Le Gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie vient de lancer deux nouveaux actes sur la voie des réformes entreprises depuis quelques temps en vue d’organiser, de réguler voire de surveiller en temps réel les transactions financières via les nouveaux moyens de paiement électronique dans notre pays.
Sujet à de nombreuses critiques pour
l’absence supposée d’outils efficaces de contrôle de ces transactions, parfois
pour la nouveauté que constitue ces nouveaux moyens de paiement au sein de
l’écosystème financier, notre pays met les bouchées doubles pour renforcer le
dispositif réglementaire et technique et rassurer ainsi nos partenaires. Qui
plus est, l’un des premiers soucis des autorités a été – est encore –
d’améliorer la gestion des flux financiers et de développer les outils aidant à
leur traçabilité. Dans un contexte mondial marqué par l’explosion des chiffres
concernant le blanchiment d’argent sale provenant d’activités illicites voire
criminelles, le contrôle et la transparence sont une exigence pour tous les
pays particulièrement les plus faiblement outillés pour faire face aux flots
incessants d’activités dangereuses et transnationales.
Deux instructions viennent d’être
signées par le Gouverneur Mohamed Lemine Ould Dhehbi dans le but de réorganiser
le système de transactions financières. Ces instructions (10/GR/2024 et
11/GR/2024) révisent et améliorent la réglementation relative aux transactions
mobiles à travers les comptes de paiement appelés Wallet ou des comptes
bancaires traditionnels.
Notre pays a connu une explosion
d’acteurs financiers dédiés à l’offre de services rapides de paiements et de
transferts de fonds. Comme souvent, ces acteurs ont rapidement dépassé les
planchers fixés par la réglementation pour hisser le niveau de leurs transactions
au niveau de celles des organismes financiers à part entière.
Si au début les limites étaient
fixées à 6000 MRU pour les paiements et à 30000 MRU pour les retraits, ces
comptes ont fini par faire faire transiter les centaines de millions dans des
transactions dont l’objet n’est pas toujours suffisamment identifié et par des
personnes dont le KYC (connaître son client) l’est parfois moins. C’est ainsi
que les limites fixées par instruction 02/GR/2022 ont vite été désuètes. Ce
dépassement des seuils ouvre la voie à
toutes les anomalies y compris la confusion entre les activités sur un compte
conçu pour faciliter les paiements de factures et ne nécessitant aucune mesure
particulière parce que ne présentant pas de risque sécuritaire, et un compte
bancaire traditionnel qui exige une grande rigueur dans l’identification du
propriétaire et le suivi de ses transactions.
Dans la perspective de l’adoption de
ces comptes par de nouveaux opérateurs notamment dans les télécommunications,
les paiements innovants ou les Fintechs nouvellement agréés, la nouvelle
instruction 11/GR/2024 vient renforcer ce dispositif en élevant les limites
transactionnelles et en simplifiant les procédures de vérification de
l'identité du client (KYC), dans le but d'élargir l'accès aux services de
paiement tout en assurant un niveau élevé de sécurité et de conformité
réglementaire.
Contrairement aux comptes bancaires
classiques, qui offrent une gamme complète de services incluant l'épargne et le
crédit, les comptes de paiement se spécialisent dans l'orchestration des
transactions de la vie quotidienne, offrant ainsi une solution souple et
facilement accessible pour répondre aux besoins financiers immédiats des
utilisateurs.
La gestion électronique des comptes
bancaires traditionnels introduit le concept d’«opération bancaire digitale»
qui désigne la transaction opérée à travers toute plateforme numérique ou le
mobile et qui se base sur un compte bancaire ouvert exclusivement auprès d’une
banque.
L’instruction 10/GR/2024 adapte la
réglementation aux nouvelles donnes des transformations exponentielles de
l’outil technique tout en préservant la mission qui est celle d’encadrer les
opérateurs pour se conformer aux normes de sécurités, de conformité et
d’efficacité requises pour protéger les intérêts des utilisateurs et raffermir
la confiance dans le système financier national.
Ces deux instructions répondent à un
double objectif. D'une part, elles renforcent les mesures de sécurité et de
conformité réglementaire, en exigeant des informations détaillées sur les
revenus des clients et en optimisant les applications bancaires mobiles pour
prévenir les abus et garantir la sécurité des transactions. D’autre part elles
visent à simplifier l'accès aux services financiers, en établissant des règles
claires et des limites transactionnelles adaptées aux besoins des utilisateurs,
tout en ouvrant la voie à l'intégration de nouveaux acteurs dans l'écosystème
financier, tels que les sociétés de télécommunications, les fintechs et les
établissements de paiement nouvellement agréés. Du reste, les limites ne sont
en aucun cas en porte à faux avec l’objectif d’inclusion financière car les
revenus modestes s’y prêtent naturellement à merveille. Ces limites
n’encourageraient pas non plus l’utilisation du cash car cette dernière est
réglementée et fait l’objet de restrictions rigoureuses.
D'autre
part, ces réformes s'inscrivent dans un contexte plus large d'assainissement du
secteur financier, reflétant la détermination des autorités à accompagner
l'innovation tout en préservant la stabilité et l'intégrité du système
financier mauritanien. En somme, ces textes réglementaires marquent une étape
cruciale vers un système financier plus inclusif, transparent et sécurisé,
capable de répondre aux attentes des utilisateurs modernes et de soutenir le
développement économique du pays.
Ould Oumeir
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire