment cette hystérie qui prend une partie de notre classe politique, tandis que l’autre partie est plongée dans une inertie qui ressemble étrangement aux effets de drogues que l’on administre aux malades mentaux. D’un côté, nous avons ces gens-là, murés dans un silence d’hécatombe, incapable de réaction, parfois ne donnant aucun signe de vie. De l’autre, tous ces excités qui vocifèrent pour dire n’importe quoi. Rien ne semble plus les arrêter…
Parmi les absurdités que j’ai enregistrées ces derniers jours figurent ces parties de discours qui disent que «la période de Ould Abdel Aziz est la pire de ce que nous avons connues». Je ne veux pas discuter ici le jugement lui-même qui n’engage bien sûr que son auteur. Mais je crois qu’il est du devoir des Mauritaniens, de ceux qui s’expriment publiquement du moins, de faire l’objection suivante :
Au nom des milliers de Mauritaniens mis en prison, torturés, exécutés, expropriés, expulsés de chez eux, au nom des orphelins de cette période, des veuves qui courent encore derrière leurs droits, au nom de tous ces Mauritaniens dont le compte n’a jamais été fait avec exactitude et qui ont été réduits au silence parce qu’ils ont osé dire non, au nom de ceux qui ont subi l’arbitraire sans raison… en leur nom, je crois à l’indécence de tels propos.
Quand on a supporté la Mauritanie de 1980 à 2005, quand on a soutenu les pouvoirs d’entre ces dates-là, quand on a participé à l’exercice de ces pouvoirs…, on peut faire semblant et chercher à blanchir une époque. On ne peut plus cependant s’offusquer…
Nous ne vivrons jamais plu pire que ce que nous ont fait vivre les régimes de cette époque-là. En terme d’exercice quotidien de l’arbitraire, de pillage systématique des ressources, de sape des fondements de l’Etat, de déstructuration des solidarités sociales, de culture de l’indignité, d’usage de faux, d’appropriation des biens publics par des privés, de clientélisme, de népotisme… JAMAIS NOUS NE VIVRONS PIRE QUE CE NOUS AVONS VECU.
Le deuxième propos que je trouve écœurant, ce sont ces appels multipliés tantôt à une intervention de l’Armée, tantôt à une révolte populaire où les jeunes seraient prêts à mourir en vue de renverser le pouvoir.
J’ai perdu un fil : n’est-ce pas ces partis dont les leaders appellent aujourd’hui à «écourter» le mandat de Ould Abdel Aziz, n’est-ce pas les mêmes qui ont reconnu, les uns en 2009 les autres en 2010, son élection ? Alors pourquoi ne pas affuter ses armes en attendant la seule échéance qui vaille démocratiquement parlant : la fin du mandat ? Je crois que les politiques perdent encore une fois le sens de la lecture des rapports de force. Il ne suffit pas de venir demander aux populations de Magta Lahjar de «venir nous aider à renverser le régime» (sic) pour que le changement s’opère. Il faut beaucoup plus.
En terme de sacrifice d’abord. Ce ne sont pas les jeunes mauritaniens qui ont manqué de sens de sacrifice : en 1992, les militants de l’UFD se débattaient encore dans leur sang quand des pourparlers ont été engagés avec le régime qui leur avait tiré dessus. En 1995, les partis d’opposition ont été les premiers à appeler au calme face aux émeutes du pain qui ont failli pourtant être une étincelle. En 2003, alors que le pouvoir était dans la rue, ces mêmes élites politiques ont préféré rester «cachées» chez elles… Et puis, il faut le dire, si l’on excepte les jeunes officiers Ould Mini et Ould Hanenna traduits en justice en 2004-2005, aucun homme politique n’a jamais plaidé coupable sous nos cieux. Au moins depuis le milieu des années 70. C’est révélateur quand même.
Ces appels et ces discours sonnent comme l’expression d’une double incapacité : incapacité à produire un programme alternatif, incapacité de renverser le rapport de force.

lundi 23 janvier 2012

Un fait divers quand même


L’affaire dont on veut bien faire l’unique centre d’intérêt des Nouakchottois, est finalement un banal fais divers.
Au début était cet accident malheureux entre jeunes qui manipulaient une arme légère et qui a failli coûter la vie à la fille autour de laquelle la bande de copains s’était retrouvée. La présence du fils du Président a donné une dimension nouvelle au fait. Puis celle d’un des fils Chafii, puis celle d’un Marocain. Tout y était pour qu’en cette période de culture de la désinformation, l’amalgame soit entretenu.
Seulement à partir du moment où la fille est sauvée, et surtout à partir du moment où la procédure d’enquête a suivi son cours normal avec l’arrestation de tous les jeunes, l’affaire retombe au niveau du fait divers. Certes, les détracteurs du régime auraient bien voulu voir le fils du Président soustrait à l’enquête, mais personne ne s’y attendait vraiment… On l’avait suggéré et même espéré dans certains milieux.
«Evénement plus ou moins important qui ne relève ni de l'actualité mondiale, ni de la politique, ni de l'économie», telle est la définition que l’on donne dans les dictionnaires du fait divers. Quelqu’un ajouterait qu’il s’agit d’un fait touchant plus à des particuliers qu’à la communauté.
Je serai tenté quand même de souligner que cette affaire est venue nous rappeler que les frontières en Mauritanie ne sont pas tracées aussi nettement, que les liens s’établissent et se maintiennent malgré la politique, malgré les radicalismes… que finalement, nous possédons des ressorts, des tremplins, des passerelles qui font que le pire ne sera jamais atteint. Le pire est (toujours) derrière nous…

dimanche 22 janvier 2012

Fade Sénégal


Malgré mon état de santé, j’ai tenu à suivre la première sortie des Lions de la Teranga pour la CAN 2012. Face à la Zambie avec ses joueurs de petits gabarits, trainant avec eux le souvenir de leur brillante équipe dont l’avion s’est écrasé dans les années 90 au Gabon.
C’est justement à Libreville que la petite équipe de Zambie doit faire face à ce qui est annoncé comme «la machine sénégalaise». Les pronostics ont certainement pesé.
Dès les premières minutes, on a vu un Sénégal confiant, déployant un jeu technique, de stars européennes. Face à la fragilité des joueurs zambiens, la technicité des sénégalais se transformait en une expression de l’arrogance, de la suffisance.
En face, les Zambiens n’avaient plus rien à perdre. Ils créaient et réussissaient à avoir des coups de génie. Moins de trente minutes de jeu, la Zambie mène deux à zéro.
Arrive la deuxième erreur des Sénégalais : les changements prématurés. Et ce n’est pas le but d’honneur qui sauvera la situation. Les Lions ont perdu un supporter.    

