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jeudi 28 juin 2018

UFP : La fin d’une époque ?


La rupture est-elle consommée entre le président de l’Union des forces de progrès (UFP) Mohamed Ould Maouloud et certains de ses compagnons et camarades de lutte dont l’emblématique Moustapha Ould Bedredine, jusque-là Secrétaire général du parti.
Surnommé «le Timonier» par ses pairs de la lutte au sein du Mouvement national démocratique (MND), Ould Bedredine est vraiment l’icône de ce pan de l’histoire politique mauritanienne. Son passage dans la législature de 2006 à 2013, l’a confirmé dans le rôle de l’opposant institutionnel, du porte-parole de cette gauche qui a fini par prendre la forme d’une secte. Tellement la formation qui l’incarne était élitiste.
Il n’est pas le seul à se retirer, parce que Kadiata Malick Diallo s’en est elle aussi allée au cours de cette fameuse réunion du Bureau exécutif de l’UFP qui a vu éclater au grand jour un différent qui couve en fait depuis 2013. Avec eux, Ahmed Ould Houbab et bien d’autres «camarades» qui n’ont jamais manqué à l’appel de la direction historique du mouvement d’inspiration gauchiste…

Une cause directe…

En 2013, contrairement à la volonté exprimée par une bonne partie de l’équipe, Mohamed Ould Maouloud avait choisi l’option du boycott des élections en préparation. On avait alors parlé de la trop grande influence de son cousin Mohamed Ould Khlil, nationaliste arabe à l’origine qui avait fait sa conversion seulement depuis quelques mois.
Le boycott n’est pas un choix «naturel» dans le mental ou comme dirait quelqu’un «il n’est pas inscrit dans l’ADN du MND». Au contraire, toute ouverture est pour ce groupe une opportunité qu’il ne faut pas rater pour peser sur le cours des événements. Mais cette considération n’est pas la seule à prendre en compte. Il y a aussi le fait qu’avec le boycott, on privait certains caciques du parti à continuer à occuper la scène publique et à l’utiliser comme terrain de faire-valoir.
L’attitude du président Ould Maouloud a tout de suite été sentie comme une trahison de sa part. Trahison au profit de Mohamed Ould Khlil qui défendait avec acharnement cette option. Et de rappeler à l’occasion, que quand le président Ould Maouloud a eu à proposer un ministre au gouvernement d’union nationale en 2009, il n’a pas hésité à donner le nom de Ould Khlil, fraichement rallié au parti et symbole d’un militantisme chauvin tant décrié par le MND. Ould Khlil n’avait d’autre mérite aux yeux de beaucoup, que d’être le cousin du président de l’UFP et sa nomination n’avait d’autre justificatif que répondre à l’exigence d’équilibres entre factions politiques tribales et familiales au Tagant, la région d’origine des deux hommes.
La crise actuelle a pour cause directe, la «rébellion» publique de quelques jeunes contre les propos tenus par le président Mohamed Ould Maouloud dans un forum sur les réseaux sociaux, propos remettant en cause le caractère laïc des fondamentaux du parti. Un groupe de jeunes avait alors publié une déclaration dans laquelle ils essayaient de remettre l’horloge à l’heure. Mohamed Ould Maouloud a mal pris cette sortie qu’il a jugée comme une rébellion. Il a alors entrepris de faire prendre au parti des sanctions contre le groupe. Ce auquel, les «vieux camarades» se sont opposés.
Mais en réalité, cette crise ne serait que le résultat d’un vieux contentieux jamais réglé. S’agit-il d’une rupture définitive ? Peut-être surtout qu’on parle de la possibilité pour Bedredine et ses compagnons de créer un parti pour se lancer dans la course électorale.

