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mercredi 14 septembre 2011

Ne pas oublier d’où est-ce qu’on vient


Le péché originel de notre encadrement national aura été d’avoir refusé de faire le procès du passé au lendemain du coup d’Etat du 3 août 2005. Faire ce procès aurait permis de savoir l’ampleur des dégâts, d’identifier les mécanismes de prédation et leurs auteurs et probablement de mettre en œuvre un dispositif à même d’empêcher le retour de l’ordre ancien. Mais qui voulait réellement tourner la page et changer le régime et ses méthodes ?
Dans la précipitation, les acteurs s’étaient fixés sur l’échéance majeure qui est la présidentielle. Tout le reste a relevé du détail. Tous les candidats – potentiels et non potentiels – ont tout de suite couru vers la junte pour avoir son soutien. Convaincus, semblaient-ils, du fait que «celui qui n’a pas reçu l’appui des militaires ne peut gagner». Et c’est comme ça que la porte a été ouverte à l’interférence de la junte qui avait pourtant proposé la neutralité.
Les législatives et les municipales serviront à faire tourner la machine pour savoir si cela marche. Le président de la junte encourage, plus ou moins ouvertement, les candidatures indépendantes. On quitte le défunt PRDS – devenu PRDR – en masse. On pousse hommes d’affaires et opérateurs traditionnels à appuyer ces candidatures. Une majorité se dégage pour les indépendants aux municipales et aux législatives. On peut désormais lancer l’expérience d’un candidat choisi et copté par les militaires. La suite viendra d’elle-même.
Cette atmosphère fait oublier l’essentiel : quelle gouvernance pour le pays pour ne jamais revenir en arrière ? On ne peut répondre à cette question sans faire l’état des lieux. Personne n’en voulait.
Personne ne voulait savoir comment les ressources du pays étaient distribuées sous forme de prébendes aux soutiens, à la parentèle, pour entretenir une clientèle politique capable de «tenir la situation». Est-ce que les ministres de l’intérieur de l’époque, eux qui ont organisé toutes les élections truquées de Ould Taya – parfois celles d’avant-, est-ce que ceux-là pouvaient nous dire comment éviter la renaissance de tels systèmes de fraude ? Est-ce que les intermédiaires politiques traditionnels – chefs de tribus et de villages – pouvaient nous expliquer comment ils étaient approchés et «recrutés» et pourquoi ? Est-ce que les hommes d’affaires pouvaient nous révéler comment ils pouvaient acquérir banques, assurances, sociétés et licences de pêches, fonds gratuits, terrains et crédits agricoles sans garanties et sans contreparties ? Est-ce que les hommes de la sécurité pouvaient nous parler des campagnes de répression, des tortures, des exactions, des morts ? Est-ce que les administrateurs de la Vallée en ces années sombres de 89/90/91 pouvaient nous expliquer leur excès de zèle à renvoyer leurs concitoyens après les avoir expropriés ?
Aujourd’hui tous les acteurs ont le mérite de s’exprimer et de dénoncer. Ils se sont fait une virginité politique et morale parce que les opérateurs politiques ont décidé d’oublier le passé et ses méthodes.
En parler aujourd’hui peut aider à comprendre pourquoi nous en sommes là. Pourquoi notre société politique n’arrive pas à trouver la voie. Pourquoi elle n’arrive pas à opérer la «rupture épistémologique» d’avec la mentalité née du rapport à la politique qui n’est qu’une entreprise – peut-être plus lucrative et moins onéreuse – que d’autres.
Le pays a besoin de dialogue, de convergence entre toutes les composantes de la classe politique. Pas d’un consensus aboutissant à un gouvernement d’union nationale ou à une ouverture sur quelques éléments de l’opposition. Mais d’une entente cordiale qui apaise l’atmosphère et donne l’impression à chacun qu’il est concerné par le développement du pays.
Le pays a besoin de renforcer la démocratie par la présence d’une opposition ayant une conscience de ses possibilités, une vision pour la société et une foi en la nécessité de cultiver le jardin de la démocratie. Pas par le rejet réciproque des acteurs les uns des autres.
Et avant tout cela nous avons besoin de toujours nous rappeler d’où est-ce qu’on vient. On vient de loin… de très loin…

1 commentaire:

  1. J’ai eu une discussion avec un ami « politisé » hier, et il a lancé une boutade que j’ai trouvée savoureuse. Il m’a dit, pourquoi ne changerons pas nous la constitution et proposons que le Président soit toujours choisi parmi les plus gradés de l’Armée ? On a rigolé et puis il a continué son argumentaire en disant qu’il est clair que l’armée n’a pas l’intention de lâcher le pouvoir, autant qu’on puisse « voter » pour le moins mauvais parmi eux. Puis mon ami continue à décliner son « modèle de démocratie » en disant qu’on peut utiliser le système américain d’étiquette : un président militaire et un PM civil qui mènent campagne ensemble… Mon ami pense que notre malédiction vient d’un certain 10 juillet 1978. Le jour où des hommes formés, payés pour nous défendre ont attaqué notre Président, l’ont extrait à sa famille et le jeter dans le bagne à Oualata. Quelque soit ce qu’on pense de Mokhtar Ould Daddah (rahmetou allahi 3alyhi), sa comparaison avec les dirigeants qui l’ont suivi est un acte qui frôle le ridicule. Voici donc le résumé qu’il a donné à notre Problème : tant que les militaires nous gouvernent, tant que les civils continuent à justifier par de belles plumes les agissements de militaires rien de bon n’arriverait dans ce pays, cette malédiction dira-t-il trouve sa déclinaison à tous les niveau : sécuritaire (échec sur toute la ligne), humanitaire (sombre années 90), économique (ils ne sont pas formés pour gérés ces dossiers), gabegie (l’enrichissement ostensible des hauts gradés n’est pas grâce au salaire), social (état de l’éducation)… Vers le fin j’avoue que j’étais presque convaincu !

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