samedi 21 janvier 2012

Le centenaire d’une ville


Mederdra vient de fêter ces jours-ci ces cent ans. Bien sûr qu’elle en a plus, mais c’est une occasion à commémorer, surtout à rassembler et à réfléchir au passé et à l’avenir. L’occasion pour quelques souvenirs de revenir à la surface… souvenir d’une Mederdra – l’attachement que nous avons pour ce bled nous le fait concevoir avec les attributs que notre société, machiste, accorde aux femmes : tendresse, délicatesse, fascination…-, de cette Mederdra que l’on surnomme entre nous «Sanga», «Eddechra» (La ville tout simplement)…
Dans le temps, trois quartiers divisaient Mederdra en plus du centre-ville, une sorte de cœur où l’on retrouvait le siège du Cadi, la mosquée centrale, le marché, la rue commerçante. Au sud, s’étendait le «quartier malgache» appelé ainsi probablement pour avoir accueilli les premiers tirailleurs originaires de Madagascar. Au début des années soixante, on se demandait déjà pourquoi cette appellation. On retrouve dans ce quartier, la vieille école dite «Ecole de garçons, Monsieur Folenfant», les premières familles haratine émancipées et laborieuses qui sont venus s’installer fuyant ou non la servilité, et dès le milieu des années soixante, c’est un quartier où seront installées, pêle-mêle, familles de grands lettrés, de grands griots, de grands artisans… en somme une miniature de la société de l’Iguidi.
Au nord du cœur de la ville, se trouve la Médina. C’est, au début de son histoire, un quartier où se retrouvaient les migrants qu’ils viennent de près (exode rural), ou de loin (auxiliaires de l’administration, familles de prisonniers). Puis, à partir du début des années soixante, la famille émirale Ehl Sidi Ould Mohamd Lehbib vient s’installer, un moment dans un campement appelé «Lahwash» certainement d’inspiration Ehl Cheikh Sidiya, avant de construire les premières belles demeures privées de la ville. Les deux demeures sont toujours là. Elles ont vu passer des hommes et des femmes dont le souvenir est encore très fort dans les esprits de ceux qui ont vécu l’époque. Ce choix a fait de Médina un centre plus ou moins «autonome».
A l’est, s’étend «El Gawd», une sorte de vallée encaissée entre les deux grandes dunes qui dominent l’univers dans la région. C’est là où l’on trouve le service local de l’élevage, les vieux puits, les vieilles familles de propriétaires traditionnels…
Toute cette configuration a été bouleversée par l’exode rural vécu ici dès 1968. La modernité a signifié d’abord l’engagement profond de la jeunesse dans le militantisme kadihine de la fin des années 60 et du début des années 70. C’est une ville où l’on faisait la lecture collective des œuvres de Marx, Lénine, Mao et où on célébrait aussi le mouvement hippy à travers la reprise de chansons-cultes. Je me souviens encore de la fin des années 60 où la génération Rajala, Ahmed Hababa, Oumar Sy, Bilal Werzeg, Ken Buggul, Diallo… animait des soirées avec des ballets engagés, des reprises de chansons «rock lislam»… Et plus tard, lé génération qui est la mienne, celle des Beddah, Rajil, Moulaye, Hemett, Amadou, Tah Zeyn, Bolli… verser dans la culture francophone classique… Un peu nous suivant, la génération Hendaya, Hamed, Latef, Blal… s’investir dans le nationalisme arabe. Jusqu’aux années 90, pas un vide.
…Et vint le PRDS, avec lui les listes pour les municipales, la haine, l’absence de débat, la fracture interne… La ville déjà prise d’assaut par le temps en prit un coup de plus. Abandonnée par les siens, Mederdra fut lentement ensevelie dans un linceul fait d’oubli et d’indifférence. La manifestation actuelle peut-elle lui rendre un coup de splendeur ? Espérons.

vendredi 20 janvier 2012

Les accidents encore


Il nous arrive de nous rendre compte que ce que nous écrivons – nous journalistes – sert, qu’il interpelle parfois. Par rapport à un texte sur les routes qui nous déciment, j’ai reçu des statistiques de la part d’un ami, haut responsable dans le domaine des assurances. Les statistiques s’arrêtent malheureusement à 2010, mais elles donnent une idée de l’hécatombe.
En 2003, il y a eu 8056 accidents en Mauritanie constatés par la police et/ou la gendarmerie, en 2004 : 9543, 2005 : 8633, 2006 : 8525, 2007 : 8819, 2008 : 7894, 2009 : 8116 et 2010 : 6296. Pour 190 tués en 2003, 230 en 2004, 222 en 2005, 240 en 2006, 202 en 2007, 208 en 2008, 221 en 2009 et 121 en 2010.
Sur ces accidents, 7037 accidents de 2003 enregistrés à Nouakchott, et 6819 des 8116 de 2010 ont été enregistrés à Nouakchott. 58 morts des 121 morts de 2010 ont été tués à Nouakchott. Soit plus de 50% des morts sont de Nouakchott. C’est la tendance. 

jeudi 19 janvier 2012

Les ramasseurs de coquillages


Ils étaient des dizaines à manifester devant le Parlement pour sensibiliser autour de leur problème : on vient de leur interdire l’exploitation de la zone du nouvel aéroport pour extraire le coquillage.
Ils sont des dizaines de jeunes et de moins jeunes qui se rendent chaque jour à quelques vingt kilomètres au nord de Nouakchott. Leurs journées commencent vers six heures du matin pour ne se terminer qu’au coucher du soleil. Avec leurs pelles, ils creusent dans les sebkhas et isolent, grâce à l’utilisation de grands tamis, le coquillage qui sert dans la construction dans la ville de Nouakchott. C’est toujours grâce à leurs pelles et leurs bras qu’ils chargent les bennes et camions qui sont vendus par leurs propriétaires aux consommateurs de la ville. Eux vendent la force de leurs corps, en mangeant et en buvant peu (surtout mal) à des exploitants qu’on ne voit jamais : ce sont les intermédiaires, chauffeurs de camions ou pas, qui sont visibles.
On les côtoie quotidiennement mais peu de gens s’intéressent à leur situation. Ni syndicat, ni ONG, ni organe de presse, ni élu… personne ne s’est jamais intéressé à ce monde qui évolue en marge de la société. Jusqu’au jour où les autorités ont décidé de fermer cet espace à l’exploitation…
Pas même les associations de défense de l’environnement ne se sont inquiétées de l’exploitation abusive du coquillage dans ces dépressions nées de régressions marines anciennes. Pas même le ministère dédié à l’environnement.
Pas même le ministère de la santé pour s’inquiéter des conditions de vie de ces citoyens. Non plus les associations des Droits de l’Homme.
Peut-être qu’il est temps pour tout ce monde de regarder du côté des ramasseurs de coquillage pour soulager leurs peines.

