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vendredi 30 septembre 2011

Le «marché noir» de la politique


Ce n’est pas un jeu de mots. Ce serait ignoble, plus que mal venu. C’est juste une façon d’exprimer la tendance chez nos politiques de vouloir tout exploiter afin d’aboutir à quelques desseins souvent égoïstes parce que prenant en compte d’abord et avant tout le positionnement et l’intérêt personnels. Reléguant du coup l’intérêt général au second plan. Il n’est plus que prétexte.
Le «marché noir» de la politique est un exercice très ancré au sein de notre personnel. Hérité des pratiques des mouvements clandestins des années 60 et 70, ce champ d’opérations a eu son âge d’or avec la stratégie de la «scissiparité». Une stratégie qui a dicté aux mouvements politiques traditionnels, d’inspiration nationaliste ou gauchiste en général, de toujours chercher la proximité du pouvoir. Se scindant en deux parties chacun, ces mouvements se retrouvaient dans l’entourage immédiat du pouvoir et dans l’encadrement de la rue. Ceux qui sont dans les rouages de prise de décision, actionnent, quand il le faut, ceux qui tiennent les syndicats, les organisations estudiantines, la rue…
Comme pour un iceberg, il y a toujours un aspect visible du mouvement et un aspect «sous-marin». Nous allons dire que cela a convenu un bon moment, créant du coup cette tendance chez nos politiques traditionnels de toujours chercher un «appui sur le pouvoir» (traduction directe du concept en dialecte).
Les mouvements sont devenus groupuscules puis sectes. Les uns appuyant les pouvoirs pour réprimer les autres. Chaque mouvement a eu droit à un tour dans les geôles en trente ans d’exercice «sorcier» de la politique.
Mais quand la libéralisation politique est arrivée, et que les partis politiques sont nés, les vieilles habitudes sont restées. Ce qui explique en partie les attitudes controversées de certains face aux changements intervenus ces six dernières années.
La vérité du «marché politique» n’est jamais celle qui est visible. Elle se trouve dans la face cachée de la scène. Et l’objet est non pas de faire aboutir une cause, mais d’affaiblir un pouvoir pour le rendre demandeur d’un soutien de la part des intermédiaires traditionnels de la politique.
Ce n’est pas par hasard si l’on vous bombarde ces jours-ci d’informations concernant «notables», «élus», «cadres» de la Vallée qui s’en vont sur place «en mission d’apaisement». Mais le rôle de ceux-ci ne doit pas être celui-là. Il doit être celui de protéger les populations, de les soutenir en cas de besoin. Protéger et soutenir supposent la constance aux côtés de ces populations. Vous ne verrez nulle part des questions posées à ces «pompiers de dernière heure» : pourquoi vous n’avez pas été là quand il fallait expliquer que l’enrôlement est une opération qui n’exclut personne, qu’il est dans l’intérêt de la Mauritanie et des Mauritaniens… si vous en êtes convaincus bien sûr. Sinon, pourquoi ne pas avoir agi auprès des autorités pour apporter les correctifs nécessaires et à temps ?
Parce que cette situation – sans par ailleurs juger de sa légitimité – contribue à «créer des problèmes à Ould Abdel Aziz». On en espère qu’il sera affaibli, par conséquence obligé d’abandonner les choix qui sont les siens et de faire appel aux intermédiaires traditionnels.
Souhaitons que le pouvoir trouve la solution en discutant directement avec les acteurs du mouvement. Chercher à rétablir la confiance en jouant la transparence totale dans l’opération et en allégeant les procédures. Et surtout en donnant les gages nécessaires pour dire à tous les Mauritaniens, tous les Mauritaniens que personne ne peut et ne doit être exclu. Pour ce faire, prévoir une instance de recours et un mode d’expression satisfaisant tout le monde. 

jeudi 29 septembre 2011

L’occasion d’une soutenance


Mardi dernier, le professeur d’université Mohamedou Ould Mohameden (Ould Meyen) soutenait un travail d’habilitation à la direction de thèses. Il est le premier de l’université de Nouakchott à faire cela. Il s’agit de présenter l’ensemble du travail de recherches réalisées depuis l’obtention du doctorat à un jury et de le présenter devant ce jury. Quelques remarques que j’ai retenues de ce que les professeurs marocains ont dit.
La première remarque et qui est d’actualité, concerne la relation que les chercheurs mauritaniens – particulièrement arabophones – entretiennent avec le versant sud du pays. Pour les Marocains, «il est dommage que les regards, quand il s’agit de recherches, soient portés exclusivement ou démesurément sur le nord». Et d’ajouter : «ce que nous attendons de vous, c’est l’expertise que vous devez développer par rapport à cette région». Ce n’est pas normal effectivement qu’une partie de nos chercheurs refuse de puiser dans toutes les sources de l’Histoire globale du pays et non dans une direction particulière. A la faculté des lettres de Mohamed V à Rabat, il y a déjà de grands spécialistes de la Vallée du fleuve Sénégal, pas en Mauritanie.
Une autre partie des chercheurs – les francophones – sont prisonniers du prisme inverse. Toutes leurs sources sont coloniales ou viennent du sud. Leur regard n’est jamais porté sur le versant nord du pays. Dans l’un comme dans l’autre des cas, l’erreur a de lourdes conséquences dont la moindre est l’absence d’une vision globale des influences et des confluences.
Le chercheur mauritanien est peu spécialisé. Il veut toucher à tout. Les professeurs marocains ne savent pas que c’est le cas de tous nos compatriotes. Le Mauritanien ne vous dit jamais «je ne sais pas». Il sait tout et peut faire tout. Le concept du «’alimou koulli vennin» (connaisseur de tout art) est passé par là. C’est en regardant l’émission «layali Ramadan» pendant laquelle vous avez un médecin et un faqih qui répondent aux questions du public, que vous vous rendez compte combien la spécialité ne veut rien dire. Aux questions du «licite et de l’illicite», c’est le toubib qui répond. Aux questions médicales, c’est le faqih qui répond.
Troisième remarque faite par les universitaires marocains, ce qu’il faut qualifier d’égoïsme des chercheurs mauritaniens. «Il faut mettre à profit vos réseaux pour développer la coopération entre vos institutions et celles étrangères. Ne pas rester sur le seul profit de sa personne mais l’élargir au profit général». Eh oui…