…et des causes profondes à la rupture

En attendant, cette rupture impose de revenir à trois moments de l’histoire récente du parti pour comprendre l’enracinement de la mésentente entre les deux factions du parti.
En mars 2007, arrivent en tête des candidats à la présidentielle, deux hommes qui se trouvent être les deux plus jeunes ministres du gouvernement civil renversé le 10 juillet 1978 : Sidi Ould Cheikh Abdallahi et Ahmed Ould Daddah. Tous les deux vont à un second tour où tout peut arriver. C’est l’occasion pour les candidats malheureux au premier tour mais aussi pour les formations politiques de prendre position. Légitimant ici une candidature, comme ce fut le cas quand Messaoud Ould Boulkheir a rallié Ould Cheikh Abdallahi, apportant là un réel plus comme ce fut le cas de Zeine Ould Zeidane quand il a soutenu le même Ould Cheikh Abdallahi.
A l’Union des forces du progrès (UFP), un drame cornélien prenait forme. D’une part, ceux qui estimaient qu’il fallait discuter avec les deux candidats «pour avoir les garanties nécessaires autour d’un accord électoral possible». Pour les tenants de cette thèse, «les deux hommes se valent en tous points : tous les deux sont une survivance du Parti du peuple mauritanien (PPM de feu Moktar Ould Daddah), tous les deux sont issus de l’aristocratie maraboutique conservatrice, tous les deux n’ont aucun passé militant précédant l’ouverture démocratique…»
Ils vont même jusqu’à avancer que s’il y a lieu d’évaluer les deux hommes, il fallait rappeler que «l’expérience de lutte avec Ahmed Ould Daddah n’avait pas été concluante parce qu’elle a finalement obligé le mouvement à s’en aller pour créer l’UFP» après l’interdiction de l’UFD, parti faisant l’objet d’une guerre d’appropriation entre le MND et les partisans de Ould Daddah. Toujours selon eux, «cette expérience doit exclure le soutien du candidat Ahmed Ould Daddah».
Ce n’est pas ce que pensait le président Mohamed Ould Maouloud, candidat ayant obtenu 4,08% des suffrages. Pour lui, le changement ne peut être envisagé qu’avec la victoire de Ould Daddah. Parce qu’il est celui qui incarne l’opposition démocratique au système de Ould Taya, le président renversé le 3 août 2005 après 21 ans d’exercice malheureux.
Ce à quoi ont rétorqué les autres : «Ould Taya est parti et aujourd’hui, c’est une autre configuration qui nait et nous devons y trouver une place en nous alliant le candidat qui nous offre le plus de garanties pour un accord».
Discuter avec le candidat Ould Cheikh Abdallahi, c’était d’abord le faire avec les militaires qui le soutenaient et qui ont fini par en faire leur candidat. Mohamed Ould Maouloud n’en voulait pas. Malgré sa mise en minorité, il menaça de démissionner si les instances du parti votaient contre son choix. Le cœur devait l’emporter mais en laissant une première friction.
Le parti réussit à dépasser la secousse. Surtout que très tôt, Mohamed Ould Maouloud reprend le «droit chemin». Il réussit à réaménager la loi sur le Statut de l’Opposition démocratique pour arracher à Ahmed Ould Daddah ce titre de Chef de file de l’Opposition, ensuite en réalisant un accord avec le gouvernement de Ould Cheikh Abdallahi dirigé par Yahya Ould Ahmed Waqf. L’UFP obtient deux postes ministériels. Une trêve qui ne dure pas, les hostilités des clans du pouvoir aboutissant à la crise de 2008 et au coup d’Etat du 6 août.
Au retour du dialogue de Dakar pendant lequel il a dirigé la délégation du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD), Mohamed Ould Maouloud est sommé par les caciques de son parti de faire un choix autre que celui d’un candidat unique de l’Opposition. Arguant l’impossibilité de ranger Ould Daddah derrière Messaoud Ould Boulkheir (ou l’inverse) et/ou de trouver une personnalité consensuelle digne d’incarner le programme et la littérature du parti.
Pour les caciques, il fallait discuter avec tous les candidats en sachant que Mohamed Ould Abdel Aziz a pris une longueur d’avance considérable et qu’il s’est approprié le discours de l’opposition en stigmatisant les «gabégistes d’hier» et en prenant en charge certaines préoccupations des pauvres. C’est vers lui qu’on doit pousser une éventuelle alliance.
Veto de Mohamed Ould Maouloud pour lequel il faut tout simplement soutenir Ould Boulkheir candidat du FNDD. En tout cas pas question pour lui de discuter avec Ould Abdel Aziz. Deuxième moment de déchirure.

Le ras-le-bol

En 2013, alors que la majorité de son bureau exécutif, instance dirigeante, votait pour une participation aux élections législatives et municipales de novembre, Mohamed Ould Maouloud annonce le boycott. Il menace encore une fois de démissionner si on essaye de lui forcer la main. Là encore, les sentiments l’emportent. Le cœur a ses raisons que la Raison ignore… Mais tout cela laisse des traces.
Dans l’immédiat, c’est le départ d’un bon nombre de militants, cadres et dirigeants soit pour regagner directement le parti au pouvoir comme ce fut le cas de Ba Adama (maire de Boghé), de Cheykhata plus tard…, soit pour se mettre en marge de l’action politique comme pour Sy Asmiou, Aïnina…
Aujourd’hui la fronde est dirigée par Moustapha Ould Bedredine, Kadiata Malick Diallo, Ahmed Ould Houbab… les figures de l’UFP qui ont occupé la scène publique et politique ces dernières années. Mais aussi, les figures emblématiques du MND… un mouvement qui n’a jamais connu de déchirures aussi fortes. On peut envisager qu’il s’agit là de la fin d’une époque dans l’histoire politique récente du pays. A un moment crucial pour le pays.

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