mercredi 18 janvier 2012

Ould Bikrine à la DGSN


Je l’apprends entre deux convulsions : le général Ahmed Ould Bikrine remplace le général Mohamed Ould El Hady à la tête de la direction générale de la sûreté nationale (DGSN). Un échange de postes entre les deux hommes qui a plusieurs niveaux de lecture. Un seul m’intéresse, celui qui concerne l’arrivant.
Il faut dire que le temps d’une réforme du système de renseignements, particulièrement la police, que ce temps est arrivé. Il y a déjà un statut spécial et une réorientation des compétences et des missions. Il restait à rétablir la justice : il n’y a pas de raison que la police continue à être dirigée par un étranger au corps. En effet, l’encadrement de la police compte bien des cadres de compétence et d’expérience qui peuvent diriger ce corps. Ceci dit, l’arrivée du général Ould Bikrine pourrait justement être le prélude de la future profonde réforme du système.
L’homme est connu pour son parcours plutôt droit. Austère dans sa vie de tous les jours, il est reconnu pour ses compétences et sa modération. Ancien Avocat général de la Cour Spécial de Justice, il a commandé la Gendarmerie, les Douanes… Homme de loi, sa tendance est plutôt à défendre la norme et non à encourager son viol.
Avec Ould Bikrine à la DGSN, le général Ould Ghazwani à l’Etat Major national, le dispositif sécuritaire de Ould Abdel Aziz prend un coup de maturité qui lui sera certainement d’un grand bénéfice. En effet, les défis de la période actuelle exigent la mise à contribution d’hommes alliant sens de l’Etat, loyauté au régime et détachement. Pour renforcer le tableau, on parle du général Messgharou Ould Sidi à la tête de la Garde nationale et du Commissaire Mohamed Lemine Ould Ahmed à la tête du GGSR (sécurité routière).
Le redéploiement de l’Appareil sécuritaire est lu comme l’annonce d’un futur «chambardement». Nos compatriotes adorent avoir en perspective «un chambardement», oubliant que le Président Ould Abdel Aziz a jusque-là procédé à un goutte-à-goutte pour changer son dispositif civil et militaire.
Ça viendra, mais rien ne dit que cela prendra une grande ampleur ou que ce sera dans l’immédiat.

mardi 17 janvier 2012

Tasiast-Kinross doit mieux faire


Voilà une mine qui est visiblement en passe de devenir parmi les cinq plus importantes du monde, la première d’Afrique probablement. Mais dont les retombées sur la Mauritanie restent en-deçà de ce qui est justement attendu. Je ne parle pas du niveau des royalties qui, même s’il a augmenté, est encore faible. Ni des emplois, ni des marchés…
La société est venue exploiter une mine à ciel ouvert, en plein désert mauritanien. Dans une région cependant où existent déjà quelques infrastructures dont la route Nouadhibou-Nouakchott, quelques stations de radar de surveillance maritime sur la côté, un ou deux points de santé dans le Banc d’Arguin, quelques sondages d’eau douce… Elle n’a rien ajouté en terme d’infrastructures à cet environnement qu’elle exploite avec «boulimie».
Première constatation : les expatriés de la société habitent sur les Iles Canaries où ils ont loué, nous dit-on, 362 bungalows et les services d’une aviation privée pour assurer les va-et-vient des équipes entre les Iles et l’usine à Tasiast. C’est là-bas qu’ils achètent ce qu’ils mangent, ce qu’ils consomment en général, qu’ils dépensent leur fric… On peut imaginer ce que cela aurait pu être si l’on avait exigé de la société de construire, quelque part sur les belles côtes d’en face, un site, un campement où les Mauritaniens pourraient proposer tout ce dont un expatrié peut avoir besoin, y compris l’alcool, les casinos… La Mauritanie y gagnerait au moins, la présence sur son sol de dizaines d’experts, de cadres, probablement de leurs familles qui auront besoin de la construction d’un hôpital qui pourra traiter les populations environnantes, d’écoles qui pourraient accueillir les enfants des cadres mauritaniens de la société, de la construction de routes-bretelles reliant la côte à la route Nouadhibou-Nouakchott… et, à la fin, pouvoir récupérer un village en entier comme ce fut le cas pour le «camp raffinerie», «cité IMAPEC», «Cansado», «Mendes»… Mais rien, juste des gens qui quittent la grande île en début de semaine pour venir exploiter une richesse et revenir, sans laisser de trace… Cela fait la fortune des îles espagnoles qui ne sentent pas de plein fouet la récession qui frappe le reste du pays.
Par ailleurs, on nous dit que Tasiast-Kinross lance bientôt la construction d’un chemin de fer qui reliera Boulenouar au lieu de l’exploitation. Ce sera la fin des allées et retours des camions conduits par des mauritaniens, appartenant à des Mauritaniens et loués par eux à la société… et donc la fin de centaines d’emplois de chauffeurs, d’apprentis, de gardiens et finalement de tout ce qui vit là-dessus. Pourquoi ne pas amener la société à construire une double-voie sur les deux cents kilomètres qui séparent le lieu de l’exploitation du port de Nouadhibou qui est le port d’exportation ? Plus simple et plus bénéfique pour la Mauritanie, non ?