mercredi 28 septembre 2011

La Mauritanie… où l’on se trouve


Parce que je suis au Maroc depuis un certain temps. Parce que les soins et le coût du séjour sont plutôt lourds. J’ai dû me résoudre à chercher le moins cher pour résider. J’ai trouvé un petit hôtel, à la limite de tout. Juste confortable pour sécuriser ses affaires et être dans le centre-ville.
Ma première nuit, j’ai très mal dormi, à cause des bébés, des va-et-vient, des discussions à haute voie, des entretiens téléphoniques… Quand je suis sorti pour me plaindre, j’ai découvert que l’hôtel était peuplé de Mauritaniens. Tous cherchaient visiblement le moins cher comme moi. Mais j’ai été un peu surpris de voir qu’il y avait là des avocats de renoms, des personnalités tribales en vue, de grands marabouts, de hauts cadres de la République… JE me rendrai compte plus tard que ce qu’ils cherchent ici, ce n’est pas seulement l’économie, mais aussi la vie dans le désordre… c’est la possibilité de créer ce désordre-là, de ne pas être tenu de respecter des règles de vie humainement acceptables, c’est cela qui attire nos compatriotes dans cet hôtel. Et cela m’a rappelé une blague qu’n se racontait au début des années 80.
Un homme devait finir en enfer. Les anges lui présentaient chaque compartiment de l’enfer et lui expliquaient quelle torture s’y pratiquait. Dans chaque compartiment, une torture particulièrement douloureuse. Chaque compartiment portait un nom. Dans le dernier compartiment, on lui explique qu’ici s’exerce toutes les tortures déjà présentées. Ce compartiment s’appelle «Mauritanie».
A la fin du tour, notre homme devait choisir le compartiment – et donc la torture – qui lui convenait. Il choisit le compartiment …Mauritanie. Mais pourquoi ? «Parce que je suis sûr que ceux qui sont chargés de me travailler ici seront en retard, n’auront pas tous leurs instruments, perdront beaucoup de temps à discuter entre eux, s’accuseront mutuellement de m’avoir confié l’un à l’autre… je suis sûr de passer plus de temps à ne rien subir de mal…»

mardi 27 septembre 2011

Il faut réagir… au plus vite


Les manifestations de Kaédi qui ont fini par gagner Maghama doivent avoir des conséquences. Surtout qu’il y a eu mort d’homme.
Autant il est inacceptable de voir réprimer avec violence des manifestations de citoyens – quel qu’en soit le prétexte -, autant il est grave de saccager les édifices publics et surtout de s’attaquer aux biens privés et de perturber la quiétude générale. Pas de place pour la surenchère ou l’instrumentalisation politique. Même si nous sommes dans un pays où le personnel politique – faute de discours porteur – est toujours prêt à enfourcher la monture que lui présente le moment.
A qui la faute si les populations ne comprennent pas cette opération d’enrôlement qui signe pourtant l’entrée de la Mauritanie dans un système moderne d’identification de ses habitants – étrangers et nationaux ? Comment les autorités ont-elles prêté le flanc à la propagande – parfois fondée, parfois moins – sur les «véritables objectifs» de cet enrôlement ? Comment se fait-il que la principale objection faite à l’opération émane d’un mouvement qui se prénomme «Touche pas à ma nationalité», alors que l’enrôlement n’a pas pour objet de déterminer la nationalité des recensés, alors que personne ne peut récuser la nationalité d’un autre dans ce pays ? Pourquoi TVM, RM et tous les organes de presse ne nous montrent pas comment se font les opérations ? Dès les premiers instants, nous avons vu que les agents n’avaient pas ou ne respectaient pas les mêmes consignes. Certains poussent le zèle jusqu’à poser des questions qui ne fixent en rien l’identité de la personne, d’autres affichent carrément le dédain vis-à-vis des citoyens venus se faire enrôler. L’administration n’a pas corrigé ces manquements. La situation a empiré. Et cela a donné le résultat qu’on voit.
Au-delà des questions qui doivent être posées à propos de l’enrôlement des populations, de l’analyse qui doit être faite de l’opération, de ses insuffisances, de la suspicion qu’elle suscite… au-delà de tout cela, l’urgence est à faire payer les responsables administratifs et sécuritaires. Pas seulement le directeur régional de la sûreté qui a perdu sa place. Mais aussi le Wali, les préfets, les chefs de brigades, des bataillons de la Garde, tous doivent expliquer l’incapacité à prévoir d’abord les évènements, à les traiter de façon «douce», les contenir et éviter les débordements. Leurs hiérarchies successives doivent aussi rendre compte. Si tous avaient fait leur travail, il n’y aurait pas eu de blessés, ni de mort. Un mort, c’est de trop. Des blessés c’est toujours trop ! et quand il y’en a, il faut que quelqu’un paye. C’est ce que nous attendons dans l’immédiat.

lundi 26 septembre 2011

L’enfer pour l’attaché culturel


-          «Je m’appelle M. O. S. et je veux m’inscrire en médecine…»
-          «Tu as quelle moyenne ?»
-          «10… mas attends je veux te passer M…»
-          Ce n’est pas la peine… c’est impossible pour deux raisons : la date limite de dépôt est largement dépassée, deuxièmement avec une moyenne comme celle-là on ne peut accéder à la faculté de médecine»
Mais le jeune insiste, finit par se retirer. Moins de deux minutes après le téléphone fixe sonne. C’est visiblement le haut responsable que le jeune voulait passer à l’attaché culturel de l’Ambassade de Mauritanie à Rabat…
«…Qui vous a dit que je pouvais tout faire ? Je ne peux rien pour ce genre de problème…» Les explications continuent. Après le bac, une commission mixte maroco-mauritanienne se tient, en général en juillet. Elle fixe les orientations selon les offres de la partie marocaine et les demandes de la partie mauritanienne. A ce niveau, ce sont les formations de pointe qui sont attribuées. C’est officiel et le P-V est signé à Nouakchott. Il fixe pour chaque boursier de l’Etat mauritanien l’orientation de la formation et le lieu de la formation. C’est le quota officiel.
Puis viennent les demandes spécifiques émanant soit de l’Ambassade du Maroc à Nouakchott qui reçoit les dossiers et les envoie avec mention «prioritaire» pour ceux qui le sont pour les diplomates basés à Nouakchott ; soit de l’Ambassade de Mauritanie à Rabat qui se contente de transmettre toutes les demandes reçues dans les délais. Tous ces dossiers sont envoyés à l’Agence marocaine pour la coopération internationale (AMCI) qui sélectionne à son niveau selon les possibilités qui lui sont offertes. Elle envoie ensuite tous les sélectionnés au ministère de l’enseignement supérieur pour avoir des places. C’est en fonction des disponibilités que les places sont accordées. En général, toutes les demandes mauritaniennes – ou la plupart sont satisfaites. A eux deux, les quotas peuvent atteindre et même dépasser les huit cents étudiants (premier cycle et master) par an.
Aujourd’hui le conseiller culturel mauritanien gère deux mille étudiants répartis dans les universités du Royaume. La période allant de septembre à janvier est un enfer pour lui. Tous les Mauritaniens semblent vouloir s’inscrire. Personne ne comprend le circuit et tous veulent passer outre les procédures, chacun voulant avoir un traitement spécial. Derrière chacun se profile l’ombre d’un responsable qui ne veut pas être débouté. Par la force des choses, c’est le conseiller culturel qui doit subir les arrogances de ceux-là.
Et pendant qu’il se démène pour trouver des solutions à ce flot sans cesse croissant, il doit faire face aux pressions qui diluent son énergie et l’empêche de se concentrer sur son travail.

