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jeudi 20 juin 2013

Traduire «Le petit prince»

Certains diront : «une traduction de plus» du «Petit Prince» de Saint-Exupéry. D’autres diront : «enfin une traduction du Petit prince !». Et tous auront tort de marquer leur surprise. Les premiers devraient se rappeler qu’il s’agit là d’une œuvre dont la traduction est toujours un fait nouveau, un fait qui mérite l’attention ; les seconds, que cette œuvre, vendue à 135 millions d’exemplaires, a été traduite en 220 langues et dialectes. Ce qui en fait un véritable phénomène de l’édition. Mais c’est surtout ce qui en fait l’œuvre majeure de l’écrivain Antoine de Saint-Exupéry. Si ce n’est de la littérature française.
Alors pourquoi cette traduction (de plus) ? et pourquoi notre compatriote Mohamed Vall Ould Abdel Latif a-t-il décidé de traduire une œuvre qui n’est pas forcément la plus connue chez nous de ce qui a été écrit par Antoine de Saint-Exupéry ?
Nous connaissons mieux «Terre des hommes» qui a été l’une des appellations de la Mauritanie, ou «Vol de nuit» qui a fait partie des classiques inscrits dans les programmes scolaires des lycées et collèges du pays. Mais Mohamed Vall Ould Abdel Latif a choisi «Le Petit prince»… une façon de rendre hommage à ce conte d’enfants devenu livre de chevet des adultes.
La rigueur et l’austérité de l’administrateur auraient pu empêcher Ould Abdel Latif d’avoir le temps d’apprécier et de pratiquer tout ce qui ne parait pas utile aux gens d’aujourd’hui, tout ce qui n’est pas «nourriture terrestre» et qui n’intervient pas dans la croissance physique de l’individu (et de la communauté).
C’est oublier que Mohamed Vall Ould Abdel Latif est le produit d’une culture ancrée dans la tradition qui a fait de l’héritage gréco-romain l’un de ses fondements. Avec la promotion de l’abstrait et l’enseignement d’une philosophie de soi qui donne plus d’autonomie de pensée à l’individu et lui permet l’utilisation de l’intelligence pour se faire une idée du monde et des interprétations que les autres en font.
C’est ici qu’il faut probablement chercher cette propension à se jouer des mots pour les immortaliser dans des formules qui prennent immédiatement – dès qu’elles sont prononcées – l’allure de sagesses éternelles. C’est ici aussi qu’il faut trouver une des explications à ce qui fait qu’en chacun de ce milieu vit un exégète, un grammairien, un homme de sciences, un mathématicien, un astronome… et bien sûr un poète.  
Mohamed Vall Ould Abdel Latif incarne parfaitement le milieu dont il est issu. Il est une perle, même s’il est une perle parmi d’autres, il reste la plus scintillante de toutes. Dans ce milieu où la fulgurance est cultivée au quotidien, la célébration de la belle œuvre – d’où qu’elle vienne – est une attitude normale.
Il y a deux, trois ans que cet écrivain – on peut dire sociologue, historien, grammairien, poète, journaliste… -, que cet écrivain m’a présenté sa traduction du «Petit prince». Je paraphrase André Gide en disant qu’on se saura jamais les efforts qu’il nous faut faire aujourd’hui pour nous intéresser à la culture, à la culture de l’intelligence, «mais maintenant qu’elle nous intéresse, ce sera comme toute chose – passionnément».
Il s’agit de la traduction à partir du Français vers l’Arabe, deux langues que Ould Abdel Latif maitrise parfaitement. Et parce qu’il maitrise ces deux langues, et parce qu’il apprécie et savoure toutes les facettes de l’écrit, il a réussi une traduction qui n’a pas d’égal dans tout ce que j’ai pu lire depuis.

Et comme dit le héros du conte : «C’est véritablement utile puisque c’est joli».

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