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mardi 31 décembre 2013

Tribunal spécial

Réuni ce mardi 31/12, le Conseil de la Magistrature dirigé par le Président de la République, a évité d’aborder la question des affectations qui prend en général une grande partie de son temps. Comme il n’a pas été question de l’avancement en grade. Une seule décision concernant le personnel a été prise : entériner le recrutement de huit nouveaux Magistrats dont une femme. Une première en Mauritanie, même si une femme est en fin de formation à l’Ecole nationale d’administration, de journalisme et de magistrature (ENAJM). Une avancée à saluer en ces temps de recul majeur et de régression mentale…
Mais la grande décision reste la création d’un Tribunal spécial chargé des crimes de l’esclavage. Dans un pays où la question du traitement réservé par la justice à la pratique est controversée, il est important d’avoir une Cour spécialement dédiée à faire appliquer la loi criminalisant la pratique.
Avec cette innovation, la criminalisation prendra forme. Ce qui évitera toutes les indulgences relevant souvent de la mauvaise volonté des Juges et donnant une image négative du pays. Permettant l’application stricte de la loi.
Il est désormais difficile d’empêcher une procédure liée à la pratique d’aboutir à une condamnation effective des auteurs. Les victimes sont désormais certaines de trouver réparation. Ce qui devrait rassurer les organisations de défense des droits humains qui font de la lutte contre l’esclavage une cause.
Parce que des cas sont signalés ici et là, il y a lieu d’aller vite dans la procédure de mise en place d’une telle juridiction. Le plus vite sera le mieux.

lundi 30 décembre 2013

Les Mauritaniens de l’étranger

La première rencontre des expertises et compétences mauritanienne s’est achevée ce jour avec la formulation d’un paquet de recommandations sur lesquelles nous reviendrons.
La cérémonie de clôture a été présidée par le Premier ministre Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf. Elle a vu les participants adresser une motion de remerciements aux Autorités lue par Brahim Ould Lemghallef du Canada. Puis la lecture des recommandations faite par Abdoulaye Diagana de France (Kassataya). Parmi ces recommandations, on note l’organisation des Etats généraux pour le développement, la levée de la limite d’âge pour permettre aux chercheurs et professeurs travaillant à l’extérieur de dispenser leurs connaissances dans les universités mauritaniennes le moment venu, la création d’une plate-forme dynamique d’échanges entre les compétences nationales, la facilitation des procédures d’état civil (nationalité, enrôlement, papiers…), la création d’un guichet unique pour la création d’entreprises (PME), l’utilisation des quotas mauritaniens dans les organisations internationales, la création d’une structure chargée des Mauritaniens de l’étranger…
Pour sa part le Premier ministre devait rappeler que la migration est rarement un acte volontaire. Mais qu’elle permet de s’ouvrir sur d’autres cultures humaines, d’autres valeurs pour enrichir sa propre expérience.
Le Premier Ministre devait préciser que les autorités mauritaniennes sont conscientes de difficultés que vivent les immigrés à cause de l'éloignement et de l'absence d'accès aux fonctions administratives.
«Cette situation ne devra pas constituer un motif d'inquiétude ou de frustration, mais un moyen de raffermir la détermination et de valoriser la productivité en perspective d'un retour heureux au pays pour participer à la construction nationale». Et comme pour rassurer sur l’état du pays, il a ajouté : «Des chantiers de construction et d'urbanisation sont en cours partout dans le pays, grâce à la multiplicité et à la diversité des financements et à leur usage transparent, ce qui encourage le retour des hautes compétences et expertises nationales».
Rappelons que, comme prévu, les travaux de la rencontre se sont déroulés en trois sessions :
            - La première session a permis aux Experts de présenter des modèles de projets dans des domaines majeurs comme l'énergie, l'eau, la santé, l'environnement, les infrastructures de base, les nouvelles technologies de l’information, l'enseignement supérieur, l’emploi, la recherche scientifique, l'industrie, l'entreprenariat etc.
            - La deuxième session a servi à identifier les faiblesses et insuffisances au niveau de la préparation et de la mise en œuvre des projets de développement.
            - La troisième session a eu pour objet de rechercher le cadre adéquat en vue de canaliser et de promouvoir l’apport des compétences et expertises résidant à l’étranger. Pour ce faire, établir des passerelles permanentes entre les Experts eux-mêmes, entre eux et le pays pour garantir leur participation à son développement.

Les deux jours ont été marqués par des discussions ouvertes et franches.

dimanche 29 décembre 2013

Le Président et les Experts

C’est le Président de la République lui-même qui a présidé la cérémonie d’ouverture de la rencontre des Experts mauritaniens organisée par l’ANESP. Extrait du discours :
«Première du genre, cette rencontre rassemble un nombre important d'experts de qualité et de compétences variées.
Les échanges entre les participants à la présente rencontre permettront d'élaborer le cadre adéquat pour mettre à profit toute cette ressource humaine. Elle vise également l'implication des expertises nationales dans la préparation et l'exécution des projets de développement.
Au cours des 4 dernières années, la Mauritanie a franchi d'importantes étapes sur la voie du changement et du développement.
Les libertés individuelles et collectives sont effectives et permettent la consolidation de la démocratie.
Les infrastructures de base ont permis des avancées significatives dans le désenclavement de toutes les régions du pays et l'accès des populations aux services de base.
Les politiques volontaristes visant les couches les plus vulnérables sont menées avec rigueur.
La lutte contre la gabegie et la revalorisation des ressources du pays ont rendu possibles ces réalisations.
Le contexte national favorable nous permet de mobiliser tous nos efforts au service du développement du pays.
Vos compétences et vos expériences professionnelles, Mesdames, Messieurs, les experts, doivent être mises à contribution au profit du développement du pays
».
De son côté le directeur général de l’ANESP a rappelé le contexte et les objectifs de la rencontre. Extrait :
«Cette rencontre, la première du genre dans notre pays, répond à ce souci constamment exprimé d’identification et de mise en valeur de cette richesse que constitue l’expertise nationale. Elle est aussi une réponse à l’une des préoccupations fondamentales de l’Agence Nationale pour les Etudes et le Suivi des Projets (ANESP), celle qui vise à mobiliser les ressources en vue d’optimiser le processus d’élaboration et de mise en œuvre des projets de développement.
L’ANESP, permettez-moi Monsieur le Président de le rappeler, a pour ambition de devenir un pôle d’excellence grâce à son organisation et à ses méthodes de travail. Elle se veut un laboratoire d’idées capable de drainer compétences et expertises en vue de leur permettre de participer au développement de notre pays.
Ce n’est donc pas par hasard si l’ANESP organise aujourd’hui la première «Rencontre des Compétences et Expertises Nationales». Cette rencontre est le fruit de la convergence entre une volonté politique réellement engagée pour accomplir de grands bonds en avant dans le pays, et la nécessité de mettre à profit toutes les expertises et compétences pour consolider les acquis et mieux envisager l’avenir.
Cette rencontre vise enfin à mettre en réseau les Experts mauritaniens, à renforcer les liens entre eux et le pays et à permettre à tous de participer à son développement. Ils sont plus de deux cents Experts mauritaniens à avoir répondu positivement à notre démarche.
Les participants à cette rencontre représentent la crème d’une élite dont les qualités et les multiples spécialités sont attestées par le niveau de responsabilité qu’ils occupent dont certains dans des entreprises et des institutions prestigieuses dans les cinq continents.
Nous souhaitons pour cette rencontre qu’elle soit le fondement d’un processus d’intégration et d’implication de toutes les compétences scientifiques et techniques à l’effort de développement de la Mauritanie.
(…) A la fin de la rencontre, les propositions des Experts nous permettront de faire des recommandations pour aider à dégager des orientations en vue d’asseoir une stratégie efficiente dans la préparation et la mise en œuvre des projets de développement. 
Nous aurons aussi présenté le premier ATLAS ANESP où seront répertoriés les Experts mauritaniens. Nous sommes sûrs que cet ATLAS ANESP constituera une première formule de proposition en matière de ressources humaines pour notre économie et pour les sociétés et entreprises actives dans le pays»

samedi 28 décembre 2013

Les Mauritaniens du Canada

Ils sont une bonne vingtaine d’experts et de diplômés des universités canadiennes à avoir fait le déplacement pour participer à la première rencontre des Compétences et Expertises nationale, rencontre organisée par l’Agence nationale pour les Etudes et le Suivi des Projets (ANESP).
Ils représentent la communauté de là-bas et semblent bien préparés, en tant que groupe, à marquer de leur présence la manifestation qui est la première du genre. Ils entreprennent des rencontres préliminaires et comptent manifester publiquement leur présence ici.
Ils sont sans doute les plus organisés de nos ressortissants. Ils veulent capitaliser ce passage en Mauritanie pour explorer les opportunités offertes par le pays, rencontrer le maximum d’officiels et attirer les caméras vers eux.
Avec le doyen de la communauté Brahim Ould Lemghallef, la communauté mauritanienne du Canada détient sans aucun doute la palme de l’originalité. Arrivé en 1973 au Canada, le personnage fort sympathique est resté un Mauritanien des années 70. Avec le Hassaniya de l’époque, l’ouverture de l’époque, la tolérance, la jovialité et donc l’optimisme. Parti pour être quelconque, il est titulaire d’un MBA en finances et joue les ainés des générations successives. Sans doute le premier facteur d’unité pour la communauté.
Les autres viennent de toutes les régions de Mauritanie. Ils sont formés dans les meilleures écoles et, pour certains, travaillent déjà dans de grandes sociétés.
Qu’ils s’appellent Mohamed Billy Ould Sidi Ould Ahmed Deya, Al Housseinou Sall, Sidi Ould Souene’, Abdallahi Ould Qestallani, Fatimetou Mint Tolba, Hamjatou Kane, Radya Mint Khouna, Sidi Mohamed Ould Hartane, Isselmou O Sidina, Mohamed O. Abdallahi…, ils occupent chacun un poste de haute responsabilité là où il se trouve et chacun d’eux est prête à participer au développement de la Mauritanie selon sa spécialité.

L’image de la Mauritanie dépend d’eux car il n’y a pas d’Ambassadeur là-bas. Chaque année, ils commémorent la fête de l’indépendance par un gala. Le 30 novembre dernier, c’était au restaurant La Khaima qui appartient justement à un Mauritanien. Ils ont aussi un site, www.maurican.com. Et leur leitmotiv est : «Vivre ensemble pour accomplir notre destinée commune».

vendredi 27 décembre 2013

Besoin de maturation

Certains de mes amis m’ont reproché de faire état de quelques dissensions, consommées ou à venir, au sein de l’Union des forces du progrès (UFP) suite à son choix de boycotter les élections. Juste pour expliquer que j’exprime là une inquiétude pour ce parti qui représente à mes yeux un cadre unitaire où une certaine idée de la Mauritanie et de la politique a été entretenue pendant longtemps. J’ai rarement été d’accord avec les dirigeants de l’UFP et leurs options mais je leur reconnais (sans hésiter) qu’ils ont pu fonder un esprit et un creuset qui reflétait quand même ce qu’est le pays et même peut-être (en partie quand même) ce qu’il devait être.
Le discours est un discours de gauche qu’aucun parti en Mauritanie n’a jamais pu adopter comme l’a fait l’UFP (et ses pères spirituels). Cette perception (satisfaisante) de l’UFP, les Mauritaniens l’expriment de différentes manière : «Nous allons regretter Bedredine et Kadiata Malik Diallo dans le Parlement», «Les vrais politiques, ce sont les gens du MND (mouvement national démocratique qui a donné l’UFP)», «L’UFP est un parti élitiste qui a pu asseoir une base à Moyte en plein Aftout, à Boghé en pleine Vallée…»…
Quand vous entendez ces propos, dites-vous que c’est la manière d’apprécier ce parti et son discours. Ce discours est aujourd’hui «perdu» dans le sens où on l’entend plus. Il est perdu au sein d’une cacophonie faite de verbiages et d’extrêmes. Et ce au moment où l’on en a le plus besoin.
Le besoin de progrès dans la vision de la société, dans ses rapports, dans la dynamique qui doit la diriger, ce besoin fait que les revendications sociales égalitaires doivent être prises en compte par un discours unitaire rejetant tout sectarisme et adoptant une attitude «progressiste» face aux choix de société.
Contre le fanatisme, nous avons besoin d’un esprit ouvert et tolérant. Contre l’obscurantisme, nous avons besoin de Lumières (au sens de la philosophie des). Contre le racisme, nous avons besoin de reconnaissance de nos différences. Contre les égoïsmes, nous avons besoin de solidarité. Contre la confrontation stérile et risquée, nous avons besoin d’alternative politique et sociale…
Analysons les deux grandes mouvances qui occupent la scène et font débat : la question négro-africaine et la question de l’esclavage. Quels discours entendons-nous aujourd’hui ? Ceux de la haine, de l’exaspération des frustrations et de l’intolérance. D’un autre côté ceux de la compromission et du refus de reconnaitre les crimes commis, ceux qui continuent à l’être (esclavage) etc. et au sein de chaque leadership de groupe, une situation qui n’est pas stabilisée.
Entre les négro-africains appartenant à la Majorité, ceux appartenant à l’AJD/MR de Moktar Ibrahima Sarr et ceux de Touche pas à ma nationalité (TPMN) qui l’emportera en terme de vision pour la Mauritanie de demain ?
Entre les Haratines appartenant à la mouvance de Messaoud Ould Boulkheir, ceux relevant de Mohamed Ould Bourbouç et ceux soutenant l’action de Birame Ould Dah Ould Abdeidi, qui imposera sa méthode ?
Vous croyez que ces questions se posent dans un autre parti que l’UFP ? C’est bien pour cela que l’absence de l’UFP inquiète. C’est bien pour cela qu’elle est regrettée. C’est bien pour cela qu’elle constitue une faute aux yeux de beaucoup, y compris du parti. 

jeudi 26 décembre 2013

L’heure des comptes

Est-ce que l’heure des comptes a sonné pour les politiques ? Certainement. Il est temps pour eux de faire le bilan au niveau de chaque groupe de partis, de chaque parti, pour évaluer l’impact des choix faits à l’occasion des élections. En attendant les conclusions «officielles» des partis qui ne finissent pas de digérer l’après-élections, nous sommes en droit de faire les nôtres.
Au niveau de la Majorité présidentielle, on a vu l’Union pour la République (UPR) acquérir une majorité des sièges de l’Assemblée et une grande partie des mairies du pays. Ce qui confirme son statut de leadership au sein de ce groupe. C’est une performance quand on sait que ce parti a souffert des attaques de tout le monde : les partis concurrents de l’Opposition, ses choix, ses militants, ses cadres, son gouvernement… Son président, Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine doit être aux anges, lui dont le calme froid inquiète dans les rangs de son parti. Il n’est pas nécessaire pour le parti de chercher des alliances pour former un nouveau gouvernement ou pour faire passer des lois. Aucun parti de la Majorité ne lui impose désormais ses désirs.
Toujours au niveau de cette Majorité, quelques petits partis-satellites de l’UPR réussissent à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas du Sursaut de la Jeunesse dont la promotion a été facilitée par la nomination de sa présidente au poste de ministre quelques semaines avant les élections, et «l’orientation» de certains «mécontents» vers ce parti. Ce qui a permis à des ministres, membres des instances dirigeantes de l’UPR de le soutenir contre les listes de leur parti. Idem pour Al Karama qui lui aussi s’impose comme interlocuteur dans la nouvelle configuration sortie des urnes. Reste à savoir comment vont se comporter les élus de ces deux partis : vont-ils s’autonomiser et commettre un parricide en allant contre la volonté de l’UPR qu’ils ont combattu pendant les élections ? On verra…
Au niveau de ce qu’on appelle «l’Opposition participationniste», Al Wiam sort grand vainqueur parce qu’il occupe la première place sur cet échiquier. Son président, Boydiel Ould Hoummoid garde une marge de manœuvre : il peut négocier un ralliement à la Majorité présidentielle comme il peut revendiquer la deuxième place au sein de l’Institution de l’Opposition et attendre tranquillement l’élection présidentielle pour être plus sûr. Le fait de se trouver codirigeant de l’Institution de l’Opposition est déjà une victoire pour celui qui n’a jamais renié le régime de Ould Taya auquel il a appartenu. Le sens de la loyauté est pour beaucoup dans sa réussite.
L’Alliance populaire progressiste (APP) est dans une mauvaise passe. Son président Messaoud Ould Boulkheir ne peut plus occuper le poste de président de l’Assemblée nationale. Il sera mal à l’aise dans une Institution de l’Opposition où il ne sera ni le président ni le secrétaire général. Peut-il se contenter d’un rôle de second plan ? Difficile. L’homme est un battant habitué à jouer dans l’avant-garde. Durant les cinq dernières années, il a été une pièce maitresse dans l’évolution politique du pays : en 2007, son soutien a été déterminant pour le candidat Sidi Ould Cheikh Abdallahi en contrepartie de la présidence de l’Assemblée nationale (avec cinq députés ; en 2008, c’est sa présence qui légitime l’action du Front de défense de la démocratie (FNDD) ; en 2009 sa candidature au nom du FNDD et son résultat sont pour beaucoup dans la relégation de Ould Daddah parti initialement pour être LE candidat de l’Opposition ; en 2010, sa présence aux côtés du Président Ould Abdel Aziz permet à celui-ci de délégitimer l’action de ses détracteurs ; en 2011 et 2012, c’est bien son acceptation d’aller au dialogue qui donne à celui-ci tout l’envergure qu’il a eu ; en 2013, on ne parle plus que de «l’initiative du Président Messaoud»… Comment va-t-il accepter aujourd’hui de faire partie du deuxième rang ?
Au niveau de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), le choix du boycott devra être coûteux. En terme de cohésion d’abord : comment ces partis qui n’ont rien à voir les uns avec les autres (à part l’adversité vis-à-vis de Ould Abdel Aziz) vont-ils rester ensemble ? Quelles conclusions vont-ils tirer d’un boycott justifié par la volonté de faire échouer les élections lesquelles se sont finalement déroulées dans de bonnes conditions ?
Sur le plan de l’action, on peut la résumer à deux évènements : une marche avant le premier tour et une autre avant le second. Est-ce suffisant ? Non, parce que le taux de participation a dépassé les 70%. Non parce qu’il y a un après qui donne une configuration politique plutôt excellente pour le pouvoir.
En cours de route, la COD a perdu Tawaçoul, sans doute le parti le plus dynamique en son sein et aussi le plus virulent. Grâce aux résultats obtenus au cours des élections, Tawaçoul fait d’une pierre deux coups.
Parti récent (2007-2008), il s’impose aujourd’hui comme une force majeure sur l’échiquier national. Ses victoires et sa présence dans la Mauritanie profonde lui augurent d’un avenir plutôt radieux. Il dispute aujourd’hui la présidence de la Communauté Urbaine de Nouakchott à l’UPR. Il est déjà le Chef de file de l’Opposition démocratique. Ce qui l’impose à tous comme leadership de l’opposition, comme son porte-parole.
Ce résultat permet, en seconde lecture, de conforter Tawaçoul dans ses choix. Ceux au sein de ses compagnons de la COD qui lui avaient reproché la participation savent aujourd’hui que le parti a tout gagné : être l’opposition «principale» du Pouvoir en place et rester ainsi dans le jeu. Ce qui n’est pas le cas des autres qui doivent se débattre aujourd’hui pour trouver le moyen de ne pas rester au bord de la route.
Reste un parti, l’Alliance pour la justice et la démocratie/Mouvement de Rénovation (AJD/MR) de Ibrahima Moktar Sarr. Ce parti est l’invité-surprise de l’après-élection. Longtemps dans le sillage de l’Opposition, l’AJD/MR a fait partie de la Majorité avant de la quitter pour rester entre les deux. Même s’il y a été, il ne fait pas partie des «dialoguistes», il n’est pas non plus de la COD. Alors ?

Dès l’élection du directoire de la CUN, on verra où l’AJD/MR va se positionner. Si le vote de ses quatre délégués de Sebkha va à Tawaçoul, c’est qu’il faut attendre le parti à l’Institution de l’Opposition, si le choix est l’UPR, c’est qu’il reviendra à la Majorité. En contrepartie de postes ministériels peut-être ? C’est le seul parti qui est en mesure aujourd’hui de négocier un tel marché, parce que son soutien est capital dans une bataille cruciale pour l’UPR. Mais l’on sait que les penchants de Ibrahima Moktar Sarr sont plutôt «islamistes» et qu’il est déjà en pourparlers avancés avec Tawaçoul…

mercredi 25 décembre 2013

Urbi et Orbi

«A la Ville et au Monde (Univers)», c’est la bénédiction solennelle du Pape qu’il adresse traditionnellement le 25 décembre aux habitants de Rome «physiquement présents» en tant qu’«Evêque de Rome» et aux habitants de la terre, en tant que «Pasteur universel». Traditionnellement, c’est un message de paix et un vœu de prospérité pour l’Humanité que le Pape adresse à Rome et au Monde. Le message de cette année était très attendu parce qu’il s’agit de la première sortie du nouveau Pape, du premier Pape «venant de l’hémisphère Sud» (argentin d’origine).
Trois foyers de crise ont particulièrement retenu l’attention de son Eminence : la Syrie, la Centrafrique et le Soudan du Sud.
«Le conflit en Syrie a brisé trop de vies (…), fomentant haine et vengeance. Continuons à prier le Seigneur, pour (…) que les parties en conflit mettent fin à toute violence et garantissent l’accès pour les aides humanitaires». Les morts se comptent par dizaines de milliers, les blessés par centaines de milliers et les déplacés par millions bientôt. Un pays, il y a trois ans autosuffisant, presque «émergent», détruit aujourd’hui. Un pays revenu aux heures sombres du sous-développement et de l’arriération après avoir été à la pointe de la Modernité dans le Monde Arabe. Voilà le résultat d’une révolution commanditée par les plus anti-démocratiques des régimes arabes. Une révolution qui est désormais le fait des groupes jihadistes les plus vioents. A qui profite le crime ?
«Donne la paix à la République de Centrafrique, souvent oubliée des hommes. (…) Tu veux porter aussi la paix à cette terre déchirée par une spirale de violence». Une spirale qui connait son summum avec l’intervention des forces françaises. Entreprise sous prétexte de garantir la stabilité et la sécurité, l’intervention française a plutôt favorisé la recrudescence de la violence. Il y a plus de morts aujourd’hui, de blessés aujourd’hui, de déplacés aujourd’hui qu’avant l’intervention. Le présent est plus dur à vivre pour les Centrafricains qu’avant l’intervention. L’avenir est plus sombre pour les Centrafricains. Les déchirures ethniques et religieuses sont plus fortes qu’avant… Nous assistons désormais à une guerre civile dans laquelle le rôle et le positionnement des forces venues pour «sécuriser les populations» sont équivoques : accusées les unes et les autres d’appuyer un camp ou un autre.
«Favorise Seigneur, la concorde au Soudan du Sud où les tensions actuelles ont déjà provoqué des victimes et menacent la cohabitation pacifique du jeune Etat». Ce n’est pas l’indépendance de ce territoire qui ramène la paix à la région. Au contraire, elle complique les rapports ethniques, les rapports entre Etats et exacerbe les haines et les frustrations.
Mais qui entend encore le Pape ? La folie des hommes en cette fin d’année est plus destructrice qu’auparavant. Le langage de la Raison, celui de l’Amour, celui de la Justice… ne sont plus entendus. Cela me rappelle la situation de chez nous qui pose une problématique autrement plus dangereuse : qui se prévaut d’assez d’autorité morale pour nous imposer de refuser de nous s’entredéchirer ? où est le chef politique qui, par son parcours irréprochable, peut nous intimer l’ordre de ne pas nous faire mal les uns les autres ? où est l’autorité religieuse qui peut, par son charisme, nous amener à discuter plutôt qu’à nous faire violence ? où est le chef traditionnel, le rebelle, le militant, l’homme de culture, le Juge… où est-il ce personnage qui peut incarner pour nous l’unité et la tolérance ?
Les années PRDS n’ont pas laissé de «hazaaz», quelqu’un qui peut faire le facilitateur, le médiateur, l’interface. La plupart de ceux qui pouvaient jouer ce rôle ont été «mouillés» - pour ne pas dire «éclaboussés» - à un moment ou un autre par nos contradictions politiques, nos positionnements prenant souvent l’allure de «placements financiers».
Ces «hazaaz» (médiateurs) devaient être remplacés par la promotion d’une équité sociale, d’une égalité en droits, d’une application stricte des lois, d’un respect rigoureux des termes du contrat de citoyenneté qui nous lie, de l’osmose culturelle qui a marqué notre histoire, d’une recherche de notre être, d’une complémentarité dans l’accomplissement de notre Destin, d’une solidarité valant pour tous…
…Tout cela reste à faire. 

mardi 24 décembre 2013

Naissance d’une «Alternative démocratique»

C’est visiblement une dissidence de l’Union des forces du progrès (UFP) qui a donné ce nouveau groupe. Par voie de communiqué, nous apprenons que des cadres, militants et sympathisants de l’UFP pour la plupart, ont décidé de prendre le large en lançant une initiative appelée «Alternative démocratique». Conséquence première du boycott et du déroulement des élections.
«Contrairement aux postures alarmistes et aux différentes déclarations faites ici et là sur la ‘’mascarade électorale’’, nous avons vu quant à nous, dans ces élections, malgré les insuffisances et couacs de l’institution en charge de leur organisation, la preuve magistrale de la volonté du peuple mauritanien de barrer la route à l’obscurantisme et à ses projets funestes». Pour les auteurs du document, «l’heure du bilan et du constat des dégâts» est arrivé. La «tempête» causée par des décisions «douloureuses» qualifiées d’«élitistes» parce que ne répondant pas forcément aux attentes de la base, aura donc des conséquences sérieuses sur la scène politique : «Cette opposition dit ‘’boycottiste’’ sera paradoxalement ‘’victime collatérale’’ d’une élection à laquelle elle n’aura pourtant pas participé, elle connaitra inéluctablement de très profondes mutations».
Conclusions des auteurs : «Contre la renonciation, la soumission au diktat de la pensée unique et à l’omnipotence des féodalités locales, les citoyens que nous sommes, membres des organes dirigeants de l’UFP pour certains et simples sympathisants pour d’autres, choisissons de renforcer le camp de ceux qui œuvrent inlassablement, malgré les difficultés en tous genres, à l’enracinement de la Démocratie dans notre pays !
Parce que nous pensons que d’autres choix sont possibles et que d’autres moyens de concrétisation de l’idéal démocratique, des principes de justice et d’égalité existent, nous, ici présents, militants et sympathisants de longue date, déclarons solennellement, à compter de ce jour, notre retrait de ce parti et la cessation de tout lien organisationnel avec ses différentes structures».

Est-ce le premier acte d’une série d’autres ?

lundi 23 décembre 2013

De l’interview d’un politique

Par deux reprises cette semaine je me trouve en face d’un exercice mal fait. Je commence par la dernière fois.
Hier soir sur TVM, près de deux heures temps données à trois journalistes de la boîte pour faire parler le président de l’Union pour la République, Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine. De nature très calme (et très réservé), le président de l’UPR n’a eu aucun mal durant tout le temps de l’interview à esquiver et à répondre «convenablement». Allant jusqu’à donner le ton en imposant sa stature et sa personne aux trois jeunes journalistes qui s’obligeaient visiblement à aller dans la mollesse en introduisant leurs question par des phrases dont l’utilisation est une façon de s’excuser «si on importunait».
Déjà le cadre n’y était pas. A tel point qu’on ne savait plus si l’exercice était un «service rendu» ou pas. La question se pose quand on a suivi le journal de 20 heures qui a fait une large couverture de la conférence de presse de l’UPR (organisée vers 14 heures) mais n’a pas donné une image de celle de Tawaçoul (organisée plus tôt). Et puis il y a lieu de se demander si TVM va recevoir le président de Tawaçoul dans les vingt-quatre heures ou pas.
Pour revenir à la présentation, Ould Mohamed Lemine a été installé dans un cadre qui ressemblait plus à celui d’un salon. On peut comprendre qu’il s’agit d’un studio avec des rideaux pour couvrir les baies vitrées. Mais on peut croire aussi que les journalistes ont fait le déplacement pour le voir. L’interviewé était installé sur un grand fauteuil. Lui qui était déjà plus imposant que les trois journalistes, les regardait de haut à cause de l’installation faite. Eux étaient serrés et visiblement mal à l’aise. L’homme a répondu à toutes les questions qui lui ont été posées mais vous aurez remarqué que rien de ce qu’il a dit n’a visiblement intéressé le monde de l’information. Une telle sortie à un tel moment ne doit se faire que si l’on a quelque chose à dire, quelque chose qui puisse capter l’attention de l’opinion publique et faire passer à la phase suivante.
La deuxième fois où je suis tombé sur de telles images où le journaliste se met dans une mauvaise posture, c’est sur une télévision privée. L’image était celle-là : un jeune journaliste coincé entre Yahya Ould Ahmed Waqf et Moustapha Ould Abeiderrahmane, avec en face Saleh Ould Hanenna et Me Mahfoudh Ould Bettah. Avec les deux premiers, ils se serraient tous sur un canapé où il était en tout cas perdu, aspiré par la mollesse de ce canapé. Là aussi je n’avais pas compris à quoi servaient les échanges qui se faisaient quand même sans le journaliste.
Quand on communique, c’est pour dire quelque chose. Quand on provoque un débat, c’est pour l’entretenir en le dirigeant réellement. 

dimanche 22 décembre 2013

De quoi demain sera fait ?

Une élection comme celle qui vient de se dérouler est une étape nécessairement cruciale dans le devenir d’une Nation. Avant même que les résultats officiels et définitifs ne tombent, nous pouvons déjà tirer quelques leçons.
Concernant la CENI, organe central dans l’opération, il y a lieu de saluer les efforts accomplis entre le premier et le second tour. Tout le monde, y compris les opposants les plus aguerris comme le président de Tawaçoul Jemil Mansour, ont noté avec satisfaction les améliorations évidentes dans l’organisation des opérations électorales. ce qui laisse espérer que la CENI est viable en tant qu’appareil chargé d’organiser des élections en Mauritanie.
Concernant la configuration née de ces élections, il faut noter la réussite de l’UPR lequel a pu, malgré la conjugaison des efforts de ses détracteurs «d’en haut et d’en bas», s’assurer une majorité confortable qui le rend libre de tout engagement vis-à-vis de ses pairs. L’UPR n’a plus besoin de coalition pour faire passer un gouvernement devant l’Assemblée nationale. Libre à lui d’associer les partis qui le voudront bien et qui exprimeront ce désir.
En face, Tawaçoul a bien consolidé son rôle de futur leadership de l’Opposition. Il donnera incontestablement le futur Chef de file de l’Opposition et aura donc la gestion de l’Institution de l’Opposition démocratique. C’est à lui maintenant de donner un sens à l’existence d’une telle Institution dont le Statut correspond à celui de Premier ministre de l’ombre. Il peut entraîner avec lui les partis Al Wiam, APP et AJD/MR. Soit par des accords politiques formels, soit par des associations circonstancielles, soit par la prise en charge des préoccupations des uns et des autres. Un rapprochement entre l’AJD/MR et Tawaçoul n’est pas à exclure, surtout que le montage de la Communauté Urbaine peut en être l’occasion.
En effet la bataille suivante est bien celle de la Communauté Urbaine de Nouakchott (CUN). Les résultats du deuxième tour laissent ouvertes toutes les possibilités, aucun parti ne pouvant à lui seul prendre le directoire de la CUN. Il s’agit d’un collège de 37 délégués envoyés par les neuf communes de Nouakchott. L’UPR qui a gagné les communes de Teyaret, Ksar, Tevraq Zeina et Riyad, va avoir à nommer 17 délégués. Tawaçoul a 9 délégués avec les communes de Dar Naim et Arafat. Avec la mairie de Sebkha, l’AJD/MR a 6 délégués et l’APP en a 5 avec El Mina. Seule une coalition peut permettre le passage de l’un ou l’autre des partis. Entre l’AJD/MR et Tawaçoul, les négociations sont avancées, mais l’UPR peut toujours rattraper le temps perdu. Soit trouver un terrain d’entente avec l’APP, soit avec l’AJD/MR. Mais que peut-il leur donner en échange d’un soutien à la CUN ? Comme par le passé, on pense au poste d’adjoint, mais est-ce suffisant aujourd’hui ? Alors on peut envisager une entente qui englobera un ou plusieurs postes dans le futur gouvernement avec en prime l’association à la Majorité présidentielle. Le réalisme politique peut l’emporter à l’AJD/MR ou à l’APP. Sait-on jamais ?
Autre attendu de l’après-élection, la constitution d’un nouveau gouvernement qui doit obligatoirement suivre dans les jours à venir (juste après l’expiration des délais légaux pour les contestations).
Dans la perspective de la présidentielle, le Président qui devra nommer un gouvernement forcément accepté par le Parlement, aura à prendre en compte les exigences électoralistes. Choisir dans les rangs de ses fidèles, ceux qui peuvent lui apporter des voix. De nombreux ministres et hauts responsables actuels ont prouvé leurs insuffisances en la matière.

Il devra aussi réorganiser son dispositif, tout le dispositif, pour faire face aux défis futurs : réaménager le parti, promouvoir des compétences techniques capables de capitaliser «les acquis» du mandat actuel, manœuvrer pour ne pas rester en face d’un seul interlocuteur (Tawaçoul) qu’il faut craindre pour l’échéance future, trouver de vrais politiques d’ouverture capables de rectifier le tir en drainant toutes les forces politiques dans ce qui va suivre.

samedi 21 décembre 2013

Solstice d’hiver politique

Dans l’ensemble, l’organisation technique du deuxième tour est plutôt satisfaisante. Le processus est beaucoup plus fluide qu’avant et il y a moins de monde devant les bureaux.
Pour revenir aux commentaires de quelques résultats, nous allons nous attarder sur quelques cas. Tout en rappelant que l’engagement de hauts responsables sur tel ou tel front indique clairement l’intérêt pour eux de montrer un poids électoral dont ils seraient pourvus.
Au Hodh Echrgui, Tawaçoul a gagné les communes de Néma et de Djiguenni, pour ne citer que les plus importantes. L’élection municipale est plus significative que la législative parce qu’elle relève du local pur. Celui qui n’a pu faire barrage à l’avancée de ses opposants, c’est celui qui ne bénéficie pas d’assise «convenable» ou «suffisante».
Au Hodh el Gharby, on notera que la force derrière le passage de deux députés à la proportionnelle – Mohamedou Ould Cheikh Hamahoullah, le Chérif de Nioro – a perdu les cinq communes du département, d’où le questionnement autour de la question. Toujours dans cette région, si l’UPR a gagné haut la main la mairie de Tintane, il n’a pas pu avoir les députés.
En Assaba, c’est la victoire de la coalition contre Kaba Ould Elewa (passé député au premier tour) qui gagne la mairie de Kankossa sous les couleurs du Sursaut, tandis que Legrane est remporté par Mint Menkouss candidate UPR.
Au Gorgol et au Guidimakha, c’est l’UPR qui se reprend, ainsi qu’au Brakna. Tandis qu’au Trarza, l’UPR perd la commune et la députation à Rosso où tout le monde, notamment le ministre de l’agriculture, a déployé d’énormes efforts au profit de l’UPR. Il perd devant Al Wiam dont le président Boydiel Ould Hoummoid a fait le déplacement lui-même pour assurer un soutien qui s’est avéré nécessaire à ses listes. Dans la même région, la commune de Mederdra bascule dans le panier du Sursaut de la Jeunesse fortement soutenu par le ministre des affaires économiques et du développement, Sidi Ould Tah qui fait perdre ainsi une mairie à l’UPR, parti dont il est officiellement membre du directoire.
En Adrar, où la surprise était venue de Chinguitty quand un jeune «illustre inconnu» a battu au premier tour El Arby Ould Jedeyn, ancien colonel, vice-président de l’Assemblée sortante. Ici le vote sera refait pour des irrégularités constatées par le Conseil Constitutionnel au niveau d’El Ayn Safra.
Au Tagant, ce qu’il faut retenir, c’est la force encore réelle de l’aristocratie locale. Si le camp Ehl Zeine l’a emporté dès le premier tour à Tijikja, celui de d’Ahl Mohammed Ould Ahmed bénéficie d’un soutien populaire au niveau du département de Moudjéria : Qrini, député sortant, emporte la mairie de Nbeika sous les couleurs du PRDR alors que Sid’Ahmed remporte la députation. Comme quoi, les efforts du Gouverneur de la BCM, des ministres de la pêche et de l’agriculture n’auront servi à rien.

Ce jour de solstice s’annonce froid – très froid – pour certains…

vendredi 20 décembre 2013

Dommage collatéral

C’est l’histoire d’un ami qui revenait de son exil la semaine dernière.
Cheikh, est un brillant mathématicien qui n’a pas trouvé quoi le retenir dans son pays. Comme beaucoup de compétences, il a préféré émigrer pour trouver de quoi satisfaire sa soif de recherches et de savoirs. Il est parti s’installer quelque part dans l’un des pays du Golf.
Chaque année, il vient ici passer ses vacances avec sa famille. L’occasion de ramener les enfants dans le pays apprendre quelques-unes des valeurs qui existent encore dans le milieu auquel mon ami Cheikh appartient.
Cette année – en fait l’autre semaine – il avait choisi de prendre la route qui passe par Istanbul en Turquie. Il avait lu sur des sites mauritaniens que la Mauritanie et la Turquie avaient signé un accord de libre-circulation entre les deux pays. Les sites disaient, avec détail, que Mauritaniens et Turcs n’avaient plus besoin de visas pour entre dans leurs pays respectifs. Donc il n’a pas été gêné de devoir passer quelques jours en Turquie. Le temps pour lui de laisser la famille se reposer et de faire un peu de tourisme.
Il débarque donc en Turquie sans avoir pris le soin d’avoir un visa d’entrée parce qu’il avait lu l’information sur plusieurs sites. Surprise : obligation pour lui d’avoir un visa d’entrée. Rien à faire, il restera prisonnier lui et sa famille (avec enfants) dans cet aéroport qui n’a rien d’un refuge en ces temps d’hiver rigoureux. Au premier jour, les enfants se lassent et commencent à exprimer leur inquiétude et leur désarroi. Puis il sera obligé de louer une chambre d’un hôtel d’aéroport à dix euros l’heure !

48 heures d’enfer parce que des sites ont donné une mauvaise information. Mon ami n’est pas près d’oublier sa mésaventure. Il en veut à mort à mes confrères et moi parce qu’il nous tient responsable de ce qui lui est arrivé. Dommage !

jeudi 19 décembre 2013

Nouveaux projets OMVS

Les Présidents du Mali, du Sénégal, de la Mauritanie et le Premier ministre guinéen étaient à Kayes où ils devaient procéder à l’inauguration du barrage de Felou et à la pose de la première pierre de la centrale hydro-électrique de Gouina.
Mardi 17 décembre, l’aéroport de Kayes reçoit les Présidents Macky Sall du Sénégal et Mohamed Ould Abdel Aziz de Mauritanie, le Premier ministre guinéen représentant le Président Alpha Condé est arrivé le premier. Tous accueillis par le Président Ibrahim Boubacar Keita et par la population de Kayes et leurs communautés respectives.
C’est d’abord l’étape de Felou, ensuite Gouina. Présentation selon un communiqué du Haut Commissariat de l’OMVS :

 «Situé sur le cours principal du fleuve Sénégal, en territoire Malien et précisément à 15 km au sud ouest de la ville de Kayes, cet aménagement a pour vocation la valorisation des ressources énergétiques duBassin du fleuve Sénégal, par la production d’électricité en vu d’améliorer les conditions de vie socioéconomiques des populations des pays membres de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS). 
Le barrage au fil de l'eau a une Longueur de 945 mètres et une hauteur max sur terrain naturel (TN) de 2 mètres. La centrale est équipée de 3 groupes de type bulbe. La chute maximale est de 13,9 mètres. Le productible annuel est de 431 GWH pour une puissance installée de 60 MW. 
L’Aménagement de Félou est composé des ouvrages suivants : le seuil ou barrage ; l’ouvrage de tête ou prise d’eau ; le canal d’amenée ; l’usine ; le poste de départ 225KV et la ligne HT 225 KV d’évacuation de l’énergie vers le poste deKayes.
Le cout de l’Aménagement de Félou est de 125.734.129 Euros, financé conjointement par : l’Association Internationale pour le Développement (IDA), laBanque Européenne d’Investissement (BEI) et les Gouvernements du Sénégal, du Mali et de la Mauritanie.
Le programme de développement des infrastructures hydroélectriques de l'OMVS, prévoit un certain nombre d'aménagements à moyen et long terme pour accroitre davantage la maîtrise et l'exploitation rationnelle des eaux du fleuve, dans l'agriculture, la disponibilité de l'énergie et la Navigation sur le fleuve.
Après le barrage anti-sel de Diama, les barrages hydroélectriques de Manantaliet de Félou, Gouina et Koukoutamba sont sur la rampe de lancement
».

mercredi 18 décembre 2013

Egypte, le contre-modèle

Ce qui s’est passé en Egypte est plus révélateur sur le devenir d’une révolution qui n’en est pas finalement une. D’abord la révolte populaire, ce que les spécialistes de la région (les vrais) ont considéré comme étant «le moment social» de la révolte arabe. Pour eux cette révolution s’articulait sur trois «moments» : le social, le politique et l’international.
Le temps social correspondrait à cet instant où le soulèvement est à son comble et où la spontanéité des manifestants et de leurs porte-paroles nous noie dans un romantisme révolutionnaire enivrant. L’articulation du politique sur ce temps devait prendre la forme d’une prise en charge complète de toutes les attentes des «insurgés» en quête de reconnaissance, de recouvrement de la liberté de disposer de soi et des biens de la communauté pour le bien-être de chacun, de reconquête de la dignité et de recréation de liens sociaux abimés par les autocrates et les prédateurs. Le temps international arrivant pour éviter les «pires» scénarii pour les maîtres actuels du monde : il peut prendre la forme d’une guerre visant à accélérer la chute des régimes autocratiques vilipendés par la foule (cas de la Libye et de la Syrie), ou celle de «ralentisseur» du processus d’émancipation si celui est jugé dangereux ou risqué pour les intérêts des puissances occidentales (cas de l’Egypte et de la Tunisie).
En Egypte, la victoire des Frères Musulmans aux élections et leur empressement dans la mise en œuvre de leur idéologie a empêché le nouveau pouvoir de mener la grande bataille contre les forces centrifuges en créant un réel espoir d’un lendemain meilleur. On a ici vite versé dans le tout politique et on a oublié le concret qui comprend la misère réelle des populations, la soif, la faim, le manque de toit, de soin, la carence du système éducatif, le manque d’emplois…
Le pouvoir est resté au stade de promesses. Comme par le passé. Il a aussi péché par naïveté en refusant de chercher le consensus autour de ce qui aurait pu unir et entretenir la flamme révolutionnaire. Du coup, le soulèvement est apparu comme une revanche sociale, une recréation d’une théocratie qui n’a pas de fondements historiques légitimes. On a peu pensé au système politique qui sied dans une société où le rôle de l’Armée restait à définir et à ancrer. Résultat : le coup d’Etat et ce qui s’en est suivi.

Le soulèvement des peuples arabes n’était pas soutenu par une pensée libératrice comme celle des Lumières qui a été à l’origine de la révolution française. Et s’il pouvait trouver ancrage dans la Nahda du 19ème siècle, ce soulèvement s’est interdit d’aller au-delà d’une rébellion populaire qui ne pouvait pas occasionner les ruptures nécessaires pour produire une révolution. Il est resté au stade du phénomène finalement limité dans le temps… et dans l’espace ?

mardi 17 décembre 2013

Le politique d’abord

Cela s’est passé au moment de la pose de la première pierre de la centrale hydro-électrique de Gouina, un projet gigantesque lancée par l’Organisation de mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Prenant la parole pour souhaiter la bienvenue à des pairs, le Président Ibrahim Boubacar Keita a d’abord rendu hommage aux soldats sénégalais tués dans l’attentat de Kidal qui a visé un poste de la MINUSMA, cette force africaine placée sous le couvert de l’ONU. Une petite digression pour dire qu’il ne dialoguera jamais avec des rebelles armés. «Je ne traiterai jamais d’égal à égal avec des gens qui ont les armes à la main», avait-il martelé comme pour répondre à des demandes venues d’on ne sait où. Ce n’est pas la première fois que le président malien fait de telles déclarations. Lors de sa récente tournée en Europe, notamment la France où il a assisté au sommet sur la sécurité, il a dit clairement qu’il est hors de question de discuter tant que le Mali n’a pas recouvert l’entière souveraineté de son territoire et tant qu’il y a des groupes armés. C’est légitime quand on prend en compte la situation de Kidal et de ses environs encore interdits à l’Armée malienne.
En prenant la parole à son tour, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz, président en exercice de l’OMVS, a tenu à faire ses hommages aux soldats sénégalais et à présenter ses condoléances au Président du Sénégal et à son peuple. Avant d’exprimer son soutien à la position exprimée par le Président Keita. Il en a profité pour condamner les agressions terroristes dont a été victime la Mauritanie, pays qui a combattu très tôt ces extrémismes qui menaient en fait à la criminalité transfrontalière. Pour lui, l’espace OMVS doit être préservé par la coopération et la solidarité.
Ce détour par la politique a permis de remettre les pendules à l’heure quant aux positions mauritaniennes vis-à-vis de la question. Si le ciel des relations avec le Mali s’est à un moment assombri, c’est bien suite à quelques incompréhensions qui sont ainsi levées. La Mauritanie ne soutient aucune force rebelle au Mali. Elle est contre toute velléité d’indépendance et entend aider le Mali à recouvrer sa souveraineté entière sur son territoire. Elle est aux côtés du Mali dans ce que ce pays croit être le mieux pour lui. Comment d’ailleurs peut-il en être autrement ?
Le Mali et la Mauritanie sont deux dont les relations ne peuvent absolument pas souffrir l’ombre d’un désaccord. Les interférences sociales entre les habitants des frontières imposent un minimum de cohésion et de solidarité qui fait que les pouvoirs sont condamnés à cheminer ensemble. Plus que le Sénégal (fleuve), la frontière entre les deux pays crée un creuset et fait que pour l’un et l’autre il s’agit là d’un espace vital qui commande la stabilité et la sécurité.
Les discours des deux Présidents étaient nécessaires pour ce qu’ils dissipent de malentendus et pour ce qu’ils révèlent de conscience de la communauté de destin. Ils sont aussi une indication pour dire que l’espace OMVS a conscience de la nécessaire solidarité face à l’ennemi commun.

lundi 16 décembre 2013

La Tunisie à la recherche de la stabilité

«La Tunisie des frontières :Jihad et contrebande», c’est le titre du rapport de Crisis Group international consacré à l’évolution dans le pays du jasmin. Le rapport a été publié le 28 novembre dernier et ne traite de la situation tunisienne que l’aspect sécuritaire qui pèse sur l’avenir du pays et surtout sur celui du processus politique qui connait de multiples blocages.
«Bien que de faible intensité, indique le rapport, les attentats jihadistes augmentent à un rythme alarmant, choquant la population, alimentant les rumeurs les plus confuses, affaiblissant l’Etat et polarisant toujours davantage la scène politique. Coalition gouvernementale dominée par le parti islamiste An-Nahda et opposition séculariste se renvoient la balle et politisent la sécurité publique au lieu de contribuer à l’assurer.»
Le pourrissement de la scène politique et l’incapacité des acteurs à trouver un terrain d’entente font que la menace de l’insécurité est plus pesante sur l’avenir du pays que par le passé. La Tunisie n’avait pas fini de reprendre le souffle après la révolte de 2010/2011 qu’elle devait faire face déjà aux dangers venant de Libye où l’effondrement du pouvoir commençait à ouvrir la voie à toutes les dérives. Les zones frontalières devinrent rapidement un terreau de développement de la criminalité organisée. Cette économie de guerre, basée sur les trafics de tout genre, est venue se greffer sur un espace de pauvreté et de non droit. Ici, loin de la capitale et des autorités, s’est développée, depuis tout temps, une mentalité de sédition et de mise en réseau des activités illégales. Cela va du trafic de cigarettes et des produits de première nécessité, à celui de la drogue et des armes, et, pour faire le tour, le Jihad s’installe et encadre désormais toute l’activité.
Voilà pourquoi l’enjeu principal en Tunisie est d’abord celui de la restauration de l’autorité de l’Etat. La première conséquence de la révolte étant justement l’effondrement des structures étatiques.

Suit ensuite la nécessité de trouver un équilibre entre les extrêmes : d’une part les Salafistes (Jihadistes ou non) qui perturbent et déstabilisent la Nahda, parti islamiste plutôt moderniste ; d’autre part les tenants d’une laïcité qui frise l’athéisme et qui veulent imposer à la société tunisienne un modèle qui ne lui sied pas forcément, et qui, par leur action, parasite les revendications démocratiques et modernistes légitimes de la société tunisienne. Les premiers ne veulent pas entendre de la démocratie qu’ils assimilent à une hérésie. Les seconds instrumentalisent la peur développée face à l’Islam politique pour remettre en cause les résultats des urnes en obligeant la Nahda à renoncer au pouvoir. Les deux extrêmes se nourrissent l’un de l’autre. D’où le désordre actuel qui a abouti à la dissolution du gouvernement né des premières élections libres et à la suspension d’un processus politique qui aurait dû aboutir à la mise en œuvre d’un modèle tunisien. Nous en sommes là, trois ans après le déclenchement de ce que certains ont appelé pompeusement «la révolution du jasmin» et qui n’est déjà qu’un soubresaut d’une société qui se cherche en l’absence d’un éclairage que l’élite aurait dû fournir.

dimanche 15 décembre 2013

La révolution n’est pas la rébellion

A quelques jours de l’anniversaire du «suicide» de Mohammad Bouazizi, un jeune chômeur tunisien qui, excédé par l’acharnement de la police qui l’arnaquait tout le temps, se décida à s’immoler. Le désespoir qui a mené d’autres jeunes sur la voie des attentats-suicides, fait de Bouazizi le premier «martyr» d’une révolte qui va finalement emporter le régime de Zinedine Ben Ali. Comme si le geste désespéré avait été une objection de conscience à une population qui a trop longtemps accepté le règne de l’arbitraire.
On verse tout de suite dans les expressions sibyllines genre «la révolution du jasmin» qui est troquée plus tard contre «le printemps arabe», porteur croit-on de démocratie et de ruptures avec le passé.
La Tunisie va tomber en quelques semaines, suivie de près par l’Egypte où le pouvoir essaye quelques traitements d’un autre âge. L’épisode libyen donne une autre dimension, beaucoup moins romantique au mouvement.
Une dimension dramatique qui se traduit par l’intervention des forces de l’OTAN qui bombarde sans discernement. On ne saura jamais quel est le bilan réel de cette guerre qui va durer quelques mois et qui détruira les infrastructures libyennes, emportant avec elle les tissus sociaux, politiques et tout ce qui restait d’un Etat national centralisé. La mort tragique parce que violente (tout ce qui est violence gratuite produit plus d’effets) ajoute au trauma général. Surtout que les milices finissent par faire main basse sur les affaires, chacune au nom d’un groupe tribal, ethnique ou régional. La perspective la plus optimiste aujourd’hui pour la Libye est celle du retour à trois Etats distincts : la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Fezzan.
Mais c’est en Syrie que la dimension dramatique et absurde du «printemps arabe» prend toute son ampleur. Voilà un pays qui a été détruit sous prétexte d’y apporter la «révolution». Il y a moins de trois ans, la Syrie était certes dirigée par une dictature exercée par un pouvoir qui sévissait depuis une quarantaine d’années, le père passant le flambeau au fils. Mais voilà un pays qui, sans avoir les ressources nécessaires, était le plus moderne et le plus développé des pays arabes : pas d’analphabètes ou presque, autosuffisance alimentaire pour les céréales, industries développées, santé et éducation gratuites pour tous, universités performantes… Qu’en reste-t-il ? Le pays a été détruit et ses habitants errent et arrivent même jusqu’en Mauritanie où ils se muent en mendiants. Bachar Al Assad est toujours en place, son opposition dite «démocratique» a été largement dépassée par les groupes jihadistes venus de partout pour faire de ce pays un nouveau «Jihadistan» (terre de Jihad).
Ne parlons pas du processus yéménite qui a permis la restauration de l’ancien régime malgré le coût payé par la population. Ni du Bahreïn où une minorité sunnite continue de dominer la majorité chiite qui subit répressions et privations. Non plus du Soudan où la révolte a été réprimée dans le sang et dans le silence le plus total des faiseurs d’opinion dans le Monde arabe d’aujourd’hui (Al Jazeera et Al Arabiya).
Le premier bilan est plutôt catastrophique pour les Arabes. Les pays qui ont jusque-là joué le rôle de pôle de résistance devant les poussées impérialistes et sionistes ont été affaiblis (Egypte), s’ils n’ont pas été carrément détruits (Syrie). La question palestinienne n’est plus à l’ordre du jour. Et l’on pousse vers une guerre interreligieuse entre Chiites et Sunnites : on avance inexorablement vers des guerres civiles qui auront comme lignes de fracture les appartenances sociales et/ou religieuses.
Qui paye la facture ? En matière de destruction et de morts, ce sont les populations et les pays arabes concernés (Libye, Yémen, Syrie…). En matière de financements, ce sont les pays pétroliers du Golf qui remboursent aux Occidentaux le coût de leurs interventions. Ce sont donc les Arabes qui payent le prix total (destructions et financements).

