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jeudi 31 octobre 2013

Zèle, acharnement ou maladresse ?

Ahmed Ould Khattri, ancien directeur de PROCAPEC, a été empêché de se présenter aux élections législatives au niveau de R’Kiz, suite à une démarche initiée par le Parquet général qui a écrit à la CENI pour signaler que l’intéressé ne pouvait se présenter parce qu’il est sous le coup d’une «condamnation». Démarche singulière et inappropriée.
Singulière parce que le Parquet n’a aucun mandat pour interpeller la CENI. Rien dans la loi électorale, ni dans la pratique n’ouvre la voie au Parquet pour une telle interférence. A la limite, le Parquet ne sait même pas qui se présente et sous quelles couleurs. Il doit être pris par le suivi des enquêtes sur les viols et meurtres, par les affaires pendantes devant les juridictions, et non par l’épluchement des listes candidates pour savoir qui peut et qui ne peut pas se présenter.
Inappropriée parce que si le Parquet est très au fait de qui est qui parmi les candidats, il aurait interdit la candidature à d’autres personnes, notamment à ce candidat qui se présente en bonne place sur la liste UPR et dont la procédure judiciaire vient de se terminer pour le faire bénéficier d’une «liberté provisoire» qui ne le soustrait pas normalement à la situation de "poursuivi". Et si Ould Khattri avait été candidat UPR, aurait-il fait l’objet de la même démarche ? si non, pourquoi ne pas entamer la démarche contre cet autre candidat ?
Inappropriée aussi parce que nous sommes en phase de crédibilisation d’élections qui font déjà l’objet d’objections plus ou moins objectives avec notamment l’absence d’une partie de l’opposition (boycott), les lenteurs de la CENI l’organe chargé d’organiser ces élections, la culture du doute devenue un élément essentiel de la réalité mauritanienne… Trop de choses peuvent être invoquées par ceux qui ne veulent pas de ces élections – et ils sont nombreux parce qu’ils se trouvent aussi dans la Majorité et chez les «participationnistes» -, trop pour prêter le flanc ou pour créer de nouvelles sources de suspicions et de doutes.
C’était à la CENI de voir par elle-même si Ahmed Ould Khattri a un dossier complet, auquel cas l’accepter, sinon le rejeter. Pas besoin d’une interférence du Parquet parce que les concurrents de Ould Khattri et du parti Tawaçoul sous les couleurs duquel il voulait mener campagne, auraient pu émettre des réserves. A ce moment-là, les services concernés – peut-être le Parquet – seront interpellés pour rétablir le droit. C’est ce qui devait être…
L’interférence du Parquet trouverait sa justification dans l’établissement d’un casier judiciaire «vierge» à Ould Khattri. N’est-ce pas un cabinet d’un tribunal, un service du secteur de la justice qui établit ce genre de document ? A qui la faute si dans notre pays, on peut établir un document comme celui-là ? A qui la faute si dans ce pays, des hommes, sous mandat, d’autres en liberté conditionnelle ont été, par le passé, nommés ministres ? Cela fait partie de la déliquescence du secteur de la Justice, déliquescence née de plusieurs décennies d’inféodation, d’incohérences, d’impunité, de poursuites ciblées, de décisions qui n’ont aucun rapport avec la Justice, d’arbitraires… (tout le reste a été dit)… C’est cette situation qui devait être corrigée depuis août 2005. Mais la réforme a toujours été remise à plus tard à cause des «urgences politiques» : le débat politique occultant toujours l’essentiel.
Qu’on donne à Ould Khattri ou à quelqu’un d’autre un certificat attestant qu’il ne souffre aucune poursuite judiciaire et qu’il n’a jamais été condamné, qu’il est donc dans la situation normale d’un citoyen normal, cela relève d’un dysfonctionnement de la Justice qui lui-même n’est que la partie visible d’un iceberg de dysfonctionnements : tout ce qui fait qu’aujourd’hui aucune action de la Justice ne peut être comprise ou justifiée aux yeux du citoyen lambda. C’est cette situation qu’il faut corriger un jour ou l’autre. Si le Parquet avait ordonné une enquête sur l’établissement de ces casiers judiciaires et sur les autorités qui les établissent, cela aurait eu le résultat escompté : les challengers de telle ou telle liste auraient engagé une procédure de contestation et le dossier aurait fini devant le Parquet pour conclure. Plus adroitement, en prêtant moins le flanc aux critiques et en laissant peu de place aux interprétations fallacieuses ou non.

En décidant de passer outre et d’en faire une affaire personnelle visant la seule personne de Ould Khattri et en s’abstenant de poursuivre d’autres personnes dans la même situation que lui, le Parquet a laissé la porte ouverte aux interprétations les plus dangereuses. En s’abstenant de poursuivre les autorités qui ont établi les casiers judiciaires, le Parquet évite de corriger le plus évident et le plus dangereux des dysfonctionnements de la Justice.

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