dimanche 25 septembre 2011

Il ne faut pas servir AQMI


«Au moins une personne a été tuée vendredi et plusieurs blessées, dont deux grièvement, quand leur véhicule a sauté sur une mine posée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dans la forêt du Wagadou, située près de la frontière mauritanienne, a appris l'AFP de source sécuritaire. 
"Un véhicule civil a sauté vendredi sur une mine dans la forêt du Wagadou où Aqmi a posés des mines.  Il y a eu un mort et plusieurs blessés, dont deux grièvement", a déclaré à l'AFP une source des services maliens de sécurité, contactée par téléphone sur le terrain. "Des militaires maliens ont été dépêchés sur les lieux pour secourir des blessés", a ajouté cette source en estimant que cet incident est "probablement" la preuve qu'Aqmi, qui avait quitté la zone, est en train de revenir". 
Le génie militaire malien avait dépêché une équipe de déminage après une opération conjointe des armées malienne et mauritanienne fin juin et début juillet dans cette forêt qui abritait une base d'Aqmi. 
Le 24 juin, l'armée mauritanienne, soutenue par celle du Mali, avait mené un raid contre cette base qui n'était pas complètement achevée, mais abritait de l'armement lourd menaçant directement la Mauritanie, selon l'état-major de l'armée de ce pays.
Ce raid avait fait 15 morts côté Al-Qaïda, deux côté mauritanien, selon la même source qui avait alors précisé que la forêt avait été minée. Les armées malienne et mauritanienne ont mené pendant plusieurs semaines des opérations de sécurisation avant et après le raid, action conjointe appelée "Benkan", mot bambara qui signifie "Unité".»
C’est une dépêche de l’AFP datée du 24 septembre. Tout le monde sait qu’avec le réarmement de AQMI à partir de la Libye, l’heure pour elle n’est pas à la renonciation. L’organisation terroriste entend bien frapper la Mauritanie une nouvelle fois. Malgré les coups infligés par l’Armée mauritanienne, AQMI va continuer à percevoir notre pays comme le maillon faible de la chaîne. Son objectif visant à «afghaniser» la Mauritanie et à faire de l’espace sahélo-saharien, un autre Waziristân, cet objectif n’a pas été atteint. Ce qui n’empêche pas de le vouloir. En même temps venger les affronts subis. Ce n’est pas simple.
Demander aux Mauritaniens d’abandonner la stratégie actuelle qui vise à prévenir les attaques, à les anticiper pour prendre les devants, équivaut à ouvrir grandes les portes à AQMI.
Ce qu’on peut demander aux nôtres, c’est de pousser vers une coopération régionale réelle, effective, un engagement de tous les Etats concernés. Avec le Mali, la Mauritanie doit utiliser de toutes les pressions diplomatiques pour engager l’Algérie et le Niger dans a bataille.
Si l’Algérie se met réellement de la partie en prenant en tenaille les combattants de AQMI, l’organisation cessera d’être une menace pour les pays de la région.
Par contre, si les pays continuent à «jouer», il faut craindre qu’avec l’expérience et les armes nouvellement acquises, AQMI ne prenne le dessus dans la région et qu’elle n’impose sa loi.
Pour la Mauritanie, il s’agit d’une question d’existence. Aucune force politique ne doit en conséquence chercher à perturber la stratégie qui a apporté des résultats probants.

samedi 24 septembre 2011

Quoi de neuf en Libye ?

Les «entreprises» guerrières occidentales se suivent et se ressemblent. Toujours le même prétexte de «civilisation» (colonisation), de «démocratisation», de «libération». Suivi d’une mobilisation générale, de promesses faites à nos peuples, de conquêtes ou, comme c’est le cas en Libye de bombardements et d’actions discrètes sur le terrain. Et au finish, plus de désolation pour les pays visés, plus de pauvreté et surtout d’insécurité et d’instabilité pour leurs peuples. L’Irak, l’Afghanistan et maintenant la Libye.
La tribu des Le’beydaat, celle à laquelle appartenait le général Younès assassiné, manifeste dans les rues de Benghazi pour réclamer une enquête sur la mort du général. Les jeunes sont en tenue para et la plupart sont armés. Une manière de menacer l’autorité publique ou ce qu’il en tient lieu. Cette histoire commence à peine et on entend déjà, les membres de la tribu accuser quelques factions de la rébellion, particulièrement les salafistes, d’être la cause de la mort du vieux général.
Le Conseil national de transition (CNT) est incapable de désigner son gouvernement depuis près d’un mois. Et l’après Kadhafi ne se dessine pas parce que Kadhafi est toujours quelque part, hors de portée des rebelles.
La famille Kadhafi qui a été reçue en Algérie «pour raisons humanitaires» commence à reprendre une place dans la guerre qui meurtrit le pays. La diatribe de la fille Aicha sur Al Rai (TV syrienne) signe ce retour.
Les rebelles sont toujours incapables de prendre Syrte et Beni Walid, supposées être des fiefs de Kadhafi. Ils sont toujours à quelques heures de les prendre et d’en finir avec le dictateur. La peur aux tripes tant qu’il n’est pas entre leurs mains. Mais en même temps incapacité d’agir.
Dans ce cas, c’est l’OTAN qui décide de continuer ses frappes pour «protéger le peuple libyen». Cette fois-ci, c’est bien le peuple libyen qui subit les bombardements à Syrte et à Beni Walid. Les images de l’artillerie rebelle, des blindés et des avions de l’OTAN bombardant aveuglément, ces images resteront longtemps gravées dans les esprits.
En attendant de voir comment tout cela va finir – ce n’est pas pour trop tôt -, nous allons, comme les médias en vogue, commencer par appeler les «rebelles» d’hier, «les forces du CNT». Comme s’il suffisait pour eux de changer de dénomination pour légitimer leur action et faire oublier les antécédents des plus en vue d’entre eux.  

vendredi 23 septembre 2011

Pourquoi précisément «depuis quatre ans» ?

