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mardi 9 octobre 2012

Alain Gresh parmi nous

Il est à Nouakchott depuis 24 heures sur invitation de l’Institut Français de Mauritanie (ancien CCF) et déjà il anime une conférence sur le conflit israélo-arabe dans ce même Institut. Une conférence qui a attiré grand monde. C’est que Gresh est l’un de ces intellectuels occidentaux qui ont participé à la maturation d’une culture progressiste sous nos cieux.
Journaliste dans le prestigieux Monde diplomatique dont il devient rédacteur en chef en 2005 puis directeur adjoint en 2008, Alain Gresh s’impose comme l’un des plus grands spécialistes du conflit israélo-arabe. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont «Israël-Palestine, vérités sur un conflit» (2001), «l’Islam, la République et le monde» (2004) et plus récemment encore «De quoi la Palestine est-elle le nom ?». Il est aussi co-auteur de «cent clés du Proche-Orient» (1996, avec Dominique Vidal) et «L’Islam en question» (2001, avec Tariq Ramadan).
Sa manière de voir le conflit qui divise le monde et fonde des fractures énormes dans la région, est tout simplement dictée par son attachement au respect du droit international. Et quand on l’accuse d’être «pro-palestinien», il répond invariablement : «non, je suis pour le respect du droit international».
La conférence qu’il animait cet après-midi (mardi 9/10) avait pour thème : «Le conflit israélo-arabe après les révoltes régionales». Il l’a commencée par une description du processus historique de la colonisation du territoire. Pour lui, il s’agit là d’abord d’un «conflit colonial». Peut-être le dernier mais c’en est un.
Pour différentes raisons, ce conflit colonial qui devait être réglée comme le furent celui de l’Algérie (en boutant les colons dehors) ou de l’Afrique du Sud (en les laissant s’établir et jouir de leurs droits de citoyens), ce conflit a fini par cristalliser toutes les haines, remettant en surface les vieilles inimités entre l’Occident et l’Orient et alimentant du coup tous les extrémismes religieux.
Aujourd’hui, et depuis les attentats du 11/9 de New York, la nouvelle grille de lecture de ce conflit est celle qui passe par le prisme du «terrorisme international» qui est défini comme une menace globale pour le «monde libre». Cela se traduit, en Europe, par le renforcement des partis d’extrême-droite qui ont troqué leur antisémitisme contre l’islamophobie mieux vendue dans ces aires où la pensée dominante a désigné l’Islam et le Monde musulman comme «l’ennemi principal».
Cela se traduit aussi par une perception d’Israël comme étant à l’Etat «occidental» qui se trouve dans l’avant-garde de la lutte contre cette menace. Israël qui a l’intelligence de se trouver des ennemis contre lesquels les opinions occidentales sont fédérées. Un temps ce sera l’Irak, un autre l’Iran, et entretemps ce sont d’abord les organisations palestiniennes qui luttent pour recouvrer une partie de leurs droits.
Même si le conférencier reconnait «le droit de l’opprimé à répondre à la violence de l’oppresseur par la violence», ce qu’il considère être «un droit inaliénable», le conférencier estime que l’une des nouveautés du «printemps arabe» réside dans l’adoption, par les contestataires, de nouvelles formes de lutte qui s’avèrent payantes, notamment la lutte pacifique.  
Dans un article sur «la colère des Musulmans» où il essaye de démonter cette vision tronquée d’un Monde musulman unique et structuré, il écrivait récemment : «Il est vrai que domine souvent dans le monde musulman un discours contre les agressions occidentales. Mais relève-t-il seulement de la paranoïa ? On peut dresser une longue liste des guerres menées contre des pays musulmans depuis la fin de la guerre froide, de l’Irak à Gaza, du Liban à l’Afghanistan, sans parler des drones qui tuent régulièrement au Pakistan ou au Yémen. Même si ces agressions ne visent pas l’islam, elles touchent des pays appartenant tous à «l’aire musulmane».»
Plus loin, la «lettre à ma fille» qui préfaçait le livre Israël-Palestine et qui expliquait l’intérêt pour elle, et à travers elle de ses jeunes compatriotes, de comprendre ce conflit : «Avec l’échec des accords d’Oslo, avec la spirale de la violence au Proche-Orient, j’ai été pendant un temps saisi par le découragement. Une nouvelle fois la paix s’éloignait, une nouvelle fois la région se trouvait emportée dans la folie et les affrontements. Pis, le conflit débordait dans l’Hexagone. Des milliers de Français juifs, souvent très jeunes, manifestaient devant l’ambassade d’Israël, quelques-uns aux cris de «Mort aux Arabes !». Ailleurs, d’autres jeunes Français, souvent d’origine maghrébine, clamaient leur indignation devant la répression en Cisjordanie et à Gaza, quelques-uns aux cris de «Mort aux juifs !». Des synagogues ont été attaquées, brûlées. Pendant plusieurs semaines, le spectre d’une guerre communautaire a flotté sur la «douce France». Au-delà de la condamnation de principe de toutes les manifestations d’antisémitisme, les responsables politiques ont paru paralysés. Dans les collèges, les lycées, des enseignants tétanisés expliquaient qu’ils préféraient garder le silence plutôt qu’ouvrir le débat : les solidarités «communautaires» - les «feujs» avec Israël, les «beurs» avec les Palestiniens, les «Français de souche» regardant ailleurs - paraissaient tellement fortes, tellement «naturelles», tellement insurmontables ; il valait mieux éviter de les exacerber
Enfin pour expliquer les révoltes de 2011, il explique dans une interview accordée au quotidien L’Humanité : «L’autoritarisme de l’État et l’arbitraire absolu qui fait que n’importe qui peut se retrouver battu et torturé dans un commissariat, pour des raisons politiques ou non. Des problèmes économiques et sociaux, avec une détérioration de la situation depuis dix ans par les politiques ultralibérales. Un État providence érodé au moment où se créent des fortunes insolentes. Une population jeune – 50 % de moins de vingt-cinq ans – qui déboule par vagues sur le marché du travail et ne trouve pas de travail. Même s’il y a eu une révolution démographique, les vagues actuelles sont les plus nombreuses. En Égypte, un million et demi de jeunes ont fêté leurs vingt ans en 2010. Cette jeunesse, plus éduquée que les générations précédentes, a acquis d’autres schémas de pensée. Elle a grandi dans un monde plus ouvert, avec l’accès aux télévisions, à Al Djazira, à Internet. Elle est imprégnée de l’idéal des droits de l’homme et des libertés, qui, contrairement à ce qu’on pensait, n’est plus l’apanage des couches intellectuelles et petite-bourgeoises

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