Un espoir cependant : la Tunisie qui continue quand même à se chercher face aux extrémismes qui tirent chacun de son côté : les Salafistes serviteurs d’une idéologie rétrograde et les «laïcs» tout aussi obscurantistes parce que profondément intolérants et antidémocratiques. Mais l’espoir est entretenu parce que les forces «modérées» et ayant de réels projets pour le pays, ces forces continuent de travailler pour en sortir. Nous y reviendrons.

samedi 14 décembre 2013

Au Mali, tout va bien quand même

 Dans le hall de l’hôtel où je suis, personne ne semble accorder d’intérêt à l’information que diffuse en boucle France 24 et des détails qu’elle donne sur l’attaque-suicide contre une banque de Kidal dans le Nord. Malgré ces détails sur «l’explosion», le «bruit produit», la «panique» provoquée (selon le correspondant de la chaîne), personne ne tourne la tête vers la télévision installée dans le hall. Personne ne semble inquiet.
Je suis venu la veille et j’ai été agréablement surpris par un aéroport qui émet toujours cette sensation de tranquillité qui a toujours fait pour moi l’originalité du Mali. Dès l’aéroport, on sent qu’on est dans un pays où la culture de la non-violence est forte. Rien ne peut effrayer ou remettre en cause cette tranquillité. Même après l’épreuve de 2012 et dont les prolongements se déroulent encore, aucun dispositif ne semble avoir été mis en œuvre pour créer une inquiétude quelconque. Ce n’est pas le contrôle opéré par la Gendarmerie hier soir qui va gêner l’impression de sécurité. Nous venons de Nouakchott où on compte un contrôle tous les 200 mètres.
Une baisse cependant de la qualité des services dans les hôtels. Sinon rien de particulier qui indique que ce pays a subi une guerre larvée qui lui a été imposée par les groupes Jihadistes sur lesquels sont venus se greffer – parfois l’inverse – les vieilles velléités rebelles. Assez pour provoquer un traumatisme qu’on sent à peine aujourd’hui.
Ce n’est pas de l’indifférence, mais la guerre du Nord est loin et elle est menée par les Français qui ont voulu éclipser, sinon exclure, tous ceux qui pouvaient leur faire de l’ombre ou remettre en cause leur agenda pour cette partie du monde. Les Maliens, et c’est légitime, expriment souvent de l’amertume quand ils parlent de la manière avec laquelle les Français ont «géré» la reconquête du Nord.
D’abord cette «blitzkrieg» dont on ne sait pas encore les véritables résultats : combien de gens sont réellement morts sous les bombes et les tirs à l’arme lourde ? «Personne ne peut vous répondre, me dit cet homme. On a vu des chasseurs décoller vers le Nord, des jours durant. On a vu des centaines de véhicules blindés et de groupements remonter. On a senti qu’on menait des batailles d’envergure. Mais on n’a pas eu de bilan définitif…»

Mais l’amertume, c’est le statut «obtenu» jusqu’à présent pour Kidal. Comme si les Français avaient voulu garantir «une part aux rebelles du Nord». Parce qu’on ne peut rien contre la France, il faut attendre et regarder de loin… comme si ce qui se passe là-bas ne concernait en rien le Sud. «Oh que si, pourtant…»

vendredi 13 décembre 2013

Pour une cause ou pour un homme ?

Il y a lieu de féliciter Biram Ould Dah Ould Abeidi pour le prix qu’il vient de recevoir. C’est la première grande distinction que reçoit un compatriote.
Quoi qu’on dise ou qu’on pense de l’homme, de la cause qu’il défend, de la méthode choisie pour déranger l’ordre établi et finalement de la justesse du choix, il y a une vérité qui est là : même s’il n’est pas le premier à militer, même s’il est l’objet de multiples controverses dans son pays, Birame Ould Abdeidi a pu, en quelques années, devenir le symbole de la lutte contre l’esclavage. A l’extérieur et à l’intérieur. Le prix vient couronner cette stature de «combattant libérateur».
A ses détracteurs, je vais dédier cette histoire : on raconte que quelque tribu maraboutique du Sud mauritanien fut terrorisée par les apparitions intempestives d’un lion. Même si le lion n’avait pas encore commis de dégâts, tous convinrent de faire appel au premier guerrier de passage pour lui demander de le tuer.
Un guerrier de deuxième catégorie se présenta un jour. La Jemaa tribale lui proposa quelques chamelles et vaches de traite, deux bonnes montures et quelques tissus fraichement arrivés de Ndar, le tout contre la chasse au lion qui menace. Très fier d’avoir été sollicité et de venir ainsi au secours d’une tribu maraboutique, notre homme accepta. On lui indiqua la mare où le lion s’abreuvait chaque jour en milieu de journée. Il y alla pour s’installer en haut de l’arbre le plus imposant. Peu de temps après, le lion se présenta, but un coup et se dirigea vers l’arbre. Mais la peur prit notre homme qui, à force de tremblements, laissa tomber son fusil. Au moment où le fauve tournait sa tête vers le haut après avoir senti la présence. La bandoulière s’accrocha au cou du lion qui, pris de panique, disparut rapidement emportant avec lui le fusil. Notre héros revint bien après au campement et quand on lui demanda s’il avait tué le lion, il répondit : «le problème c’est qu’il est maintenant armé».
A ceux qui ont toujours cru pouvoir «écraser» par la méthode forte Birame Ould Dah Ould Abdeidi, il faut dire peut-être qu’il est désormais paré d’un prix international qui l’auréole pour le distinguer de ses autres compatriotes.
Aux amis, sympathisants et compagnons de Birame Ould Abdeidi, il va falloir poser la question de savoir comment ce prix peut être celui d’une cause à travers un homme. Comment le capitaliser pour faire avancer le combat anti-esclavagiste en Mauritanie ? Comment en faire une étape de la lutte et non son couronnement ?

L’urgence étant de «normaliser» les méthodes de lutte contre l’esclavage pour y faire adhérer le maximum de Mauritaniens qui sont souvent victimes de mauvaises interprétations. Amener nos compatriotes à concevoir cette distinction, non pas comme une mise au ban ou une stigmatisation, mais comme une prime à la volonté de faire changer les choses. C’est l’enjeu de l’après-prix.