On nous dit que l’opposition participant au dialogue a demandé un audit des quatre dernières années. Le forum est justement un lieu où chaque partie peut tout demander en insistant sur l’essentiel. On pouvait demander que cet audit couvre toutes les institutions de la République. Ceux de la Majorité auraient pu demander un audit de l’institution de l’opposition, de l’Assemblée nationale, des partis politiques ayant bénéficié de l’argent public selon leurs quotas électoraux… Cela aurait toujours surpris pour la limitation dans le temps. Pourquoi quatre ans ? Pourquoi quatre ans seulement ?
Il est clair que c’est bien la gestion sous le régime de Ould Abdel Aziz qu’on vise ici. Alors que ce n’est pas la période qui a coûté à la Mauritanie. Il faut viser les périodes précédentes, celle de Ould Taya particulièrement, accessoirement la transition sous Ould Mohamed Val, arriver à Ould Cheikh Abdallahi et enfin à Ould Abdel Aziz. Si la majorité des acteurs politiques en activité présentement ne peuvent pas – et ne veulent pas – demander un audit de la gestion des trente dernières années, c’est qu’elle les a impliqués.
Quoi qu’on dise, il faudra un jour parler des 132 milliards «soldés» par un accord entre le ministère des finances et la BCM qui a finalement, au terme de l’accord, pris en charge le déficit du trésor qui était en 2005 à ce niveau-là. Parler de la centaine de milliards «donnés» par simple jeu d’écritures. Des 12 milliards de la SONIMEX derrière lesquels l’autorité judiciaire court encore… Sans aborder ici les financements de projets qui sont devenus belles demeures à Tevraq Zeina ou dans les bleds perdus, troupeaux exerçant une pression de plus sur les maigres pâturages, villas ou appartements à l’extérieur (Maroc, Espagne, France…), devises en comptes en banque à l’extérieur, mais aussi source de profits pour les casinos d’Espagne, du Sénégal, du Maroc…
Ces détournements sont énormes. Ils ont compromis à jamais le développement du pays et doivent faire nécessairement objet d’un audit un jour. On ne peut les solder au titre de pertes et profits. On ne peut pas. On voudrait bien, mais ce n’est pas possible.
Tous les passifs – humanitaires et/ou économiques - ne peuvent être soldés sans prix à payer. Ce prix est un procès du passif qui ne peut être occulté.
La tactique des prédateurs de l’avant-2005 (et des après) a été de se retrouver un peu partout pour investir le champ politique et se présenter avec une virginité conquise à faible prix. Il a suffi de «ne pas raser les murs», de rejoindre même provisoirement le camp «qu’il faut» pour se voir blanchi. Ils ont ensuite cherché à faire oublier tous les méfaits aboutissant à la phase actuelle qui voudrait solder définitivement les comptes d’avant. Ceux qui ont coûté et qui coûtent encore au pays…

jeudi 22 septembre 2011

«Si Sbaa’i» se rappelle…


Tout le monde dans le quartier l’appelle «Si Sbaa’i». Son visage ridé, sa bouche édentée et sa silhouette chétive lui donnent plus de soixante-cinq ans. A vrai dire il n’a que 58 ans.
«Je suis venu ici du douar il y a 37 ans. J’ai toujours travaillé comme concierge dans cet immeuble qui a appartenu à la SAMIR, avant d’être racheté par un privé…»
Il adore parler de lui. Et il semble avoir trouvé en moi quelqu’un qui pourrait être intéressé par ce qu’il dit. J’avoue que les premiers jours, je n’accordais pas d’intérêt aux bavardages «d’un vieux Chleuh» qui voit en moi un «Sahraoui dialna du sud».
J’avais compris qu’il appartenait à une tribu du sud marocain, les Ait Oussa dont j’ai déjà entendue parler. Qu’il était un «immigré économique» dans son propre pays, le Maroc qui a connu aussi son exode rural. Quand il évoque le monde de son enfance, c’est à peine s’il n’a pas les larmes aux yeux. Et c’est là où l’on découvre une autre personne…
D’abord cet enseignement du Coran, quelques bribes encore mal reprises, peut-être parce que mal apprises dans l’enfance… «uraa ezzweylaat…» derrière quelques bêtes… «il bil», précise-t-il. Comme s’il ne voulait pas être confondu avec ceux qui courent derrière les bovidés. On sent tout le mépris que les gens du nord de chez nous, grands nomades éleveurs de camelins, ont pour les éleveurs de bovidés. Quelques mots en Hassaniya qui sortent de cette bouche déformée par la sédentarité. Des mots qui sonnent avec un timbre de mélancolie. Juste un soupçon de mélancolie… comme si l’homme ne regrettait pas vraiment le monde de son enfance. Et puis des noms…
“Je m’appelle en fait Sidi Mohamed Ould Ahmed Ould Mohamed Ould Bellal…” bien de chez nous non? «Je me rappelle de mes cousins Mohamed Ould Samba…» Comme ce sont des noms que je connais et auxquels je suis lié pour beaucoup de raisons, je commence à m’intéresser à ce vieil homme qui porte ses (presque) 60 années comme s’il en portait 80… Il est un mélange de survivances malgré la mutation profonde qu’il a subie.
Il habite Rabat sans habiter Rabat – sa famille vit à Salé et lui est concierge dans le quartier huppé de la capitale, Hassan. Il côtoie des cadres, des hauts fonctionnaires, des retraités de la haute fonction publique marocaine, mais ne rêve pour ses enfants que de métiers de chauffeurs, de planton, de vendeur…
Il a quitté son monde rural il y a 37 ans et n’a jamais songé y revenir. «Pourquoi faire ?» Il a fait sa vie qu’il coule tranquillement. Le bonheur pour lui, c’est de continuer à servir les habitants de «son» immeuble et de ses environs, à cultiver des réseaux pour toujours y avoir des occupants. Ce n’est certainement pas de savoir qu’il appartient à l’ensemble des Bidhâne, à l’une de ces nombreuses tribus qui peuplent le Trab el Bidhâne…  

mercredi 21 septembre 2011

Le roi est nu


La démarche engagée par le chef de l’Autorité palestinienne en vue de la reconnaissance d’un Etat palestinien comme membre de l’Organisation des Nations-Unies est avant une carte politique. Elle a double vocation.
La première, c’est d’obliger les Israéliens à reprendre les négociations. Eventuellement, à stopper, même momentanément, la politique de colonisation qui ne s’est jamais arrêtée malgré tous les engagements pris et toutes les pressions exercées. En fait la démarche est l’acte de mort du processus engagé depuis Madrid et concrétisé à Oslo.
La deuxième vocation est de pousser les puissances occidentales à leurs «limites diplomatiques»  dans leur soutien inconditionnel d’Israël. La position américaine est en cela révélatrice de l’absence d’équité et de justice dans le traitement du problème palestinien. Elle nous rappelle aussi, que dix ans après les attentats du 11-9, rien n’a vraiment changé dans ce traitement. L’administration Obama, comme l’administration Bush, est toujours prête à protéger l’Etat d’Israël sans pouvoir exiger de lui un minimum. De respect des résolutions de l’ONU, des engagements pris par le passé au terme des accords d’Oslo… Cette attitude américaine doit avoir nécessairement des conséquences.
Elle conforte les plus extrémistes dans leur logique de lutte violente et justifie, aux yeux des masses arabes, tout ce qui peut être fait de mal à l’Amérique et aux Américains en général. Elle nourrit en fait ce que l’Amérique prétend combattre : le terrorisme. Il faut donc s’attendre à un retour en force de l’anti-américanisme primaire dans les rues arabes qui ont eu d’autres préoccupations ces derniers temps.
L’attitude doit aussi remettre en cause la position américaine de «facilitateur» et de «promoteur de la paix». S’il y a notion de «parrainage» ici, il s’agit de celle qui fait des Etats Unis d’Amérique le Parrain d’Israël (au sens maffieux). Les Etats Unis sont disqualifiés pour jouer ce rôle vu leur alignement inconditionnel sur les positions israéliennes. La démarche pour les Palestiniens doit être celle-là : refuser aux Etats Unis de jouer ce rôle et demander à l’Europe d’occuper sa place. Au moins un peu de scrupules et moins d’arrogance dans l’alignement…
L’Organisation de libération de Palestine est observateur à l’ONU depuis 1974 où elle est traitée comme «entité», un Etat «non membre». Ce qui veut dire dans le langage de l’Organisation : "Les États non membres de l’ONU mais membres d’une ou de plusieurs institutions spécialisées peuvent demander le statut d’Observateur permanent. Ce statut relève de l’usage, car aucune disposition de la Charte des Nations Unies n’en fait état. Cet usage remonte à 1946, où le Secrétaire général a accepté que le Gouvernement suisse devienne Observateur permanent auprès de l’Organisation des Nations Unies. Par la suite, certains États qui étaient représentés par des observateurs sont devenus Membres ultérieurement : cela a été le cas de l’Autriche, de la Finlande, de l’Italie et du Japon. La Suisse est entrée à l’ONU le 10 septembre 2002.
Les Observateurs permanents ont le droit d’assister à la plupart des réunions et d’en consulter la documentation. De nombreux organismes régionaux et internationaux ont également le statut d’observateurs dans les travaux et les réunions annuelles de l’Assemblée générale."
Peu clair comme statut et comme définition du statut. Ce que veulent les Palestiniens aujourd’hui, c’est d’avancer vers la reconnaissance de leur Etat qui jouit de la reconnaissance de 126 pays, une majorité écrasante. Mais cette majorité ne signifie rien en cas de véto américain au Conseil de sécurité. Dans les jours qui viennent, l’Autorité palestinienne peut toujours recourir au vote de l’Assemblée générale sans conséquence pour elle. Mais elle a obtenu déjà de remettre la cause au centre des préoccupations mondiales. Reste à savoir jusqu’où mènera cette Intifada diplomatique…

