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dimanche 15 janvier 2012

Un (autre) jour de l’an

Certains ont fêté le 1er janvier comme jour de l’an. Ce qui a soulevé quelques mécontentements, les uns considérant qu’il s’agit là d’une fête «chrétienne» que les musulmans ne doivent pas célébrer. TVM a appelé cela «le jour de la nouvelle année administrative», le ridicule n’ayant pas de limite…
Il se trouve que dans la Mauritanie traditionnelle, on fêtait le 14ème jour de janvier comme étant le 1er jour de l’année «musulmane» (hasbit el misilmiine, le compte des Musulmans). C’est l’occasion de «dénouer les plis» (hal eçrir). Il s’agit d’une pratique ancestrale : durant toute l’année, chacun aura mis de côté des biens qu’il n’a pas besoin de consommer, des dattes, des pièces, des bijoux… au nouveau jour de l’an, il commence à déballer tout cela et à le distribuer aux nécessiteux. C’est ainsi que le «jour du déballage» (yawm hal eçrir) fait partie des jours attendus toute l’année parce qu’il est jour de partage et de solidarité. D’où nous vient cette célébration ?
Le calendrier berbère fête le 14ème jour de janvier comme étant le 1er jour de l’an. Nous en sommes aujourd’hui à l’année 2962. Ce calendrier berbère qui a survécu à l’Hégire puis au Grégorien, est en fait lui-même une survivance du calendrier Julien qui arrive en décalage de 14 jours par rapport au Grégorien. Dans ce calendrier, l’année est de 12 mois, mais les saisons sont cinq chez nous.
«Shta» (hiver) qui compte les mois de «dujambar» (décembre), «yunayer» (janvier) et «vebrayer» (février), les mois commençant chaque 14 et se terminant chaque 13 du grégorien. Les nuits les plus froides sont celles que nous indiquons par «legriis» (le gel) et qui correspondent aux vingt dernières nuits de «dujambar».
«Tiviski», une sorte de printemps qui dure le mois de «maars» (14/3 au 13/4). Le soleil est plutôt «fort», les nuits fraiches.
«Eççayv» (été, saison sèche) qui dure les mois de «briil» (avril) et «maaya» (mai). Jusqu’au 13 juin, c’est la période de disette, de fortes chaleurs, de vents secs et chauds…
«Lekhriiv» (hivernage, saison des pluies) qui dure, normalement, de juin à septembre (yuniya, yuliya, ghisht, shutambir). C’est la belle saison des pluies où l’abondance marque les temps et les hommes.
«Elaawa», une variation de l’automne qui dure les mois «ktowbar» et «nouwamber» (octobre et novembre) et qui est la période transitoire entre la saison des fortes températures, celle des pluies et celle du froid. «ah elleyl u ah ennhaar» (aïe le jour, pour la chaleur, aïe le soir, pour le froid nocturne). C’est la période où les Bidhâne apprécient la viande, le lait, la belle vie…
Tout cela pour vous dire : bonne année. Et pour le faire en Bidhâni, je vous offre à lire cette tal'a (poème) du poète émérite Erebâne dont le génie s'exprime ici par la description de "la saison qui entre dans la saison" (edkhuul ennewba vinnewba):

«kelhamd illi manzal la’laab
dahru vaat u gafaat shaab
likhriiv u taavi ‘aad ish haab
il harr u varqet yaajoura
u vraq baass ilkhayl illarkaab
ilmin ha kaanit ma’dhuura
u khlat bard ellayl u lemdhal
waryaah issehwa mahruura
u khlat zaad igiliiw u dhal
ilkhayma hiya waamur»
(heureusement que le temps de l’occupation des grandes dunes/est passé et que la saison des pluies hivernales recule/que les fortes chaleurs/ont baissé comme le souffle de l’harmattan/qui empêchait de monter les chevaux/prétexte pour les mauvais cavaliers/et s’est mélangé la fraîcheur de nuit et de jour/le vent du nord ouest a soufflé/et s’est mélangé l’air humide des marigots asséchés, l’ombre des tentes et celle des acacias)

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