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mardi 16 octobre 2012

La culture de la rumeur


L’un des legs malheureux des trois dernières décennies, est cette propension du Mauritanien, quelque soit son degré d’instruction, son origine sociale, sa piété… à préférer la rumeur à l’information.
J’essaye, dans mon entourage, de faire prendre conscience aux gens de la gravité d’une telle situation qui fait qu’aujourd’hui votre interlocuteur ne veut pas entendre la vérité et lui préfère le faux. C’est ainsi que la rumeur a remplacé l’information et que la culture de l’imprécis a moulé nos esprits. Quand je dis «Mauritanien» ici, comprenez bien qu’il s’agit du Nouakchottois qui a fini par imposer ses (re)lectures des faits par usage excessif de l’internet et du téléphone portable. Avec le premier, on croit avoir trouvé le support inaliénable de la vérité. Notre rapport à l’écrit étant de le sacraliser, nous avons fini par croire que ce qui passait par internet était «écrit», alors qu’il s’agissait tout simplement d’un détournement de l’outil informatique au profit d’un mode d’expression orale, celui qui a fait «çadrayet aaswaaqa», une sorte d’arbre à palabres où les habitants des Mahçars d’antan vidaient leurs contentieux «verbalement».
L’usage généralisé des téléphones portables a, quant à lui, fait que nous n’avons plus de complicités entre nous, de chuchotements, d’informations passées entre nous, chacun de nous exposant publiquement, et à voix haute, ses échanges avec ses vis-à-vis. Le message est alors reçu accidentellement par des oreilles auxquelles il n’était pas destiné. Des oreilles qui reçoivent des bribes, qui les retiennent et qui en font forcément des histoires qui n’ont souvent rien à voir avec les faits d’origine. Comme nous sommes tous devenus des «récepteurs accidentels» de bribes d’information, nous avons fini par devenir des producteurs d’information.
Ajoutons à cela, le développement non maitrisée des moyens de communications comme les journaux, les sites et maintenant les radios (les télévisions sont encore en retard). A chacun de ses phénomènes a correspondu une dérive. A l’époque de la prolifération des journaux, c’est la diffamation et/ou l’encensement de celui qui offre ou qui n’offre pas qui a fini par décrédibiliser le secteur. Est arrivé le phénomène des sites qui a, en plus de cette tare originelle, a institutionnalisé la culture de la rumeur et de l’approximation. Les radios relayant carrément les discussions de salon et consacrant aussi les deux tares héritées de l’exercice de l’écrit (sur papier et sur internet).
Chaque fois que vous allez donner une information exacte, rapporter un fait dont vous avez été témoin, il se trouvera toujours quelqu’un qui va vous dire : «’ajiib, aana ba’d sma’t, bizarre, moi j’ai entendu quand même…» Pour vous donner une version complètement étriquée de l’évènement qui s’est déroulé sous vos yeux et dont vous n’avez raté aucun détail. Le plus grave, c’est que vous allez vous retrouver tous en train de discuter la version «remaniée» et/ou construite, le témoin que vous êtes oubliant qu’il avait été témoin, se retrouve écrasé sous les suppositions des autres. Dans notre entourage d’aujourd’hui, rares ceux qui cherchent la vérité, l’exactitude des faits. La tendance est de chercher à noyer tout dans un flot d’approximations et de suppositions qui changent selon les interlocuteurs.
Dans notre société, la bataille doit être aussi celle de la réhabilitation de la vérité. Ici, la vérité a perdu sa notoriété.

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