mardi 20 septembre 2011

Attention à une structure partisane


A la base de la revendication d’une structure «indépendante» chargée de superviser (ou d’organiser) les élections, se trouve justement le souci d’indépendance. Se trouve aussi les craintes, amplement justifiées par les pratiques du passé, de voir l’organe chargé d’arbitrer se laisser instrumentaliser par le politique intéressé. Quel qu’il soit.
Les revendications concernant la CENI devaient rester à deux niveaux. Au niveau de l’exigence d’indépendance qui ne peut être sans l’éloigner complètement du champ politique. Il ne faut pas en faire une structure où les forces politiques sont représentées. Cela fait courir des risques énormes dans un pays où le perdant n’est jamais perdant.
Au niveau du caractère permanent de la structure. Cette structure – une CENI ou une Agence générale des élections comme le demandent ceux du dialogue – doit nécessairement être permanente. Il faut lui donner de nouvelles missions comme celle d’entériner toutes les élections au niveau des ONG, des organisations syndicales, des partis… de tout ce qui peut prétendre à «l’utilité publique» qui suppose de profiter des financements publics. Cela va assurer une normalité à ces organisations et en limiter la profusion. La permanence lui permet aussi d’être toujours prête à mener à bien les opérations électorales en formant une expertise locale indépendante.
Pour en assurer l’indépendance, on doit préconiser la désignation d’un nombre déterminé de personnalités consensuelles avec un président qui soit choisi sur la base de qualités de notoriété. On va certainement nous dire qu’il n’en existe pas, mais c’est faux. Il n’y a pas que des «corsaires» en Mauritanie.
Ce paragraphe de la proposition de l’opposition au dialogue est très inquiétant : «Sept (7) membres appelés « sages » choisis pour leur expérience, leur compétence, leur rectitude morale et leur impartialité, forment le comité directeur de l’AGE et en supervisent les activités. Le plus âgé en préside  les délibérations. Les sages sont choisis de manière consensuelle, sur une liste de 14 personnes proposée à égalité par la majorité(7) et l’opposition (7)».
Surtout pas de quota pour monter une structure pareille.

lundi 19 septembre 2011

Une gestation «intérieure», nécessairement


Nos aînés dans le mouvement des Kadihine qui a dominé la scène politique pendant la décennie 66-76, nous enseignaient, entre autres choses, que le «Timonier Mao» disait qu’il y avait deux façons d’évoluer en mettant à profit les facteurs exogènes.
La première, c’est celle qui profite à l’œuf par exemple. A l’intérieur de l’œuf existent déjà des éléments de vie qui interagissent. Juste besoin de la chaleur produite en les couvant pour donner la vie. Sans ce facteur «exogène», l’évolution vers la vie ne peut aboutir. Sans l’existence préalable de facteurs «intérieurs», le processus ne serait même pas envisageable.
La deuxième évolution est celle que connait la pierre. La pierre ne possède en elle aucun élément d’évolution. Elle subit les aléas : températures (amplitudes thermiques énormes), eau, vent, action de l’homme… Ces facteurs exogènes agissent sur elle, non pas en favorisant une évolution positive, mais en la détruisant peu à peu. Les effets de l’érosion font qu’elle s’effrite, se casse en mille morceaux, roule, se déplace… mais elle ne donne pas la vie…
C’est cette dernière évolution qui a été celle des pays du tiers-monde en général, de la Mauritanie en particulier.
Nous avons besoin de savoir que tous les grands changements que la Mauritanie a connus ont plus été l’effet de facteurs exogènes. Que quelque chose nous arrive de l’extérieur, qu’il produise un choc pour la société, et c’est ce choc qui entraine la nouvelle situation. Du coup le changement n’est plus une évolution à proprement parler. Il est mouvement brusque qui produit une rupture, et même une cassure. A chaque blocage, intervention extérieure (ou exogène), la société s’effrite, perd quelque chose… parce que «le foisonnement intérieur» n’est pas là.
Peut-on espérer que les présentes assises du dialogue soient le point de départ d’une gestation nouvelle ?

