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mardi 10 février 2015

Homme politique vs homme d’Etat

La politique sous nos cieux a toujours été une entreprise faite de tricheries, de marchandages et de fausses annonces. Le mot lui-même – la politique – a été tropicalisé dans chaque culture locale pour devenir «bolletiig» par exemple chez les Hassanophones (il est prononcé différemment dans les autres langues et d’une région à une autre dans la même sphère culturelle). Avec cette constante perception dépréciée du politique, celle qui en fait un roublard, un cachotier et un faux type.
Les expériences modernes allaient accentuer cette mauvaise perception. En effet, les retournements occasionnés par les renoncements aux principes, toujours par les nominations et/ou l’entrée dans le cercle des privilégiés du pouvoir, ces retournements ont accentué l’idée, déjà popularisée, que la politique est un moyen d’ascension sur l’échelle de la décision politique. Le plus rapide et le moins coûteux depuis que la tribu et les appartenances sectaires sont devenues un outil de positionnement et une possibilité de (re)classement. Celui qui demande le moins d’aptitudes.
30-40 ans de politique politicienne nous apprennent qu’il suffit de se réclamer d’un groupe (tribal, ethnique, classe, frange…), de parler avec véhémence en son nom pour légitimer d’abord la mise en avant de sa personne, ensuite pour revendiquer «sa» part du gâteau. L’absence de compte à rendre, mais aussi de l’exigence d’exemplarité dans l’engagement, ont libéré l’homme politique des contraintes morales édictées pour l’obliger à respecter une certaine éthique et une déontologie qui doivent conduire son action. En la matière, l’impunité a fait un grand dégât.
Il est juste de comparer l’attitude dominante des hommes politiques de chez nous à ces comédiens (médiocres) que l’on voit chanter, successivement, les vertus des opérateurs de la téléphonie mobile : dans leurs bouches, Mattel est premier, Mauritel est premier, Chinguitel est premier. Les spots se suivent et les comédiens sont restés longtemps les mêmes…
Il est arrivé à des hommes politiques de faire le va-et-vient entre deux formations de positionnements diamétralement opposés, sans scrupules. Nous les avons vus représenter l’Union des forces démocratiques (UFD), le Rassemblement des forces démocratiques (RFD), ou encore l’Alliance progressiste populaire (APP)… et défendre ces partis sur la scène publique, puis, le même mois, passer de l’autre côté et revenir à la même scène au nom du Parti républicain démocratique et social (PRDS), de Adil ou de l’Union pour la République (UPR) ; partir d’un positionnement radical à l’opposition pour aller au soutien aveugle et sans conditions. Nous les avons vus (re)prendre le chemin inverse, toujours avec autant de passion affichée.
Sous nos cieux, l’homme politique n’a aucun mal à s’accommoder d’indélicatesses. Pour lui, l’exercice de la politique exige un manque de scrupules, une aptitude à mentir et le don de tromper. Il n’y a pas de Morale qui guide son action et tous les moyens sont bons pour arriver au but qui se limite très souvent à la recherche d’un emplacement, d’un positionnement en vue d’un meilleur classement. La plupart des vociférations politiques auxquelles on assiste, y compris celles qui se revendiquent de particularismes, relève de cette lutte de classement qui a été le véritable moteur de l’Histoire politique durant les quarante dernières années.
Ce qui est aujourd’hui nécessaire à l’espace politique, c’est de produire des leaders capables de voir loin, d’agir vite et d’anticiper les exigences futures pour incarner le changement et la tranquillité. Des hommes capables de tracer des chemins, de nous embarquer avec eux dans une aventure faite d’illusions possibles (ou probables), de nous guider, de nous redonner confiance… On ne peut pas vendre de futur aux consciences populaires, si l’on se tue à désespérer de soi.
Les hommes de demain seront (seulement) ceux qui pourront frayer le chemin, non pas ceux qui se contenteront encore d’en suivre un, tracé bien avant eux. Les hommes de demain doivent être des Hommes d’Etat… et non pas simplement des hommes politiques.

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