On l’attendait depuis très longtemps. Cela n’est arrivé que la semaine
dernière. Quatre ministres sont partis, trois ont fait leur entrée. A première
vue, un petit changement, à y regarder de près une grande évolution.
Lecture.
Lundi 29 octobre, à la mi-journée, la Mauritanie apprend que l’ingénieur
Yahya Ould Hademine a finalement présenté la démission de son gouvernement au
Président de la République. L’événement, très attendu depuis quelques mois,
surtout depuis la mise en place du bureau de la nouvelle Assemblée nationale,
est de taille. D’ailleurs TVM l’annonce en urgence avant de diffuser la
déclaration du démissionnaire. Quelques phrases pour signifier toute sa
reconnaissance au Président qui lui a fait confiance et qui lui a permis de
participer à l’effort de construction nationale.
C’est par la même TVM que nous confirmons aussi la nomination de son
successeur, Mohamed Salem Ould Bechir, jusque-là Administrateur-Directeur
général de la Société Nationale industrielle et minière (SNIM). Il aura 24
heures pour désigner son gouvernement. Mercredi 31 octobre, encore en milieu de
journée, l’annonce tombe.
Un gouvernement légèrement diminué avec deux départements en moins, soit 24
membres dont 7 femmes. Quatre personnes ont quitté le gouvernement pour laisser
entrer trois nouvelles figures.
Pressenti Président du Conseil constitutionnel, Diallo Mamadou Bathia cède
sa place au Général de Division Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed Ould El
Ghazwani qui devra visiblement cumuler son portefeuille ministériel avec sa
fonction de Chef d’Etat Major des Armées. Cette nomination surprend dans la
mesure où la Mauritanie n’avait plus eu de militaire à ce poste depuis 1992.
D’autant plus que les auteurs du coup d’Etat d’août 2005 s’étaient interdit de
nommer un militaire dans le gouvernement.
On peut affirmer à ce stade qu’elle permet au Général jusque-là
exclusivement occupé par sa mission militaire, au moins d’apparaitre
publiquement dans la tenue civile. Lui qui va à la retraite dans moins de deux
mois aura aussi à préparer sa relève à la tête des forces armées et de
sécurité.
Mohamed Abdallahi Ould Oudaa, Mohamed Lemine Ould Cheikh et Coumba Bâ
quittent aussi le gouvernement.
Au porte-parolat du gouvernement, Ould Cheikh est remplacé par Me Sidi
Mohamed Ould Maham, le président du parti Union pour la République (parti au
pouvoir). Ce choix trahit la volonté de se préparer à des batailles politiques
où la compétence en plaidoyer est demandée. Me Ould Maham qui a déjà fait ses
preuves au même poste, est un tribun de grande qualité. Son parcours lui a
permis de se frotter aux forces politiques en présence et sa parole peut
engager son gouvernement.
Autre nouvelle figure, Mme Djindah Bal, une jeune battante appartenant à ce
microcosme des jeunes entrepreneurs férus de technologies nouvelles. A l’heure
des startups, elle est toute indiquée pour le département de la jeunesse et des
sports mal pourvu depuis quelques années.
Les ministres (re)nommés ont soit gardé leurs départements, soit changé de
portefeuilles. C’est ainsi que Naha Mint Mouknass dont le parti (Union pour la
démocratie et le progrès) s’est imposé comme troisième force politique lors des
dernières élections, hérite de l’éducation nationale. Le secteur malade de l’absence
d’initiative et d’action. La dernière grande tentative de le réformer date du
passage de Mme Nebghouha Mint Haba (2007-2008). Depuis, on est revenu à la
gestion quotidienne des affectations et des établissements scolaires. Aucune
réforme n’a été engagée malgré la tenue des états de l’éducation. Le
prédécesseur de Mint Mouknass, Isselmou Ould Sidi El Moktar va au ministère de
l’hydraulique où l’attend le dossier de l’assainissement de Nouakchott mais
aussi celui de la gestion de l’eau dans un pays désertique où il faut trouver
des solutions pérennes aux problèmes d’approvisionnement des populations et des
industries.
Contrairement au secteur de l’éducation natinale, l’enseignement supérieur
a connu une grande réforme impulsée par le ministre Sidi Ould Salem, un
professeur d’université qui a eu le courage et la ténacité nécessaire pour
imposer une gouvernance toute neuve au département. Malgré l’hostilité
générale, Ould Salem a tenu.
Seyidna Ali Ould Mohamed Khouna retrouve le ministère de la Fonction
publique et de la Modernisation de l’administration auxquelles on a ajouté
l’emploi. Son passage précédent à la tête de ce département lui avait permis
d’introduire nombre de textes fondamentaux, notamment ceux sur l’adéquation de
la rémunération des fonctionnaires, de leurs statuts et de la gestion de leurs
carrières. Revenir pour compléter le travail accompli probablement par la
réforme des retraites.
Nani Ould Chrouqa quitte la pêche où il a pu impulser une stratégie basée
sur la gestion efficiente de la ressource, la maitrise des outils
d’exploitation et la création d’une infrastructure à même de permettre
l’intégration de l’activité dans le tissu économique. Le grand objectif de
cette stratégie est de faire profiter la Mauritanie de la nouvelle gouvernance
du secteur et son peuple des retombées de l’activité (emplois, profits,
transformation). Il va à l’urbanisme, véritable bombe sociale même si d’énormes
efforts ont été consentis par les pouvoirs publics pour atténuer les effets
d’une pression démographique sans précédent sur les milieux urbains.
Il y a les ministres de la continuité, ceux qui sont restés là où ils
étaient. C’est le cas de Moktar Ould Diaye, le tout-puissant ministre de
l’économie et des finances qui survit à la campagne menée contre lui y compris
par ses collègues. Il devra défendre le budget qu’il a élaboré devant le
Parlement avant de l’exécuter dans les règles qu’il s’est fixé.
Le cas aussi de Mohamed Ould Abdel Vettah qui reste aux mines, énergie et
pétrole. Ce jeune spécialiste en la matière, a pu convaincre de grandes
sociétés d’exploitation à venir investir ici. Il est aussi l’artisan de
l’accord entre le Sénégal et la Mauritanie en vue de l’exploitation du champ
gazier de Tortue-Ahmeyim.
Avec Amal Mint Maouloud, Ould Diaye et Ould Abdel Vettah sont aussi membres
de la commission chargée de redynamiser l’UPR et dont la mission ne se termine
qu’avec le congrès ordinaire de décembre.
Un gouvernement politique si l’on veut. La nouvelle composition ne peut
échapper à la grille de lecture prenant en compte la présidentielle de 2019. Le
choix de Mohamed Salem Ould Bechir révèle un souci d’apaisement et
d’efficacité. Ce jeune technocrate, même s’il ne fera que ce qu’on lui
demandera de faire, n’est pas porté sur l’entretien d’atmosphère délétère pour
pouvoir se maintenir. Libéré des occupations politiciennes, sa mission sera
celle de travailler pour l’accomplissement d’une multitude de projets en
suspend.
Cap sur 2019 ? Ajouté à l’élection de Cheikh Ould Baya à la Présidence
du nouveau Parlement, la composition du nouveau gouvernement semble bien être
le prélude à une transition qui ne dit pas son nom.
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