dimanche 18 septembre 2011

La place du Maroc est au cœur du Maghreb


Lancée par les pays du Golfe en juin dernier, l’invitation faite au Maroc de rejoindre le club fermé des monarchies arabes n’a pas suscité de grands enthousiasmes dans le Royaume Chérifien.
D’ailleurs, le ministre marocain des affaires étrangères, M. Taib Fassi Fihri a publiquement déclaré que «les relations avec les pays du golfe revêtent une grande importance pour le Maroc notamment sur les plans stratégique, économique, politique, humain et culturel», mais que le pays «continuera à encourager le dialogue entre les pays de l'Union du Maghreb Arabe (UMA) et ceux du CCG». Profitant de sa sortie pour faire un parallèle entre les deux regroupements. Soulignant que l’expérience du Conseil de coopération du Golfe peut bien profiter à l’UMA, encore en retard sur le plan de la coopération économique et commerciale. Le dialogue entre l’UMA et le CCG "nous donnera l'opportunité dans la région maghrébine de mettre à profit cette expérience", a ajouté le ministre.
Noble démarche que celle-là, même si l’on sait par ailleurs que les conditions offertes par le CCG au Maroc en cas d’adhésion sont peu bénéfiques et quelque part humiliante (inégalité de traitement des ressortissants notamment). Le Maroc exprime ainsi son attachement à la construction d’un Maghreb uni et choisit donc de rester fidèle à son «environnement» géopolitique. En ces temps où la fidélité dans les engagements est peu visible, la position du Maroc est louable.
Elle répond à une double exigence. Celle de l’appartenance et celle de la «vocation» naturelle et historique.
Le Maroc n’est pas la Jordanie, même si les deux familles royales dans les deux pays descendent du Prophète (PSL), elles n’ont pas le même ancrage dans les consciences populaires de leurs peuples et des peuples de leurs régions respectives.
Sur les marches occidentales du monde musulman et à un moment de flottement au sein de l’Empire islamique, est née la Monarchie Alaouite. Elle a fédéré un ensemble de peuples du nord-ouest africain et a pu asseoir une autorité qui a survécu à toutes les secousses (du fait colonial, de l’affrontement des blocs, des tentatives de putschs, des difficultés économiques, de l’adversité des voisins immédiats et lointains).
L’ancrage historique, renforcé par la résistance aux temps et aux aléas, s’est traduit par une plus grande légitimation du pouvoir Alaouite. Rien à voir donc avec des monarchies, récentes pour la plupart et rarement aussi bien ancrées au niveau social et aussi bien légitimées au niveau politique.
La révision de la Constitution et le lancement, à l’occasion, des bases d’un Maroc nouveau prouvent l’exception marocaine par rapport aux régimes arabes en général, aux monarchies arabes en particulier. Sans grandes ressources – en tout cas n’ayant pas les ressources des monarchies du Golfe -, le Maroc aspire aujourd’hui à s’ouvrir grandes les portes de l’Union Européenne. Il a opté pour une Modernité tous azimuts : du système politique (en renforçant les institutions et en visant une monarchie parlementaire adaptée aux réalités socio-historiques du Maroc), des rapports sociaux (abolition des privilèges et renforcement des contre-pouvoirs comme les syndicats), de l’éducation (système performant adapté aux besoins du pays). Le Maroc d’aujourd’hui présente une image aux couleurs prometteuses. L’image d’une Nation qui s’assume, par son enracinement dans l’authenticité et son ouverture résolue sur le monde moderne.
Le Maroc d’aujourd’hui est une vitrine pour le nord-ouest africain sur l’Europe, ce partenaire obligé et encombrant. Cette position de vitrine, c’est d’abord une question de vocation. Une vocation amplifiée par l’Histoire qui a fait du Maroc un pays d’ouvertures et d’accueil.
Ce Maroc-là ne peut exister en dehors de l’espace maghrébin dont la construction est freinée par la persistance du conflit du Sahara, véritable blocage devant la constitution d’une union du Maghreb arabe. La réponse du Maroc à l’invitation du CCG trouve ici tout son sens… et sa justesse.

samedi 17 septembre 2011

Le Président, pas content !


C’est à l’occasion du lancement de l’opération de plantation d’arbres dans le cadre du grand projet sahélien, que le Président Mohamed Ould Abdel Aziz s’en est pris aux cadres de l’environnement et aux médias publics. Les premiers pour avoir laissé faire sans préparer, sans encadrer les populations, les seconds pour avoir accompagné sans critiquer ce qui a été fait. Extraits :
«D'emblée, je tiens à exprimer mes remerciements à tous les citoyens pour leur présence massive et l'effort qu'ils ont consenti en faveur de la réussite de cette opération, effort dont j'ai le regret de constater qu'il n'a pas donné les résultats attendus. C'est ça mon constat, je l'ai dit directement aux responsables et techniciens du département de l'environnement. (…) Les services concernés n'ont pas pris les dispositions nécessaires pour l'exploiter à bon escient pour assurer la réussite de l'action. L'erreur incombe ici aux responsables du projet et aux organes de presse, notamment les journalistes de la télévision et la radio qui n'ont pas sensibilisé les citoyens sur les techniques appropriées de reboisement. (…) Après cette visite, j'ai remarqué qu'il y'a beaucoup de mise en scène sur la télévision nationale pour démontrer des réalisations fictives. Beaucoup d'arbustes étaient plantés sans dévoiler le sac plastique ce qui les empêches à pousser. Ce genre de négligence n'est pas récent et remonte à plusieurs décennies. (…)
Le ministère doit tirer les leçons du passé et évaluer la première phase pour éviter les erreurs, sachant le projet est dans sa 2ème année et des lacunes de la première année sont répétées cette année. La responsabilité dans cela est attribuée aux cadres du ministère qui n'ont pas éclairé les citoyens sur les erreurs commises. (…)
Les journalistes doivent descendre sur le terrain, recueillir les témoignages des autorités concernées, chercher la réalité et évaluer la première phase du projet pour ressortir ses forces et ses faiblesses et publier tout ça en toute liberté. Si la version avancée par les autorités concernées s'est avérée contre la réalité, les média doivent le préciser
».
Responsabilités situées. Mais suffit-il ?
Devant les caméras, le Président va lui-même s’appliquer à faire les gestes qu’il estime nécessaires pour planter. Cela reflète un peu la réalité de tous les jours. Des cadres de l’administration qui sont incapables de résoudre les problèmes du citoyen qui n’a d’autre recours que se retrouver devant la présidence. Le Président obligé lui-même de descendre dans l’arène pour apporter les réponses que toute la hiérarchie a été incapable – soit par incompétence soit par mauvaise volonté – de trouver.
Pour ce qui est des journalistes, le Président l’a déjà dit publiquement, l’actuel ministre de la communication l’a répété : vous êtes libres de faire des enquêtes, des reportages objectifs, des interviews. Alors pourquoi ce refus d’en profiter pour exprimer les talents qui sont les vôtres ? L’énergie avec laquelle nos confrères entendent récupérer les 50 et 10% de plus de leurs salaires, pourquoi ne pas en déployer une partie pour s’approprier la volonté politique de vous laisser une marge de liberté ? Pourquoi continuer à servir au peuple mauritanien la même langue de bois ? On se cache derrière l’excuse facile de la mainmise des directeurs des organes, sont-ils plus forts que l’autorité suprême ? N’y a-t-il pas un seul journaliste pour défier leur autorité ? Il est temps de se poser ces questions…

vendredi 16 septembre 2011

Un centre de prospective, enfin!


Enfin la création d'un Centre d'Etudes, de Recherches, d'Enseignement et d'Expertise Stratégique dénommé «Institut Mauritanien d'Etudes Stratégiques», selon annoncé par le communiqué sanctionnant la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres.
Selon le communiqué, l’Institut aura «pour mission de réaliser des recherches et des analyses prospectives sur toutes les questions stratégiques liées à la globalisation et susceptibles d'avoir un impact sur le processus du développement de la société mauritanienne. L'institut constitue également un outil d'aide à la prise de décision dans les domaines liés à la sécurité, au développement économique et à la promotion de l'Etat de droit en Mauritanie».
Dans tous les pays, existent des centres dédiés à l’analyse prospective du pays et de ses habitants. Ces centres peuvent être publics ou privés. Les plus sérieux étant ceux qui relèvent de l’autorité publique.
L’IMES comblera le déficit en recherches et études de la société mauritanienne. Sur des questions fondamentales comme l’école, l’esclavage, la démocratie et le développement. Bref tout ce que l’université mauritanienne a été incapable de faire en termes de réflexions sur le devenir du pays.
Autre mission, la réflexion et l’analyse des aspects sécuritaires. Toute la production intellectuelle devra, après avoir fait un état des lieux et déterminé les conséquences de l’existant sur l’avenir, identifier les pistes de correction qui pourraient alors être pris en charge par l’encadrement politique comme programmes de développement.
La création d’un tel instrument offre aussi l’opportunité à l’Exécutif de travailler sur des données rassemblées, disséquées, analysées, expliquées par des experts en la matière : les économistes pour l’économie, les sociologues pour les phénomènes sociaux, les anthropologues, les spécialistes du droit, les Faqihs… Cette expertise permettra aux décideurs de réorienter, de corriger la mise en œuvre des programmes élaborés par le gouvernement. Sans polémique et sans passion. 
Reste à savoir qui seront les heureux élus qui auront à lancer ce grand projet. C’est ici l’occasion de choisir la crème des chercheurs mauritaniens. Et il y en a…

jeudi 15 septembre 2011

La mobilité sociale a ses raisons...et ses atouts


C’est une histoire qui m’a été racontée par quelqu’un qui se l’est rappelée à la suite d’une discussion sur la fragilité des généalogies, sur les recours de la société à l’administration de l’invisible pour réguler et préserver la cohésion en son sein.
Nous allons appeler cette servante «Khouydem Alla», un prénom typique des esclaves femmes et qui pourrait être traduit par : «petite servante de Allah». Cette esclave vivait dans un campement qui s’était organisé autour de la personnalité d’un Imam qui faisait office de chef religieux et mystique. Des marabouts, des guerriers, de grandes lignées et non.
Khouydem Alla n’avait pas arrêté de travailler chez ses maîtres malgré cinq enfants dont le plus jeune est déjà assez musclé pour porter les outres et courir après les plus instables des bêtes. Elle courait toujours derrière le troupeau de brebis qu’elle devait protéger contre le chacal et ramener, le soir venu, sans une absence.
Un jour qu’elle regardait paitre le troupeau, elle se dirigea vers une dune qui surplombait l’espace environnant. Non pour la vision romantique que le paysage offrait, mais pour avoir l’œil sur toutes les bêtes. En escaladant la dune, son pied heurta quelque chose de dur. Elle se mit à enlever le sable et vit le coint d’un canari.
Elle avait déjà entendu parler de ces canaris qu’on retrouvait de temps en temps dans le désert et qui étaient de véritables trésors enfouis par «les premiers hommes» habitants ces terres. On disait à côté d’elle que les femmes, les princes cachaient tous leurs biens dans ces canaris et les enfouissaient de peur de l’ennemi. Les découvrir, cela n’arrivait qu’aux autres, aux maitres pas aux esclaves.
Elle se mit quand même à creuser et put dégager le canari. Il était plein d’objets brillants, de perles. Elle revint chez elle appeler ses fils et ses maîtres. Ses fils transportèrent le canari jusque-devant la misérable tente de leur mère. Les maitres essayèrent de les obliger à se diriger vers eux. Une bagarre éclata. Les maîtres invoquaient leurs droits de vie et de mort sur leurs esclaves. Les esclaves tenaient à garder le trésor que leur mère avait trouvé. Et pour cela ils étaient prêts à recourir à la force. Encore une bagarre. Les habitants du campement se divisèrent. Une majorité soutenant les maitres. Arrive l’Imam qui, devant la menace de ce qui pouvait prendre l’allure d’une guerre civile, décida de laisser le canari là où il était et de laisser la discussion de l’affaire pour le lendemain matin.
L’Imam attendit la fin de la prière matinale à laquelle tous les adultes mâles sont tenus d’assister pour tenir le discours suivant : «La Bonté incommensurable d’Allah a fait que j’ai eu un rêve dans mon sommeil. D’ailleurs ce n’était pas un rêve, c’était une vision du Prophète Mohammad lui-même, Paix et Salut sur Lui. Il avait enfourché Al Buraq et m’interpellait violemment à cause de sa fille que nous voulons exproprier après l’avoir réduite en esclavage…» Bien sûr le discours était enroulé dans une phraséologie adéquate pour en souligner l’extraordinaire caractère.
Dès le réveil, la nouvelle avait déjà fait le tour du campement. Cela relevait du miracle ! Tout le monde accepta la nouvelle condition de Khouydem Alla qui put profiter de son trésor, elle et ses enfants. En changeant de statut…
D’esclave, elle devint Chérif (du bas de l’échelle sociale à son sommet). D’esclave, elle devint libre. Tout ça parce que, sentant la menace que faisait peser un tel trésor sur la paix sociale du campement, l’Imam, en homme sage, a décidé de faire appel à ses facultés «d’administrateur de l’invisible» pour trouver la parade.
Comme ça, la mobilité sociale a ses origines qui ont donné ce que Abdel Wedoud Ould Cheikh a appelé «la libéralisation des généalogies» et qui, selon lui, a fait fureur au moment où se libéralisaient l’économie (avec les plans d’ajustement de la BM et du FMI) et le politique (avec le multipartisme).
Morale : qu’est-ce qui ne doit pas être fait pour préserver la paix intérieure ? Combien sont fragiles les raisonnements «traditionnels» sur l’esclavage et sur les conditions sociales en général ! Une rupture avec l’ordre social arbitraire est facile. Ne pas la promouvoir, mais la provoquer au plus vite.

mercredi 14 septembre 2011

Ne pas oublier d’où est-ce qu’on vient


Le péché originel de notre encadrement national aura été d’avoir refusé de faire le procès du passé au lendemain du coup d’Etat du 3 août 2005. Faire ce procès aurait permis de savoir l’ampleur des dégâts, d’identifier les mécanismes de prédation et leurs auteurs et probablement de mettre en œuvre un dispositif à même d’empêcher le retour de l’ordre ancien. Mais qui voulait réellement tourner la page et changer le régime et ses méthodes ?
Dans la précipitation, les acteurs s’étaient fixés sur l’échéance majeure qui est la présidentielle. Tout le reste a relevé du détail. Tous les candidats – potentiels et non potentiels – ont tout de suite couru vers la junte pour avoir son soutien. Convaincus, semblaient-ils, du fait que «celui qui n’a pas reçu l’appui des militaires ne peut gagner». Et c’est comme ça que la porte a été ouverte à l’interférence de la junte qui avait pourtant proposé la neutralité.
Les législatives et les municipales serviront à faire tourner la machine pour savoir si cela marche. Le président de la junte encourage, plus ou moins ouvertement, les candidatures indépendantes. On quitte le défunt PRDS – devenu PRDR – en masse. On pousse hommes d’affaires et opérateurs traditionnels à appuyer ces candidatures. Une majorité se dégage pour les indépendants aux municipales et aux législatives. On peut désormais lancer l’expérience d’un candidat choisi et copté par les militaires. La suite viendra d’elle-même.
Cette atmosphère fait oublier l’essentiel : quelle gouvernance pour le pays pour ne jamais revenir en arrière ? On ne peut répondre à cette question sans faire l’état des lieux. Personne n’en voulait.
Personne ne voulait savoir comment les ressources du pays étaient distribuées sous forme de prébendes aux soutiens, à la parentèle, pour entretenir une clientèle politique capable de «tenir la situation». Est-ce que les ministres de l’intérieur de l’époque, eux qui ont organisé toutes les élections truquées de Ould Taya – parfois celles d’avant-, est-ce que ceux-là pouvaient nous dire comment éviter la renaissance de tels systèmes de fraude ? Est-ce que les intermédiaires politiques traditionnels – chefs de tribus et de villages – pouvaient nous expliquer comment ils étaient approchés et «recrutés» et pourquoi ? Est-ce que les hommes d’affaires pouvaient nous révéler comment ils pouvaient acquérir banques, assurances, sociétés et licences de pêches, fonds gratuits, terrains et crédits agricoles sans garanties et sans contreparties ? Est-ce que les hommes de la sécurité pouvaient nous parler des campagnes de répression, des tortures, des exactions, des morts ? Est-ce que les administrateurs de la Vallée en ces années sombres de 89/90/91 pouvaient nous expliquer leur excès de zèle à renvoyer leurs concitoyens après les avoir expropriés ?
Aujourd’hui tous les acteurs ont le mérite de s’exprimer et de dénoncer. Ils se sont fait une virginité politique et morale parce que les opérateurs politiques ont décidé d’oublier le passé et ses méthodes.
En parler aujourd’hui peut aider à comprendre pourquoi nous en sommes là. Pourquoi notre société politique n’arrive pas à trouver la voie. Pourquoi elle n’arrive pas à opérer la «rupture épistémologique» d’avec la mentalité née du rapport à la politique qui n’est qu’une entreprise – peut-être plus lucrative et moins onéreuse – que d’autres.
Le pays a besoin de dialogue, de convergence entre toutes les composantes de la classe politique. Pas d’un consensus aboutissant à un gouvernement d’union nationale ou à une ouverture sur quelques éléments de l’opposition. Mais d’une entente cordiale qui apaise l’atmosphère et donne l’impression à chacun qu’il est concerné par le développement du pays.
Le pays a besoin de renforcer la démocratie par la présence d’une opposition ayant une conscience de ses possibilités, une vision pour la société et une foi en la nécessité de cultiver le jardin de la démocratie. Pas par le rejet réciproque des acteurs les uns des autres.
Et avant tout cela nous avons besoin de toujours nous rappeler d’où est-ce qu’on vient. On vient de loin… de très loin…

mardi 13 septembre 2011

Le pire et le meilleur en Afrique


La Banque Africaine de développement (BAD) prévoit un «ralentissement économique» en 2011 pour l’Afrique. Sur les 54 pays, les institutions spécialisées dans les classements les 10 économies les plus faibles, les 10 les plus fortes.
Les pires économies africaines sont celles de : Côte d’Ivoire, 10ème du classement, pour raison de guerre civile et d’instabilité ces dernières années ; «Déjà affecté par un ralentissement depuis la fin de la guerre civile en 2003, la croissance du PIB ivoirien devrait, selon le FMI, s’effondrer de 2,6% en 2010 à -7,5% en 2011». Mais avec une stabilisation politique progressive, le pays espère reprendre la croissance en 2012.
Bénin, 9ème du classement, s’est vu déclasser par les effets de la crise mondiale qui ont divisé ses indicateurs en deux. La réaction négative à la réélection contestée de Boni Yayi en mars 2011 et qui est accusé d’avoir «utilisé l’argent public à des fins électoralistes».
Lesotho, 8ème, dépend entièrement de l’Afrique du Sud. 12ème Etat le moins avancé, le Lesotho vit de sa ressource en eau qu’il vend aux pays voisins et qui lui permet de couvrir 90% de ses besoins en électricité.
Erythrée, 7ème, est un jeune Etat, né en 1991. L’état de guerre avec l’Ethiopie, l’arriération du système de production agricole, la non exploitation des ressources minières sont des facteurs explicatifs. Il y a aussi m’hégémonie du parti unique et l’absence de liberté d’entreprendre et d’investir.
Comores, 6ème, est le deuxième pays le plus pauvre du monde en terme de PIB. L’économie, très en mal, est soutenue par la seule diaspora.
Swaziland, 5ème, est aussi un pays enclavé qui vit des exportations de sucre. 60% de ces exportations vont en Afrique du Sud. «Les projections du FMI pour ce petit Etat enclavé sont désastreuses, avec une croissance du PIB qui se réduirait à 0,5% en 2011. Le pays est classé 8e en prenant en compte tous les continents (Forbes)».
Guinée, 4ème, est un pays qui a souffert de mauvaise gestion et d’instabilité. Les ressources, nombreuses par ailleurs, n’ont pas permis à la Guinée de bien se porter. Elle est l’exemple de ce que la mauvaise gouvernance peut produire.
Angola, 3ème, fait pourtant partie de l’OPEP pour être l’un des grands producteurs de pétrole en Afrique. 85% du PIB, c’est la part du pétrole. La mauvaise gestion et l’instabilité sont là.
Guinée Equatoriale, 2ème, aura en 2011 une croissance négative avec -0,8%. En 2008 pourtant, on chiffrait cet indicateur à 10% ! Comble du paradoxe, et toujours sur le papier, le PIB par habitant est ici l’un des plus élevé au monde grâce au pétrole. Ce qui n’empêche pas la pauvreté réelle de la population.
Madagascar, 1er de ce palmarès malheureux, connait une croissance de -2% en 2010. Les ressources ont toujours été mal exploitées. L’agriculture est en retard, la destruction des forêts continuelles. L’instabilité politique a été un facteur développant la mauvaise gestion.
Les dix économies qui se portent le mieux : Ghana, République du Congo, Botswana, Zimbabwe, Nigéria, Zambie, Ethiopie, Mozambique, Tanzanie, Malawi.
Les dix pays les plus dangereux : Somalie qui plonge dans le chao depuis vingt ans, Soudan avec des solutions politiques précaires aux conflits profonds, République démocratique du Congo avec l’émergence d’une menace terroriste, République Centrafricaine avec une année préélectorale mouvementée, Libye avec la «révolution» qui tourne à la guerre civile, Nigeria qui tangue entre des guerres de religion et une guerre économique, Tchad avec les difficultés pacification des relations de voisinage, Zimbabwe avec la reprise des violences politiques, Burundi avec la crainte d’une radicalisation de l’opposition, Ethiopie avec les risques de résurgence des conflits antérieurs.