lundi 16 janvier 2012

Face au ministre


D’abord toutes mes excuses pour cette incapacité à remplir la fonction qui est la mienne et qui consiste à vous servir un texte au quotidien… Dès le début, j’ai utilisé le blog pour me permettre de suivre l’actualité qui m’intéresse, pas celle qui s’impose à tous. De donner ma lecture, sinon mon opinion sur ce qui se passe autour de moi, autour de nous. Je ne prétends à aucune objectivité parce que j’ai fait mes choix que j’essaye de faire partager avec vous, de vous expliquer au moins.
La seule prétention que «j’affichais» était que rien ne pouvait m’empêcher d’alimenter quotidiennement la page. D’où mon engagement à le faire au quotidien…
J’ai commencé à tousser sur le plateau de TVM quand j’étais en face du ministre Yahya Ould Hademine (équipement et transports). J’essayais d’éviter d’être frappé de plein fouet par la climatisation du studio et fournissais des efforts énormes pour ne pas déranger par mes quintes de toux.
La présence à mes côtés de plus jeunes journalistes – Isselmou de Tahalil et Cheikh de TVM qui dirigeait le débat et qui fut mon élève -, cette présence me poussait à l’effort : il ne fallait pas que je capitule devant les assauts du temps… une attitude bien de chez nous, tous ces anciens, vieux et moins vieux qui n’envisagent pas un instant de céder la place à plus jeunes… en politique, dans les syndicats, dans l’administration, dans les affaires… personne ne semble vouloir bouger d’un iota pour laisser le tour à la génération suivante.
Je retiendrai de cette soirée que Ould Hademine connaissait parfaitement son dossier et qu’il doit avoir répondu aux attentes de ses chefs lui qui intervenait pour expliciter le discours-programme-bilan du Premier ministre devant le Parlement. Et qui est allé au-delà de cette mission première pour envoyer des messages politiques forts et pour répondre indirectement à toutes les critiques des détracteurs du régime. Sans utiliser la langue de bois, notamment ces formules-chocs genre «sous la clairvoyance du Président…». Tout en rendant à César ce qui lui appartient, au Président ses réalisations en les situant dans le temps, il n’a pas eu besoin d’évoquer son nom ni ses qualités. Que le langage des chiffres, le sourire aux lèvres pour dire l’assurance qu’il avait.
En sortant de l’émission qui a duré deux heures, je me disais qu’il y a des sujets qui vont disparaitre des sites et des ragots pour un bout de temps, notamment celui de l’aéroport, des concessions rurales, des projets de routes en cours… Tant que les autorités ne communiquent pas clairement sur un sujet, n’importe qui peut en dire n’importe quoi. Le moindre exercice de communication coupe les supputations.
En sortant de l’émission, j’avais déjà 42° de fièvre…

dimanche 15 janvier 2012

Un (autre) jour de l’an

Certains ont fêté le 1er janvier comme jour de l’an. Ce qui a soulevé quelques mécontentements, les uns considérant qu’il s’agit là d’une fête «chrétienne» que les musulmans ne doivent pas célébrer. TVM a appelé cela «le jour de la nouvelle année administrative», le ridicule n’ayant pas de limite…
Il se trouve que dans la Mauritanie traditionnelle, on fêtait le 14ème jour de janvier comme étant le 1er jour de l’année «musulmane» (hasbit el misilmiine, le compte des Musulmans). C’est l’occasion de «dénouer les plis» (hal eçrir). Il s’agit d’une pratique ancestrale : durant toute l’année, chacun aura mis de côté des biens qu’il n’a pas besoin de consommer, des dattes, des pièces, des bijoux… au nouveau jour de l’an, il commence à déballer tout cela et à le distribuer aux nécessiteux. C’est ainsi que le «jour du déballage» (yawm hal eçrir) fait partie des jours attendus toute l’année parce qu’il est jour de partage et de solidarité. D’où nous vient cette célébration ?
Le calendrier berbère fête le 14ème jour de janvier comme étant le 1er jour de l’an. Nous en sommes aujourd’hui à l’année 2962. Ce calendrier berbère qui a survécu à l’Hégire puis au Grégorien, est en fait lui-même une survivance du calendrier Julien qui arrive en décalage de 14 jours par rapport au Grégorien. Dans ce calendrier, l’année est de 12 mois, mais les saisons sont cinq chez nous.
«Shta» (hiver) qui compte les mois de «dujambar» (décembre), «yunayer» (janvier) et «vebrayer» (février), les mois commençant chaque 14 et se terminant chaque 13 du grégorien. Les nuits les plus froides sont celles que nous indiquons par «legriis» (le gel) et qui correspondent aux vingt dernières nuits de «dujambar».
«Tiviski», une sorte de printemps qui dure le mois de «maars» (14/3 au 13/4). Le soleil est plutôt «fort», les nuits fraiches.
«Eççayv» (été, saison sèche) qui dure les mois de «briil» (avril) et «maaya» (mai). Jusqu’au 13 juin, c’est la période de disette, de fortes chaleurs, de vents secs et chauds…
«Lekhriiv» (hivernage, saison des pluies) qui dure, normalement, de juin à septembre (yuniya, yuliya, ghisht, shutambir). C’est la belle saison des pluies où l’abondance marque les temps et les hommes.
«Elaawa», une variation de l’automne qui dure les mois «ktowbar» et «nouwamber» (octobre et novembre) et qui est la période transitoire entre la saison des fortes températures, celle des pluies et celle du froid. «ah elleyl u ah ennhaar» (aïe le jour, pour la chaleur, aïe le soir, pour le froid nocturne). C’est la période où les Bidhâne apprécient la viande, le lait, la belle vie…
Tout cela pour vous dire : bonne année. Et pour le faire en Bidhâni, je vous offre à lire cette tal'a (poème) du poète émérite Erebâne dont le génie s'exprime ici par la description de "la saison qui entre dans la saison" (edkhuul ennewba vinnewba):

«kelhamd illi manzal la’laab
dahru vaat u gafaat shaab
likhriiv u taavi ‘aad ish haab
il harr u varqet yaajoura
u vraq baass ilkhayl illarkaab
ilmin ha kaanit ma’dhuura
u khlat bard ellayl u lemdhal
waryaah issehwa mahruura
u khlat zaad igiliiw u dhal
ilkhayma hiya waamur»
(heureusement que le temps de l’occupation des grandes dunes/est passé et que la saison des pluies hivernales recule/que les fortes chaleurs/ont baissé comme le souffle de l’harmattan/qui empêchait de monter les chevaux/prétexte pour les mauvais cavaliers/et s’est mélangé la fraîcheur de nuit et de jour/le vent du nord ouest a soufflé/et s’est mélangé l’air humide des marigots asséchés, l’ombre des tentes et celle des acacias)

samedi 14 janvier 2012

Contre-performant pour les commanditaires


L’information concernant le départ «précipité» de l’Emir du Qatar est fausse. Bien sûr. Mais sa diffusion et son entretien relèvent de l’intoxication visant à indisposer le pouvoir, voire le discréditer.
Une semaine après, on se rend compte que cela a produit l’effet contraire. Pour l’opinion publique arabe très remontée contre les monarchies du Golfe, le Président Ould Abdel Aziz est célébré comme un héros qui a pu dire non aux doléances de l’Emir et manière violente. La presse algérienne, syrienne, libanaise, la presse électronique contestataire… ont consacré éditoriaux et articles à l’information (pourtant dénuée de tout fondement).
Dans l’opinion publique mauritanienne, cette attitude a été saluée comme une volonté d’indépendance. Ce qui a plu plutôt…
A la suite de ce bruit, le Qatar se voit obligé d’accélérer la réalisation de ses projets en Mauritanie. Les autorités de ce pays prendront nécessairement en compte les relations avec le pouvoir en Mauritanie pour essayer de «peser» sur les expressions, «véhémentes» de plus en plus, de l’opposition établie au Qatar. Pour les sceptiques, ils peuvent être renvoyés aux images de la télévision tunisienne montrant notre Président en compagnie de l’Emir du Qatar, côte à côte, au cours de la commémoration du départ de Ben Ali.
On ne peut rien construire sur le faux, sur l’approximation. La réalité est déjà assez scandaleuse pour les Mauritaniens qui, après cinquante-et-un ans d’indépendance, sont encore à raisonner en termes de clivages tribaux, ethniques, régionalistes… Dans une Mauritanie où l’on ne sait pas combien nous sommes, qui nous sommes, où nous sommes, ce que nous faisons, ce que nous voulons, ce que nous voulons faire de nous-mêmes et de notre pays… dans une Mauritanie où l’on importe tout ce dont nous avons besoin pour vivre. Même les idées. Dans une Mauritanie où la faillite de l’élite aurait dû être décrétée depuis bien longtemps… au moins depuis ce fameux mars 2007 qui a vu s’affronter, au deuxième tour d’une présidentielle âprement discutée, deux hommes tous deux membre du régime «déchu» le 10 juillet 1978… quelle expression plus éloquente de l’échec de la classe politique qui n’a pas pu, entre temps, produire des hommes capables de convaincre ?
Encore une fois, on apprend précocement que «la politique, c’est l’art du possible» et que «la guerre est une continuation de la politique par d’autres moyens»… élémentaire, n’est-ce pas ?

vendredi 13 janvier 2012

Sous le linceul de l’abandon


Nouadhibou… je n’y suis pas allé depuis plus de deux ans. Reprendre une route que je connais par cœur, arriver dans une ville qui est pour moi le résumé d’une Mauritanie que j’aime : celle du labeur, de l’enracinement et de la modernité… Plus de deux ans…
J’y suis parce que la ville vient de perdre l’un de ses fils prodigues, l’une de ses personnalités-clés, en même temps symbole d’une vertu qui a survécu aux flétrissures du temps, à la voracité de la loi du marché qui a façonné des générations, un homme qui s’appelle Moustapha Ould Ghallawi et qui vient de quitter ce monde. Une vie remplie de bienfaits, de culture de l’abnégation, de culture de la vertu, de la mesure… Avec son épouse Aziza Mint Sbai, ils ont pu élever leurs enfants dans une atmosphère faite de bonté et de respect de l’autre. Ils ont su inculquer quelques-unes des plus belles valeurs qu’ils ont héritées de leurs environnements respectifs… La perte d’un tel homme est l’occasion de faire ce déplacement pour présenter des condoléances que je réitère ici à tous les habitants de la région, aux familles restreintes Ehl Ghallawi et Ehl Sbai, aux enfants, aux petits-enfants…
Nouadhibou affiche une profonde tristesse malgré ses rues grouillantes. Le premier interlocuteur va vous parler de la crise économique… vous pourrez vous dire : «ces Mauritaniens qui se morfondent toujours. Toujours à se plaindre. Toujours à parler…» Il va pousser pour vous dresser un tableau noir de la situation… un diagnostic sévère qui n’implique cependant rien sur le plan de la vie de tous les jours. Ni révolte, ni grève, ni contestation exprimée au grand jour… pourtant nous sommes bien dans la ville de la contestation, «la ville frondeuse» comme on l’appelait du temps de Ould Taya…
Cette ville croule aujourd’hui sous la poussière et l’odeur fétide dégagées par les cinq usines de farine de poisson. Cinq usines fonctionnelles… sur un total de 37 agréments qui devraient bientôt se concrétiser. Ce sont des usines qui collectent la sardinelle pour la transformer en farine destinée aux marchés européens d’aliments de bétail et d’engrais.
Ailleurs, ces usines ne traitent que les déchets des prises. Ici, c’est bien le poisson en entier qui est transformé parce que, plus il y a de protéine, plus le prix est élevé. Ailleurs, toute usine qui s’installe doit répondre aux normes environnementales. Ici, aucune disposition n’est prise pour protéger l’environnement et les hommes. Les odeurs pestilentielles dégagées par les cinq usines en activité font courir énormément de risques aux populations déjà affectées par des maladies respiratoires qui prennent l’allure d’épidémie. L’environnement, n’en parlons pas…
Nous sommes à cinq usines… et si toutes les usines prévues étaient en marche ? Et puis pourquoi cette ruée vers la production de la farine ?
Il y a quelques années, la FAO a demandé aux pays producteurs de mettre fin à cette activité qui détruit une source importante de l’alimentation des hommes dans les pays concernés. La FAO a réussi à amener le Maroc à démanteler une trentaine d’usines qui détruisaient ainsi la protéine dans un pays dont la population en a besoin. Toutes les usines démantelées au Maroc ont trouvé des partenaires en Mauritanie où elles ont commencé à s’installer. Nouadhibou en souffre avec cinq usines. A Nouakchott on en compte une.

jeudi 12 janvier 2012

Quelle date pour les élections ?


C’est certainement la perspective des élections qui excite les milieux politiques. Personne n’est vraiment préparé. Aucun parti, pas même ceux qui ont refusé de participer au dialogue, ne peut se permettre de boycotter ces élections. L’expérience des législatives de 1992 est encore présente dans les esprits, du moins on l’espère pour la démocratie mauritanienne. C’est bien le boycottage de ces élections qui est aujourd’hui considéré comme une sorte de «péché originel» des acteurs politiques qui ont à jamais compromis le processus de l’époque.
Au niveau de la Majorité, l’Union pour la République (UPR) qui en est le noyau est affaibli par le manque d’engagement visible du Président de la République Ould Abdel Aziz qui va jusqu’à encourager les scissions au sein des cadres du parti. Les partis satellites de cette Majorité souffrent de l’hégémonie pesante du parti qui a l’ambition de jouer le Parti-Etat.
N’empêche que le Président Ould Abdel Aziz serait contre toute idée de nouveau recul des élections. Le Conseil Constitutionnel avait fixé le mois de mai comme deadline du mandat parlementaire actuel, sans pour autant parler d’une date pour les élections. Ce n’est pas de sa compétence. Mais Ould Abdel Aziz a toujours déclaré que le pays souffre chaque fois que des élections sont reculées.
Côté Opposition, ceux qui ont participé au dialogue avaient demandé un recul vers octobre ou novembre 2012. Finalement il a été décidé de confier à la nouvelle Commission électorale indépendante (CENI) de fixer et d’organiser ces élections. Mais en sachant que la CENI n’est pas encore nommée et qu’il va falloir attendre au moins une semaine pour la voir nommée, on peut se demander si le temps lui permet encore d’envisager les échéances avant quelques mois.
Dans le camp de l’Opposition rejetant le processus de dialogue et qui se retrouve dans la COD (coordination), on se lance dans une campagne d’explications autour de l’illégalité de la présente session parlement. A quelques jours seulement de sa clôture et après avoir bénéficié de son «usufruit», voilà que les députés de la COD qui ont envisagé un moment le retrait, se mettent à expliquer le pourquoi du comment de l’illégalité de la session… et du recul des élections… et de la crise politique qui en découle…
Ce, au moment, où de nombreuses voix s’élèvent, au sein de cette Opposition, pour demander la déstabilisation du régime, à défaut de son renversement. Appels du pied à l’Armée, appels francs aux soulèvements populaires, on tente de pousser le régime à la faute – en attendant de le voir bouté dehors.
Le personnel politique semble cantonné dans l’attente : la Majorité est incapable d’exister en tant que pôle politique capable d’impulser et d’imaginer une action en profondeur pour accompagner l’action du Président Ould Abdel Aziz sur le dos duquel elle vit jusqu’à présent ; l’Opposition qui a participé au dialogue n’a rein apporté en terme de révision des attitudes des protagonistes ; l’Opposition qui a refusé le dialogue n’est pas capable de provoquer un mouvement populaire ou de proposer une alternative.
Comme nos ancêtres attendaient que surgissent du néant quelques nuages lourds de promesses, d’entendre un tonnerre ou de voir un éclair annonciateurs d’hivernage précoce, comme nos ancêtres attendaient que les problèmes meurent d’eux-mêmes (une certaine culture de chez nous nous apprend qu’un problème a une durée de vie : il nait, se développe et meurt, la force étant dans la capacité à supporter le temps que cela dure), comme ceux-là notre personnel d’encadrement attend la providence…
Le problème c’est que ceux qui attendent, peuvent attendre longtemps, voire à jamais.

mercredi 11 janvier 2012

Prêts pour la révolution !


Après la sortie politique de Mohamed El Hacen Ould Dedew, voici venir le tour de Mohamed el Mokhtar Echenguitti, cet intellectuel et idéologue islamiste établi au Qatar.
Dans une longue diatribe parue sur le site alakhbar.info, Echenguitti vilipende avec véhémence le pouvoir de Ould Abdel Aziz qu’il appelle à se démettre.
Dans ce pamphlet, le penseur islamiste juge que le pouvoir de Ould Abdel Aziz est usé par «des facteurs de faiblesse mortelle», que ses forces relèvent du temporaire et ne lui offrent pas les conditions de la stabilité comparant ces forces aux «feuilles d’un hivernage en un jour orageux». Citant entre autres «faiblesses» : le faible ancrage social et sa limitation, l’intensification de la crise économique et sociale en Mauritanie, le pillage «de plus en plus systématique et sans scrupules des ressources de l’Etat». Ajouter à cela selon lui «la mauvaise gestion des relations extérieures, l’alliance avec les perdants, ce qui dénote d’une méconnaissance profonde de la logique de l’Histoire». Allant jusqu’à considérer que le Président Ould Abdel Aziz manque cruellement de capacités intellectuelles pour mener à bien le renforcement de la démocratie, encore moins le changement attendu.
Dans son adresse qui prend l’allure d’une profession de foi, Echenguitti croit que pour déstabiliser Ould Abdel Aziz, il y a lieu de constituer une forte alliance rassemblant forces politiques et sociales capables de vaincre le pouvoir. Quatre regroupements devraient être ainsi sollicités pour réussir la révolution : les étudiants et élèves du secondaire, les Haratines pour l’endurance de leurs conditions, les partis traditionnels d’opposition et la mouvance islamiste pour sa jeunesse.
La mouvance islamiste estime apparemment pouvoir faire bouger écoles et universités pour créer l’embryon d’un soulèvement populaire. On comprend dès lors le mouvement qui empêche l’ISERI (institut des sciences et d’études religieuses islamiques) qui accueille les sortants de l’enseignement traditionnel, de fonctionner. C’est ici que se recrute jusqu’à présent l’essentiel des militants de l’islamisme politique. L’avoir transféré en une université à Aïoun (800 km de Nouakchott) dérange le milieu islamiste militant, d’où toute la résistance déployés ces derniers temps.
Le clin d’œil à la force Haratine (anciens esclaves) ne plait visiblement pas dans les milieux militants de la cause anti-esclavagiste. Les observateurs ont été surpris par cette virulente sortie de Birame Ould Abeidi de IRA contre Mohamed El Hacen Ould Dedew, le leader et inspirateur de la mouvance. Cette sortie, peu commentée dans les milieux islamistes, pourrait signifier la fin d’une aventure commune. En réalité, l’appel de Echenguetti à exploiter la souffrance des Haratines est déjà ressenti comme une provocation de plus d’un «bien-né qui n’a jamais eu à cœur de dénoncer cette souffrance-là».
Les partis traditionnels d’opposition sont déjà, pour certains, organisés dans la Coordination de l’Opposition démocratique (COD) qui continue d’appeler au soulèvement contre le régime. Au-delà de ces appels sans lendemains jusqu’à présent, on peut s’attendre à des hésitations de la part de la plupart des composantes de la COD qui ne voudrait pas s’investir dans une bataille dont le gagnant est connu d’avance. On n’a certainement pas oublié la précipitation des islamistes à reconnaitre l’élection de 2009 qui a permis à Ould Abdel Aziz de troquer sa vareuse de général arrivé au pouvoir à la suite d’un putsch dénoncé par la plupart, contre son costume de civil légitimement élu au terme d’un accord qui a vu la mise en place d’un gouvernement d’union nationale.
Echinguetti estime dans son analyse très marquée qu’il existe trois scénarii devant Ould Abdel Aziz. Il peut être aveuglé par son enfermement à vouloir anticiper le mouvement de révolte envisagé en emprisonnant et en réprimant toutes les voix opposantes. Il peut comprendre – «et il lui est difficile de comprendre» - que l’avènement d’un pouvoir civil est incontournable et pour cela être poussé à accélérer le pillage qu’il a entrepris selon les termes de Echenguitti, quitte à faire face au soulèvement par la répression aveugle. Il peut attendre et essayer d’écraser le mouvement du changement à travers un bain de sang et dans ce cas ces forces pourraient compter sur … la compréhension de l’Armée qui ne peut être de son côté…
Du déjà entendu… L’intervention de l’idéologue moderne de la mouvance islamiste intervient quelques jours après un prêche de Cheikh Ould Dedew, prêche fait dans une interview d’une chaine du Qatar.
Continuant sur sa lancée des dernières semaines, Ould Dedew a essayé de créditer la mouvance islamiste de toutes les bonnes intentions. Sans pour autant détailler le projet politique, ni la position vis-à-vis des questions de gouvernance démocratique, de l’école moderne, de la femme, de l’esclavage, des questions de la coexistence communautaire… Rien de tout ça. Juste une profession de foi sur «la bonté des islamistes». C’est pourquoi : «rien ne justifie la crainte de voir les islamistes arriver au pouvoir». Parce qu’«on ne doit pas avoir peur des hommes vertueux et pacifiques, mais on aurait plutôt dû avoir peur de ceux qui sèment l’injustice et la corruption sur terre». Il a rappelé, selon la traduction d’alakhbar.info que «L’objectif du printemps arabe était pour éradiquer un mal ; il est donc inconcevable que cela se fasse par l'instauration d'un autre mal. Il ne s’agit pas, simplement, de remplacer des hommes par d’autres, mais de créer, graduellement, des conditions meilleures, tout en évitant de brûler les étapes». Qui dit mieux ?
La mouvance islamiste – que ce soit au niveau du parti Tawaçoul ou ailleurs – est confronté à un dilemme sérieux : après avoir refusé de participer au dialogue, elle est obligée d’envisager la participation à des élections dont elle n’a pas préparé le cadre et les outils. Et ce au moment où elle est revigorée par les victoires des «frères» du Maroc, de l’Egypte, de Tunisie… Peut-être que le radicalisme dans l’opposition à Ould Abdel Aziz pourrait rapporter en terme de voix à la mouvance. Après tout les victoires ailleurs sont aussi expliquées par une «prime à l’opposition». Pourquoi pas ici ?

mardi 10 janvier 2012

Un mouvement peut en cacher un autre


Peu ou trop d’administrateurs ?
Un habitant de Mederdra me disait l’autre jour : «Mais nous ne savions pas quoi faire d’un préfet (Hakem), maintenant on en a deux». Il voulait savoir le sens de la création de ces nouveaux postes – de préfets adjoints, de conseillers au Wali (gouverneur), de directeurs de cabinets… Il semblait sincèrement désorienté et pouvait aisément croire à un canular. Difficile de le convaincre. Pourtant…
Au début était la formation de dizaines d’administrateurs suivant le nouveau cursus institué par l’ENAJM (école pour la formation des administrateurs, des journalistes et des Magistrats). Avec un contenu moderne et des formes évoluées de formation. L’objectif étant d’initier de nouvelles générations à des méthodes modernes d’administration prenant en compte le sacro-saint principe du respect de l’usager, cultivant le sentiment de responsabilité et les préceptes de déontologie au plus haut niveau. Cette génération d’administrateurs nouveaux a même subi une formation militaire – ou presque – d’endurance et d’orientation. Tous savent aujourd’hui utiliser les moyens modernes de communication : de l’ordinateur au GPS…
La mise en place de nouveaux postes va permettre de les absorber de façon plus efficient parce que prenant en compte l’avenir proche : un préfet adjoint se voit ainsi offrir la possibilité d’apprendre de l’expérience de celui qui était là. Elle permet aussi de palier aux insuffisances qui pesaient sur le rendement et l’efficacité des administrateurs : un préfet (Hakim) pour un territoire immense et qui, absent pour raisons personnelles, bloque tout.
De l’avis des spécialistes que j’ai rencontrés, le dernier mouvement de l’administration territoriale est ainsi plein de sens. Mais il a été occulté par celui opéré au ministère de la communication… dommage.

lundi 9 janvier 2012

Opération réussie


Il y a quelques mois – bientôt une année – démarrait une opération d’insertion de jeunes diplômés dans la vie active. Il s’agissait pour les pouvoirs publics de joindre l’utile au plus utile encore : insérer des jeunes en leur trouvant du travail et participer à la satisfaction d’une partie des besoins en riz.
Dans le cadre d’un programme global visant à exploiter près de 20.000 ha de plus à l’horizon 2013, la plaine de M’Pourrié, hier cultivée par les Chinois puis les particuliers, servira à ce projet. 125 diplômés ont été sélectionnés pour l’aménagement de 1250 ha. Ils ont subi une formation pour les préparer. Chacun d’eux a eu 10 ha pour une exploitation continue et trois vaches laitières en plus d’un fonds de roulement pour la petite entreprise qui est ainsi créée.
Si à l’époque on avait pensé aux campagnes de l’époque où l’on installait les maitrisards devant les fontaines pour en gérer l’exploitation. Un an après, peut-on faire le compte ?
Seulement 1.141 ha ont été mis en valeur, soit 91% du taux d’emblavure. L’insertion des diplômés a été effective à 100%. La production initialement fixée à 5000 tonnes de paddy a atteint 5385 tonnes, soit 7,7% de plus. La rentabilité est de 5 tonnes/ha en moyenne. Si elle n’a pu dépasser 1,5 tonne dans des cas, elle atteint le taux record de 9 tonnes/ha dans d’autres.
Il y a certainement des leçons à tirer de cette expérience…

dimanche 8 janvier 2012

La tolérance comme valeur première


Ceux qui ont la page d’hier, n’ont qu’à comprendre que ce qui suit n’est que l’alternative à ce qui a précédé.
Dans une conférence du Cheikh Ould Dedew que j’avais écouté il y a quelques années, cet Erudit émérite disait que le Prophète Issa Ibnou Maryème – c’est comme ça que nous appelons Jésus – était passé, avec les Apôtres (El hawariyoune), à côté de la carcasse décomposée d’un chien. «Quelle odeur pestilentielle qui se dégage de ce chien !» dirent les Apôtres. «Que dire de la blancheur immaculée de ses dents !» rétorqua le Prophète qui dut s’expliquer : «J’ai relevé ce qu’il y avait de beau en lui».
Les paroles des Prophètes ne sont pas seulement celles de Sages. Elles sont un peu plus que cela. La noblesse du Message oblige les croyants à s’y conformer. Le plus possible.
Ce qui intéresse ici, c’est le sens de l’équité, de la tolérance et de la bonne appréciation. Certains retiendront l’odeur pestilentielle. Le Sage retiendra la blancheur immaculée des dents. Certains s’attarderont sur l’aspect laid. Le Sage retiendra le grain de beauté.
Les uns diront «la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine». C’est un peu plus que ça.
Au lieu de chercher ce qu’il y a de pervers chez l’homme en face, cherchons ce qu’il y a de noble. Ce qu’il de positif au lieu de ce qu’il y a de négatif…
Première conclusion : L’un des grands problèmes qui nous freinent, je crois, est l’arrogance qui nous anime dans notre rapport avec l’autre. Il est toujours moins intelligent, moins fort, moins déterminé, moins légitime, moins… moins… que soi. Et c’est à cause de cette arrogance qui finit par nous avoir le moment venu. L’autre a toujours le dessus. Qu’il soit l’adversaire politique, le partenaire économique, l’allié social… Nous nous retrouvons toujours en train de nous morfondre sur notre sort et d’essayer de faire porter à l’autre que nous n’avons pas su vaincre, la responsabilité de ce qui nous arrive…
Gémir et se plaindre. Nous savons faire cela de façon merveilleuse. Agir ? Nous détestons l’action. Et pour la réflexion, c’est toujours en retard…

samedi 7 janvier 2012

L’arrogance, le pire ennemi de l’homme


Ceux qui lisent le journal La Tribune me permettront cette reprise, pour faire lire le texte à ceux qui n’ont pas (ou ne veulent pas) avoir le journal, version papier.
On raconte que du temps des Awlad M’Bareck, cette tribu guerrière mythique de l’espace Bidhâne, une mère surprit son fils unique, le soir, tournant autour de sa belle jument, lui caressant la crinière, puis le dos, puis les flancs. Plusieurs nuits de suite, alors que le campement dormait déjà, le beau jeune homme se réveillait et s’adonnait au même rituel. Inquiète, la mère demanda un soir à son fils : «Qu’est-ce qui te perturbe ? Quelqu’un t’a-t-il dit quelque chose qui te contrarie ? Pourquoi tu te réveilles à ces heures et tu fais ce que tu fais ?»
Personne en fait ne pouvait contrarier le noble guerrier aimé et craint. Rien ne pouvait perturber la fougue du jeune guerrier. Alors ? «Mère, c’est le mépris des hommes qui me chagrine. Chaque fois que je pense que je suis aussi fort, aussi beau, aussi craint que je le suis, je n’arrive plus à dormir. J’ai envie d’en découdre…» La mère n’attendit pas le reste des propos pour éclater en larmes. «Dommage de te perdre à cet âge. Tu es perdu pour nous…»
Le lendemain des ennemis venus d’on ne sait où attaquèrent le Mahsar des Awlad M’Bareck. La fougue et la témérité – d’autres diront l’inconscience, d’autres encore l’insouciance – du jeune homme l’envoyèrent au-devant des lignes de combat. Il compta parmi les premiers morts de la bataille.
Cette histoire était racontée aux jeunes guerriers pour leur apprendre à tempérer leur fougue. Pour leur apprendre à ne pas tomber dans le piège du mépris de l’autre. Leur apprendre à ne jamais sous-estimer l’adversaire en face. Sous-estimer ou surestimer. Ne pas apprécier à sa juste valeur la situation qu’on croit maîtriser, la situation que l’on doit affronter.

vendredi 6 janvier 2012

La portée d’une visite


La visite de l’Emir du Qatar dans notre pays, même si elle n’a duré que quelques heures, est un évènement diplomatique majeur.
Pour la Mauritanie qui y voit la consécration d’une démarche visant un redéploiement de notre diplomatie sur les scènes «actives» du monde, particulièrement des mondes arabe et islamique pour lesquels le Qatar est aujourd’hui «la mère de toutes les inspirations».
Pour cette Mauritanie qui revient depuis deux ans dans son enracinement africain, ce redéploiement et cette relation privilégiée avec le Qatar, sont l’occasion de se replacer dans la position de l’interface entre ses deux versants : arabe et africain. De revenir peu à peu à sa vocation première de terre de convergence, de point de rencontre et finalement de trait-d’union entre africains et arabes. Nous l’avons dit et redit, la fin de Kadhafi et la partition du Soudan ouvrent la voie à notre pays pour jouer ce rôle de jonction et d’interface.
Pour le Qatar dont le rôle est déterminant dans les grands changements politiques et sociaux dans les mondes arabe et musulman, le déploiement diplomatique au sud du Sahara passe nécessairement par la Mauritanie.
Si le Qatar cherche une solution pour la situation désastreuse causée par l’intervention de l’OTAN et l’héritage de Kadhafi en Libye, il lui faut penser que seule une solution «africaine» peut permettre le retour à la table des négociations et l’ouverture d’un débat national entre toutes les forces libyennes en présence pour décider de l’avenir de ce pays. Il faudra pour cela revenir au cadre proposé initialement par l’Union Africaine et qui entendait créer un cadre de négociations inclusives pour éviter au pays les affres d’une guerre civile.
L’une des hautes figures de la diplomatie qatariote qui avait géré le dossier du Darfour, était récemment en Afrique du Sud, au Nigéria, en Libye… Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz qui a dirigé le panel sur la Libye va en Afrique du Sud pour participer aux festivités marquant le centenaire de l’ANC - le parti qui a combattu l’Apartheid en Afrique du Sud et qui a bénéficié, soit-dit en passant, d’un très fort soutien de la part de la Mauritanie qui est partie jusqu’à couper ses relations avec le Royaume Uni pour son soutien à l’Apartheid et son comportement en Rhodésie (actuel Mozambique), et qui a octroyé des passeports à de nombreuses grandes personnalités de la lutte anti-apartheid de l’époque. Ce déplacement pourrait être l’occasion de reparler du dossier libyen à la lumière de ce que l’Emir et le Président mauritanien auraient discuté.
Sur le plan local, l’Emir du Qatar s’est engagé personnellement à concrétiser tout ce qui a été décidé : tous les projets doivent démarrer immédiatement et tout ce qui manque de financements sera apporté sur les fonds propres de l’Emir qui a proposé un grand soutien dans la lutte contre le chômage des jeunes.
Cette visite aura certainement quelques incidences politiques locales. En effet, elle intervient à un moment où la mouvance islamiste incarnée par le parti Tawaçoul, élève la voix pour dénoncer le pouvoir en place et appeler à sa déstabilisation (pour ne pas dire son renversement, ce qui serait inexact). Au moment où cette mouvance réussit à faire porter …le sacerdoce (politique ?) au Cheikh Mohamd el Hacen Ould Dedew qui a fait son entrée franche sur le terrain politique ces dernières semaines. On a vu comment Mohamd el Mokhtar Echinguitty, éminent chercheur et militant islamiste basé au Qatar, a salué les relations entre les deux pays sous la houlette des deux chefs d’Etats… la suite et les qualificatifs habituels dans les discours officiels.
La visite de l’Emir Cheikh Hamed Ben Khalifa Al Thâni n’était donc pas un passage inutile. Au contraire.